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20/06/2024 | FRANCE | N°20/01130

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 20 juin 2024, 20/01130


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 20/01130 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HWJM







POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

19 février 2020

RG:18/00701





[C]

[U]

[U]

[U]





C/



S.A. [12]

[10]

FIVA





















Grosse délivrée le 20 JUIN 2024 à :



- Me ANDREU

- Me BRASSART

- La [10]

- Le FIVA









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE SOCIALE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 20 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 19 Février 2020, N°18/00701





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



M. Yves ROUQUETT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/01130 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HWJM

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

19 février 2020

RG:18/00701

[C]

[U]

[U]

[U]

C/

S.A. [12]

[10]

FIVA

Grosse délivrée le 20 JUIN 2024 à :

- Me ANDREU

- Me BRASSART

- La [10]

- Le FIVA

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 19 Février 2020, N°18/00701

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier lors des débats et Madame Delphine OLLMANN, Greffière lors du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Madame [G] [C] veuve [U], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [O] [U]

née le 01 Octobre 1947 à [Localité 14]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [S] [U], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [O] [U]

né le 30 Mai 1966 à [Localité 14]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représenté par Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [Y] [U], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [O] [U]

né le 08 Mars 1970 à [Localité 14]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [B] [U], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [O] [U]

né le 26 Juin 1994 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représenté par Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉES :

S.A. [12]

[Adresse 3]

[Adresse 3]/France

Représentée par Me Sophie BRASSART de l'ASSOCIATION Toison - Associés, avocat au barreau de PARIS substituée à l'audience par Me NEZRY Tristan (PARIS)

[10]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

non comparante ni représentée à l'audience

FIVA

[Adresse 17]

[Adresse 17]

[Adresse 17]

non comparant ni représenté à l'audience

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 20 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 13 avril 2017, la caisse primaire d'assurance maladie a reconnu la maladie professionnelle de [O] [U], salarié de la société [12], conformément au tableau n°30.

Le 16 janvier 2018, la Caisse nationale des industries électriques et gazières a attribué à [O] [U], une rente pour un taux d'incapacité permanente fixé à 12%. Cette rente a été augmentée, au taux de 20%, du fait d'une aide bénévole d'entreprise de la société [12].

[O] [U] a saisi la Caisse nationale des industries électriques et gazières aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

En l'absence de conciliation, [O] [U] a saisi le tribunal judiciaire de Nîmes - contentieux de la protection sociale, par requête déposée le 26 juillet 2018. Cette procédure a été enregistrée sous le RG du tribunal judiciaire de Nîmes 18/701.

Par jugement en date du 19 février 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes - Contentieux de la protection sociale, désormais compétent pour connaître de ce litige, a :

- déclaré l'action en reconnaissance de la faute inexcusable à l'encontre de la société [12] prescrite,

- prononcé l'irrecevabilité du recours,

- condamné M. [O] [U] aux dépens.

Par acte du 24 avril 2020, [O] [U] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

[O] [U] est décédé le 6 mai 2020, ses ayants-droit ont repris l'instance.

Par arrêt du 1er février 2024, la présente cour a :

- infirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- et statuant à nouveau, dit recevable et non prescrite l'action de [O] [U] reprise par ses ayants droit,

- renvoyé l'affaire et les parties à l'audience du 15 mai 2024 à 14h00 pour que soit évoqué le fond de l'affaire et dit que la notification du présent vaut convocation à s'y présenter,

- réservé pour le surplus.

Au terme de leurs conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, les ayants-droit de [O] [U] demandent à la cour de :

- débouter l'employeur de sa demande tendant à la remise en cause du caractère professionnel de la maladie dont souffrait Monsieur [U]

- dire et juger que la maladie professionnelle dont était atteint et dont est décédé Monsieur [O] [U] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société la Société anonyme [12].

