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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01545

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 25 juin 2024, 22/01545


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/01545 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INSN



CRL/DO



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

27 avril 2022



RG :20/00177







[R]





C/



S.A.R.L. MILAUR





















Grosse délivrée le 25 JUIN 2024 à :



- Me CORU

- Me RIGAUD

r>










COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 25 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 27 Avril 2022, N°20/00177



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REY...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01545 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INSN

CRL/DO

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

27 avril 2022

RG :20/00177

[R]

C/

S.A.R.L. MILAUR

Grosse délivrée le 25 JUIN 2024 à :

- Me CORU

- Me RIGAUD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 27 Avril 2022, N°20/00177

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 Mai 2024 puis prorogée ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [S] [R]

née le 01 Janvier 1982 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Perrine CORU de la SARL PERRINE CORU, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.R.L. MILAUR

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Thibault POMARES de la SAS ABP AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de TARASCON

Représentée par Me Elodie RIGAUD, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 25 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [S] [R] a été embauchée par la S.A.R.L. Milaur suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 21 janvier 2012, en qualité de femme de chambre, niveau I échelon 2.

En août 2019, M. [X] [O] est devenu le nouveau gérant de la société.

Le 17 avril 2020, Mme [S] [R] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 24 avril 2020. Par lettre recommandée du 4 mai 2020, Mme [S] [R] a été licenciée pour faute grave.

Formulant divers griefs à l'encontre de l'employeur, tant au titre de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail, Mme [S] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon, par requête reçue le 22 mai 2020, afin de voir dire son licenciement nul, ou à défaut sans cause réelle et sérieuse et condamner la S.A.R.L. Milaur à lui payer plusieurs sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 27 avril 2022, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :

- dit que le licenciement de Mme [R] en date du 04 mai 2020 est intervenu pour une faute grave,

- condamné la société Milaur, prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mme [R] les sommes suivantes :

* 1000 euros pour le non-respect de son obligation de fournir un planning mentionnant les temps de pause ainsi que de fournir un suivi quotidien du travail des salariés,

* 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [R] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Milaur de l'ensemble de ses demandes,

- mis les dépens à la charge de chacune des parties.

Par acte du 06 mai 2022, Mme [S] [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 10 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 19 février 2024 à 16 heures. L'affaire a été fixée à l'audience du 19 mars 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 12 septembre 2022, Mme [S] [R] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré.

En conséquence,

- condamner la société Milaur à lui payer la somme de :

* 5.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect du temps partiel et pour avoir imposé un temps complet sans matérialiser l'accord de sa salariée,

* 5.000 euros de dommages et intérêts, pour non-respect des temps de pause et de repos,

* 2.653,75 euros de rappel au titre des heures supplémentaires outre 265,37 euros de congés payés afférents,

* 5.000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation d'information relative à la télésurveillance,

* 15.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

* 2.500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du retard et de la carence dans la délivrance de l'attestation de salaire,

- dire et juger nul son licenciement,

- à titre subsidiaire, dire son licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

En conséquence,

- condamner la S.A.R.L. Milaur à lui payer :

* 3.631,88 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 363.19 euros de congés payés afférents,

* 3.745,38 euros d'indemnité de licenciement,

* 15.000 euros de dommages et intérêts,

En tout état de cause

- condamner la S.A.R.L. Milaur à délivrer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir : une attestation Pôle Emploi conforme, un certificat de travail conforme, un bulletin de salaire conforme,

- débouter la S.A.R.L. Milaur de ses demandes au titre de son appel incident,

- condamner la S.A.R.L. Milaur à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la S.A.R.L. Milaur aux éventuels dépens.

Mme [S] [R] soutient que :

- elle a été contrainte de travailler à temps complet (bien qu'embauchée à temps partiel), sans son accord et sans la signature du moindre avenant à compter du 1er septembre 2019 après le changement de direction et son retour de congés ;

- de 2013 à 2019, elle prenait la totalité de ses congés en août, son ancien employeur préférant embaucher un remplaçant une seule fois dans l'année, en contrepartie de quoi elle acceptait de travailler à temps complet pour une courte durée, durant l'été, moyennant la signature d'un avenant ;

- l'employeur ne rapporte aucune preuve démontrant qu'elle était d'accord avec ce passage à temps complet, tout au contraire, il a précisé à son comptable que c'était un choix de sa part,

- son préjudice est établi : en travaillant 22 heures de plus par mois, elle a perdu le temps qu'elle considérait précieux, devant s'organiser dans sa vie autrement pour pouvoir s'occuper des courses, de sa maison, de sa famille,

- elle avait interdiction de prendre la pause légale sans paiement du travail supplémentaire aux lieu et place de ladite pause, interdiction d'accès aux plannings et ordinateurs, les plannings établis par l'employeur ne mentionnaient pas les temps de pauses et ne respectaient pas le temps de repos quotidien obligatoire, puisque les salariés terminaient à 20h30 pour reprendre le lendemain à 6h30 ,

- le fait qu'elle reconnaisse avoir été payée pour un temps complet ne permet pas d'établir qu'elle a pris ses pauses,

- la société Milaur l'a contrainte à travailler chaque jour 8 heures payées 7 heures du 04 juin au 31 juillet puis du 1er septembre 2019 au 1er avril 2020, et a ainsi effectué une heure supplémentaire tous les jours travaillés qui ne lui a pas été réglée,

- elle n'a non seulement pas été informée de la mise en oeuvre de la vidéo surveillance, ni de la durée de conservation des enregistrements, ni l'usage de ces enregistrements, ni de ses droits relatifs à ces enregistrements, mais s'est également sentie épiée à chaque moment de sa journée, cela d'autant plus que les moniteurs permettant de voir les images de caméras étaient interdits à la vision de salariés,

- elle a été victime de harcèlement moral, ses conditions de travail se sont détériorées dès le changement de gérance : tout ce qui avait été mis en place a été changé sans aucune concertation avec les salariés, les reproches étaient quotidiens, il était interdit aux salariés d'accéder à l'informatique et de prendre leur pause légale, les nouveaux dirigeants se sont montrés irrespectueux, désagréables et ont tenu des propos insultants, il lui a été demandé de faire tout et n'importe quoi, des caméras ont été installées sans aucune information préalable, elle a été contrainte de travailler à temps complet, les règles changeaient chaque jour, l'épouse du gérant l'a poussée dans les escaliers la même semaine de son retour de congé, elle a dû subir quotidiennement des brimades, des réflexions, des actes malveillants ; lors du confinement en raison du Covid-19, elle a dû travailler sans aucune mesure de protection de quelque nature que ce soit,

- son anxiété n'a cessé de croître depuis le changement de gérance, elle a donc été arrêtée eu égard son état de santé lié à ses conditions de travail.

