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25/06/2024 | FRANCE | N°22/02134

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 25 juin 2024, 22/02134


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/02134 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IPIS







CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LYON

31 mai 2022



RG :F20/00446







[Z]





C/



S.A. EURENCO





















Grosse délivrée le 25 JUIN 2024 à :



- Me CHABANOL

- Me AUTRIC



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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 25 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON en date du 31 Mai 2022, N°F20/00446



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Evelyne MARTIN, Consei...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/02134 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IPIS

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LYON

31 mai 2022

RG :F20/00446

[Z]

C/

S.A. EURENCO

Grosse délivrée le 25 JUIN 2024 à :

- Me CHABANOL

- Me AUTRIC

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON en date du 31 Mai 2022, N°F20/00446

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 Avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [X] [Z]

né le 12 Janvier 1980 à [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Mélanie CHABANOL de la SELARL CABINET MELANIE CHABANOL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A. EURENCO

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Thomas AUTRIC de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Mars 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 25 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [X] [Z] a été engagé par la SA Eurenco suivant contrat à durée indéterminée en date du 14 janvier 2019, en qualité de directeur de l'établissement de [Localité 11], classification V, ingénieurs et cadres, coefficient 770 de la convention collective nationale des industries chimiques.

Le 24 avril 2020, M. [X] [Z] était placé en arrêt de travail jusqu'au 28 août 2020.

Mis à pied à titre conservatoire et convoqué par lettre du 08 juillet 2020 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 21 juillet 2020, M. [X] [Z] a été licencié pour faute grave par lettre du 27 juillet 2020, aux motifs suivants :

« (...) Vous avez intégré l'entreprise comme Directeur de l'usine Eurenco de [Localité 11] le 14 janvier 2019. Vous avez depuis la responsabilité de l'usine et de ses 300 salariés, qui fabriquent pour l'essentiel des explosifs militaires de forte puissance, dans des ateliers répartis sur plus de 200 hectares, qui tournent pour certains en 5x8 .

L'installation est très exposée, classée SEVESO seuil haut, et est particulièrement surveillée par l'administration, du fait de son activité, mais aussi à la suite d'un début d'incendie en septembre 2019 et de l'actualité « [U] ».

Alors que vous êtes en arrêt maladie depuis fin avril 2020, renouvelé le 3 juillet à échéance du 28 août, la DREAL, a réalisé sur le site une visite de contrôle le 26 juin 2020. Le procès-verbal dressé à la suite de cette visite a été adressé à l'entreprise, et est à l'origine de votre mise à pied.

Il mentionne des anomalies graves, susceptibles d'entraîner des mises en demeure par le Préfet et des sanctions pour l'entreprise, en plus des risques encourus par les installations et les salariés et notamment :

* « l'exploitant n'a pas respecté son engagement de retirer l'ensemble des produits liquides inflammables du bâtiment 112 »,

* Bat 351 : 5' pour détecter, 15' de mise en place du POI, soit 20' pour le début d'utilisation des moyens fixes. C'est supérieur à 15' comme demandé à l'article 43.2.4 de l'arrêté Ministériel (il faut 15' de détection, +15' de mise en place du POI +30' pour amener les moyens).

Le procès-verbal constate « Il y a non-respect des délais de 15' de déclenchement des moyens fixes, 30' pour la mise en oeuvre des premiers moyens d'extinction par une personne apte. La stratégie doit être revue dans l'attente de la solution définitive.

* Le 10 GRC du bâtiment 901 et la cuve du bâtiment 667 ne sont pas sous rétention.

Ces constations ne sont pas uniquement l'état de lieux des dysfonctionnements relevés à l'occasion d'une visite de contrôle.

Ils sont d'abord et avant tout le relevé des actions sur lesquelles vous aviez pris des engagements dans le domaine de la sécurité auprès de l'administration en charge de la contrôler, lors de précédentes visites.

Vous vous étiez engagé à les mettre en oeuvre pour améliorer la sécurité des personnes, des biens, et de l'environnement.

Vous n'avez ni mis en 'uvre des mesures concrètes d'exploitation au demeurant assez simples: - Retirer les produits d'un bâtiment pour limiter les risques d'incendie,

- Mettre des cuves sur des bacs de rétention

ni pris les mesures d'organisation pour adapter les modes d'interventions pour les raccourcir.

Ces changements ne demandaient ni d'investissement particulier, ni support externe, mais bien un suivi et une animation de la Direction.

Lors de l'entretien, vous avez tenu à faire valoir :

- « tout ça, c'est des remarques classiques, on doit mettre en 'uvre des actions »

- « on allait retirer les cuves, on allait mettre de bas, on allait' »

J'ai été obligé de remettre les faits qui vous sont reprochés, et vos réponses, en perspective du contexte de votre exercice dans la fonction depuis votre arrivée il y a un an et demi.

A votre arrivée sur le site, en janvier 2019, l'équipe incendie était dotée d'un vieux véhicule en fin de vie, dont les signes de faiblesse étaient tellement évidents que la sécurité du site rendait son remplacement indispensable.

L'autorisation de commande d'un nouveau camion de pompiers pour [Localité 11] avait été signée par le Directeur Général sur le départ en décembre 2018.

L'autorisation portait sur l'acquisition d'un véhicule d'occasion, présélectionné par le service achats, pour 100.000 Euros.

Alors que les salariés s'inquiétaient de ne pas voir arriver de nouveau moyen de secours, vous avez raconté aux salariés et aux élus du personnel qu'on ne trouvait pas de véhicule d'occasion sur le marché. Vous avez dans le même temps fait changer les spécifications associées au véhicule auprès du service des achats pour qu'elles correspondent à un camion neuf, pour un prix de 250.00 Euros.

