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20/06/2024 | FRANCE | N°23/01676

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 20 juin 2024, 23/01676


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/01676 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I2IA







POLE SOCIAL DU TJ DE PRIVAS

20 avril 2023



RG :18/00396





[E]





C/



CPAM ARDECHE

S.A.S. [6]



















Grosse délivrée le 20 JUIN 2024 à :



- Me POLLARD

- Me PERICCHI

- La CPAM



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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 20 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de PRIVAS en date du 20 Avril 2023, N°18/00396



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les pl...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01676 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I2IA

POLE SOCIAL DU TJ DE PRIVAS

20 avril 2023

RG :18/00396

[E]

C/

CPAM ARDECHE

S.A.S. [6]

Grosse délivrée le 20 JUIN 2024 à :

- Me POLLARD

- Me PERICCHI

- La CPAM

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de PRIVAS en date du 20 Avril 2023, N°18/00396

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier lors des débats et Madame Delphine OLLMANN, Greffière lors du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Juin 2024 et prorogé à ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [Z] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat au barreau de VALENCE, substituée à l'audience par Me FISCHER Christine (VALENCE)

INTIMÉES :

CPAM ARDECHE

Services des affaires juridiques

[Adresse 5]

[Localité 1]

dispensé de comparaître à l'audience

S.A.S. [6]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Laureen MOUNIER de la SELARL MOUNIER DUDAR AVOCATS, avocat au barreau de LYON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 20 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 12 mars 2013, M. [Z] [E], salarié de la société [6] en qualité de responsable d'équipe, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle pour une 'lombosciatique gauche hernie discale L5-S1", sur la base d'un certificat médical initial établi le 28 janvier 2013 par le Dr [S] et faisant état de 'lombosciatiques gauches récidivantes ayant abouti du fait des contraintes professionnelles à la constitution de hernies discales lombaires étagées (...)".

Par décision du 19 juin 2013, la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a refusé de prendre en charge la pathologie déclarée par M. [Z] [E] au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles au motif qu'il n'est pas établi que l'activité professionnelle l'ait exposé à un risque couvert dans les libellés du ou des tableaux des maladies professionnelles correspondant à la maladie déclarée, décision confirmée par la Commission de recours amiable le 02 octobre 2013.

Saisi d'une contestation formée par M. [Z] [E] à l'encontre de cette décision le 25 octobre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ardèche a ordonné la saisine du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 8] par jugement du 15 décembre 2014, lequel a estimé qu'il existait un lien direct entre la maladie de M. [Z] [E] et son activité professionnelle dans son avis du 20 mai 2015, après avoir retenu l'existence d'une manutention habituelle de charges lourdes.

Par jugement du 15 mars 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Privas a reconnu le caractère professionnel de la pathologie déclarée le 12 mars 2013 par M. [Z] [E].

Parallèlement, M. [Z] [E] a été licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement par courrier du 18 février 2015.

L'état de santé de M. [Z] [E] a été déclaré consolidé le 30 juin 2016 et un taux d'incapacité de 32%, comprenant 7% au titre du taux socio-professionnel, lui a été attribué en raison des 'séquelles fonctionnelles indemnisables de lombosciatique sur hernie discale à type de lombalgies importantes raideur lombaire et douleurs des membres inférieurs'.

Par courrier du 13 juillet 2016, M. [Z] [E] a saisi la Caisse Primaire d'assurance maladie de l'Ardèche d'une demande amiable de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, laquelle abouti à un procès-verbal de non-conciliation en date du 29 septembre 2016.

Par requête en date du 26 juin 2018, M. [Z] [E] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ardèche aux fins de voir dire que sa maladie est due à la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement avant-dire droit en date du 14 avril 2022 , le pôle social du tribunal judiciaire de Privas, désormais compétent pour connaître de ce litige, a désigné le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles Provence Alpes Côte d'Azur - Corse avec pour mission de dire s'il existe un lien direct et essentiel entre l'affection de M. [Z] [E], mentionnée sur le certificat médical initial du 28 janvier 2013, et le travail de celui-ci.

Le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles Provence Alpes Côte d'Azur - Corse a rendu son avis le 15 juillet 2022, lequel ne retient aucun lien direct entre la pathologie déclarée et la profession exercée.