En conséquence :

- Au titre de l'action successorale

Ordonner la majoration des rentes (12%, 20%, 100%) accordées à Monsieur [U] par la CNIEG de son vivant

- Fixer la réparation des préjudices subis par Monsieur [O] [U] de la façon suivante :

Au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

- en réparation du déficit fonctionnel temporaire : 25.200 euros

- en réparation de la souffrance physique : 20.000 euros

- en réparation de la souffrance morale : 30.000 euros

Au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents :

- en réparation du déficit fonctionnel permanent : 244.200 euros

- en réparation du préjudice d'agrément : 20.000 euros

- en réparation du préjudice esthétique : 15.000 euros

- En leur nom propre

Ordonner la majoration de la rente allouée à Madame [E] [G] [U]

Fixer la réparation du préjudice moral subi par les Consorts [U] de la manière suivante :

- Madame [G] [E] [U] : 100.000 euros

- Monsieur [S] [U], son fils : 35.000 euros

- Monsieur [Y] [U], son fils : 35.000 euros

- Monsieur [B] [U], son petit-fils : 20.000 euros

Dire que la CNIEG sera tenue de faire l'avance de ces sommes

Condamner en outre la société [12] à verser aux Consorts [U] la somme de 2.000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Au soutien de leurs demandes, les ayants-droit de [O] [U] exposent que:

- la maladie diagnostiquée correspond bien au tableau n°30 et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'une origine extérieure au travail,

- l'employeur ne pouvait ignorer les risque auquel était exposé son salarié et n'a pris aucune mesure utile pour le préserver de ce risque.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la S.A. [12] demande à la cour de :

A titre principal :

- juger qu'[12], en sa qualité d'employeur n'a commis aucune faute inexcusable au sens des dispositions de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale,

- débouter les consorts [U] de l'intégralité de leurs demandes.

A titre très subsidiaire :

- juger que le lien de causalité entre la pathologie et une éventuelle faute d'[12] n'est pas établi et débouter en conséquence les consorts [U] de l'intégralité de leurs demandes.

A titre infiniment subsidiaire, si la cour déclarait établie la faute inexcusable d'[12] et l'existence d'un lien de causalité :

- juger que les consorts [U] n'établissent pas l'importance des préjudices invoqués et ramener les demandes d'indemnisation à de plus justes proportions;

En tout état de cause,

- déclarer le jugement à intervenir opposable à la Caisse nationale des industries électriques et gazières,

- dire et juger que l'indemnisation éventuellement allouée aux ayants droit de M. [U] sera le cas échéant supportée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières,

- condamner les consorts [U] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- les appelants n'apportent pas la preuve qu'elle aurait commis une faute inexcusable, en effet dès qu'elle a eu conscience du danger que représentait l'amiante, elle a pris toutes les mesures qui s'imposaient pour assurer la sécurité de ses agents, tant au niveau national qu'au niveau local, - l'attestation d'exposition fournie par [12] à [O] [U] indique que le « risque d'exposition » à l'inhalation de poussières d'amiante est limité à la période 1973 à 1978, c'est-à-dire à son activité au sein de la centrale de [Localité 13],

- il résulte tant de la nature des fonctions exercées que de la déclaration de maladie professionnelle et du rapport d'enquête de la CPAM qu'aucune des fonctions occupées au sein d'[12] n'a pu exposer [O] [U] à l'inhalation de fibres d'amiante dans des conditions de nature à porter atteinte à sa santé. et ce en tenant compte de la nature des sites sur lesquels leurs agents travaillaient,

- les appelants n'apportent pas la preuve d'un lien de causalité entre sa pathologie et une prétendue exposition à l'amiante au sein d'[12],

- les sommes demandées par les ayants droit de [O] [U] sont excessives et doivent être ramenées à de plus justes proportions.

Le FIVA et la Caisse nationale des industries électriques et gazières ne comparaissent pas ni personne pour eux bien que régulièrement convoqués.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Il convient de mettre hors de cause le FIVA non concerné par la présente affaire.

Sur le caractère professionnel de la maladie

La société [12] conteste le caractère professionnel de la maladie de [O] [U] au motif que les éléments médicaux produits ne permettent pas de caractériser la pathologie reconnue, à savoir une asbestose avec fibrose pulmonaire.

Selon l'article L.46l-1 du code de la sécurité sociale « Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».

Le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la caisse et l'employeur ne prive pas la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la juridiction étant en mesure, après débat contradictoire, de rechercher si la maladie a un caractère professionnel et si l'assuré a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une telle faute.

Le tableau n°30 A désigne comme maladie professionnelle «A. - Asbestose : fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques, qu'il y ait ou non des modifications des explorations fonctionnelles respiratoires. Complications : insuffisance respiratoire aiguë, insuffisance ventriculaire droite».

La liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer ces maladies est : «Travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment : - extraction, manipulation et traitement de minerais et roches amiantifères. Manipulation et utilisation de l'amiante brut dans les opérations de fabrication suivantes : - amiante-ciment ; amiante-plastique ; amiante-textile; amiante-caoutchouc ; carton, papier et feutre d'amiante enduit; feuilles et joints en amiante ; garnitures de friction contenant de l'amiante ; produits moulés ou en matériaux à base d'amiante et isolants. Travaux de cardage, filage, tissage d'amiante et confection de produits contenant de l'amiante. Application, destruction et élimination de produits à base d'amiante: - amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits contenant de l'amiante; démolition d'appareils et de matériaux contenant de l'amiante, déflocage. Travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante. Travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante. Conduite de four. Travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante»

En l'espèce, le scanner thoracique du 26 juin 2015 de [O] [U] a permis le diagnostic de sa pathologie en révélant la présence de lésions de fibrose organisée dominante aux bases avec des lésions d'emphyseme Centro-lobulaire des sommets.

Il en résulte que la maladie de [O] [U] correspondait à celle désignée dans le tableau.

Il appartient à l'employeur, s'il entend contester l'imputabilité au travail de la maladie de [O] [U], d'en rapporter la preuve, ce qu'il ne fait pas en se prévalant du fait que [O] [U] n'a pas été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au sein d'[12] au-delà des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP), puisque selon les sites les concentrations relevées étaient soient nulles soient très inférieures aux VLEP. En effet, peu importe le degré d'exposition aux poussières d'amiante dès lors qu'il est reconnu que la victime a bien été exposée à de l'amiante étant observé que la société [12] a délivré à [O] [U] une attestation d'inhalation à des poussières d'amiante pour la période 1973 à 1978 durant son activité au sein de la centrale de [Localité 13]. En outre la liste des travaux proposée par le tableau 30A n'est qu'indicative, seule est exigée l'exposition à l'inhalation de poussières d'amiante.

La présomption d'imputabilité trouve donc à s'appliquer.

Sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Ces critères sont cumulatifs. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié : il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes ont concouru au dommage. Mais une relation de causalité entre les manquements susceptibles d'être imputés à l'employeur et la survenance de l'accident doit exister à défaut de laquelle la faute inexcusable ne peut être retenue. La faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.

Il appartient au salarié de prouver que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ' conscience du danger et absence de mise en place des mesures nécessaires pour l'en préserver ' sont réunis. Lorsque le salarié ne peut rapporter cette preuve ou même lorsque les circonstances de l'accident demeurent inconnues, la faute inexcusable ne peut être retenue.

- Sur la conscience du danger :

Il existait dès la loi des 12 et 13 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs et le décret du 10 juillet 1913, une législation de portée générale sur les poussières, reprises dans le code du travail mettant à la charge des employeurs des obligations de nature à assurer la sécurité de leurs salariés ;

- concernant spécifiquement l'amiante, ce risque sanitaire provoqué par ce matériau a été reconnu par l'ordonnance du 3 août 1945 créant le tableau n°25 des maladies professionnelles à propos de la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières enfermant de la silice ou de l'amiante, et que cette reconnaissance a été confirmée par le décret du 31 août 1950, puis par celui du 3 octobre 1951 créant le tableau numéro 30 propre à l'asbestose, fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante ;

- ce risque d'asbestose a été identifié dès le début du XXème siècle de nombreux travaux études scientifiques ont été publiés sur les conséquences de l'inhalation des poussières d'amiante avant même la publication du décret du 17 août 1977 ;

- les décrets des 5 janvier 1976, 17 août 1977 ont réglementé spécifiquement les travaux portant sur les produits à base d'amiante en les mentionnant au tableau n°30 des maladies professionnelles et ont imposé des règles de protection particulière préservant des poussières d'amiante.

Les appelants versent au débat :

- un document de travail établi le 4 décembre 1996 par [12] qui relève :

« - utilisation de produits à base d 'amiante .-

toute activité touchant à l 'entretien des réfractaires, à la préparation des joints, à la mise en place de calorifuges autour des canalisations et des vannes sous forme de demi- coquilles ou de tresses, à l 'utilisation des joints... Travail dans des locaux ou pouvaient exister des poussières d'amiante... Les ateliers de soudage ' tuyautage, les stations de compression et les laboratoires d'analyses. »

- ce même document cite les métiers visés : «Chauffeurs de four, agents chargés du défournement et de la manutention du coq incandescent, briqueteurs, fumistes, maçons, chaudronniers, plombiers, soudeurs, tôliers, tuyauteurs, manoeuvres et contremaîtres d 'entretien, chimistes et essayeurs de laboratoire, rondier et autres fonctions d'exploitant ».

