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20/06/2024 | FRANCE | N°21/01233

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 20 juin 2024, 21/01233


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 21/01233 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7XI







POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

06 janvier 2021

RG:19/00840





[I] [M]

[Y] [I]

[O] [I]

[G] [I]





C/



S.A. ELECTRICITE DE FRANCE

CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERES

FIVA

























Grosse délivrée le 20 JUIN 2024 à :



- Me ANDREU

- Me BRASSART

- La CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERES

- Le FIVA









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE SOCIALE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 20 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole s...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01233 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7XI

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

06 janvier 2021

RG:19/00840

[I] [M]

[Y] [I]

[O] [I]

[G] [I]

C/

S.A. ELECTRICITE DE FRANCE

CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERES

FIVA

Grosse délivrée le 20 JUIN 2024 à :

- Me ANDREU

- Me BRASSART

- La CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERES

- Le FIVA

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 06 Janvier 2021, N°19/00840

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier lors des débats et Madame Delphine OLLMANN, Greffière lors du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Madame [R] [D] [I] [M], agissant en sa qualité d'ayant droit de M. [X] [I]

née le 29 Août 1949 à [Localité 20]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [S] [Y] [I] agissant en sa qualité d'ayant droit de M. [X] [I]

née le 11 Août 1971 à [Localité 23]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [T] [O] [I] agissant en sa qualité d'ayant droit de M. [X] [I]

née le 13 Janvier 1974 à [Localité 23]

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentée par Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [C] [G] [I] agissant en sa qualité d'ayant droit de M. [X] [I]

né le 26 Mars 1975 à [Localité 23]

[Adresse 1]

[Localité 13]

Représenté par Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉES :

S.A. ELECTRICITE DE FRANCE

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Philippe TOISON de l'ASSOCIATION Toison - Associés, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Sophie BRASSART de l'ASSOCIATION Toison - Associés, avocat au barreau de PARIS substituée à l'audience par Me NEZRY Tristan (PARIS)

CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERES

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 9]

non comparante ni représentée à l'audience

FIVA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 12]

non comparant ni représenté à l'audience

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 20 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

[X] [V] [I], décédé le 29 octobre 2015, a été employé par la société la Société EDF du 1er juillet 1980 au 30 novembre 2001 eu qualités successivement d'ouvrier professionnel, ajusteur mécanicien et contremaître responsable d'activité.

Le 26 mai 2015, [X] [V] [I] a procédé à une déclaration de maladie professionnelle au titre de 'plaques pleurales'.

Le 3 décembre 2015, la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard reconnaissait le caractère professionnel de la maladie de [X] [V] [I], et son état était déclaré consolidé au 27 mai 2015.

Le 7 décembre 2016, la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) a notifié à [X] [V] [I] une décision portant attribution d'un capital pour un taux d'incapacité permanente fixé à 5%, ensuite majoré à 20% aux termes d'une aide bénévole d'entreprise instaurée par EDF.

Sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, le 22 mai 2017, Mmes et M. [I] en leur qualité d'ayants-droit de [X] [V] [I] ont saisi la CNIEG pour mettre en oeuvre la procédure de conciliation.

Faute de conciliation, par requête du 15 février 2018, Mmes et M. [I] en leur qualité d'ayants-droit de [X] [V] [I], ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard afin de voir reconnaître que la maladie professionnelle dont était atteint [X] [V] [I] était la conséquence de la faute inexcusable de la société EDF, et en conséquence, voir fixer au maximum la majoration du capital perçu par [X] [V] [I] et voir condamner la société EDF à verser diverses sommes en réparation des divers préjudices subis par [X] [V] [I].

Suivant jugement en date du 06 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes a :

- déclaré l'action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée à l'encontre de la SA EDF prescrite,

- prononcé l'irrecevabilité du recours,

- condamné les consorts [I] aux dépens,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par lettre recommandée du 17 mars 2021, les consorts [I] en leur qualité d'ayants-droit de [X] [V] [I], ont régulièrement interjeté appel de cette décision qui leur a été notifiée le 08 mars 2021.