Suivant jugement en date du 20 avril 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Privas a :

- débouté M. [Z] [E] de sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- condamné M. [Z] [E] à payer à la société [6] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Z] [E] au paiement des dépens.

Par acte en date du 17 mai 2023, M. [Z] [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision. L'affaire a été fixée à l'audience du 09 avril 2024.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, M. [Z] [E] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris par le pôle social du tribunal judiciaire de Privas en date du 20 avril 2023, en ce qu'il :

* l'a débouté de sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

* a débouté les parties de leurs amples demandes ;

* l'a condamné à payer à la société [6] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* l'a condamné au paiement des dépens.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger que la maladie dont il souffre entre bien dans le tableau des maladies n°98,

- en conséquence, juger que la hernie discale L 5-S1 dont il souffre est d'origine professionnelle, comme déjà reconnu par jugement du 15/03/2016,

A titre subsidiaire,

- constater que la maladie dont il souffre est caractérisée,

- constater qu'il a un taux d'incapacité de 25%,

- constater que la maladie dont il souffre est essentiellement et directement causée par le travail,

- en conséquence, juger que la maladie dont il souffre est d'origine professionnelle,

En tout état de cause,

- juger que la société [6] a commis une faute inexcusable qui est à l'origine de la maladie professionnelle dont il a été victime,

- fixer au taux maximum la majoration de rente qui lui sera versée,

- ordonner la désignation d'un expert afin que soit déterminé avec pour mission (sic ):

* de décrire les lésions qui'il a subies

* d'évaluer le préjudice esthétique,

* d'évaluer le préjudice d'agrément,

* d'évaluer le préjudice pretium doloris,

* d'évaluer le préjudice moral,

* d'évaluer le préjudice physique,

* d'évaluer le préjudice fonctionnel,

* d'évaluer la diminution des possibilités professionnelles.

- condamner la société [6] au versement de la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle,

En tout état de cause,

- condamner la société [6] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [6] aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [Z] [E] fait valoir que :

- le Pôle social du tribunal judiciaire de Privas ne peut pas revenir sur sa décision du 15 mars 2016 par laquelle il a reconnu le caractère professionnel de sa pathologie, et qui a autorité de la chose jugée,

- l'employeur avait connaissance de la procédure en cours aux fins de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie puisque dans le cadre de son licenciement, elle a appliqué la procédure relative à l'inaptitude d'origine professionnelle,

- l'ensemble des conditions posées par le tableau 98 des maladies professionnelles étant rempli, il n'est pas nécessaire de saisir un nouveau Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles,

- le tableau 98 des maladies professionnelles n'exige pas que la concordance topographique soit établie par IRM,

- le rapport produit par l'employeur visant à lister les principales pièces qu'il était amené à assembler est mensonger, et l'enquête de la Caisse Primaire d'assurance maladie est fondée sur les seules déclarations de l'employeur,

- la société [6] ne produit aucun élément établissant la présence d'un palan, et de telles affirmations sont contraires aux éléments de l'enquête administrative,

- le lien entre le poste occupé et la pathologie développée est établi par le médecin du travail dans son avis du 13 mai 2013,

- subsidiairement, s'il devait être retenu que sa pathologie ne figure pas au tableau 98 des maladies professionnelles, il conviendrait d'examiner sa demande au titre d'une pathologie hors tableau lui ayant provoqué un taux d'incapacité permanente partielle de plus de 25%,

- la faute inexcusable de l'employeur est établie parce qu'il n'a jamais établi de DUERP, et n'a donc jamais pris la peine d'évaluer les risques encourus par ses salariés,

- il avait conscience des risques auxquels ses salariés étaient exposés par rapport au port de charges lourdes, risque mentionné par l'article R 4541-1 du code du travail, mais n'a pas pour autant mis en place les équipements nécessaires, soit des appareils de levage ou de manutention,

- il n'a jamais bénéficié de formation relative à la manutention et au port de charges lourdes,

- l'employeur n'a jamais appliqué les recommandations de la médecine du travail, ce qui a aggravé son état et abouti à son licenciement pour inaptitude.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la SAS [6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Privas en ce qu'il :

* débouté M. [Z] [E] de sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

* condamné M. [Z] [E] à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné M. [Z] [E] au paiement des dépens.

