La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2024 | FRANCE | N°22/02132

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 25 juin 2024, 22/02132


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/02132 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IPIH







CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

25 mai 2022



RG :21/00175







[E]





C/



SASU LOOMIS FRANCE





















Grosse délivrée le 25 JUIN 2024 à :



- Me GARDIEN

- Me CHABANNES

<

br>










COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 25 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 25 Mai 2022, N°21/00175



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Evelyne MART...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/02132 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IPIH

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

25 mai 2022

RG :21/00175

[E]

C/

SASU LOOMIS FRANCE

Grosse délivrée le 25 JUIN 2024 à :

- Me GARDIEN

- Me CHABANNES

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 25 Mai 2022, N°21/00175

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 Avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [F] [E]

né le 16 Mai 1959 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Franck GARDIEN, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

SASU LOOMIS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean paul CHABANNES de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Mars 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 25 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [F] [E] a été initialement embauché par la SAS Securitas puis par la SAS Loomis France suivant contrat à durée indéterminée en date du 12 novembre 2001, en qualité de convoyeur-messager, catégorie ouvrier, coefficient 150 CF de la convention collective nationale des transports routiers.

A compter du mois d'avril 2015, M. [F] [E] qui était en situation d'arrêt de travail pour maladie, a repris le travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique.

Du 1er janvier au 12 février 2018, la durée de travail hebdomadaire de M. [F] [E] a été fixée à 20 heures par semaine maximum. À compter du 12 février 2018, le médecin du travail a préconisé une durée de 14 heures par semaine maximum jusqu'au 31 octobre 2018.

Le 12 novembre 2018, à la suite d'une visite médicale, le médecin du travail a déclaré M. [F] [E] « inapte au poste, apte à un autre poste sans manutention répétée, proposition de travail administratif à temps partiel ».

Par courrier du 27 décembre 2018, M. [F] [E] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Estimant ne pas avoir été payé de la totalité de ses heures travaillées, par requête du 31 janvier 2020, M. [F] [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon pour solliciter la condamnation de la SAS Loomis France à lui verser des rappels de salaires ainsi que des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Par jugement contradictoire du 25 mai 2022, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :

- déclaré irrecevables car prescrites les demandes de rappels de salaires portant sur la période antérieure au 31 janvier 2017,

- dit que la société Loomis France doit à M. [E] un rappel de salaires d'heures supplémentaires à hauteur de 14,91 heures pour l'année 2017 et 2018,

En conséquence,

- condamné la société Loomis France prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à M. [S] les sommes suivantes :

* 217,08 euros à titre de rappel de salaires,

* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi,

* 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [E] du surplus de ses demandes,

- mis les dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge de la société Loomis France.

Par acte du 24 juin 2022, M. [F] [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 19 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 mars 2024. L'affaire a été fixée à l'audience du 30 avril 2024 à laquelle elle a été retenue.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 18 novembre 2022, M. [F] [E] demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu le 25 mai 2022 par le conseil de prud'hommes d'Avignon en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- le recevoir en ses demandes et les dire bien fondées,

Avant dire droit :

- condamner la société Loomis France à communiquer sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir les fiches manquantes des semaines 13, 39, 40 et 41 de l'année 2017 et la fiche 21 de l'année 2018,

En tout état de cause,

- condamner la société Loomis France à lui verser la somme de :

* 455,87 euros au titre du rappel de salaires,

* 2000 euros au titre du préjudice subi,

* 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

M. [F] [E] soutient que :

- lors de l'analyse d'une partie des fiches individuelles de suivi sur lesquelles il renseignait le nombre d'heures de travail effectuées chaque jour et qui étaient remises à l'employeur, il s'est aperçu que de nombreuses heures de travail effectif validées par l'employeur, n'avaient pas été réglées ; à l'issue de la comparaison desdites fiches et des bulletins de salaires, il a pu mettre en exergue des incohérences ; il produit des tableaux récapitulant ces incohérences pour les années 2016, 2017 et 2018 ; au total, il a comptabilisé 31,31 heures de travail non payées ; il avait déjà sollicité son employeur pour cette régularisation, en vain ;