Le service financier n'a pas pu trouver de financement pour le véhicule.

Lorsque l'atelier de RDX a pris feu en septembre 2019, le vieux véhicule qui était évidemment toujours sur le parc n'a pas démarré, non seulement du fait de son âge, mais en plus pour défaut d'entretien. La chance a fait que le feu a été circonscrit avec des moyens classiques. Il aurait pu en être autrement.

A l'issue de l'incendie, à défaut d'une quelconque action de votre part, il a fallu que je m'occupe personnellement avec le service achat de l'acquisition du camion de remplacement sur un marché de l'occasion avec des véhicules remis à neuf parfaitement en phase avec le besoin.

Vous n'avez pas fait preuve de plus de rigueur dans votre gestion de la sécurité du site au titre de la co-activité avec le chantier Phénix : lorsque les arbres ont été abattus pour pouvoir faire passer les camions, vous n'avez pas spontanément initié l'information consultation des représentants du personnel du site pour opérer l'actualisation du plan de risques associé à la circulation, il a fallu vous le demander.

Les problèmes de coordination entre le chantier et le site étant récurrents, et le CHSCT du site devenu CSE, sous votre responsabilité, je vous ai demandé de mettre un point « Phénix » systématique à l'ordre du jour des réunions mensuelles, pour la sécurité. Ce que là encore, vous n'avez pas fait.

Lors de l'entretien vous avez répondu « on faisait les réunions tous les trimestres, j'ai peut-être oublié certains mois. »

Vous avez tenu au final à revenir sur l'ampleur des chantiers que vous aviez à mener, et l'insuffisance des moyens qui auraient été mis à votre disposition.

J'ai été obligé de vous rappeler que concernant les faits qui vous étaient reprochés, à savoir les manquements constatés par la DREAL, vous n'aviez à aucun moment soulevé un quelconque manque de moyens pour agir, y compris lors de l'entretien préalable.

Dans le domaine de la sécurité, aucun investissement demandé par vos soins n'a été refusé, ce que vous n'avez pas contesté, et épuise le débat.

Les faits qui vous sont reprochés ' l'inexécution continue, caractérisée de responsabilités élémentaires associées à un poste de Direction de site pyrotechnique ' les conséquences possiblement associées, interdisent la poursuite de la relation de travail à effet immédiat.

La gravité des faits retenus à l'appui de la rupture du contrat exclut le versement d'une indemnité de licenciement ou de préavis, comme la rémunération de la période de mise à pied conservatoire nécessaire à la réalisation de la procédure. (' )»

Contestant cette mesure, M. [X] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon, par requête reçue le 03 décembre 2019, afin de voir dire son licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, et condamner la SA Eurenco à lui payer plusieurs sommes indemnitaires.

Par jugement contradictoire du 31 mai 2022, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :

- dit que le licenciement de M. [X] [Z] est intervenu pour une faute grave et donc la mise à pied est justifiée,

En conséquence,

- débouté M. [X] [Z] de ses demandes et de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [X] [Z] à verser à la société Eurenco la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par acte du 24 juin 2022, M. [X] [Z] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 19 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 mars 2024. L'affaire a été fixée à l'audience du 30 avril 2024 à laquelle elle a été retenue.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 06 décembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens développés à l'appui de ses prétentions, M. [X] [Z] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement déféré du 31 mai 2022 en toutes ses dispositions en ce qu'il :

* l'a débouté de ses demandes et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamné à verser la société Eurenco la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Statuant de nouveau et à titre principal,

- prononcer la nullité du licenciement notifié le 27 juillet 2020,

- condamner la société Eurenco à lui payer, outre intérêts de droit à compter de la demande,

* 6.713,77 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire (du 8 au 27 juillet 2020)

* 671,37 euros au titre des congés payés afférents

* 31.748,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de trois mois de préavis en application de la convention collective

* 3.174,85 euros au titre des congés payés afférents

* 3.968,56 euros à titre d'indemnité légale de licenciement (ancienneté de 18 mois)

*outre intérêts de droit à compter du jugement à intervenir

*10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation des conditions vexatoires du licenciement

* 63.492 euros nets à titre de dommage et intérêts pour licenciement nul

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement prononcé le 27 juillet 2020 ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse

- condamner la société Eurenco à lui payer :

*outre intérêts de droit à compter de la demande

* 6.713,77 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire (du 8 au 27 juillet 2020)

* 671,37 euros au titre des congés payés afférents

* 31.748,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de trois mois de préavis en application de la convention collective

* 3.174,85 euros au titre des congés payés afférents

* 3.968,56 euros à titre d'indemnité légale de licenciement (ancienneté de 18 mois)

*outre intérêts de droit à compter du jugement à intervenir

*10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation des conditions vexatoires du licenciement

* 63.492 euros nets à titre de dommage et intérêts pour licenciement dépourvu de cause

réelle et sérieuse (équivalent à 6 mois de salaire), à titre infiniment subsidiaire à 21.164 euros nets en application du maximum du barème,

En toute hypothèse,

- rejeter l'intégralité des demandes, fins et prétentions de la société Eurenco,

- condamner la société Eurenco à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En l'état de ses dernières écritures en date du 21 octobre 2022 contenant appel incident, et auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens développés à l'appui de ses prétentions, la SA Eurenco demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il :

* dit que le licenciement de M. [X] [Z] est intervenu pour une faute grave et donc la mise à pied est justifiée ;

* débouté M. [X] [Z] de ses demandes et de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné M. [X] [Z] à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A titre subsidiaire :