Par arrêt du 1er février 2024, la présente cour a :

- prononcé la mise hors de cause de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard,

- infirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

- dit recevable et non prescrite l'action de [X] [V] [I] reprise par ses ayants droit,

- renvoyé l'affaire et les parties à l'audience du 15 mai 2024 à 14h00 pour que soit évoqué le fond de l'affaire et dit que la notification du présent vaut convocation à s'y présenter,

- réservé pour le surplus.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, les consorts [I] en leur qualité d'ayants-droit de [X] [V] [I] demandent à la cour de :

- débouter l'employeur de sa demande tendant à la remise en cause du caractère professionnel de la maladie dont souffrait Monsieur [I].

- dire et juger que la maladie professionnelle dont était atteint Monsieur [X] [I] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société la Société anonyme EDF.

En conséquence :

Au titre de l'action successorale :

- Fixer au maximum la majoration du capital perçu par Monsieur [I]

- Fixer la réparation des préjudices subis par Monsieur [I] de la façon suivante :

- en réparation du préjudice de la souffrance physique : 16.000 euros

- en réparation du préjudice de la souffrance morale : 25.000 euros

- en réparation du préjudice d'agrément : 16.000 euros

- Dire que la CNIEG sera tenue de faire l'avance de ces sommes

- Condamner la société succombant à payer aux consorts de Monsieur [I], une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Ils soutiennent que :

- la maladie de [X] [V] [I], à savoir les plaques pleurales, correspond à bien celle visée dans le tableau n°30B,

- la société EDF n'apporte aucune preuve contraire démontrant que la maladie de [X] [V] [I] n'a pas un caractère professionnel.

-[X] [V] [I] a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante durant près de 21 ans, il n'a bénéficié d'aucun moyen de protection collectif ou individuel et, n'a pas été informé des risques encourus,

- dès lors, la maladie professionnelle dont était atteint [X] [I] est la conséquence de la faute inexcusable de la société EDF.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la SA EDF demande à la cour de :

A titre principal :

- Juger qu'EDF, en sa qualité d'employeur n'a commis aucune faute inexcusable au sens des dispositions de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale,

- Débouter les ayants droit de Monsieur [I] de l'intégralité de leurs demandes.

- Juger que le lien de causalité entre la pathologie et une éventuelle faute d'EDF n'est pas établi et débouter en conséquence les ayants droit de Monsieur [I] de l'intégralité de leurs demandes.

A titre très subsidiaire, si la Cour déclarait établie la faute inexcusable d'EDF et l'existence d'un lien de causalité

- Juger que les ayants droit de Monsieur [I] n'établissent pas l'importance des préjudices qu'ils invoquent et ramener les demandes d'indemnisation à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

- Déclarer le jugement à intervenir opposable à la Caisse nationale des industries électriques et gazières,

- Dire et juger que l'indemnisation éventuellement allouée aux les ayants droit de Monsieur [I] sera le cas échéant supportée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières,

- Condamner les ayants droit de Monsieur [I] au paiement de la somme de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir que :

- aucune des fonctions occupées au sein d'EDF n'a pu exposer [X] [V] [I] à l'inhalation de fibres d'amiante dans des conditions de nature à porter atteinte à sa santé, l'amiante présente en faible quantité dans les centrales thermiques et dans les centrales nucléaires ne pouvait être mise en suspension que dans des conditions particulières et à l'occasion de travaux spécifiques (meulages, décalorifugeage),

- aucune présomption d'imputabilité n'est établie en l'espèce, aucune exposition aux poussières d'amiante n'est établie,

- elle n'avait pas et ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel étaient exposés ses salariés avant 1977, avant cette date elle ne pouvait ni devait, scientifiquement ou légalement, avoir conscience d'exposer certains salariés à un danger ;et dès qu'elle a eu conscience du danger elle a pris toutes les mesures appropriées de protection de ses salariés,

- il n'existe pas de lien de causalité direct et nécessaire entre la pathologie déclarée et la faute inexcusable alléguée.

Par courrier en date du 27 février 2023, la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) [Localité 24] a indiqué s'en remettre au pouvoir souverain d'appréciation de la cour.

Le FIVA ne comparaît pas ni personne pour lui.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Il convient de mettre hors de cause le FIVA non concerné par la présente affaire.

Sur le caractère professionnel de la maladie

La société EDF conteste le caractère professionnel de la maladie de [X] [V] [I] au motif que les éléments médicaux produits ne permettent pas de caractériser la pathologie reconnue soit des plaques pleurales.

Selon l'article L.46l-1 du code de la sécurité sociale « Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».

Le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la caisse et l'employeur ne prive pas la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la juridiction étant en mesure, après débat contradictoire, de rechercher si la maladie a un caractère professionnel et si l'assuré a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une telle faute.