- l'employeur n'a pas établi, à temps, son attestation de salaire ; elle a, par conséquent, perçu ses indemnités journalières avec retard, ce qui l'a mise en difficulté financière.

- son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute pour la société Milaur d'avoir respecté la procédure de licenciement : l'employeur avait, avant l'entretien préalable, manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail puisque le 2 avril 2020, soit avant qu'elle ne soit convoquée à un entretien préalable, l'employeur lui a demandé de rendre ses clés d'hôtel, l'empêchant ainsi de se rendre sur son lieu de travail et donc de travailler, et par ailleurs, il lui avait proposé un licenciement conventionnel sur lequel elle avait demandé de réfléchir ,

- elle n'a pas été mise à pied à titre conservatoire alors qu'étant en arrêt de travail, elle était susceptible de reprendre ses fonctions aux termes de chacun de ses arrêts de travail,

- les griefs qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement sont infondés, elle n'a pas commis la moindre faute, encore moins grave et a toujours accompli son travail correctement,

- elle a fait l'objet d'un licenciement monté de toute pièce, parfaitement injustifié et qui ne saurait être fondé sur une faute grave.

En l'état de ses dernières écritures en date du 09 septembre 2022, contenant appel incident, la S.A.R.L. Milaur demande à la cour de :

- dire fondé et recevable son appel incident,

- dire infondé l'appel principal formé par Mme [R],

En conséquence,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* dit que le licenciement de Mme [R] en date du 04/05/202 est intervenu pour une faute grave,

* débouté Mme [R] du surplus de ses demandes

- infirmer le jugement critiqué du conseil de prud'hommes d'Avignon en date du 27 avril 2022 en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [R] la somme de :

* 1.000 euros pour non-respect de son obligation de fournir un planning mentionnant les temps de pause ainsi que de fournir un suivi quotidien du travail.

* 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

- débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions au titre de la rupture du contrat de travail,

A titre subsidiaire,

- confirmer en toute ses dispositions le jugement dont appel,

Y ajoutant et en tout état de cause

- la débouter de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 ainsi que de sa demande tendant à la voir condamner aux entiers dépens,

- condamner Mme [R] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'action de première instance et 3.000 euros en cause d'appel,

- la condamner aux entiers.

Au soutien de ses demandes, la S.A.R.L. Milaur fait valoir que :

- le travail à temps complet a été voulu par la salariée, et du fait de cette augmentation d'heures réalisées, Mme [R] a bénéficié d'une augmentation conséquente de son salaire, elle ne s'est jamais plainte de cette situation de septembre 2019 à mai 2020 et profite simplement du fait que son cabinet comptable a omis de faire le nécessaire et d'établir le contrat demandé.

- elle n'a commis aucun manquement concernant les temps de pause, Mme [R] a toujours eu une pause d'une heure par jour, qu'elle prenait à convenance,

- contrairement à ce que soutient la salariée, ses tâches n'étaient pas lourdes, elle ne devait s'occuper que de 4 à 5 chambres par jour et le nettoyage d'une chambre ne demandait que quelques dizaines de minutes,

- la durée hebdomadaire de repos a été respectée puisque Mme [R] finissait son travail à 14h30 pour reprendre à 6h30 le matin,

- le conseil de prud'hommes a retenu, à tort, qu'elle avait manqué à son obligation de fournir un planning mentionnant les temps de pause puisqu'elle remettait à Mme [R] un planning quotidien, et le temps de pause étant fixe, aucune disposition légale n'impose que la durée de la pause figure au planning,

- Mme [R] est dans l'incapacité de démontrer une quelconque violation que ce soit de la législation sociale et donc de démontrer le moindre préjudice,

- elle a mis en place un système de vidéo surveillance avec pour seul objectif la sécurisation des lieux mais aussi du personnel et du public hébergé, Mme [R] ne peut prétendre qu'elle n'avait reçu aucune information sur le sujet dans la mesure où les caméras sont parfaitement visibles ; au-delà, la présence des caméras est affichée à l'entrée des locaux,

- sur le prétendu harcèlement moral : les faits dont Mme [R] fait état sont faux, elle ne fait état d'aucun fait précis et ne démontre pas le lien entre ses conditions de travail et son état de santé.

- sur l'attestation de salaire : elle a été diligente mais la Caisse primaire d'assurance maladie a usé d'un temps de traitement des dossiers classiques, de surcroît, Mme [R] ne produit aucune preuve démontrant le préjudice subi.

- le licenciement de Mme [R] est parfaitement justifié dans la mesure où celle-ci avait un comportement désagréable, directif et autoritaire à l'égard des jeunes pensionnaires ; elle est rentrée dans la chambre d'un mineur sans frapper alors que ce dernier était nu ; elle a quitté les lieux avec les clefs de l'hôtel en sa possession et les a laissées à son mari pour qu'il les dépose dans la boîte aux lettres de l'hôtel.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

* modification unilatérale du contrat de travail

L'article L1221-1 du code du travail énonce que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.

L'employeur ne peut pas modifier unilatéralement le contrat qu'il a conclu avec le salarié, sans avoir obtenu l'accord de ce dernier.

Toute modification du contrat de travail portant sur un élément essentiel de la relation entre l'employeur et le salarié doit faire l'objet d'un avenant.

En l'espèce, Mme [S] [R] sollicite la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son temps partiel et pour lui avoir imposé un temps complet. Elle fait valoir au soutien de sa demande qu'à compter du 1er septembre 2019, son employeur lui a imposé de travailler à temps plein sans solliciter son accord, et réfute être à l'origine de cette demande. Elle précise qu'elle a pu pendant les périodes de congés travailler à temps plein, dans le cadre d'avenant à son contrat de travail dont la durée de validité était limitée dans le temps.

Cette situation qui l'a contrainte à travailler 22 heures de plus par mois lui a causé un préjudice puisqu'elle a dû délaisser sa famille, 'déployer des stratagèmes d'organisation' et parce qu'elle souffre d'une hernie discale incompatible avec un travail à temps complet de manière durable.

La S.A.R.L. Milaur s'oppose à cette demande de dommages et intérêts et fait valoir que Mme [S] [R] est à l'origine de cette modification qui lui a permis de bénéficier d'une augmentation de salaire de 250 euros bruts par mois et qu'elle profite d'un oubli du cabinet comptable pour présenter une demande de dommages et intérêts alors qu'elle ne s'est jamais plainte de la situation de septembre 2019 à mai 2020.

De fait, la S.A.R.L. Milaur ne rapporte aucun élément permettant d'établir que Mme [S] [R] a accepté l'augmentation de son temps de travail à compter de septembre 2019 et l'oubli du cabinet comptable n'est pas exonératoire de responsabilité.

Pour autant, force est de constater que Mme [S] [R] procède par affirmation pour justifier du préjudice qu'elle invoque et n'apporte aucun élément pour en objectiver la réalité.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée sur ce point.