- juger que le licenciement de M. [Z] repose sur une faute simple, cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Par conséquent :

- limiter le montant de ses condamnations aux sommes correspondant aux indemnités légales de rupture ;

A titre infiniment subsidiaire :

- juger qu'il y a lieu de ramener le montant des demandes indemnitaires de M. [Z] à de plus justes proportions ;

En tout état de cause :

- débouter M. [Z] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre reconventionnel :

- condamner M. [Z] à lui verser la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, le cas échéant,

- préciser dans la décision à venir que le montant des condamnations éventuelles doit s'entendre en brut.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS

Sur le bien fondé du licenciement :

S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

Si l'article L1332-4 du code du travail prévoit en principe qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance, en revanche ce texte ne s'oppose à pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

La faute grave libère l'employeur des obligations attachées au préavis. Elle ne fait pas perdre au salarié le droit aux éléments de rémunération acquis antérieurement à la rupture du contrat, même s'ils ne sont exigibles que postérieurement.

La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.

Selon l'article L1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

L'article 1332-2 du même code dispose que lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

Le licenciement prononcé en raison de la faute disciplinaire du salarié doit donc respecter un délai maximum de deux mois entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure disciplinaire et un délai maximum d'un mois entre l'entretien préalable et la notification de la sanction, à défaut, le licenciement est irrégulier.

Sur les anomalies relevées par la DREAL :

- non-respect de son engagement de retirer l'ensemble des produits liquides inflammables du bâtiment 112 :

La SA Eurenco reproche à M. [X] [Z] de ne pas avoir respecté son engagement de retirer l'ensemble des produits liquides inflammables du bâtiment 112 et verse à l'appui de son argumentation :

- les 'conclusions de la visite d'inspection du 03/06/2019 de la DREAL : tous les bâtiments de stockage de produits inflammables n'étaient pas équipés de détecteurs incendie, et l'exploitant s'était engagé à équiper les bâtiments 14, 112, 125, 510-512, 534, 644 et 660 sous deux ans ; une fiche d'écart : 'l'exploitant n'a pas implanté de détecteur incendie dans tous les bâtiments de stockage de liquides inflammables' , réponse de l'exploitant : 'ces bâtiments seront équipés dans les 2 ans. En parallèle, une réflexion sera menée sur la nécessité de conserver le stockage de liquides inflammables sur l'ensemble de ces bâtiments...',

- une Fiche de constats suite à l'inspection du 26/06/2020 : 'l'exploitant dispose d'un mois à compter de la date de clôture de l'inspection pour enlever tous les liquides inflammables du bâtiment 112" et l'inspecteur conclut : 'l'exploitant n'a pas respecté son engagement de retirer l'ensemble des produits liquides inflammables du bâtiment 112",

- un rapport d'Audit réalisé les 29/30 août 2019 sur le site de [Localité 11] :

* 'la sensibilisation trimestrielles n'est pas respectée, elle permettrait pourtant un temps d'échange sur les sujets concrets et une mise à jour des consignes',

* s'agissant de l'organisation permettant d'assurer la maintenance préventive et corrective et le suivi des contrôles règlementaires : ' une organisation et une personne dédiée sont en place, mais limitées aux matériels, l'organisationnel n'est pas traité - l'ISAO faisait cela, les moyens de sécurité, les relances de lectures trimestrielles ou autres...Le niveau de prise en compte et de correction des écarts des remarques de contrôle réglementaires sera évalué au prochain audit car le ratio de 87% de conformité indique que de nombreuses remarques restent à prendre en compte'.

En réponse, M. [X] [Z] soutient que l'opération de transfert des produits inflammables dans les bâtiments 510 et 512 avait été ordonnée par M. [M] [O], directeur des opérations, alors que l'échange de courriels avec ce dernier, en date du 23/03/2020 (pièce n°13 produite par l'employeur) ne permet pas de confirmer ces dires, M. [X] [Z] apportant dans son courriel, les explications sollicitées par M. [M] [O] sur le déroulement de cette opération de transfert.

Quand bien même le directeur des opérations souhaitait manifestement la mise en oeuvre rapide du tranfert, ce dernier indiquant dans un courriel du même jour 'dernière demande. Nous ne pouvons démarrer la production avant d'avoir évacué totalement le bâtiment 512. Donc, il y a urgence identifier les 13 tonnes de produits transfert vers [Localité 9] et organiser le transfert au plus vite. Action [N] et Anto', il n'en demeure pas moins que le directeur du site n'a pas procédé aux opérations de transfert dans des conditions de sécurité optimale, lui-même reconnaissant une erreur dans son courriel en raison du transport du cubitainer de nuit, alors qu'il a été constaté par ailleurs que plusieurs fûts ont été éventrés au cours de cette opération.

M. [X] [Z] justifie avoir été en arrêt maladie du 25/04/2020 au 28/08/2020 ; néanmoins, depuis la visite de juin 2016, il aurait pu régulariser la situation et procéder au transfert des fûts avant la venue de la DREAL prévue pour le 26/06/2020, quand bien même son intérim a été assuré, pendant son absence, par M. [V] [S] à qui le directeur des opérations lui a confié le 25/05/2020 le 'bon fonctionnement du site de [Localité 11]'.

M. [X] [Z] verse au débats une 'note Plan de défense incendie du 18/11/2019" qui mentionne :

paragraphe 6.4.1.1 situation future : le bâtiment 112 sera dédié au stockage des liquides considérés non inflammables...c'est à dire aux liquides de point éclair supérieur 100°C et aux stockages de produits solides. Cela se traduit par l'exclusion des produits suivants actuellement pris en compte 'NEH, Epichlorhydrine, dans ces conditions, le bâtiment 112 sortira du périmètre du plan de défense incendie'.