Le tableau n°30 B désigne comme maladie professionnelle «Lésions pleurales bénignes avec ou sans modifications des explorations fonctionnelles respiratoires :

- plaques calcifiées ou non péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique;».

La liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer ces maladies est : «Travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment : - extraction, manipulation et traitement de minerais et roches amiantifères. Manipulation et utilisation de l'amiante brut dans les opérations de fabrication suivantes : - amiante-ciment ; amiante-plastique ; amiante-textile; amiante-caoutchouc ; carton, papier et feutre d'amiante enduit; feuilles et joints en amiante ; garnitures de friction contenant de l'amiante ; produits moulés ou en matériaux à base d'amiante et isolants. Travaux de cardage, filage, tissage d'amiante et confection de produits contenant de l'amiante. Application, destruction et élimination de produits à base d'amiante: - amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits contenant de l'amiante; démolition d'appareils et de matériaux contenant de l'amiante, déflocage. Travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante. Travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante. Conduite de four. Travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante»

En l'espèce, le certificat médical initial établi le 26 mai 2015 mentionne :

« Epaississement pleural. Plaques pleurales calcifiées. Exposition à l'amiante».

Le délai de prise en charge (40 ans) qui n'est soumis à aucune durée d'exposition est respecté et n'est pas discuté.

Concernant la liste des travaux, celle-ci est indicative et la société EDF reconnaît la présence de fibres d'amiante dans ses établissements sauf à soutenir qu'elle étaient inférieures aux valeurs admises par la réglementation. Les attestations produites par les consorts [I] confirment que leur auteur a été exposé à des particules amiantées.

Les appelants se réfèrent à la circulaire DP-94 et à l'accord signé le 15 juillet 1998 avec les fédérations syndicales qui a permis de répertorier « les installations industrielles dans lesquelles la présence de flocages et de calorifugeages a été vérifiée ou a été fortement probable » pari lesquelles figurent celles sur lesquelles [X] [V] [I] a été amené à travailler comme la centrale de [Localité 25], dont une note de service de 1999 relevait : « Depuis 1996, la Centrale de [Localité 25] procède, en respect de la législation, à des prélèvements mensuels de l'air ambiant.

Ces dernier, réalisés selon la norme NFX43050 ont décelé une teneur moyenne de 3 fibres par litre et par heure »,

- [Localité 22]

- [Localité 21]

- [Localité 27]

- [Localité 16]

- [Localité 17]

- [Localité 18]

- [Localité 26]

- [Localité 19]

- [Localité 14].

Les fonctions d'ouvrier professionnel, de contremaître et de technicien qu'occupait [X] [V] [I] figurent également sur la circulaire sus-visée.

Il en résulte que la maladie de [X] [V] [I] correspondait à celle désignée dans le tableau.

Il appartient à l'employeur, s'il entend contester l'imputabilité au travail de la maladie de [X] [V] [I], d'en rapporter la preuve, ce qu'il ne fait pas en se prévalant du fait que [X] [V] [I] n'a pas été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au sein d'EDF au-delà des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP), puisque selon les sites les concentrations relevées étaient soient nulles soient très inférieures aux VLEP. En effet, peu importe le degré d'exposition aux poussières d'amiante dès lors qu'il est reconnu que la victime a bien été exposée à de l'amiante.

Peu importe également l'éventuelle exposition de la victime chez ses précédents employeurs.

La présomption d'imputabilité trouve donc à s'appliquer.

Sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Ces critères sont cumulatifs. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié : il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes ont concouru au dommage. Mais une relation de causalité entre les manquements susceptibles d'être imputés à l'employeur et la survenance de l'accident doit exister à défaut de laquelle la faute inexcusable ne peut être retenue. La faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.

Il appartient au salarié de prouver que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ' conscience du danger et absence de mise en place des mesures nécessaires pour l'en préserver ' sont réunis. Lorsque le salarié ne peut rapporter cette preuve ou même lorsque les circonstances de l'accident demeurent inconnues, la faute inexcusable ne peut être retenue.