Et statuant de nouveau :

- débouter M. [Z] [E] de l'ensemble de ses demandes.

- condamner M. [Z] [E] à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Au soutien de ses demandes, la SAS [6] fait valoir que :

- l'employeur peut dans le cadre de la demande de reconnaissance de faute inexcusable contester le caractère professionnel de la pathologie,

- elle ne peut se voir opposer la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale qui a reconnu le caractère professionnel de la maladie professionnelle, laquelle n'a d'autorité de la chose jugée à son égard,

- dans le cadre de la procédure de licenciement, elle n'a fait qu'appliquer les dispositions du code du travail qui sont indépendantes de celles du code de la sécurité sociale et qui lui imposent de verser l'indemnité spéciale de licenciement dès lors qu'elle a connaissance d'un lien possible entre maladie déclarée et inaptitude,

- la condition médicale du tableau 98 n'est pas remplie, puisque l'atteinte radiculaire doit être de topographie concordante et aucune des pièces médicales produites ne l'établit, indiquant au contraire l'absence de conflit disco-radiculaire visible,

- l'avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de Corse, qui a expressément visé l'avis du médecin du travail et qui motive sa décision, a retenu l'absence de lien entre pathologie et activité professionnelle,

- M. [Z] [E] n'établit pas le caractère habituel du port de charges lourdes, lequel n'a pu intervenir que de manière habituelle,

- l'inspecteur de la Caisse Primaire d'assurance maladie ne s'est pas contenté de ses déclarations, mais a également entendu M. [Z] [E] et a tenu compte de l'avis du médecin du travail, il s'est par ailleurs rendu sur place, avant de conclure à l'absence de lien entre la pathologie et le travail,

- elle produit un tableau représentatif des principales pièces assemblées par M. [Z] [E] qui démontre la diversité des pièces et leurs poids,

- le poste de travail de M. [Z] [E] était aménagé de sorte qu'aucune manutention habituelle de charges lourdes n'était opérée par le salarié, ainsi qu'en attestent les rapports annuels de vérification des appareils de levage, et les attestations produites par M. [Z] [E] sont contredites par ces rapports,

- le tribunal a justement déduit de l'ensemble de ces éléments l'absence de lien entre la pathologie déclarée par M. [Z] [E] et son travail,

- subsidiairement, sur la faute inexcusable, le médecin du travail n'a jamais émis de restriction quant à l'aptitude de M. [Z] [E] à son poste de travail, et M. [Z] [E] n'a jamais formulé de demande de changement de poste, ni ne s'est plaint de ses conditions de travail,

- le poste de travail ainsi que développé par rapport à l'origine professionnelle de la pathologie était parfaitement équipé pour éviter le port de charges lourdes et aucune contrainte en terme de cadence n'était imposée, la prime de performance dont se prévaut M. [Z] [E] étant attribuée à l'ensemble du personnel sur la base de la productivité globale de l'entreprise,

- même si elle n'est pas en capacité de présenter le DUERP applicable à la période de travail de M. [Z] [E], l'obligation légale dont se prévaut celui-ci n'étant en vigueur qu'à compter du 31 mars 2022, elle a toujours eu à coeur de préserver la santé de ses salariés, et a toujours agi en ce sens avec le CHSCT, et a mis en oeuvre des actions de prévention,

- elle justifie du respect des préconisations du médecin du travail en date du 8 mars 2012 ( mise à disposition d'un tabouret ) et du 22 mai 2014 ( pas de port de charges, pas de flexion du tronc et de rotations des jambes ).

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la CPAM de l'Ardèche demande à la cour de :

- lui décerner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour d'appel sur le point de savoir si la maladie dont est atteint M. [Z] [E] est imputable ou non à une faute inexcusable de l'employeur,

Dans l'affirmative,

- fixer le montant de la majoration de la rente, et le montant des préjudices extra-patrimoniaux selon les usages en vigueur,

- reconnaître son action récursoire à l'encontre de la SAS [6],

- ordonner la communication des coordonnées de la compagnie d'assurance garantissant le risque.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Il convient en premier lieu, de rappeler que dans le cadre d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, l'employeur peut soutenir que la maladie professionnelle n'a pas d'origine professionnelle.