Détection incendie : absence de détection incendie et de moyens d'extinction fixes dans les bâtiment 14, 112, 125, 510, 512, 644 et 660

Bâtiments : 14 :584m2, 95 000l de liquides inflammables

510/512 : 380m2, 38 000l de liquides inflammables

644: 400m2, 190000l de liquides inflammables

125: 6 400l de liquides inflammables 64m2

112: 828m2, 60000l de NEH, les liquides inflammables sont situés dans la partie basse du bâtiment,

534 : 16 080 de gasoil conditionnés dans 2 citernes en extérieur.'.

A considérer que cette note, élaborée sous la direction de M. [X] [Z], a été communiquée officiellement à la direction de la SA Eurenco, il n'en demeure pas moins qu'à l'exception du bâtiment 534, cinq mois après l'inspection de la DREAL le 03 juin 2019, manifestement aucune installation de détection incendie n'a été mise en oeuvre ou été projetée dans des délais raisonnables dans les autres bâtiments.

M. [X] [Z] prétend dans ses conclusions qu'il appartenait à la SA Eurenco de poursuivre les travaux qu'il avait initiés depuis 10 mois, sans pour autant apporter des éléments concrets et précis sur ces travaux concernant tant le transfert des produits inflammables que de l'installation des détecteurs incendie.

Enfin, M. [X] [Z] ne remet pas en cause sérieusement le contenu du courriel que lui a envoyé M. [E] [D] le 13/05/2020 : 'S'agissant des moyens te permettant d'agir, l'équipe du site et notamment celle d'encadrement n'a pas été réduite sur la période, et les compétences en nombre comme en qualité sont nombreuses. J'ai par ailleurs accepté que tu prennes un accompagnement externe (S Parzi) pour constituer un schéma directeur de site permettant de disposer d'une vision cible industrielle et prioriser les actions et nos investissements de site.Ce document n'est à ce jour toujours pas établi et validé...', de sorte qu'il apparaît bien que l'employeur a mis à sa disposition des moyens notamment humains pour l'aider dans l'accomplissement de ses missions professionnelles.

Il résulte des éléments qui précèdent que le grief est établi.

Non-respect des délais de procédure interne du bâtiment 351 :

La SA Eurenco reproche à M. [X] [Z] de ne pas avoir établi de Plan d'opération interne (POI) qui est un document opérationnel d'aide à la décision qui décrit l'organisation, l'intervention et les moyens disponibles sur un site industriel pour faire face à un sinistre majeur, alors que cela était expressément attendu de lui, et verse au débat :

- une fiche de constats de la DREAL suite à l'inspection du 26/06/2020 qui mentionne les observations suivantes : 'non conforme' : Bât 351 : 5 mn pour détecter, 15 mn de mise en place du POI, soit 20 mn pour le début d'utilisation des moyens fixes. C'est supérieur à 15 mn comme demandé à l'art 43.2.4 de l'AM (arrêté ministériel)'il faut 15 min de détection + 15mn de mise en place du POI + 30mn pour amener les moyens' ; Automatisation prévue en 2022 pour bât 531 : dans l'attente il y a non respect des délais de : 15 mn pour le déclenchement des moyens fixes, 30 mn pour la mise en oeuvre des premiers moyens d'extinction par une personne apte. La stratégie doit être revue dans l'attente de la solution définitive',

- un courriel de M. [M] [O] le 23/03/2020 : 'je souhaite recevoir une information détaillée sur l'ensemble des opérations réalisées sur le site pendant la journée d'hier et dans la soirée. Tu m'as appelé à 23h50 concernant un éventrement de fût et un épandage au 184. Depuis je reçois à 3h00 ce matin cet ACACIA concernant un épandage au 201-4. A 8H30, monsieur [Y] de la DREAL m'informe d'un éventrement de 3 futs de MEC ( méthyl éthyl cétone = solvant) au 184.

Tout ceci est extrêmement confus, et je n'ai aucun écrit de ta part alors même que l'administration a reçu cette information. C'est extrêmement embarrassant dans le contexte que tu connais où nous avons travaillé tout le Week-End et jusqu'à tard dans la nuit avec la DREAL pour obtenir un arrêté préfectoral aujourd'hui ou demain pour fabriquer de la solution hydro alcoolique. C'est pourquoi je te demande de me fournir avant midi :

1. La liste des opérations réalisées ce WE et aujourd'hui sur le site, y compris les transferts logistiques,

12. Un compte-rendu detaillé de l'événement au bâtiment 184 -5,

3. Une explication des opérations réalisés au 201-4.

Je comprends que certains futs n'étaient même pas stockés sur rétention.'

- un courriel de M. [E] [D] le 23/03/2020 : 'je m'étonne aussi d'avoir encore une fois plus d'informations par les services du Préfet que par le site. La sécurité doit être la priorité et la transparence aussi. Ainsi, recevoir un appel du Préfet pour m'alerter sur des dispositions de POI réduit alors que j'ai donné des consignes claires sur le maintien d'un POI complet me surprend d'autant plus que le dispositif prévu et présent au CSE dit bien que le POI sera maintenu.

Je m'étonne par ailleurs, que des futs soient transférés dans la nuit sur une zone censée n'avoir aucune activité et dans des bâtiments qui me semble t il avaient été annoncés vides.