- il y a lieu de réformer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré sa demande de rappel de salaires prescrite pour 2016,

- il a subi un préjudice moral, constitué par la nécessité de vérifier les bulletins de salaires tenant la désinvolture de l'employeur à payer ce qui est dû ; il a été contraint, à des multiples reprises, de relancer l'employeur pour être réglé de son travail ; l'absence de paiement régulier des heures de travail caractérise en un préjudice dans la mesure où il a perçu moins que ce qu'il aurait dû percevoir sans compter qu'une partie de ces heures de travail effectuées pour le compte de la société Loomis ne feront l'objet d'aucun règlement puisque prescrites,

- la société Loomis n'a pas produit l'intégralité des fiches de suivi pour les années 2017 et 2018.

En l'état de ses dernières écritures en date du 07 mars 2024, contenant appel incident, la SAS Société Loomis France demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* déclaré irrecevables car prescrites les demandes de rappel de salaire portant sur la période antérieure au 31 janvier 2017 ;

* débouté M. [F] [E] de sa demande de communication des fiches individuelles des semaines 13, 15, 39, 40 et 41 de l'année 2017 et de la semaine 21 de l'année 2018 ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'elle doit à M. [E] un rappel de salaires à hauteur de 14,91 heures pour les années 2017 et 2018, et en ce qu'il l'a condamnée à payer

à M. [E] les sommes suivantes :

* 217,08 euros à titre de rappel de salaires ;

* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi ;

* 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Puis statuant à nouveau :

Sur les rappels de salaire :

A titre principal,

- juger qu'en application du système de compensation mis en place entre les parties, M. [F] [E] a perçu en 2017 et 2018 un salaire supérieur aux heures qu'il a réellement effectuées,

- débouter M. [F] [E] de sa demande de rappel de salaires,

A titre subsidiaire :

- cantonner l'éventuelle condamnation à la somme de 171,08 euros bruts, représentant 11,75 heures de travail,

- condamner M. [F] [E] à lui rembourser la somme de 304,16 euros au titre des rémunération trop perçues en 2017 et 2018,

Sur le prétendu préjudice :

- juger que M. [F] [E] ne justifie ni n'invoque l'existence d'un quelconque préjudice ;

En conséquence :

- débouter purement et simplement M. [F] [E] de sa demande indemnitaire,

Sur les frais de justice et les dépens :

- débouter M. [F] [E] de la demande qu'il formule à ce titre ;

- condamner M. [F] [E] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SAS Société Loomis France fait valoir que :

- la demande de rappel de salaire de M. [F] [E] est prescrite pour la période antérieure au 31 janvier 2017, dans la mesure où ce dernier disposait d'un délai de trois ans à compter de la date d'exigibilité du salaire pour saisir la juridiction prud'homale ; or, ce dernier a saisi le conseil de prud'hommes le 31 janvier 2020 ; à défaut de tout autre élément, il doit être considéré que M. [F] [E] a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son action en rappel de salaire à la date à laquelle il a introduit son action,

- la demande de rappel de salaire n'est pas fondée dans la mesure où avec M. [E], ils appliquaient le système de compensation suivant : versement chaque semaine du salaire correspondant aux 17,5 heures de travail dues au titre du mi-temps thérapeutique ; si au cours d'une semaine, M. [E] accomplissait plus de 17,5 heures de travail dues au titre du mi temps thérapeutique, il percevait malgré tout un salaire calculé sur 17,5 heures de travail et ces heures se compensaient avec les semaines au cours desquelles il accomplissait moins de 17,5 heures ; ce système n'a jamais lésé le salarié ; si on cumule les années 2017 et 2018, M. [E] a malgré tout bénéficié d'un surplus de rémunération correspondant à 20,89 heures de travail ;