* non-respect des temps de pause et de repos

Par application des dispositions de l'article L 3121-6 du code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives.

Par application des dispositions de l'article L 3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 ( convention collective ou accord de branche dérogeant au principe notamment en cas de nécessité d'assurer la continuité du service ) et L. 3131-3 ( surcroît exceptionnel d'activité ) ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.

La preuve du respect des temps de pause et de repos incombe à l'employeur.

Mme [S] [R] sollicite 5.000 euros de dommages et intérêts au motif qu'au changement de gérance, elle n'a plus pu bénéficier de ses temps de pause qui étaient antérieurement mentionnés dans ses plannings. Elle produit en ce sens des plannings sur lesquels les temps de pause ne sont pas mentionnés et qui font apparaître des fins de service à 20h30 avec reprise le lendemain matin à 6h30.

La S.A.R.L. Milaur s'oppose à cette demande au motif que reconnaissant avoir effectué '22 heures de plus ( en réalité 21,67 ) par mois' en plus de son temps partiel de 130 heures, Mme [S] [R] reconnaissait que son temps de travail était de 151,67 heures et qu'elle ' bénéficiait donc nécessairement des pauses, à défaut de quoi elle aurait précisé un nombre d'heures bien supérieur à 21,67 heures par semaine'.

Pour justifier du respect des temps de pause, elle observe que la liste des tâches incombant à Mme [S] [R] n'était pas, comme celle-ci le prétend, lourde mais conforme à un emploi de femme de chambre et observe qu'elle devait ' s'occuper que de 4 à 5 chambres par jour et il est évident que le nettoyage d'une chambre ne demande que quelques dizaines de minutes', et qu'elle intervenait dans l'accueil d'urgence et non pas dans ' l'hôtellerie de luxe'.

Pour justifier du respect des temps de pause et de repos, la S.A.R.L. Milaur produit les plannings de trois salariés pour en déduire que Mme [S] [R] bénéficiait d'une pause d'une heure et terminait sa journée de travail à 14h30 pour reprendre le lendemain à 6h30 et les attestations de deux salariés qui indiquent :

- s'agissant de Mme [C] [A] qu'elle a toujours vu Mme [S] [R] prendre ' sa pause d'une heure sans aucun empêchement',

- s'agissant de M. [N], responsable technique, qu'il a toujours pu prendre ses temps de pause et de repos, ce qui est sans incidence sur l'appréciation de la situation de Mme [S] [R].

Les plannings produits par la S.A.R.L. Milaur ne mentionnent aucune date et mentionnent des horaires globaux sur une semaine théorique, soit concernant Mme [S] [R] :

- repos les lundis et mardis,

- horaires de 6h30 à 14h30 les mercredis et jeudis, soit 8 heures de travail par jour,

- horaires de 13h00 à 20h00 les vendredis, samedis et dimanches, soit 8 heures de travail par jour,

étant observé qu'aucun temps de pause n'est mentionné sur le planning.

Ainsi, concernant Mme [S] [R], ses plannings respectent les temps de repos contrairement à ce que soutient la salariée qui produit au soutien de son affirmation le planning d'une autre salariée '[P]'.

En revanche, s'agissant des temps de pause, la seule attestation de Mme [C] [A], rédigée en termes généraux, ne suffit pas à établir le respect des temps pauses qui ne sont pas intégrés dans les plannings. Le fait que le planning mentionne une durée hebdomadaire de 40 heures ne suffit pas à établir que seules 35 heures étaient travaillées, alors que le contrat de travail de février 2012 qui fixe la durée hebdomadaire de travail à 30 heures précise que selon les besoins du service, celle-ci peut être portée à 42 heures.

En conséquence, la S.A.R.L. Milaur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du respect des temps de pause auxquels Mme [S] [R] pouvait prétendre au cours de ses journées de travail et sera condamnée à verser à Mme [S] [R] 1.000 euros de dommages et intérêts en raison de ce manquement.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

* rappel de salaire en raison d'heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la charge de la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties; il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [S] [R] soutient que la S.A.R.L. Milaur lui est redevable d'une somme de 2.653,75 euros correspondant à 1 heure supplémentaire effectuée chaque jour, à raison de 5 jours par semaine, pour la période du 4 juin au 31 juillet 2019 puis du 1er septembre 2019 au 1er avril 2019, outre 265,37 euros de congés payés y afférents et produit à l'appui de ses prétentions ses bulletins de paie qui ne mentionnent aucune heure supplémentaire et son planning de travail, qui mentionne des horaires de travail d'une durée de 8 heures hebdomadaires.

Ces éléments sont suffisamment précis au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation pour permettre à l'employeur d'y répondre

la S.A.R.L. Milaur conteste cette demande au motif qu'elle a rapporté la preuve de ce que Mme [S] [R] pouvait prendre sur ces plages horaires de 8 heures hebdomadaires une pause d'une heure.

Il a été jugé supra que la S.A.R.L. Milaur était défaillante sur ce point. Par suite, il convient de faire droit à cette demande dont le montant n'est pas contesté à titre subsidiaire, soit la somme de 2.653,75 euros de rappel de salaire, outre 265,37 euros de congés payés y afférents.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

* Obligation d'information des salariés relative à la télésurveillance

Par application des dispositions de l'article L 1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance.

L'article 9 du code civil énonce, en son 1 alinéa, que chacun a droit au respect de sa vie privée. Et l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que :

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Dans le cadre de son pouvoir de direction, si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps du travail, l'emploi de procédé clandestin de surveillance est illicite.

Par suite, pour que l'employeur puisse être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements issus d'un dispositif de vidéo-surveillance, les salariés auraient dû être informés préalablement de l'existence de ce dispositif.

La Cour de cassation ne soumet à l'obligation d'information préalable du salarié que les dispositifs de surveillance mis en place spécialement pour contrôler l'activité professionnelle des salariés, laquelle ne se justifie pas lorsque le système de surveillance n'est pas destiné à contrôler l'activité du salarié, mais par exemple à assurer la sécurité d'un local.

Mme [S] [R] sollicite au visa de ce texte la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation d'information relative à la télésurveillance, reprochant à la S.A.R.L. Milaur d'avoir mis en place, à son retour de congés en septembre 2019, un système de télésurveillance sans en informer au préalable les salariés, et réfute que ce système de caméras préexistait à son embauche, affirmant qu'il n'y avait alors qu'une caméra donnant sur l'extérieur. Elle considère que le fait que les caméras étaient visibles ne suffit pas à justifier de l'information des salariés.