Je m'étonne enfin d'un écart visible entre les éléments de stocks SAP et la réalité de terrain et d'un niveau de solvants à la limite de notre autorisation (alors que nous avons des problèmes de production depuis plusieurs mois et que des mesures de prudence auraient dû être prises). Je demande donc un point détaillé régulier de ta part et la mise en place de mesures drastiques sur ces sujets relevant de ta responsabilité (légale et pénale notamment).',

- un courriel en réponse de M. [X] [Z] du 23/03/2020 : 'Sur le déroulé de l'intervention (je précise que formellement, il ne s'agit pas du déclenchement d'un POI, même si une cellule de crise dirigée par le cadre d'astreinte a été mise en place)... L'erreur a consisté a effectuer une manipulation de nuit en vue de récupérer une rétention, alors que cela aurait pu attendre le lendemain . La fiche G/P n'a pas été envoyée car formellement le POI n'a pas été déclenché, l'événement était maîtrisé, sans conséquence sur le milieu naturel : Le produit est actuellement confiné dans la fosse de rétention du bâtiment. Une intervention va être planifiée pour pomper la fosse',

- un arrêté du Préfet d'[Localité 8] du 06/10/2020 qui mentionne en son article 1er : la société Eurenco France, dont le siège social est situe [Adresse 2] est mise en demeure de respecter, pour son site situé [Adresse 1] les dispositions : de l'article 9.5.5.4 de l'arrêté préfectoral du 22 octobre 2018 en dotant les bâtiments 14,125, 510-512, 534, 644 et 660 d'un système de détection incendie avant le 31 août 2021 ; de l'article 8.4.1 de l'arrêté préfectoral du 22 octobre 2018 en mettant sous retention les stockages en récipients mobiles d'émulseur du bâtiment 901 et la cuve d'émulseur du bâtiment 667 avant le 31 décembre 2020.'

En réponse, M. [X] [Z] fait observer que l'anomalie relative aux délais d'intervention n'a fait l'objet d'aucune mise en demeure et que la DREAL préconise de revoir la stratégie dans l'attente de la solution définitive, et qu'il suffisait donc de constituer un stock avancé d'émulseurs à proximité du bâtiment 351.

Si un POI existait bien au moment de la visite de la DREAL le 26/06/2020, puisqu'il est mentionné dans son rapport au paragraphe constat '...+ 15mn de mise ne place du POI + 30 min ...', il n'en demeure pas moins que les prescriptions en matière de délais n'étaient pas respectées et que le POI s'agissant de l'accident du 23 mars 2020 n' a pas été mis en oeuvre, alors que le POI vise à minimiser les conséquences d'un accident potentiellement majeur pour les personnes mais également pour l'environnement et les biens.

Néanmoins, à la décharge du salarié s'agissant du POI, il convient néanmoins de relever que l'employeur ne justifie pas avoir donné comme consigne la mise en oeuvre du POI pour le type d'incident survenu le 23/03/2020, alors que M. [X] [Z] prétend que la mise en place d'une cellule de crise était suffisante.

Il se déduit des éléments qui précèdent que le grief est établi.

- absence de mise sous rétention le 10 GRV :

La SA Eurenco rappelle que pour réduire la probabilité de survenance d'un accident il est prescrit de diminuer la surface des cuvettes de produit toxique - oléum et acide nitrique concentré - et qu'il apparaît après la visite de la DREAL le 26/06/2020 que 10 GRV (grand récipient vrac) du bâtiment 901 et la cuve du bâtiment 667 n'étaient pas sous rétention et produit au débat :

- la fiche de constats de la DREAL du 26/06/2020 qui mentionne des observations sur le dispositif de rétention des pollutions accidentelles :

prescription : Tout stockage d'un liquide susceptible de créer une pollution des eaux ou des sols est associé a une capacité de rétention dont le volume est au moins égal à la plus grande des deux valeurs suivantes : 100 % de la capacité du plus grand réservoir ; 50 % de la capacité totale des réservoirs associés. Cette disposition n'est pas applicable aux bassins de traitement des eaux résiduaires.

constats : les 10 GRV du bâtiment 901 et la cuve du bâtiment 667 ne sont pas sous rétention.'

M. [X] [Z] soutient que la SA Eurenco n'a pas fait l'objet d'une mise en demeure pour cette anomalie qui était donc considérée comme mineure, non constitutive d'une faute grave.

Si M. [X] [Z] justifie qu'un Plan directeur du site de [Localité 11] a bien été établi pour 2019/2024 et qu'il était en arrêt maladie lors de la visite de la DREAL le 26/06/2020, il n'en demeure pas moins qu'il n'avait pas pris les dispositions nécessaires pour se conformer aux prescriptions réglementaires avant son arrêt maladie.

Il en résulte que ce grief est établi.

- absence de remplacement du véhicule incendie :

La SA Eurenco reproche à M. [X] [Z] de ne pas avoir exécuté la commande d'un véhicule de pompier alors que l'ancien directeur général de la société avait autorisé en décembre 2018 la commande d'un camion d'occasion présélectionné par le service achats dans une enveloppe budgétaire de 100 000 euros, que les échanges sur cette acquisition ne sont intervenus qu'en mai 2019, que ce n'est que le 12 juillet 2019 que le salarié s'inquiétait de l'avancée du dossier, qu'il est apparu finalement que le projet n'avait pas pu aboutir dans la mesure où M. [X] [Z] avait modifié les spécifications associées au véhicule incendie en voulant commander un véhicule neuf au prix de 250 000 euros, que le service financier ne pouvait pas honorer.