Par suite, la décision rendue le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ardèche en date du 15 mars 2016 qui a jugé que la pathologie déclarée par M. [Z] [E] selon certificat médical en date du 28 janvier devait être prise en charge au titre de législation relative aux risques professionnels ne statue que sur les rapports entre l'organisme social et le salarié, et ne remet pas en cause la possibilité pour l'employeur de contester l'origine professionnelle de la pathologie pour laquelle sa faute inexcusable est recherchée.

Sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [Z] [E]

Au terme de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la date de déclaration de la maladie professionnelle, issue de la loi du 98-1194 du 23 décembre 1998, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 [ qui précise que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ] et au moins égal à un pourcentage déterminé, soit 25% .

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

En l'espèce, la SAS [6] conteste le caractère professionnel de la pathologie déclarée le 12 mars 2013 par M. [Z] [E], ' sciatique par hernie discale L 5-S1'.

* au titre du tableau 98 des maladies professionnelles

Cette pathologie est désignée dans le tableau 98 des maladies professionnelles ' affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention de charges lourdes' lequel prévoit :

- Désignation des maladies : Sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante. Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

- Délai de prise en charge : 6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans)

- Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies : Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués : - dans le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ; - dans le bâtiment, le gros 'uvre, les travaux publics ; - dans les mines et carrières ; - dans le ramassage d'ordures ménagères et de déchets industriels ; - dans le déménagement, les garde-meubles ; - dans les abattoirs et les entreprises d'équarrissage ; - dans le chargement et le déchargement en cours de fabrication, dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers ; - dans le cadre des soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ; - dans le cadre du brancardage et du transport des malades ; - dans les travaux funéraires

* s'agissant de la maladie

Il résulte du tableau de maladie professionnelle précédemment rappelé que les pathologies visées sont la sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante et la radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante étant précisé que l'atteinte radiculaire de topographie concordante renvoie à la cohérence entre le niveau de la hernie et le trajet de la douleur.

Le certificat médical initial en date du 28 janvier 2013 établi par le Dr [S] mentionne 'lombosciatiques gauches récidivantes ayant abouti du fait des contraintes professionnelles à la constitution de hernies discales lombaires étagées (...)". .

Pour justifier du respect de la condition relative à l'atteinte radiculaire de topographie concordante, M. [Z] [E] se réfère au compte-rendu de l'IRM du rachis lombaire en date du 8 octobre 2012 qui fait état de l'existence d'une hernie discale de L5-S1 et de l'impossibilité d'appréciation de conflit disco-radiculaire, ce qui signifie selon lui que l'IRM ne permet de constater ce conflit mais non qu'il n'y a pas concordance topographique entre le disque siège de la hernie et la racine atteinte.

Si la présence d'une hernie discale en L5-S1 n'est pas contestée, se pose en revanche la question de l'atteinte radiculaire de topographie concordante.

Sur ce point, M. [Z] [E] précise sans donner d'indication sur l'origine de son analyse médicale : ' En effet, les symptômes du patient tels que décrits dans le compte-rendu médical : compression radiculaire L4-L5 et L5-S1 avec syndrome déficitaire moteur du membre inférieur gauche et paresthésies des deux membres inférieures viennent confirmer la compression radiculaire.

En effet, les hernies provoquent une compression de la racine sus-jacente ainsi une hernie L5-S1 une compression de la racine L5, c'est-à-dire le nerf sciatique, se traduisant cliniquement par une douleur face postéro-externe de la cuisse, face externe de la jambe, contourne la malléole externe, s'arrête sur le gros orteil.

Dans son compte-rendu, le docteur [D] [E] décrit une sciatique bilatérale, paresthésies et douleurs à la marche.

Les symptômes de Monsieur [Z] [E] viennent parfaitement confirmer la compression de la racine L5 et permettent donc d'établir la concordance topographique entre le disque siège de la hernie et la racine atteinte.'