La S.A.R.L. Milaur conteste cette demande et fait observer que la présence des caméras est affichée à l'entrée des locaux, et que la directrice n'a fait que moderniser un système qui préexistait au changement de gérance, dans un souci de sécurité. Elle soutient qu'elle n'a fait que remplacer 4 caméras en janvier 2020 et produit en ce sens une facture en date du 15 janvier 2020 de la société Sécuripro d'un montant de 9.980 euros qui mentionne en date du 21 octobre 2019 la mise en place d'un système de vidéo protection comprenant 13 caméras d'un type et 1 caméra d'un type différent, le détail de la facturation mentionnant une 'dépose du matériel existant' pour lequel aucun coût correspondant n'est mentionné.

Il est constant que la S.A.R.L. Milaur n'a pas procédé à une information spécifique de ses salariés quant au système de vidéo surveillance mis en place dans ces locaux, lequel était toutefois annoncé par voie d'affiche dans l'établissement.

la S.A.R.L. Milaur exerçant une activité d'accueil d'urgence, elle peut légitimement décider de mettre en place à des fins de sécurité des lieux et de son personnel un système de vidéo surveillance.

Mme [S] [R] ne rapporte pas la preuve que ce système aurait eu pour finalité la surveillance du personnel, étant au surplus observé que ce ne serait pas le système de surveillance qui serait en lui-même illicite mais les preuves obtenues à partir d'un tel système pour lequel il n'y aurait pas eu d'information préalable des salariés.

En conséquence, Mme [S] [R] a été justement déboutée de sa demande indemnitaire présentée de ce chef. La décision déférée sera confirmée sur ce point.

* harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande de 15.000 euros de dommages et intérêts, Mme [S] [R] invoque la mise en place par la nouvelle gérance de la société d'une atmosphère délétère sous forme de changement de ' tout ce qui avait été mis en place', reproches quotidiens envers les salariés, interdiction pour les salariés d'accéder à l'informatique et donc aux plannings, attitude irrespectueuse et insultante du gérant et de son épouse, pose d'un système de vidéo surveillance sans information préalable des salariés, maintien forcé du temps complet sans son accord et sans temps de pause, violences à son égard de la part de l'épouse du gérant qui l'a poussée dans les escaliers, brimades, actes malveillants tels que salir délibérément ce qu'elle venait de nettoyer, absence de mesures de protection pendant le confinement en raison du COVID 19, demande de sortir des grandes glacières du coffre de la voiture de la gérante malgré sa hernie discale lui provoquant un malaise face auquel la gérante refusera d'appeler les pompiers et lui donner un verre d'eau.

Elle verse aux débats les éléments suivants :

- des SMS adressés par Mme [O] dans lesquels cette dernière l'informe de rendez-vous concernant certains résidents, lui demande de prévenir certains résidents pour qu'ils viennent effectuer des démarches à l'accueil, ou de mettre à disposition d'une équipe médicale une chambre,

- une attestation de Mme [Z] [U], qui se présente comme ayant exercé les fonctions de réceptionniste pour le compte de la S.A.R.L. Milaur entre 2016 et 2018, et vante les qualités professionnelles et humaines de Mme [S] [R]

- une attestation de M. [Y] [T] [V] qui se présente comme intérimaire et indique avoir été hébergé dans le cadre d'une prise en charge par l'ASE au sein de l'hôtel et y avoir côtoyé Mme [S] [R] qu'il qualifie de calme et comme ne faisant pas preuve de violence,

- une attestation de M. [F] [E] qui se présente comme retraité, ami de Mme [S] [R], et indique que celle-ci lui a fait part de son conflit avec son employeur dont il dénonce et déplore le comportement qui a eu pour conséquence de perturber l'appelante,

- une attestation datée du 4 décembre 2020 de M. [I] [L] qui se présente comme agent de sécurité et indique que depuis un an il travaille à l'hôtel et qu'il n'a jamais vu Mme [S] [R] se présenter en retard, qu'elle est très gentille avec les jeunes de l'établissement ' mais ces derniers jours elle a été victime de harcèlement de la part de son employeur sans raison bien qu'elle fasse bien son devoir. Cela indique quelque chose, mais indique qu'elle cherchait à être licenciée',

- une photo aérienne du site de l'hôtel pour contester le procès-verbal de constat d'huissier produit par la S.A.R.L. Milaur concernant la description d'une vidéo surveillance concernant la journée du 2 avril 2020 pour remettre en cause sa fiabilité,

- un courrier daté du 17 avril 2020 qu'elle a adressé à son employeur, dénonçant suite à sa convocation à entretien préalable la dégradation de ses conditions de travail, les violences de l'épouse du gérant à son encontre, des brimades, le manque de mesures de protection depuis le début du confinement, le fait qu'elle n'a reçu aucune aide suite à son malaise après avoir dû porter des glacières trop lourdes pour elle, et précise qu' 'avant de rentrer chez moi, j'ai informé votre femme qui m'a demandé de lui restituer les clés de l'hôtel signifiant ainsi son souhait de se débarrasser de moi',

- son arrêt de travail au titre de l'assurance maladie à compter du 2 avril 2020, et ses renouvellements jusqu'au 30 juin 2020,

- diverses prescriptions médicales à compter d'avril 2020,

- un certificat médical du Dr [K] qui indique le 16 avril 2020 avoir reçu Mme [S] [R] en consultation le 2 avril 2020 suite à un malaise au travail ' qui serait secondaire à une agression verbale le jour même. La patiente évoque par ailleurs une situation de harcèlement professionnel qui évoluerait depuis juillet 2019. L'anxiété initiale s'est aggravée depuis le premier rendez-vous et comporte désormais des éléments dépressifs ainsi que des pleurs, de l'insomnie, un repli sur soi, une perte d'appétit et un stress intense.',

- un compte-rendu de passage aux urgences du centre hospitalier d'[Localité 3] le 25 avril 2020 pour des vertiges, avec prescription d'un traitement pour des troubles anxieux,

- un certificat médical du Dr [K] qui indique le 3 décembre 2020 en reprenant les mentions des suivis d'avril 2020 assurer le suivi de Mme [S] [R],

- un certificat médical du Dr [H] qui indique le 28 avril 2020 suivre en ambulatoire Mme [S] [R] pour une décompensation anxio-dépressive.

Ces éléments pris dans leur ensemble n'établissent aucune présomption de harcèlement moral dès lors que les deux premières attestations produites décrivent le professionnalisme de Mme [S] [R] avant les faits qu'elle dénonce, que l'attestation d'un ami de l'appelante ne fait que reprendre les déclarations de celle-ci sur la dégradation de ses conditions de travail, de même que le courrier adressé à l'employeur et que les éléments médicaux s'ils attestent d'une dégradation de l'état de santé de celle-ci ne font que reprendre ses déclarations quant à son origine, et que n'est produit aucun élément concernant la multitude des comportements qu'elle dénonce.

En conséquence c'est à juste titre que le premier juge a conclu à l'absence de faits de harcèlement moral et débouté Mme [S] [R] de sa demande indemnitaire subséquente.

