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25/06/2024 | FRANCE | N°24/00579

France | France, Cour d'appel de Nîmes, Rétention_recoursjld, 25 juin 2024, 24/00579


Ordonnance N°552







N° RG 24/00579 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JHTV











J.L.D. NIMES

22 juin 2024













[T]





C/



LE PREFET DU VAR











COUR D'APPEL DE NÎMES



Cabinet du Premier Président



Ordonnance du 25 JUIN 2024





Nous, Mme Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel

de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mm...

Ordonnance N°552

N° RG 24/00579 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JHTV

J.L.D. NIMES

22 juin 2024

[T]

C/

LE PREFET DU VAR

COUR D'APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 25 JUIN 2024

Nous, Mme Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,

Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 18 janvier 2024 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 20 juin 2024, notifiée le même jour à 18h45 concernant :

M. [V] [T]

né le 24 Décembre 1989 à [Localité 2]

de nationalité Russe

Vu la requête présentée par Monsieur [V] [T] le 21 juin 2024 à 16h01 tendant à voir contester la mesure de placement en rétention prise à son égard le 20 juin 2024 ;

Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 21 juin 2024 à 17h19, enregistrée sous le N°RG 24/2921 présentée par M. le Préfet du Var ;

Vu l'ordonnance rendue le 22 Juin 2024 à 11h47 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Ordonné la jonction des requêtes ;

* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;

* Rejeté la requête en contestation de placement en rétention ;

* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [V] [T] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 22 juin 2024 à 18h45,

Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [V] [T] le 24 Juin 2024 à 09h41 ;

Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [S] [J], représentant le Préfet du Var, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu l'assistance de Madame [L] [I], interprète en langue russe, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,

Vu la comparution de Monsieur [V] [T], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Adil ABDELLAOUI, avocat de Monsieur [V] [T], subtitué par Me Annélie DESCHAMPS, qui a été entendue en sa plaidoirie ;

MOTIFS

Monsieur [V] [T] a été condamné le 18 janvier 2023 par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Toulon à la peine complémentaire d'interdiction du territoire national pendant trois ans.

Monsieur [V] [T] a fait l'objet d'une mesure de garde à vue le 20 juin 2024, à [Localité 4], à 10h35.

Par arrêté de la préfecture du Var en date du 20 juin 2024 et qui lui a été notifié le jour même à 18h45, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.

Par requêtes du 21 juin 2024, Monsieur [V] [T] et le Préfet du Var ont respectivement saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une contestation de ce placement en rétention et d'une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée le 22 juin 2024, à 11h46, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [V] [T] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.

Monsieur [V] [T] a interjeté appel de cette ordonnance le 24 janvier2024, à 9h41.

Sur l'audience, Monsieur [V] [T] déclare que :

- il veut aller en Belgique,

- il ne veut pas aller dans son pays,

- au centre de rétention, il indique que tout va bien.

Son avocat soutient que :

- sur la contestation de la mesure, il n'y a pas eu de prise en compte des perspectives réelles d'un éloignement en Russie car ce retour en Russie est compliqué : il n'y a pas de renvoi possible dans un état en guerre, il n'y a d'ailleurs plus de vol direct pour la Russie mais seulement avec des transits, avec des pays tiers, ce qui démontre l'impossibilité de l'éloignement.

Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel :

- la Préfecture se fie aux autorités russes selon lesquelles il n'y a pas de guerre sur son sol,

- l'éloignement vers la Russie d'un ressortissant russe documenté est possible via la Turquie,

- il y a depuis deux ans un conflit russe/ukraine, mais l'éloignement est possible,

- le retenu est défavorablement connu.

SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :

L'appel interjeté par Monsieur [V] [T] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il est donc recevable.

SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:

L'article 563 du code de procédure civile dispose : «  Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L'article 565 du même code précise : «  Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.

A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôles d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.

En l'espèce, Monsieur [V] [T] soutient que la notification des droits de la rétention administrative est illisible et qu'il est impossible d'éloigner le retenu vers un pays en guerre en vertu d'une contestation du placement en rétention. Ces moyens sont recevables.

SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D'IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L'ARRÊTÉ :

L'article L.743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger »

Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Sur la notification des droits en rétention :

Il ressort de la procédure que le retenu ne conteste pas avoir reçu la notification de ses droits, que s'il a refusé de la signer, il a été assisté d'un interprète en langue russe. Dès lors, la copie d'une piètre qualité, versée au dossier, ne porte pas en elle-même la trace d'une irrégularité portant grief. Il y a donc lieu de rejeter le moyen soulevé.

CONTESTATION DU PLACEMENT EN RÉTENTION ADMINISTRATIVE:

Le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de l'administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.

Sur l'erreur manifeste d'appréciation:

Depuis le 1er novembre 2016, le Juge des libertés et de la détention est compétent pour apprécier la légalité de la décision de placement en rétention aux fins d'éloignement ainsi que pour contrôler l'exécution de cette mesure et décider de sa prolongation. Il n'est en revanche pas le juge de l'opportunité ni de la légalité de la mesure d'éloignement qui fonde cette décision de rétention.

Une décision de placement en rétention administrative est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation lorsque l'administration s'est trompée grossièrement dans l'appréciation des faits qui ont motivé sa décision.

Le juge judiciaire peut sanctionner une telle erreur à condition qu'elle soit manifeste et donc évidente, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu'elle entraîne une solution choquante dans l'appréciation des faits par l'autorité administrative, notamment en ce qu'elle est disproportionnée par rapport aux enjeux et nécessités d'éloignement de l'intéressé.

Il convient de rappeler que la décision administrative de placement en rétention est prise au visa des éléments dont l'autorité préfectorale dispose alors et notamment des justificatifs de garanties de représentation qui sont déjà en sa connaissance.

En l'espèce, il n'est pas rapporté la preuve d'une impossibilité d'éloigner le retenu vers la Russie, une réservation aérienne ayant été sollicitée et des transits via des pays tiers étant réalisables.

La décision de placement en rétention concernant Monsieur [V] [T] ne procède ainsi d'aucune erreur manifeste d'appréciation et le moyen ainsi soulevé doit être rejeté.

SUR LE FOND :

L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.

L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»

Au motif de fond sur son appel, Monsieur [V] [T] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ, que son éloignement à bref délai est compromis parce que la Russie est un pays en guerre.

Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l'objet ne se justifie plus et doit donc être levée.

Pourtant, aucune démonstration d'un empêchement objectif vers la Russie n'est rapporté, un transit par un autre pays étant toujours possible, comme rappelé ci-dessus. Une réservation aérienne a été demandée le 21 juin 2024.

Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n'a pas failli à ses obligations. En conséquence, le moyen soulevé sera rejeté.

SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [V] [T]:

Monsieur [V] [T], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il ne justifie, de plus, d'aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.

Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.

Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.

Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [V] [T] ;

CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,

le 25 Juin 2024 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. [V] [T], par l'intermédiaire d'un interprète en langue russe.

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

- Monsieur [V] [T], par le Directeur du CRA de [Localité 3],

- Me Adil ABDELLAOUI, avocat

,

- M. Le Préfet du Var

,

- M. Le Directeur du CRA de [Localité 3],

- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES,

- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : Rétention_recoursjld
Numéro d'arrêt : 24/00579
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;24.00579 ?
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