La SAS [6] conteste cette analyse personnelle de M. [Z] [E] qu'il remet en cause et renvoie aux compte-rendus médicaux figurant dans le rapport médical établi aux fins d'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle de M. [Z] [E] :

* IRM lombaire du 23/03/2012 - Dr [V] : ' Au niveau du disque L5-S1 : Débord discal paramédian et foraminal gauche sans compression disco-radiculaire intra ni péri sacculaire. Absence de canal lombaire étroit ni rétréci.

Conclusion : Discopathie dégénérative évoluée L5-S1 avec listhésis type II associé à un débord discal paramédian et foraminal gauche sans compression disco-radiculaire. Pas de signe en faveur d'un canal lombaire étroit »

* Tomodensitométrie lombaire du 19/06/2012 - [C]:

« Résultats : on note une discarthrose L5-S1 avec débord postérieur disco-ostéophytique circonférentiel mais sans image de conflit disco-radiculaire visible »

* IRM du rachis lombaire du 08/10/2012 - Dr [U] :

« Résultats -S1. Pincement et abaissement du signal du disque vertébral au niveau de L5-S1. Remaniements des plateaux vertébraux de type Modic 2 au niveau de L5-S1. Impossibilité d'appréciation de conflit disco-radiculaire'

Il résulte de ces éléments, sur lesquels M. [Z] [E] n'apporte aucune explication, une absence de caractérisation de la pathologie telle que décrite dans le tableau 98 des maladies professionnelles, soit une ' sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante' étant observé que l'avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de Corse mentionne sur ce point ' les examens paracliniques présentés font état d'une hernie discale L5-S1 sans compression radiculaire et l'IRM du rachis lombaire du 8 octobre 2012 est dans l'impossibilité d'appréciation d'un conflit disco-radiculaire.'

Par ailleurs, M. [Z] [E] n'apportant aucun élément médical permettant d'objectiver son analyse de ces examens, ou venant contredire leur contenu, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise formulée dans ses écritures et non reprise au dispositif de celles-ci.

Par suite, M. [Z] [E] ne justifie pas présenter une pathologie désignée au tableau 98 des maladies professionnelles.

* au titre d'une maladie hors tableau

M. [Z] [E] se prévaut de la notification de sa rente invalidité qui a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 32% à la date de sa consolidation.

S'agissant d'une maladie hors tableau, il appartient à M. [Z] [E] de démontrer le lien entre sa pathologie et son travail, sans qu'il ne soit fait référence à une quelconque liste limitative ou non de travaux.

Deux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles ont été amenés à statuer successivement sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle présentée par M. [Z] [E] :

- le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de [Localité 8] a retenu ' la manutention de charges lourdes' et un lien direct entre la maladie et l'activité professionnelle,

- le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de Provence Alpes Côte d'Azur -Corse, en contestation du premier avis, a retenu ' les tâches sont variées et la description des travaux réalisés ne peut pas être assimilée aux travaux de manutention habituelle de charges lourdes au sens de la liste limitative des travaux susceptible de provoquer une MP98".

Si comme le souligne M. [Z] [E], le médecin inspecteur régional du travail ou son représentant ne siégeait pas dans le second CRRMP, aucune irrégularité n'est encourue de ce chef puisque le comité était saisi au titre d'une maladie professionnelle inscrite dans un tableau de maladies professionnelles et non pas au titre d'une maladie hors tableau.

Pour justifier du lien entre sa pathologie hors tableau de maladie professionnelle et son travail habituel, M. [Z] [E] sur qui repose la charge de la preuve fait valoir que :

- le lien possible entre son activité professionnelle et sa pathologie a été établi par le médecin du travail dans son avis du 13 mai 2013, étant observé qu'il est seulement répondu aux questions de la Caisse Primaire d'assurance maladie dans les termes suivants : ' avis sur son origine : possible' et ' avis sur le risque d'exposition dans l'entreprise : probable' sans aucune autre précision,

- l'employeur a tenu des propos mensongers dans les réponses apportées à la Caisse Primaire d'assurance maladie dans le cadre de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle et a produit un tableau représentatif des principales pièces qu'il avait assemblées entre 2005 et 2014, les deux étant contradictoires entre eux notamment quant au nombre de pièces ainsi produites; l'employeur s'est abstenu d'y mentionner les pièces établissant la manutention de charges lourdes ; étant observé qu'il n'est produit aucun élément médical qui attribue à la manutention de charges lourdes la pathologie présentée par M. [Z] [E],