* Retard et carence dans la délivrance de l'attestation de salaire

Mme [S] [R] sollicite la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts en raison du retard et de la carence de la S.A.R.L. Milaur dans la délivrance de l'attestation de salaire qui a eu pour conséquence la perception avec du retard des indemnités journalières auxquelles elle pouvait prétendre. Elle produit en ce sens un courriel de la Caisse Primaire d'assurance maladie non daté qui indique qu'en réponse à la demande de l'appelante en date du 14 mai 2020 son dossier a été correctement enregistré et est en attente de l'attestation de salaire.

La S.A.R.L. Milaur conteste tout manquement de sa part et invoque le fait que la Caisse Primaire d'assurance maladie ne traite pas en temps réel l'ensemble des courriers qui lui sont adressés. Elle observe que Mme [S] [R] ne justifie d'aucun préjudice au soutien de sa demande.

De fait, il n'est pas contesté que le paiement des indemnités journalières est intervenu à une date que Mme [S] [R] ne précise pas.

Par ailleurs, Mme [S] [R] ne justifie d'aucun préjudice au soutien de sa demande de dommages et intérêts et en sera par conséquent déboutée.

Le premier juge n'avait pas statué sur cette demande.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.

La faute grave libère l'employeur des obligations attachées au préavis. Elle ne fait pas perdre au salarié le droit aux éléments de rémunération acquis antérieurement à la rupture du contrat, même s'ils ne sont exigibles que postérieurement.

Si l'article L1332-4 du code du travail prévoit en principe qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance, en revanche ce texte ne s'oppose à pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

Le licenciement prononcé en raison de la faute disciplinaire du salarié doit donc respecter un délai maximum de deux mois entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure disciplinaire et un délai maximum d'un mois entre l'entretien préalable et la notification de la sanction, à défaut, le licenciement est irrégulier.

Mme [S] [R] a été licenciée pour faute grave par courrier en date du 4 mai 2020 rédigé dans les termes suivants :

'Madame,

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 10 avril 2020, réceptionnée le 17 avril 2020, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Cet entretien qui devait se tenir le 24 avril 2020 à 11h30 en nos locaux, n'a pas pu avoir lieu puisque vous avez pris la décision de ne pas vous présenter à celui-ci, ne nous permettant pas de recueillir vos explications.

Votre absence lors de cet entretien ne nous privant pas de la possibilité de poursuivre la procédure, et après mûre réflexion, nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Les faits qui nous ont conduit à prendre cette décision et pour lesquels nous souhaitions recueillir vos explications sont les suivants :

Vous avez été embauchée à temps partiel par la société le 1er février 2012 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.

Suite au rachat de l'Hôtel [5] le 4 juin 2019, nous avons repris votre contrat de travail et vous exercez depuis les fonctions de femme de chambre pour le compte de l'entreprise.

Depuis lors, et comme vous le souhaitiez, nous avons accepté que votre contrat passe à temps complet, soit 35 heures hebdomadaires et 151,67 heures mensuelles.

Pour autant, vous avez persisté à avoir un comportement désagréable et revendicatif envers Madame [O] [D], la directrice de l'établissement.

Celle-ci a toujours tenté de composer avec votre humeur et vos critiques envers la Société, tentant de trouver des solutions d'apaisement.

S'il est évident que ce comportement n'était ni accepté, ni acceptable, nous avons eu à découvrir des faits d'une gravité particulière portant atteinte à l'image de notre structure début avril 2020 et plus précisément le 2 avril 2020.

En effet, comme vous ne pouvez l'ignorer, l'objet de notre société est d'héberger des mineurs non accompagnés en difficultés, lesquels sont orientés vers notre établissement par l'intermédiaire du Conseil départemental du Vaucluse (84).

Or, le 1er avril 2020 nous avons appris que différents pensionnaires mineurs s'étaient plaints de votre comportement directif et inadapté.

Plus encore, vous auriez pénétré dans la chambre du jeune AB alors même qu'il dormait encore et n'était pas habillé.

Ne prenant pas les mesures utiles, telle que frapper à sa porte et vérifier s'il était toujours dans sa chambre, vous êtes entrée à nouveau alors qu'il était en train de se préparer dans la salle de bain.

Vous auriez alors hurlé sur lui, l'accusant de se montrer nu, alors que vous êtes entrée dans la salle de bain en sachant qu'il était à l'intérieur et à tout le moins sans vérifier.

Pourtant, vous savez pertinemment que vous devez vérifier la présence des jeunes pensionnaires dans leur chambre, mais également que vous ne pouvez en aucun cas crier ou hurler sur eux.

Cela parait évident, et pourtant !

Dans ce cadre, il est évident que vous n'avez pris aucune précaution contrairement aux instructions de base que vous avez reçues et que vous connaissez parfaitement du fait de votre ancienneté dans l'entreprise.

En outre, vous auriez également eu un comportement inadapté avec plusieurs pensionnaires, et notamment un comportement trop autoritaire créant une atmosphère de tension dans l'enceinte de l'hôtel qui a été poussée à son paroxysme courant mars 2020, au point que les travailleurs sociaux du département nous informent des plaintes des pensionnaires début avril 2020.

Lorsque nous avons évoqué brièvement cette situation avec vous, vous avez pris l'initiative de contacter par téléphone les services du Département pour demander des comptes.

En outre, lors de cet échange téléphonique, vous avez critiqué notre établissement, précisant entre autre que les temps de pause ne seraient pas respectés et que vous étiez 'maltraitée' par votre Direction.

Vous auriez également contacté la médecine du travail pour vous plaindre de l'absence d'heure de pause, précisant que vous travaillez 8 heures par jour et non 7 heures, ce que nous considérons comme totalement mensonger.

En effet, vous n'avez jamais effectué plus de 7 heures par jour, tout comme vos collègues de travail.

Cette alerte auprès de la médecine du travail aurait eu lieu la semaine du 18 avril 2020.

Vous avez donc ainsi à nouveau critiqué notre structure auprès de tierces personnes, sans vous préoccuper de la gravité de vos fausses accusations et des conséquences pour notre établissement.

Vous avez ainsi à plusieurs reprises jeté le discrédit sur notre établissement de façon totalement délibérée, agissant ainsi de façon particulièrement déloyale.

Vous avez donc contacté tant la médecine du travail que notre 'client' unique, pour colporter des faits mensongers et susceptibles de nous porter lourdement préjudice, ce que vous ne pouvez ignorer.

Un tel comportement est donc évidemment préjudiciable puisque vous n'avez non seulement pas à contacter notre seul 'client' de manière générale, mais aussi parce que vous avez porté atteinte à notre image de par les critiques formulées, constitutives de dénigrement à l'encontre de notre établissement directement auprès de ce dernier.

En outre, cette attitude nous a contraint d'apaiser la situation avec notre interlocuteur pour éviter toute problématique à venir.