- Sur la conscience du danger :

Il existait dès la loi des 12 et 13 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs et le décret du 10 juillet 1913, une législation de portée générale sur les poussières, reprises dans le code du travail mettant à la charge des employeurs des obligations de nature à assurer la sécurité de leurs salariés ;

- concernant spécifiquement l'amiante, ce risque sanitaire provoqué par ce matériau a été reconnu par l'ordonnance du 3 août 1945 créant le tableau n°25 des maladies professionnelles à propos de la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières enfermant de la silice ou de l'amiante, et que cette reconnaissance a été confirmée par le décret du 31 août 1950, puis par celui du 3 octobre 1951 créant le tableau numéro 30 propre à l'asbestose, fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante ;

- ce risque d'asbestose a été identifié dès le début du XXème siècle de nombreux travaux études scientifiques ont été publiés sur les conséquences de l'inhalation des poussières d'amiante avant même la publication du décret du 17 août 1977 ;

- les décrets des 5 janvier 1976, 17 août 1977 ont réglementé spécifiquement les travaux portant sur les produits à base d'amiante en les mentionnant au tableau n°30 des maladies professionnelles et ont imposé des règles de protection particulière préservant des poussières d'amiante.

Les appelants versent au débat :

- un document de travail établi le 4 décembre 1996 par EDF-GDF qui relève :

« - utilisation de produits à base d 'amiante .-

toute activité touchant à l 'entretien des réfractaires, à la préparation des joints, à la mise en place de calorifuges autour des canalisations et des vannes sous forme de demi- coquilles ou de tresses, à l 'utilisation des joints... Travail dans des locaux ou pouvaient exister des poussières d'amiante... Les ateliers de soudage ' tuyautage, les stations de compression et les laboratoires d'analyses. »

- ce même document cite les métiers visés : «Chauffeurs de four, agents chargés du défournement et de la manutention du coq incandescent, briqueteurs, fumistes, maçons, chaudronniers, plombiers, soudeurs, tôliers, tuyauteurs, manoeuvres et contremaîtres d 'entretien, chimistes et essayeurs de laboratoire, rondier et autres fonctions d'exploitant ».

- une étude du Docteur [H] [J], médecin du travail retraite d'EDF-GDF :

« Exposition à l'amiante .

les agents portaient des gants et des chaussons en tissu d 'amiante ,

- ils avaient à réaliser du calorifugeage et pour cela ils devaient réaliser une espèce de mortier contenant une forte proportion de poudre d 'amiante ,

- ils devaient découper des joints à la scie à la gange dans des plaques de klingérite.

les agents devaient souder, remplacer les joints amiantés, ils devaient gratter les vieux joints, générant de fortes poussières puis ils devaient insérer les joints neufs dans une rainure en les martelant.

ils avaient aussi à manipuler des briques réfractaires contenant de l'amiante lors de l'entretien des fours ou la température pouvait dépasser 1 400° lors du fonctionnement. »

- un rapport établi en mai 1977 par le Service Général de la Médecine du Travail d EDF-GDF confirmant la présence de fibres d'amiante :

« -canalisation en fibre ciment : eau ' gaz ' protection des câbles électriques;

-plaques de revêtement (ETERNI1), d 'isolation ou d 'insonorisation ,-

-gaines de ventilation et filtres à air contenant textile d'amiante ,-

-cordons d 'amiante pour portes de chaudière ou comme joints de volute de tirage ;

-joints et garnitures d 'étanchéite (joints amiante ' teflon) ;

-amalgame ciment type PD 2 à base d 'amiante ;

-plastique à charge d 'amiante pour réduire l'inflammabilité (revêtements de sols ou de parois) ;

- écrans de soudeur ;

- électrodes de jonction à l'asbeste dans certaines soudures à l'arc,

- emballages cartonnées à l 'amiante,

- radiateurs électriques et à gaz,

- tentures, rideaux, moquettes, revêtements de fauteuil ;

- nombreux objets et appareils sanitaires etc »

Le rapport indique en outre à titre indicatif la quantité d'amiante susceptible d'être utilisée lors d'une « année/centrale thermique » : 20 kilos de tissus d'amiante, 40 kilos de cordonnets d'amiante, 100 kilos de tresses d'amiante, 150 kilos de cartons d'amiante, 200 kilos de joints à base d'amiante, outre plusieurs tonnes d'amiante bleu projeté et de calorifuges à base d'amiante et de ciment.