- une étude du Docteur [A] [D], médecin du travail retraité d'[12] :

« Exposition à l'amiante .

les agents portaient des gants et des chaussons en tissu d 'amiante ,- ils avaient à réaliser du calorifugeage et pour cela ils devaient réaliser une espèce de mortier contenant une forte proportion de poudre d 'amiante ,- ils devaient découper des joints à la scie à la gange dans des plaques de klingérite.

les agents devaient souder, remplacer les joints amiantés, ils devaient gratter les vieux joints, générant de fortes poussières puis ils devaient insérer les joints neufs dans une rainure en les martelant.

ils avaient aussi à manipuler des briques réfractaires contenant de l'amiante lors de l'entretien des fours ou la température pouvait dépasser 1 400° lors du fonctionnement. »

- un rapport établi en mai 1977 par le Service Général de la Médecine du Travail d'[12] confirmant la présence de fibres d'amiante :

« -canalisation en fibre ciment : eau ' gaz ' protection des câbles électriques;

-plaques de revêtement (ETERNI1), d 'isolation ou d 'insonorisation ,-

-gaines de ventilation et filtres à air contenant textile d'amiante ,-

-cordons d 'amiante pour portes de chaudière ou comme joints de volute de tirage ;

-joints et garnitures d 'étanchéite (joints amiante ' teflon) ;

-amalgame ciment type PD 2 à base d 'amiante ;

-plastique à charge d 'amiante pour réduire l'inflammabilité (revêtements de sols ou de parois) ;

- écrans de soudeur ;

- électrodes de jonction à l'asbeste dans certaines soudures à l'arc,

- emballages cartonnées à l 'amiante,

- radiateurs électriques et à gaz,

- tentures, rideaux, moquettes, revêtements de fauteuil ;

- nombreux objets et appareils sanitaires etc »

Le rapport indique en outre à titre indicatif la quantité d'amiante susceptible d'être utilisée lors d'une « année/centrale thermique » : 20 kilos de tissus d'amiante, 40 kilos de cordonnets d'amiante, 100 kilos de tresses d'amiante, 150 kilos de cartons d'amiante, 200 kilos de joints à base d'amiante, outre plusieurs tonnes d'amiante bleu projeté et de calorifuges à base d'amiante et de ciment.

- un projet de note en date du 9 janvier 1978 sur la prévention des risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante concluant que « le risque amiante étant mis en évidence, il devient indispensable d 'appliquer des mesures particulières de prévention, aspiration des poussières, filtration de l'air, humidification des matériaux contenant de l 'amiante, conditionnement en emballages étanches des déchets, équipements respiratoires et protections vestimentaires, coiffures, combinaisons, gants, nettoyage de la zone de travail, des tenues de travail, des équipements respiratoires et évacuation des déchets... ».

Les appelants versent également les attestations de :

- M. [J] [W] : « J'ai connu Monsieur [U] [O] lorsqu'il est venu travailler à la centrale [12] D'[Localité 7] en 1977 où j'y étais moi 'même. Il « était chaudronnier et son travail l'emmenait à intervenir sur du matériel qui était en contact avec de l'amiante' »

- M. [L] [V] : « J'ai travaillé à la centrale d'[Localité 7] avec Monsieur [U] de 1978 à 1986' A ce titre nous avons effectués plusieurs chantiers de maintenance « mécanique 'chaudronnerie » sur les installations de l'usine.

- Robinetteries divers, fabrication de joints, groupe turbo, alternateur

- Montage, démontage de calorifuge à base d'amiante etc

A l'époque nous travaillons sans équipement spécifique aux risques amiante.

Je suis revenu à la centrale d'[Localité 7] de 1991 à 2008' Monsieur [U] qui exerçait toujours à la section Chaudronnerie de la centrale '. »

- M. [S] [H] : « 'J'atteste avoir travaillé avec Monsieur [U] [O] en tant que chaudronnier à [12] CPT [Localité 7] de mon embauche de 1991 à son départ en inactivité en 1998.

Notre emploi était une activité de maintenance sur des vannes et des tuyauteries. Les vannes comportaient des joints et des garnitures d'étanchéité comprenant de l'amiante.