Comme vous le savez, nous oeuvrons dans un milieu particulièrement sensible, les jeunes que nous recueillons étant généralement dans une grande précarité et le département étant notre seul 'client'.

Ces derniers se connaissent les uns les autres, il est à craindre que votre comportement engendre des refus d'hébergement par nos pensionnaires, par suite de votre comportement.

En outre, ces derniers s'étant plaints directement auprès du département, il est à craindre que ce dernier n'oriente plus les pensionnaires vers notre établissement, et que la situation économique de notre entreprise soit mise en péril.

Vous pouvez sans difficulté imaginer que vous nous avez donc placé dans une situation plus qu'embarrassante à deux égards:

- d'une part en vous comportant de façon déplacée avec nos pensionnaires, lesquels se sont plaints de votre attitude auprès du département,

- d'autre part en contactant personnellement le département, afin de jeter l'opprobe sur notre structure, n'hésitant pas à dénigrer notre établissement.

La déloyauté de votre attitude est indéniablement caractérisée et constitue une faute grave.

Au-delà, vous n'êtes pas sans ignorer que le Département du Vaucluse est notre seul 'client'.

En effet, l'ensemble des mineurs que nous hébergeons nous sont directement envoyés par cet intermédiaire, puisque notre coeur d'activité est l'hébergement social.

Un tel comportement aurait pu avoir des conséquences catastrophiques pour notre établissement car le département aurait pu décider de ne plus travailler avec notre structure.

Ces faits sont donc constitutifs de fautes particulièrement graves justifiant en elles-mêmes votre licenciement.

Mais vous ne vous êtes pas arrêté là.

Le 17 avril, à la suite de la réception de votre convocation à entretien préalable en vue d'un licenciement, vous nous avez fait parvenir une missive comportant de graves accusations.

En effet, selon vos dires, vos conditions de travail se seraient détériorées par suite de notre rachat de l'établissement.

Or, nous avons accepté de vous passer à temps plein et avons tout mis en oeuvre pour que nos salariés se sentent au mieux au sein de notre établissement.

Nous avons notamment procédé au versement d'une prime afin d'encourager l'ensemble de l'équipe dès le mois d'octobre 2019.

Nous sommes particulièrement choqués de ses accusations que nous considérons comme mensongères.

De surcroit, vous n'avez pas hésité à mettre en cause notre entreprise par l'intermédiaire de Madame [O], laquelle exerce les fonctions de directrice pour le compte de l'entreprise.

Devant la gravité des faits dont vous l'accusez, nous avons procédé à diverses vérifications.

Il s'avère en réalité que Madame [O] n'a évidemment jamais eu de gestes violents envers vous, mais plus encore, elle était en repos le 1er septembre 2019, date à laquelle elle vous aurait 'poussée' dans les escaliers.

Elle réfute également vous avoir poussée le 1er janvier 2020 puisqu'elle ne travaillait pas non plus ce jour-là.

En outre, et contrairement à vos fausses accusations, depuis le début du confinement, toutes les mesures de sécurité ont été prises, à savoir le respect des gestes barrières en adaptant l'organisation pour que les salariés ne se croisent pas, mise à disposition d'au moins deux masques par jour, port de gants systématique comme c'est le cas habituellement, mise à disposition de lotion lavante pour les mains.

Concernant le malaise que vous évoquez, nous avons tous les éléments en notre possession nous permettant d'indiquer que cet événement ne s'est jamais produit.

Vous avez simplement eu un échange avec Madame [O] et vous lui avez indiqué avoir mal à la tête, sans jamais parler de malaise.

Madame [O] a discuté un long moment avec vous, sans que vous ne lui précisiez vous sentir mal.

D'ailleurs, nous n'aurions jamais laissé l'un(e) de nos salarié(e)s en souffrance, et nous n'aurions pas pu tolérer non plus qu'une de nos salariés, peu importe ses fonctions, se moque de lui/d'elle comme vous l'indiquez dans votre courrier du 17 avril 2020.

Nous n'aurions également pas accepté que la Directive de l'Etablissement vous invective ou hurle sur vous, mais nous avons là encore des éléments démontrant que ces faits n'ont pas eu lieu.

Plus encore, ce fait serait d'autant plus grave car cela signifierait que nous ne vous aurions pas apporté assistance, ce qui est inenvisageable.

Concernant les glacières, que vous auriez portées seule, cela est également faux car vous avez été aidé par Madame [O], selon les éléments irréfutables en notre possession.

Au-delà, vous aviez passé une visite médicale auprès de la médecine du travail le 19 juin 2019 et aucune restriction à votre poste de travail n'avait été mentionnée.

Si le médecin avait émis une quelque préconisation que ce soit, nous les aurions bien naturellement mises en oeuvre, la santé et la sécurité des salariés de l'entreprise étant l'une de nos principales priorités.

Concernant les clés de l'hôtel, nous ne vous avons jamais demandé de nous les restituer, puisqu'avant ce jour, nous n'avions pas encore décidé de la rupture de votre contrat de travail.

Nous avons en effet dû procéder à l'analyse de la situation et vérifier vos dires.

Pour autant, de façon étonnante, votre époux a déposé dans notre boîte aux lettres le jeu de clé que nous vous avions confié.

Un témoin a pu l'apercevoir en train de déposer les clés, et après relevé de notre boîte, il s'agissait bien de votre jeu de clé.

Or, vous n'êtes pas sans savoir que ce jeu de clé vous était personnellement confié et qu'en aucun cas vous ne pouviez le laisser en possession d'un tiers.

Ce fait est également constitutif d'une faute grave.

Nous vous alertons sur le fait que Madame [O] a dû être interrogée par nos soins concernant l'ensemble de ces faits, et que celle-ci considère qu'il s'agit de propos mensongers.

Nous considérons également que vous jetez le discrédit sur notre établissement par l'intermédiaire des propos dirigés à l'encontre de Madame [O] et qui mettent en cause directement notre structure.

Nous ne pouvons tolérer ce comportement, qu'il s'agisse de votre comportement envers les jeunes, des propos graves tenus à notre encontre auprès du département ou des faits relatés dans votre lettre du 17 avril 2020 que nous considérons comme mensongers.

Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, il n'est pas envisageable de vous maintenir plus longtemps au sein de notre société.

En conséquence, vous avons donc décidé de procéder à la rupture de votre contrat de travail dans le cadre d'un licenciement pour faute grave.

En effet, la poursuite de toute collaboration, ne serait-ce que le temps limité d'un préavis, est impossible.

Votre licenciement pour faute grave prend donc effet sans délai.

Ce licenciement reposant sur une faute grave, vous ne percevrez ni indemnité de préavis, ni indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Au terme de votre contrat, nous tiendrons à votre disposition dans les locaux du cabinet votre certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte, et une attestation Pôle emploi ainsi que les salaires et indemnités qui vous seront dus.