- si le système de compensation devait être privé d'effet, elle serait bien fondée à solliciter le remboursement d'une somme corespondant à 20,89 heures au titre des années 2017 et 2018,

- à titre subsidiaire, si la cour n'entendait pas faire produire d'effet au système de compensation mis en place entre les parties, elle ne saurait pour autant faire droit aux demandes du salarié, dans la mesure où les tableaux comparatifs produits par M. [F] [E] sont manifestement erronés,

- la demande de rappel de salaire étant infondée, c'est à bon droit qu'elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à devoir lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ; par ailleurs, tout comme en première instance, M. [S] n'invoque et ne justifie d'aucun préjudice particulier qui justifierait l'allocation d'une somme de 2000 euros ; enfin, ayant en réalité perçu sur 2017 et 2018 un salaire supérieur à celui correspondant aux heures de travail réellement effectuées, M. [S] est particulièrement mal placé pour soutenir qu'il aurait subi un préjudice moral,

- elle a versé aux débats l'ensemble des bulletins de paie et des fiches individuelles d'horaires du salaire sur les périodes non prescrites, soit 2017 et 2018 ; pour les fiches d'horaires dont M. [E] persiste à demander la communication sous astreinte, elle tient à préciser que pour l'année 2017, ce dernier était en congés payés pour les semaines 13, 15, 39, 40 et 41, tout comme pour la semaine 21 de l'année 2018.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS :

Sur la fin de recevoir tirée de la prescription partielle soulevée par l'employeur :

L'article L3245-1 du code du travail dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, que pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise concernée.

En cas de rupture du contrat de travail, c'est la date à laquelle le salarié a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du manquement de son employeur qui fixe le point de départ du délai de trois ans dont il dispose pour engager son action.

Par contre, c'est la date de rupture de son contrat de travail qui détermine rétroactivement quelles sont les créances salariales sur lesquelles cette action peut porter, soit, uniquement celles nées au cours des trois années précédant la rupture.

En l'espèce, M. [F] [E] soutient qu'après avoir fait une comparaison entre les fiches individuelles de suivi des heures travaillées qu'il a renseignées, contresignées par un salarié encadrant, et les bulletins de salaire, il s'est aperçu que plusieurs heures de travail n'avaient pas été réglées et produit trois tableaux récapitulatifs pour les années 2016, 2017 et 2018 sur lesquels il a mentionné les semaines travaillées, les heures travaillées en fonctions des mentions figurant sur les fiches individuelles et les heures figurant sur les bulletins de salaires correspondant à chaque semaine concernée. Il en déduit que la SAS Loomis France a omis de lui régler 16,4 heures en 2016, 7,85 heures en 2017 et 7,06 heures en 2018, soit un total de 31,31 heures et une somme correspondante de 455,87 euros.

La SAS Loomis France soutient que la demande de M. [F] [E] est prescrite pour la période antérieure au 31 janvier 2017.

S'agissant de la prescription, il convient de relever que le contrat de travail de M. [F] [E] a été rompu le 27 décembre 2018 et qu'il disposait donc jusqu'au 27 décembre 2021 pour saisir la juridiction prud'homale d'une contestation portant sur un rappel de salaire ; M. [F] [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon suivant requête réceptionnée le 31 janvier 2020 ; il s'en déduit que son action en paiement des salaires n'est pas prescrite.

La demande de rappel de salaire ne pouvait porter que sur les salaires au titre des trois années précédant la rupture, pour autant que pas plus de trois ans ne se soient écoulés entre cette dernière et la saisine du juge.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la SAS Loomis France, M. [F] [E] est en droit de solliciter un rappel de salaire au titre des trois années précédant le 27 décembre 2018, soit jusqu'au 27 décembre 2015.

La demande de rappel de salaires de M. [F] [E] n'est donc pas prescrite et la fin de non recevoir soulevée par la société sera rejetée.