Elle soutient que cette situation aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour la société, et rappelle qu'en septembre 2019, l'atelier de production d'hexogène (RDX - l'hexogène est un composé chimique considéré comme l'un des explosifs militaires les plus puissants du monde) avait pris feu et que l'utilisation de l'ancien camion de pompier s'était révélée impossible, et ajoute que c'est M. [H] qui a été contraint de contacter lui-même le service achat pour procéder à l'achat du véhicule, alors que M. [X] [Z] reconnaissait en septembre 2019 la nécessité de procéder à l'acquisition d'un véhicule d'occasion lors de la réunion du CSE. La SA Eurenco verse au débat :

- un courrier de la DREAL relatif à une enquête conjointe inspection du travail /DREAL relative aux deux accidents du travail du 09/09/2019 : 'Procédures d'urgence ; des dysfonctionnements sont intervenus le jour des accidents : le véhicule d'intervention a mis du temps à démarrer, le personnel de l'équipe d'intervention a mis du temps à se mobiliser, chacun d'entre eux étant occupé à des tâches opérationnelles en différents ateliers du site. Vous nous avez indiqué qu'un nouveau véhicule était commandé. Vous voudrez bien me faire parvenir tout justificatif en attestant (facture, bons de commande, etc.). Vous me ferez connaître la date de livraison prévue...',

- un courriel envoyé par M. [L] [H] le 11/09/2019 dont l'objet est : ' Résumé de la situation sur le remplacement :

- Ok de D GUILLET fin année dernière 2018

- Cahier des charges incomplet établi par l'usine début 2019

- Sourcing europeen par P COLLIBEAUX

- Vieux camions (20 ans) ne pouvant plus circuler sur la voie public, check avec les assurances (70KE a 100KE/ camion)

- Changement du cahier des charges par [X] après son arrivée, souhait d'investir sur du neuf

($gt;250KE/Camion, à confirmer pour le prix réel)

- Redémarrage du dossier par les achats,

- Absence de solution de financement les sociétés qui vendent du neuf ne font pas de leasing, demarrage d'un dossier de financement

- En cours

- Entre commande et livraison :2 mois

Vision achat de la situation du camion actuel

- Vieux camion

- Entretien négligé et pas d'investissement pour le maintenir en l'état puisqu'il doit être remplacé...

- Pas d'interlocuteur gestion de parc sur [Localité 11]

- Donc problèmes de démarrage non traités.

Possibilité d'action

1- Achat d'occasion

Achat d'un camion livrable à court terme, avec débit de pompe identique au camion actuel :70KE à ce matin, disponible

Limite : le débit des pompes est à 70% de ce que le site a mis dans le cahier des charges, mais équivalent au débit actuel

2- Voir à faire un échange provisoire avec le 3,5T d'angouleme, mais sûrement sur des spécifs différents, si les besoins d'[Localité 7] ne sont plus critiques,

3- Commande d'un camion neuf : coût très élevé, et immobilisation de cash en dehors du coeur de métier, sans pay back.'

M. [X] [Z] prétend avoir alerté son supérieur hiérarchique sur le fait que la commande envisagée d'un camion d'occasion n'était pas conforme aux normes en vigueur et qu'il ne pouvait pas être assuré.

A l'appui de son argumentation, M. [X] [Z] produit un courriel que lui a envoyé M. [K] [P] le 17/05/2019 : ' je vous laisse gérer ce sujet au niveau du site, mais quand on a soumis la demande de rachat d'un véhicule pour [Localité 11], il était clairement dit que celui de [Localité 11] irait à Baussenq. Encore une fois à [Localité 11], on dit quelque chose et on fait autrement...comme d'habitude...mais il va falloir changer cette habitude' et un courriel que le salarié a envoyé en réponse le même jour : 'le sujet est malheureusement plus complexe' : 'soit on a un camion de 30 ans d'âge pas cher...auquel il faut rajouter 30-40 K euros pour installer une moto pompe/soit on a un camion à 110 K euros plus récent mais qui ne répond plus aux normes et que les assurances refusent d'assurer'.

Finalement, le 12 juillet 2019, M. [X] [Z] a envoyé un courriel à M [T] [R] '...le sujet des camions de pompier devient plus qu'urgent. As-tu un up-date sur le sujet ' Je confirme que l'on part sur 2 camions neufs en format leasing ( vu avec [E] et avec [W] d'un point de vue finance : aucun problème pour aller sur du leasing sur plusieurs années)'.

Or, selon un courriel envoyé par M. [E] [D], 'l'investissement' pour l'achat du camion est de 78 440 euros et [V] 'lance la démarche sur le dossier d'invest'.

Les échanges de courriels ne permettent pas d'étayer les affirmations de M. [X] [Z] selon lesquelles le principe de l'achat de 2 camions neufs avait été validé par la direction, ce d'autant plus que M. [L] [H] précise dans son courriel que le leasing ne peut pas être envisagé sur des véhicules neufs, ce qu'aucun élément ne vient remettre en cause.

La direction de la société a donc repris le projet en mains pour concrétiser la commande dont le principe avait été acquis près d'un an auparavant.

Or, l'incident de septembre 2019 révélait la nécessité de disposer pour le site de [Localité 11] d'un véhicule fonctionnel pour permettre une intervention efficace en cas d'incendie.

Il résulte des éléments qui précèdent que ce grief est établi.