Pour des raisons d'organisation, nous vous invitons à prendre contact avec Monsieur [O] afin de convenir d'un créneau horaire pour la remise de ces éléments.

Si vous préférez que nous vous envoyions à titre exceptionnel ces documents par la voie postale, nous vous invitions à le signaler à Monsieur [O].

Nous vous précisons également que vous avez la possibilité de demander des précisions sur les motifs énoncés dans la présente, dans les conditions et formes prévues à l'article R 1232-13 du code du travail, soit dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Nous aurons également la possibilité, le cas échéant et dans les mêmes formes, de prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification de votre licenciement.

Vous êtes informée, qu'en application des dispositions de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale vous pouvez bénéficier, dès le lendemain de la fin de votre contrat de travail, et pour une période de 12 mois maximum, du maintient des garanties prévues par les contrats de frais de santé et du maintien des garanties de prévoyance en vigueur au sein du cabinet.

La reprise d'une activité professionnelle et/ou la cessation de versement des allocations chômage avant la fin de cette période de 12 mois entrainera l'arrêt de ce maintien.

A toutes fins utiles, nous vous rappelons que vous disposez d'un compte personnel de formation ( CPF) crédité en heures.

Pour toute information sur le compte personnel de formation, vous pouvez consulter le site www.moncompteformation.gouv.fr.

Nous vous prions d'agréer, Madame, nos salutations distinguées.'

* Sur la nullité du licenciement en raison de harcèlement moral

Si par application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail toute rupture du contrat de travail qui résulte d'un harcèlement moral est nulle de plein droit, Mme [S] [R] sera déboutée de la demande aux fins de nullité de son licenciement présentée au visa de ce texte, dès lors que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis, et de sa demande pécuniaire subséquente d'indemnité pour licenciement nul .

* Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement

En application de l'article L 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer

le ou les motifs du licenciement dans la lettre le notifiant au salarié. A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le licenciement verbal est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ; il ne peut être régularisé par l'envoi postérieur d'une lettre de rupture

Le licenciement verbal suppose une décision irrévocable de l'employeur de rompre le contrat de travail .Il appartient à celui qui se prétend licencié verbalement d'en établir l'existence, l'appréciation des éléments produits relevant du pouvoir souverain des juges du fond .

Plus particulièrement, le salarié doit établir la réalité du prononcé d'un licenciement verbal antérieur à l'envoi de la lettre de licenciement , l'existence d'une telle rupture se déduisant des actes positifs de l'employeur (ordre de quitter l'entreprise, remise le jour de l'entretien préalable d'un certificat de travail et d'un reçu pour solde de tout compte, interdiction faite au salarié de revenir dans l'entreprise assortie d'une injonction de remise des instruments de travail,

annonce aux partenaires de l'employeur de l'éviction du salarié)

Mme [S] [R] demande que son licenciement soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l'employeur en lui demandant de remettre les clés de l'établissement suite à son malaise du 2 avril 2020 a manifesté son intention de la licencier avant l'entretien préalable.

Pour justifier de ce comportement de l'employeur, Mme [S] [R] se réfère au courrier adressé à son employeur le 17 avril 2020 dans lequel elle mentionne cette demande de la directrice de l'établissement.

De fait, force est de constater que Mme [S] [R] ne rapporte pas la preuve, en dehors de ses propres affirmations, de la manifestation par l'employeur de la volonté de la licencier, étant observé que la seule demande de remise des clés de l'établissement serait insuffisante à caractériser une telle volonté.

La procédure de licenciement n'est par suite entachée d'aucune irrégularité et la décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée sur ce point.

* Sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse

Pour caractériser la faute grave qu'elle reproche à Mme [S] [R], la S.A.R.L. Milaur invoque dans la lettre de licenciement : un comportement désagréable et revendicatif, des faits portant atteinte à l'image de la structure début avril 2020, et le fait d'avoir laissé les clés de l'établissement à un tiers.

* s'agissant du comportement désagréable et revendicatif de Mme [S] [R]:

la S.A.R.L. Milaur qualifie le comportement de sa salariée de ' désagréable, directif et autoritaire' et produit en ce sens les attestations de :

- Mme [P] [G] qui se présente comme agent polyvalent et indique qu'elle a pu constater un comportement ' très autoritaire' de Mme [S] [R] envers les pensionnaires, qui s'en sont plaints à plusieurs reprises auprès d'elle, l''informant du comportement inadapté et sévère' de l'appelante,

- M. [W] [N] qui se présente comme responsable technique et indique que Mme [S] [R] se plaignait en permanence de sa méthode de travail et précise que la direction a demandé à Mme [S] [R] de revoir ' son comportement inadapté qui provoquait des tensions sur le lieu de travail',

Pour remettre en cause ces éléments, Mme [S] [R] explique que son employeur lui reproche simplement d'avoir revendiqué l'application du droit du travail, et l'a ensuite poussée à la démission.

Elle fait valoir qu'elle travaille dans l'établissement depuis 2012 et n'a jamais connu la moindre difficulté que ce soit avec les résidents ou ses collègues de travail et produit en ce sens les attestations de :

- Mme [Z] [U], qui se présente comme ayant exercé les fonctions de réceptionniste pour le compte de la S.A.R.L. Milaur entre 2016 et 2018, et vante les qualités professionnelles et humaines de Mme [S] [R], soit pour une période antérieure de plusieurs années par rapport aux faits visés à la lettre de licenciement

- M. [Y] [T] [V] qui se présente comme intérimaire et indique avoir été hébergé de janvier à novembre 2018 dans le cadre d'une prise en charge par l'ASE au sein de l'hôtel et y avoir côtoyé Mme [S] [R] qu'il qualifie de calme et comme ne faisant pas preuve de violence, soit pour une période antérieure de près de deux années par rapport aux faits visés à la lettre de licenciement

- M. [F] [E] qui se présente comme retraité, ami de Mme [S] [R], et indique que celle-ci lui a fait part de son conflit avec son employeur dont il dénonce et déplore le comportement qui a eu pour conséquence de perturber l'appelante, sans que celui-ci n'explique en quoi il aurait eu à connaître personnellement du comportement de Mme [S] [R] sur son lieu de travail,

- M. [I] [L] qui se présente comme agent de sécurité et indique que depuis un an il travaille à l'hôtel et qu'il n'a jamais vu Mme [S] [R] se présenter en retard, qu'elle est très gentille avec les jeunes de l'établissement ' mais ces derniers jours elle a été victime de harcèlement de la part de son employeur sans raison bien qu'elle fasse bien son devoir. Cela indique quelque chose, mais indique qu'elle cherchait à être licenciée', qui ne fait que rapporter un sentiment personnel,

ainsi que des cartes de voeux de personnes présentées comme ses anciens employeurs qui sont sans incidence sur les griefs formulés à son encontre, le fait d'avoir conservé de bonnes relations avec son ancien employeur n'étant pas significatif du comportement adopté dans le cadre d'un autre emploi.