- un projet de note en date du 9 janvier 1978 sur la prévention des risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante concluant que « le risque amiante étant mis en évidence, il devient indispensable d 'appliquer des mesures particulières de prévention, aspiration des poussières, filtration de l'air, humidification des matériaux contenant de l 'amiante, conditionnement en emballages étanches des déchets, équipements respiratoires et protections vestimentaires, coiffures, combinaisons, gants, nettoyage de la zone de travail, des tenues de travail, des équipements respiratoires et évacuation des déchets... ».

Les appelants versent également les attestations de :

- M. [W] [P] : « Durant ma carrière professionnelle à EDF, j'ai participé à l'entretien des turbines dans les centrales suivantes : [Localité 22], [Localité 25], [Localité 21], [Localité 27], [Localité 16], [Localité 17], [Localité 18], [Localité 26], [Localité 19], [Localité 14] de 1981 à 1985. Passé cette date, c'est la section robinetterie qui a vu le jour dans notre entreprise jusqu'à la fin de notre carrière (retraite 2008). Je précise que ma carrière était exactement la même que celle de Monsieur [I] [X]. Nous avons fait les mêmes travaux et aux mêmes endroits nous mettant en contact direct avec des poussières d'amiante (décalorifugeage et ou déblocage des éléments de corps des turbines à vapeur, des organes d'admission vapeur protégés par des revêtements à base d'amiante.

Découpage, grattage, meulage et confection de joints d'étanchéité contenant de l'amiante ainsi qu'utilisation de produit d'étanchéité contenant de l'amiante, grattage de ces joints sur les surfaces planes.

Intervention dans les locaux industriels floqués à l'amiante.

Extractions et réfections des presses-' des robinets ou vannes en clapets des circuit eau-vapeur sur les traitements thermiques sur les tuyauteries.

Nous ne possédons aucune protection individuelle ou collective particulière pour se protéger contre l'inhalation des poussières d'amiante. Les locaux n'étaient pas spécifiquement confinés et ventilés.

Durant cette période, notre employeur EDF ne nous a jamais informés des dangers liés à l'amiante.

Aucune information de sa part ni de la médecine du travail ne nous a été dites.

J'ai été moi-même reconnu en maladie professionnel dû à l'amiante ».

- M. [E] [F] : « '[I] [X] en tant que contremaître nous a suivi et participé sur certain chantier de maintenance pour nous accompagner au plus près des chantiers de 1986 à 2001 sur les centrales de [Localité 22], [Localité 14], [Localité 25], [Localité 17] et [Localité 27].

Visite de la robinetterie avec remplacement des joints de brides dont certain en amiante, des garnitures en tresse également en amiante. Visites de trous d'hommes sur chaudières avec remplacement des joints en amiante avec grattage car ils étaient collés.

Dépose et repose de calorifugeage et tout cela sans protection respiratoire avant 1996 année d'information de la dangerosité de l'amiante.

Je suis reconnu en maladie professionnelle dû à l'amiante tableau MP30B'»

La société EDF ne peut se retrancher derrière le respect des valeurs limites d'exposition professionnelle pour s'exonérer de toute responsabilité.

Il résulte de ces éléments et de l'activité de la société EDF-GDF à l'époque, de son importance et de son organisation, qu'elle avait ou aurait dû avoir conscience du danger représenté par l'amiante.

- Sur les mesures prises :

Les appelants soutiennent qu'aucune mesure efficace n'a été adoptée par l'employeur.

Ils versent au débat :

- un projet de note en date du 9 janvier 1978 sur la prévention des risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante qui conclut que « le risque amiante étant mis en évidence, il devient indispensable d'appliquer des mesures particulières de prévention, aspiration des poussières, filtration de l'air, humidification des matériaux contenant de l'amiante, conditionnement en emballages étanches des déchets, équipements respiratoires et protections vestimentaires, coiffures, combinaisons, gants, nettoyage de la zone de travail, des tenues de travail, des équipements respiratoires et évacuation des déchets' » cette note préconise également de « créer dans les ateliers et les magasins dans lesquels on effectue régulièrement certaines opérations de coupage, de sciage et de manutention, une zone de risque amiante pour faciliter le captage des poussières et simplifier les contrôles d'empoussièrement réglementaires ».