- l'inspecteur de la Caisse Primaire d'assurance maladie s'est fondé sur les seules déclarations de l'employeur et s'est présenté sur site un jour où l'atelier n'avait aucune activité, cette affirmation étant cependant contraire au rapport d'enquête établi par l'organisme social dans le cadre duquel l'appelant a également été entendu, et le médecin du travail a été interrogé,

- il était amené à produire des caissons équipe Borne HT 400 et caisson équipe Borne HT 500 pour lesquels il soutient que le point était compris entre 56 et 64 kg, tout en renvoyant à l'employeur la charge de la preuve de ces poids,

- les attestations produites par l'employeur sont mensongères notamment en raison desfonctions de leurs auteurs, dont il ne justifie pas pour autant, reprochant à l'employeur de ne pas avoir répondu à sa sommation de communiquer en ce sens,

- il n'y avait aucun palan qui était mis à sa disposition pour la manipulation des charges, et les chariots élévateurs étaient à la disposition du service expédition et non montage, ainsi que l'a relevé l'inspecteur de la Caisse Primaire d'assurance maladie,

- son activité de chef d'équipe ne représentait que 20% de son temps de travail et il était donc bien amené à manipuler des charges lourdes de plus de 30 kg de manière régulière, sans pour autant justifier du lien entre une manipulation de charges lourdes dans le cadre professionnel et la pathologie qu'il présente,

- la SAS [6] raisonne au surplus en terme de nombre de pièces produites et non en temps de production, les plus petites pièces ayant selon lui un temps de fabrication bien moindre que les plus grosses, sans établir toutefois de lien entre cette affirmation et sa pathologie.

Il produit au soutien de ses affirmations plusieurs attestations :

- M. [X] [F], sans emploi, qui indique qu'entre 1995 et 2005, M. [Z] [E] travaillait dans une partie du local dédié à la chaîne de peinture, laquelle n'était pas équipée de palan,

- M. [I], chômeur, qui indique qu'entre 2007 et 2011 il travaillait chez la SAS [6] et que le poids des pièces à assembler 'avait pu dépasser 30 kg',

- M. [M], employé communal, qui indique avoir travaillé quotidiennement avec M. [Z] [E] entre décembre 2000 et mai 2010, ' en cas d'augmentation d'activité au sein de ce service' et avoir été quotidiennement amené à manipuler des pièces dont le poids à l'unité dépassait les 30 kg,

- M. [L], en invalidité, qui indique avoir travaillé à la chaîne de peinture qui se trouvait à côté de l'atelier de montage et qu'il n'y avait ni palan, ni chariot élévateur à l'atelier de montage.

Si ces attestations remettent en cause en des termes très généraux la présence d'un palan dans l'atelier de montage, en revanche elle ne permettent pas de caractériser un lien entre la pathologie présentée par M. [Z] [E] et son activité professionnelle.

Au surplus, comme le souligne à juste titre l'employeur, les avis du médecin du travail ne font mention d'aucune restriction avant l'avis du 22 mai 2014, soit postérieurement à la constatation de la pathologie en janvier 2013.

Dès lors, M. [Z] [E] ne rapporte pas la preuve d'un lien entre la pathologie qui a été diagnostiquée le 28 janvier 2013, hernie discale L5-S1, et son travail habituel.

En conséquence, il résulte de l'ensemble de ces éléments que, malgré la décision du tribunal judiciaire de Privas ordonnant la prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels par la Caisse Primaire d'assurance maladie de l'Ardèche qui reste acquise à l'assuré, le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [Z] [E] comme étant consécutive à ses conditions de travail n'est pas démontré.

La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée sur ce point.

Sur la faute inexcusable

Dès lors que le caractère professionnel de la pathologie présentée par M. [Z] [E] n'est pas retenu, la demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable  de l'employeur est en voie de rejet.  

La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Privas,

Condamne M. [Z] [E] à verser à la SAS [6] la somme de 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [Z] [E] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 23/01676
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.01676 ?
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