Mme [S] [R] remet en cause les deux attestations dénonçant son comportement produites par l'employeur en produisant des échanges de SMS avec leurs auteurs, des formulations telles que ' je voulais pas raconter tout devant elle' ou ' elle commence à me saouler grave' ne permettant pas de remettre en cause la sincérité des écrits produits par la S.A.R.L. Milaur.

Par suite, Mme [S] [R] ne rapporte pas d'élément en dehors de ses propres affirmations permettant de remettre en cause la réalité de ce grief.

* S'agissant de la pénétration dans la chambre d'un mineur sans frapper

Ce grief est développé dans la lettre de licenciement et Mme [S] [R] n'en remet pas en cause la matérialité mais explique ce qui s'est passé dans un courrier daté du 25 mars 2020 en invoquant une provocation du mineur qui une première fois était encore couché quand elle s'est présentée pour nettoyer la chambre et n'a pas répondu quand elle a frappé, et la seconde fois quand elle est revenue, la porte de la chambre étant ouverte, elle est entrée pensant qu'il était sorti, elle a entendu de l'eau couler, mais pas de réaction quand elle a appelé pour savoir s'il y avait quelqu'un et elle l'a trouvé nu dans la baignoire.

De fait, si aucun élément n'est produit en dehors des explications données par l'employeur et la salariée, il n'en demeure pas moins que Mme [S] [R] ne conteste pas avoir pénétré dans la chambre du mineur concerné, et qu'elle n'apporte aucun élément qui permette d'accréditer sa version des faits, ni explication quant au fait que face à une situation qu'elle décrit comme anormale ( mineur encore couché) elle ait fait le choix d'y retourner une seconde fois sans par exemple s'assurer de la présence d'un tiers.

Ce grief est par suite caractérisé.

* S'agissant des 'plaintes des services du Département'

la S.A.R.L. Milaur invoque au titre de ce grief le fait que plusieurs pensionnaires de l'établissement se soient plaints du comportement de Mme [S] [R] auprès des services du Conseil départemental assurant leur prise en charge et les ayant orientés sur l'établissement.

A ce titre, la S.A.R.L. Milaur ne développe aucun élément dans ses écritures sur les contacts que Mme [S] [R] a eu directement avec des personnels du conseil départemental visés dans la lettre de licenciement, mais se réfère uniquement à des plaintes de mineurs.

Ceci étant, aucun élément n'est produit par la S.A.R.L. Milaur pour objectiver les retours relatifs au comportement de Mme [S] [R] présentés comme mettant en péril la poursuite de la relation contractuelle entre l'établissement et les services de l'ASE.

Ce grief n'est en conséquence pas caractérisé.

* S'agissant du dépôt des clés dans la boîte aux lettres

la S.A.R.L. Milaur reproche à Mme [S] [R] d'avoir fait déposer les clés de l'établissement par son mari dans la boîte aux lettre après son arrêt de travail, en rappelant dans la lettre de licenciement que ce jeu de clés lui était confié personnellement et ne pouvait être remis à un tiers.

Mme [S] [R] conteste ces faits en indiquant qu'il lui a été demandé par la directrice de remettre ses clés suite à son malaise du 2 avril 2020, et objecte sans être utilement contredite par la S.A.R.L. Milaur qu'en janvier c'était son employeur qui lui avait demandé de procéder de la sorte.

Ceci étant, force est de constater que la S.A.R.L. Milaur ne justifie ni du fondement de cette interdiction de remise à un tiers, tel que son règlement intérieur ou une note de service, ni du fait que le conjoint de Mme [S] [R] serait venu remettre les clés dans la boîte aux lettres.

Ce grief n'est en conséquence pas caractérisé.

Il résulte de ces éléments que seuls deux griefs sur les quatre visés à la lettre de licenciement et développés par la S.A.R.L. Milaur dans ses écritures sont caractérisés. S'ils permettent de caractériser une cause réelle et sérieuse fondant le licenciement, en revanche ils ne sont pas d'une importance suffisante pour caractériser une faute grave.

Le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [S] [R] sera en conséquence requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement de Mme [S] [R] fondé sur une faute grave.

* Sur les conséquences indemnitaires du licenciement pour cause réelle et sérieuse

Le licenciement de Mme [S] [R] n'étant pas fondé sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, elle peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité légale de licenciement dont les montants ne sont pas contestés à titre subsidiaire par la S.A.R.L. Milaur.

Il sera en conséquence alloué à Mme [S] [R] les sommes de 3.631,88 euros ( soit deux mois de salaire ) d'indemnité compensatrice de préavis outre 363.19 euros de congés payés afférents et de 3.745,38 euros d'indemnité légale de licenciement.

Elle sera en revanche déboutée de sa demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aucun élément n'est produit au soutien de la demande d'assortir d'une astreinte la délivrance des documents de fin de contrat conformes à la présente décision. Mme [S] [R] sera en conséquence déboutée de cette demande.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 27 avril 2022 par le conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il a :

- condamné la S.A.R.L. Milaur, prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mme [R] la somme de 1000 euros pour le non-respect de son obligation de fournir un planning mentionnant les temps de pause ainsi que de fournir un suivi quotidien du travail des salariés,

- débouté Mme [S] [R] de ses demandes de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail, pour harcèlement moral, pour non respect des temps de repos, pour non-respect de l'obligation d'information des salariés relative à la télésurveillance, et pour retard et carence dans la délivrance de l'attestation de salaire,

- débouté Mme [S] [R] de sa demande de voir prononcer la nullité du licenciement notifié par la S.A.R.L. Milaur par courrier du 4 mai 2020,

- débouté Mme [S] [R] de sa demande de requalification du licenciement notifié par la S.A.R.L. Milaur par courrier du 4 mai 2020 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- mis les dépens à la charge de chacune des parties,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau sur les éléments infirmés et y ajoutant,

Condamne la S.A.R.L. Milaur, prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mme [S] [R] la somme de 2.653,75 euros de rappel de salaire, outre 265,37 euros de congés payés y afférents,

Juge que le licenciement prononcé par la S.A.R.L. Milaur à l'encontre de Mme [S] [R] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la S.A.R.L. Milaur à verser à Mme [S] [R] les sommes de 3.631,88 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 363.19 euros de congés payés afférents et de 3.745,38 euros d'indemnité légale de licenciement,

Condamne la S.A.R.L. Milaur à verser à Mme [S] [R] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.R.L. Milaur à délivrer à Mme [S] [R] une attestation France Travail, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision, dans le délai de deux mois à compter de sa notification,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la S.A.R.L. Milaur aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 22/01545
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.01545 ?
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