- une note du 18 février 1980 sur la possibilité d'éditer un livret d'information personnel à remettre à chaque agent concerné dès lors que « la situation dans les usines sera connue permettant de se faire une idée sérieuse de la situation d'ensemble et particulière à certaines usines. »,

- une note du 4 Novembre 1982 qui souligne qu'« il a été constaté un manquement à certaines de ces recommandations au cours de travaux récents dans les centrales »,

- une note en date du 11 Janvier 1982 qui rappelle « Qu'il convient d'informer le personnel conformément au Décret de 1977, de mettre en place une surveillance médicale et de surveiller les postes exposés à plus de 2 fibres par cm3. »

Les appelants se réfèrent également à un procès-verbal du Comité National d'Hygiène Sécurité et Conditions de Travail en date du 21 avril 1997, notant que, malgré la diffusion de nombreuses notes de service, le problème de l'amiante n'est toujours pas réglé en 1997, que :

-les méthodes pour mesurer l'empoussièrement ne reflètent pas la réalité des situations de travail et que pour remédier aux risques d'inexactitude de la mesure, des recommandations pour la réalisation des mesures vont être mises à la disposition des unités ;

-pour le stockage des déchets amiantés, des précautions réglementaires devront être appliquées ;

-d'une manière générale il n'y a pas eu de retour de l'application de la réglementation et il conçoit qu'elle n'ait pas toujours été respectée.

Les appelants citent la note du médecin chef du Service Général de la Médecine du Travail EDF GDF sur les dangers présentés par l'amiante établie le 25 mai 1977 qui mentionne que : « A différentes occasions, les risques présentés par l'inhalation de l'amiante ont été évoqués par les médecins du travail de certaines centrales, soit à l'occasion de réunions de CHS, soit au cours d'entretiens avec la hiérarchie locale ».

La société EDF relate avoir pris l'initiative avec son Service Général de la Médecine du Travail, d'ordonner une étude approfondie à partir d'un site pilote, à savoir la centrale thermique de [Localité 28], qui présentait la caractéristique d'être composée de deux centrales anciennes construites selon des procédés différents laquelle a permis d'aboutir à un certain nombre de constatations et de propositions,

Elle indique avoir rédigé une note K632-R361 ayant pour objet la « Prévention des risques dus à l'inhalation de poussières d'amiante » dans les centrales thermiques, diffusée à toutes les unités d'EDF en avril 1978 et mise à jour en 1980 et 1986.

Elle ajoute que le Service Général de Médecine du Travail d'EDF a demandé au Docteur [A], responsable en son sein du département toxicologie, d'établir un rapport complet sur les problèmes posés par l'utilisation de l'amiante notamment à EDF, qu'il a été demandé à toutes les centrales d'établir une cartographie de l'amiante laquelle a permis d'établir une synthèse historique et pratique de la présence d'amiante dans les centrales d'EDF, rappelant les mesures de prévention à prendre face au risque amiante.

Elle indique que les mesures suivantes ont été adoptées :

- des contrôles d'empoussièrement ( note du 18 février 1980 du SPT aux chefs de GRPT, au chef de groupe de laboratoire, au chef du département, au chargé de mission) révélant des valeurs très nettement inférieures aux 2 fibres/cm 3 édictées par le décret de 1977.

- des protections individuelles et collectives et information des salariés étant observé que, conformément aux dispositions du décret n° 77-949 du 17 août 1977 modifié, l'employeur n'avait à pas à mettre d'EPI à la disposition de ses salariés lorsque la concentration d'amiante était inférieure au seuil réglementaire de 2 fibres / cm3.

Au motif que [X] [V] [I] n'était pas exposé à ces valeurs, elle considère qu'elle n'avait pas à le faire bénéficier de ce dispositif.

La société verse au débat :

- la note du 31 mai 1978 du SPT aux chefs de GRPT demandant aux centrales de faire porter un masque filtrant à leurs salariés exposés,

- la note du 14 février 1979 recommandant le cloisonnement des zones de travaux (assorti d'un dispositif d'aspiration et de filtration des poussières), ainsi que le port d'une combinaison de travail et d'un appareil de protection respiratoire,

- la note du 21 octobre 1980 préconisant que le personnel de chaque centrale soit précisément informé des emplacements reconnus comme comportant de l'amiante au sein de la centrale,

- les note des 21 octobre 1980 et 29 juin 1981 relatives aux travaux sur produits amiantés,

- la note du 4 novembre 1982 sur les mesures de sécurité à prendre dans l'exécution des chantiers,

- les « Recueil des prescriptions a personnel » intégrant à compter de 1982 la problématique de l'amiante,

La société précise que les interventions de plus grande envergure sur les gros matériels calorifugés à base d'amiante ont été systématiquement réalisées par des entreprises extérieures spécialisées selon une note du 21 octobre 1980 et qu'en novembre 1984, le Service de la Production Thermique et le Service Général de la Médecine du Travail ont fait élaborer un document d'information présentant de façon synthétique les risques, la prévention, la réglementation, le contrôle de l'air et le traitement des déchets contaminés à l'amiante.