Sur la demande de rappel de salaire :

L'article L3171-4 du code du travail énonce qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

L'article L3251-3 du même code dispose qu'en dehors des cas prévus au 3° de l'article L. 3251-2, l'employeur ne peut opérer de retenue de salaire pour les avances en espèces qu'il a faites, que s'il s'agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.

La retenue opérée à ce titre ne se confond pas avec la partie saisissable ou cessible.

Les acomptes sur un travail en cours ne sont pas considérés comme des avances.

Tout employeur qui fait une avance en espèces ne peut se rembourser qu'au moyen de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.

Bien qu'il n'existe en droit du travail que deux cas de compensation légale, il n'en demeure pas moins que la compensation est possible pour autant que la créance de l'employeur réponde aux exigences de droit commun de l'article 1347-1 du code civil, c'est-à-dire qu'elle soit certaine, liquide et exigible. Pour faire application d'une compensation, il faut que la créance du salarié réponde également à ces exigences légales.

En l'espèce, la SAS Loomis France produit au débat des tableaux comparatifs pour chaque mois des années 2017 et 2018, sur lesquels sont mentionnées les heures de travail inscrites sur les feuilles de suivi du temps de travail visées par le salarié et l' 'encadrement', et celles figurant sur les bulletins de salaire et le différentiel ; il apparaît que sur plusieurs mois, le nombre d'heures de travail rémunérées à M. [F] [E] est supérieur à celui des heures réellement effectuées, portant ainsi un crédit aux affirmations de l'employeur selon lequel une compensation avait été mise en place avec le salarié, lequel reposait sur le principe suivant : si au cours d'une semaine, M. [F] [E] accomplissait plus de 17,5 heures de travail, il percevait malgré tout un salaire calculé sur 17,5 heures et ces heures se compensaient avec les semaines au cours desquelles il accomplissait moins de 17,5 heures de travail.

Ainsi, pour 2017 : en janvier, M. [F] [E] a travaillé 15,33 heures entre le 02 et le 06 alors que le bulletin de salaire mentionne 17,5 heures travaillées ; du 08 au 13 janvier : 15,66 travaillées et 17,5 heures rémunérées, du 16 au 20 janvier : 15,24 heures travaillées et 17,50 heures rémunérées, du 23 au 27 janvier : 15 heures travaillées et 17,50 heures rémunérées.

Par ailleurs, plusieurs incohérences ont été relevées dans le tableau présenté par M. [F] [E] concernant le nombre d'heures qu'il prétend avoir effectuées sur la base des feuilles individuelles de suivi ; à titre d'exemples :

- semaine 18, du 01/06 mai 2017 : M. [F] [E] mentionne 19,05 heures, alors que la fiche correspondante qui présente des ratures sur les heures de début et de fin de la journée du 01 mai, mentionne qu'il a travaillé le 02 mai 3h30 et le mercredi 4h50, soit un total inférieur aux 14,8 qu'il a avancé, étant précisé que concernant la journée du 05 mai, une durée de 7 heures est mentionnée sans précision sur le début et la fin de la journée travaillée ; le bulletin de salaire mentionne 10,5 heures travaillées,

- semaine 29, du 17/23 juillet 2017 : M. [F] [E] mentionne 18,3 heures travaillées ; selon les fiches de suivi, il aurait travaillé18,83 heures ; selon le bulletin de paie correspondant, M. [F] [E] a été rémunéré à hauteur de 17,50 heures travaillées,

- semaine 30, du 24 au 29 juillet 2017 : M. [F] [E] a mentionné 20,65 heures travaillées ; selon les fiches de suivi, M. [F] [E] a travaillé 21,83 heures ; selon le bulletin de paie correspondant, M. [F] [E] a été rémunéré à hauteur de 17,50,

- semaine 38, du 18 au 24 septembre 2017 : M. [F] [E] a mentionné 17,10 heures travaillées ; selon le bulletin de salaire, il a été rémunéré pour 17h10 travaillées,

- semaine 51 du 18 au 23 décembre : M. [F] [E] mentionne 17,85 heures travaillées ; selon les fiches de suivi, il a travaillé 19,07 ; le bulletin de salaire correspondant mentionne 17,50 heures rémunérées.