Insuffisances de gestion de la sécurité du site dans le cadre du projet Phenix :

La SA Eurenco reproche à M. [X] [Z] d'avoir manqué de rigueur dans la gestion de la sécurité du site se rapportant à la construction d'une nouvelle unité de fabrication d'hexogène autorisée en 2017 ; elle cite l'exemple selon lequel M. [X] [Z] ne fournissait pas les moyens matériels aux entreprises extérieures pour l'installation d'un réacteur et l'exemple selon lequel le salarié n'a pas procédé à la consultation des représentants du personnel du site pour envisager l'actualisation du plan de risques associé à la circulation du site de [Localité 11] pendant une opération d'élagages ; la SA Eurenco verse au débat :

- un compte rendu de réunion du CSE du 26/09/2019 : intervention de M. [X] [Z] : 'généralement, on ne prend pas assez de temps pour faire les choses correctement et le constat est le même pour les entreprises extérieures' ; intervention de M [C] suite à la question de M. [X] [Z] sur le prochain CSE du 26/03/2019 ' ...je te propose d'inscrire à l'ordre du jour les points suivants : 1. implantation du chantier UFH et en particulier de la zone de vie 2. Avancement du projet d'accès spécifique chantier 3. Bilan de l'organisation prévention chantier retenue , 4. avancement du programme Phenix'.

La SA Eurenco fait par ailleurs référence aux pièces suivantes produites par le salarié :

- pièces n°52 : délégation de pouvoir accordée par M. [X] [Z] à différentes personnes pour la signature des différents documents ayant trait au projet UFH à dater du 02/01/2020 et pour la durée totale du projet, notamment : M. Daniel [C] pour les espaces occupés par les équipes programmes Phenix, [F] [B] pour les chantiers relatifs au projet UFH ; il est précisé que ces délégations seront effectives dès que les formations seront acquises et qu'un point de situation trimestriel sera mis en place avec la direction du site.

Les seuls éléments produits par l'employeur n'établissent pas que ce grief est fondé, le salarié justifiant notamment que le projet 'Phénix' avait été mis à l'ordre du jour de plusieurs réunions du CSE qui se sont tenues entre le 26 septembre 2019 et le 27 février 2020, de sorte que les sujets évoqués lors du CSE du 26/09/2019 sur ce projet n'avaient pas pu être évoqués de façon exhaustive. Quant à l'organisation des réunions trimestrielles, l'employeur n'apporte pas d'élément concret sur les manquements de M. [X] [Z] à ce sujet.

Ce grief n'est donc pas fondé.

Sur les éléments de contexte du licenciement :

Dans ses conclusions, M. [X] [Z] soutient que lorsqu'il est arrivé au poste de directeur du site de [Localité 11], ses tâches n'ont pas été rendues faciles par la manifestation de plusieurs grèves peu de temps après son arrivée, et produit à cet effet un article de presse du 29/11/2019 se rapportant à la poursuite de la grève des salariés de la SA Eurenco : ' le fabricant d'explosifs militaire est en proie à des mouvements sociaux depuis quatre ans sur ses sites de [Localité 11]...Aucune solution n'est encore trouvée...' et un tract du syndicat Cgt Eurenco 'une direction d'Eurenco en mode Macron enfumage à la DIRECCTE. La Direction ne souhaite pas sortir du du conflit' 'ce mouvement social a débuté le 28/03/2019 à la suite des NAO...'. M. [X] [Z] n'apporte pas cependant d'élément de nature à établir que ces mouvements ont eu un impact sur la gestion du site en matière de sécurité.

Les conditions de l'arrêt de travail du successeur de M. [X] [Z], Mme [A] depuis novembre 2022, que l'appelant a décrites dans ses conclusions, n'apportent pas un éclairage utile sur les motifs du licenciement de M. [X] [Z].

Dans un courriel envoyé le 25/04/2020 à M. [I], PDG de la société M. [X] [Z] explique l'origine des difficultés qu'il a rencontrées dans l'exercice de sa mission : '...je constate depuis maintenant plusieurs mois une pression qui s'accentue, avec de nombreuses actions de fond à mener, actions irréalisables de par leur complexité dans les délais impartis. A l'instant T, il m'est notamment demandé : ...des actions de formation aux bases du génie chimique sont une action clé pour assurer les compétences et la sécurité de nos installations de chimie, mais à ce jour rien n'a été lancé car 'trop cher'' au profit d'actions de polyvalence ...ou avec des tutoriels vidéos...travailler un plan de non -arrêt des ateliers durant la période d'été tout en maintenant un POI complet durant cette période, et avec des recouvrements de compétences faibles, et particulièrement sur les ateliers critiques (hexogène malaxeur) tout en garantissant la sécurité du site...

Pour être clair, je ne suis pas en capacité de gérer l'ensemble des priorités, avec de surcroît un manque complet d'autonomie sur la possibilité de prioriser ou d'avoir accès aux ressources associées, compte tenu de la concentration de tous les pouvoirs entre les mains du Comex, et ce en dépit de la délégation de pouvoir et de ma responsabilité pénale.'

Concernant les accidents recensés sur le site de [Localité 11], M. [X] [Z] produit un document intitulé 'tableau de bord décembre 2019" qui fait état de 4 accidents ayant nécessité les premiers soins : 'l'opérateur s'est blessé au tibia', ' l'opérateur s'est cogné contre une palette...', 'l'employé de l'EE a reçu quelques gouttes d'ANC sur les mains', 1 'presqu'accident' 'paroi de bloc sanitaire perforée par une fourche de chariot' et 1 situation dangereuse 'l'équipe de sécurité a constaté qu'il manquait des rince oeils portatifs, remplacement effectué'.

La SA Eurenco soutient que ce nombre d'accidents est élevé sans pour autant apporter des éléments de comparaison sur les années précédentes ; par ailleurs, il convient de relever que ces accidents ne trouvent pas directement leur cause dans des négligences ayant trait à la sécurité pouvant être imputables directement à son directeur, M. [X] [Z], et en lien avec les griefs qui lui sont reprochés ; enfin, l'employeur ne produit pas d'éléments de nature à établir que les accidents auraient été plus nombreux sur le site de [Localité 11] depuis que M. [X] [Z] a occupé le poste de directeur.

Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il apparaît que manifestement M. [X] [Z] a commis plusieurs négligences dans la gestion du site de [Localité 11] en matière de sécurité : non-respect de son engagement de retirer les produits inflammables du bâtiment 112, non-respect des délais des procédures internes dans le bâtiment 351, non-remplacement du véhicule de pompier ; si M. [X] [Z] reconnaît qu'il ne pouvait pas 'gérer l'ensemble des priorités', il n'en demeure pas moins que la sécurité était indéniablement une priorité absolue à assurer compte tenu de la dangerosité des produits entreposés et utilisés par la SA Eurenco sur le site de [Localité 11], susceptibles de provoquer des explosions et de graves accidents.

Néanmoins, l'ensemble de ces griefs ne peuvent pas être qualifiés de graves, dès lors que les anomalies relevées par la DREAL à son encontre n'ont pas fait toutes l'objet d'une mise en demeure, que celles-ci trouvaient leur origine avant l'arrivée de M. [X] [Z] qui avait une ancienneté inférieure à deux ans au moment du constat de ces anomalies et qu'aucun incident majeur n'a été relevé jusqu'à son licenciement, étant précisé que M. [X] [Z] n'avait fait l'objet d'aucune observation ou avertissement préalable sur sa gestion de la sécurité du site de [Localité 11].

Il s'en déduit que le licenciement de M. [X] [Z] prononcé pour faute grave doit être requalifié en licenciement pour faute simple.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.

Sur les demandes indemnitaires :

M. [X] [Z] est donc en droit de solliciter un rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire qui n'était pas justifiée, pour la période allant du 08 au 27 juillet 2020, soit 6 713,77 euros, outre celle de 671,37 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférente, un préavis de trois mois, soit 31 748,52 euros et 3174,85 euros d'indemnité de congés payés y afférente, et la somme de 39 68,56 euros d'indemnité légale de licenciement, sommes non sérieusement contestées par la SA Eurenco.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.

Sur la demande d'indemnité au titre du caractère vexatoire du licenciement :

Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi. Il en est ainsi alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d'une faute et d'un préjudice spécifique résultant de cette faute.

M. [X] [Z] sollicite des dommages et intérêts de 10 000 euros au motif qu'il a fait l'objet d'un licenciement dans des conditions brutales et vexatoires, que son éviction a été brutale et non objectivement justifiée, ce qui a porté atteinte à sa probité et son intégrité, alors qu'il bénéficiait d'une solide expérience en la matière.

La SA Eurenco conclut au rejet de la demande de M. [X] [Z], faisant valoir que ce dernier avait déjà été alerté sur les carences et négligences de sorte qu'il ne peut pas soutenir avoir été licencié sans raison, de façon brutale ou pour de faux motifs.

Force est de constater que M. [X] [Z] ne justifie d'aucun élément justifiant du bien fondé de sa demande qui sera rejetée.

Sur la demande de licenciement nul :

L'article L1235-3-1 du code du travail dispose que l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

M. [X] [Z] sollicite la condamnation de la SA Eurenco à lui payer la somme de 63 492 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul au motif que sans attendre les conclusions du médecin contrôleur que la SA Eurenco avait mandaté, elle lui a notifié une convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement et une mise à pied à titre conservatoire.

Il fait observer qu'il a été convoqué par un médecin contrôleur mandaté par l'employeur par lettre du 06 juillet 2020 et qu'à l'issue de la visite du médecin contrôleur, ce dernier a conclu : 'arrêt justifié reprise à l'issue. Médecin du travail à voir impérativement en vue d'une inaptitude au poste' et produit au débat la convocation que lui a adressée Medica Europe et les observations du médecin du 15/07/2020, lequel prévoyait une contre visite le 17/07/2020.

M. [X] [Z] conclut que son licenciement était motivé par son état de santé.

La SA Eurenco conclut au rejet de cette demande au motif que le salarié n'avance pas le moindre élément tendant à établir une discrimination à son encontre, et n'apporte pas de preuve d'un prétendu lien de causalité sur l'état de santé et son licenciement.

Les observations formulées par le médecin que M. [X] [Z] a consulté le 15 juillet 2020 qui font référence à une éventuelle inaptitude sont postérieures à la procédure de licenciement et M. [X] [Z] n'apporte pas davantage d'éléments, autre que les avis d'arrêts de travail initial et de prolongation, de nature à démontrer un lien de causalité entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail, alors qu'il a été jugé, par ailleurs, que son licenciement pour faute simple était justifié.

M. [X] [Z] sera donc débouté de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 31 mai 2022 par le conseil de prud'hommes d'Avignon,

Statuant de nouveau sur le tout,

Juge que le licenciement pour faute grave prononcé le27 juillet 2020 par la SA Eurenco à l'encontre de M. [X] [Z] doit être requalifié de licenciement pour faute simple,

Condamne la SA Eurenco à payer à M. [X] [Z] les sommes suivantes :

- 6 713,77 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire du 08 au 27 juillet 2020,

- 671,37 euros d'indemnité de congés payés y afférente,

- 31 748,52 euros à titre de préavis,

- 3 174,85 euros d'indemnité de congés payés y afférente,

- 3 968,56 euros d'indemnité légale de licenciement,

Condamne la SA Eurenco à payer à M. [X] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SA Eurenco aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 22/02134
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.02134 ?
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