Elle fait valoir que les agents susceptibles d'être en contact avec de l'amiante devaient faire l'objet d'une surveillance médicale particulière, que dès 1978, le SPT prescrivait aux centrales de « stocker les produits contenant de l'amiante, y compris les déchets sous emballage en plastique » afin d'éviter l'envol de fibres, prescription régulièrement rappelée par la suite, qu'également dès 1978, le SPT demandait au directeur technique de l'Equipement, qui assure l'ingénierie d'EDF pour la construction des centrales « de proscrire pour les nouveaux équipements tout matériau contenant de l'amiante » et « de substituer au cours des interventions sur les matériels les produits contenant de l'amiante par des produits de remplacement ».

Enfin, elle indique que le SPT a entrepris une campagne d'information auprès des centrales, visant à les informer précisément sur les matériaux de remplacement disponibles et les sociétés fournissant ces matériaux.

La société EDF considère qu'elle a pris toutes les dispositions qui s'imposaient au regard de la législation en vigueur et de sa connaissance du risque et que par ailleurs l'ensemble des mesures montre que le résultat des mesures effectuées étaient toujours largement en dessous des seuils limites réglementaires.

Toutefois, rien ne permet d'établir que [X] [V] [I] ait effectivement bénéficié des préconisations et mesures envisagées par l'employeur alors que les attestations produites par les appelants démontrent le contraire.

Il en résulte que la faute inexcusable de l'employeur est établie et l'argument de la société intimée selon lequel la preuve d'un lien de causalité entre la faute inexcusable alléguée et la pathologie de [X] [V] [I] n'est pas rapportée ne peut être suivi dès lors qu'il est établi l'existence d'une présomption entre la maladie déclarée et l'activité professionnelle de la victime et que la nature de la maladie est parfaitement compatible avec la nature des travaux exercés par ce dernier.

Il n'est rapporté aucun élément sérieux de nature à imputer l'origine de la maladie déclarée à un événement extérieur au travail.

Sur l'indemnisation

- Sur les préjudices au titre de l'action successorale :

Il convient d'ordonner la majoration du capital accordé à [X] [V] [I] par la CNIEG de son vivant, ce à quoi à la société EDF ne formule aucune observation.

Au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

- sur la réparation de la souffrance physique :

[X] [V] [I] a présenté des plaques pleurales et des épaississements pleuraux souffrant d'une dyspnée (essoufflement) et se plaignant d'une fatigabilité à l'effort.

Déclaré malade à l'âge de 53 ans, il a été soumis à des contrôles médicaux réguliers.

Il sera alloué à ce titre la somme de 5.000,00 euros.

- sur la réparation de la souffrance morale :

[X] [V] [I] a vécu dans l'angoisse d'un avenir compromis, il lui sera alloué la somme de 5.000,00 euros à ce titre.

- sur la réparation du préjudice d'agrément :

L'indemnisation d'un préjudice d'agrément suppose que soit rapportée la preuve de l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir. Les proches de la victime indiquent qu'elle ne pouvait plus se livrer à ses activités telles que la peinture et le jardinage. Il sera alloué la somme de 3.000,00 euros à ce titre.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société EDF à payer aux consorts [I] la somme de 2.000,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt de cette cour du 1er février 2024,

- Met hors de cause le FIVA,

- Constate le caractère professionnel de l'affection de [X] [V] [I],

- Juge que la maladie professionnelle dont était atteint et décédé [X] [V] [I] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la Société anonyme EDF,

- Fixe au maximum la majoration du capital perçu par [X] [V] [I],

- Fixe la réparation des préjudices subis par [X] [V] [I] de la façon suivante :

- en réparation du préjudice de la souffrance physique : 5.000 euros

- en réparation du préjudice de la souffrance morale : 5.000 euros

- en réparation du préjudice d'agrément : 3.000 euros

- Dit que la CNIEG sera tenue de faire l'avance de ces sommes

- Condamne la SA EDF à payer aux consorts [I] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LA GREFFIERE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 21/01233
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.01233 ?
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