M. [F] [E] qui ne produit pas l'intégralité des bulletins de salaire pour la période visée dans sa demande, ne remet pas en cause sérieusement les tableaux et les données chiffrées communiquées par l'employeur au titre de l'année 2017.

Des incohérences de même nature ont été également relevées pour l'année 2018.

Enfin, pour l'année 2016, il convient de faire observer que les parties ont produit au débats les seuls bulletins des mois de janvier, avril, mai, juillet et décembre et que l'appelant n'a produit que les fiches de suivi des semaines 2, 3, 13, 14, 18, 27 et 28, en sorte que ces seuls éléments épars ne permettent pas d'établir un comparatif exhaustif entre le nombre d'heures travaillées et les heures rémunérées pour l'intégralité de l'année 2016. Si la défaillance des feuilles de suivi peut être imputée à l'employeur, par contre, le salarié était en capacité de produire l'intégralité des bulletins de salaire pour 2016, ce qu'il n'a pas fait.

Dans ses conclusions, M. [F] [E] produit un tableau des heures travaillées selon les mentions des fiches de suivi et les heures rémunérées selon les bulletins de salaire ; or ce tableau est manifestement incomplet car partiel puisqu'il ne porte que sur quelques semaines.

Dès lors qu'il a été constaté pour les années 2017 et 2018 des écarts assez significatifs entre d'une part, le nombre d'heures travaillées selon le salarié et le nombre d'heures travaillées selon les fiches individuelles de suivi, d'autre part, entre le nombre d'heures travaillées selon les fiches de suivi et le nombre d'heures rémunérées, alors que la comparaison doit être faite pour l'année dans sa globalité, il convient de constater que pour l'année 2016, la demande de rappel de salaire n'est pas justifiée.

Ainsi, au total, selon les fiches de suivi, les bulletins de salaire et les tableaux récapitulatifs produits par la SAS Loomis France, il apparaît que pour :

2016 : à défaut d'éléments probants, aucune comparaison sérieuse sur toute l'année ne peut être effectuée,

2017 : M. [F] [E] a déclaré 706,39 heures travaillées et a été rémunéré pour 732,17 heures travaillées soit 25,78 heures payées de façon supplémentaire, de sorte qu'il existe un solde en faveur de l'employeur de 25,78 heures,

2018 : M. [F] [E] a déclaré 298,73 heures travaillées et a été rémunéré à hauteur de 293,84 heures, en sorte qu'il existe un solde en faveur du salarié de 4,89 heures,

soit au total pour les deux années, un solde en défaveur du salarié d'un peu plus de 20 heures, après compensation.

Au vu des éléments qui précèdent, il convient de débouter M. [F] [E] de sa demande au titre du rappel de salaire pour la période de 2016 à 2018.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Enfin, la demande de dommages et intérêts sollicitée par M. [F] [E] n'est pas justifiée, la demande de rappel de salaire n'ayant pas prospéré.

Sur la demande de communication des fiches de suivi de l'année 2018 :

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande, avant dire droit, présentée par M. [F] [E] tendant à condamner l'employeur à communiquer sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir les fiches manquantes des semaines 13, 39, 40 et 41 de l'année 2017 et la fiche 21 de l'année 2018, dans la mesure où le salarié ne conteste pas sérieusement, comme l'ont rappelé les premiers juges, qu'il se trouvait en situation de congés payés durant les semaines susvisées, ce qui est corroboré par les mentions figurant sur les bulletins de salaire des mois correspondants 'ABS CONGES PAYES'.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 25 mai 2022 par le conseil de prud'hommes d'Avignon,

Statuant de nouveau sur le tout,

Juge que la demande de rappel de salaire n'est pas prescrite,

Déboute M. [F] [E] de l'intégralité de ses prétentions,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [F] [E] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le présidente et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 22/02132
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.02132 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award