Les tuyauteries étaient couvertes d'amiante pour certaines, et lors de la réalisation des soudures soumises à radiographies, nous les protégions avec des toiles d'amiante.

Le meulage et le coupage des joints et garnitures mettaient en suspension les particules.

Ces travaux étaient réalisés sans protections particulières à cette époque ».

- M. [N] [Z] : « En tant que chef de quart à la centrale d'[Localité 7], j'ai bien connu Monsieur [U] de 1978 à 1998 employé au service chaudronnerie où chaque intervention sur une vanne obligeait la découpe de joints d'amiante. Pour l'étanchéité également toutes les interventions au niveau du générateur de vapeur avec la laine de verre, sans compter le gant d'amiante lors des travaux à la chaleur....»

C'est à tort que la société [12] soutient qu'il appartient aux appelants de prouver que leur auteur ait été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions fautives, c'est à dire, pour des valeurs supérieures au seuil limite d'exposition défini par la réglementation. La seule conscience du danger est exigée. La remise d'une attestation d'exposition à l'amiante de 1973 à 1998 pour «manipulation et soudure sur matériaux amiantés» confirme non seulement l'exposition mais également la reconnaissance du risque encouru même si la société [12] déclare «les attestations ont été délivrées largement et sans aucune vérification par les services de la médecine du travail et donc sans tenir compte de la réalité de l'exposition».

Il résulte de ces éléments et de l'activité de la société [12] à l'époque, de son importance et de son organisation, qu'elle avait ou aurait dû avoir conscience du danger représenté par l'amiante.

- Sur les mesures prises :

Les appelants soutiennent qu'aucune mesure efficace n'a été adoptée par l'employeur.

Ils versent un procès-verbal du Comité National d'Hygiène Sécurité et Conditions de Travail en date du 21 avril 1997, notant que, malgré la diffusion de nombreuses notes de service, le problème de l'amiante n'est toujours pas réglé en 1997, que :

-les méthodes pour mesurer l'empoussièrement ne reflètent pas la réalité des situations de travail et que pour remédier aux risques d'inexactitude de la mesure, des recommandations pour la réalisation des mesures vont être mises à la disposition des unités ;

-pour le stockage des déchets amiantés, des précautions réglementaires devront être appliquées ;

-d'une manière générale il n'y a pas eu de retour de l'application de la réglementation et il conçoit qu'elle n'ait pas toujours été respectée.

Les appelants se réfèrent également à la note du médecin chef du Service Général de la Médecine du Travail [12] sur les dangers présentés par l'amiante établie le 25 mai 1977 qui mentionne que : « A différentes occasions, les risques présentés par l'inhalation de l'amiante ont été évoqués par les médecins du travail de certaines centrales, soit à l'occasion de réunions de CHS, soit au cours d'entretiens avec la hiérarchie locale ».

La société [12] relate avoir pris l'initiative avec son Service Général de la Médecine du Travail, d'ordonner une étude approfondie à partir d'un site pilote, à savoir la centrale thermique de [Localité 18], qui présentait la caractéristique d'être composée de deux centrales anciennes construites selon des procédés différents laquelle a permis d'aboutir à un certain nombre de constatations et de propositions,

Elle indique avoir rédigé une note K632-R361 ayant pour objet la « Prévention des risques dus à l'inhalation de poussières d'amiante » dans les centrales thermiques, diffusée à toutes les unités d'[12] en avril 1978 et mise à jour en 1980 et 1986.

Elle ajoute que le Service Général de Médecine du Travail d'[12] a demandé au Docteur [X], responsable en son sein du département toxicologie, d'établir un rapport complet sur les problèmes posés par l'utilisation de l'amiante notamment à [12], qu'il a été demandé à toutes les centrales d'établir une cartographie de l'amiante laquelle a permis d'établir une synthèse historique et pratique de la présence d'amiante dans les centrales d'[12], rappelant les mesures de prévention à prendre face au risque amiante.

Elle indique que les mesures suivantes ont été adoptées :

- des contrôles d'empoussièrement ( note du 18 février 1980 du SPT aux chefs de GRPT, au chef de groupe de laboratoire, au chef du département, au chargé de mission) révélant des valeurs très nettement inférieures aux 2 fibres/cm 3 édictées par le décret de 1977.

- des protections individuelles et collectives et information des salariés étant observé que, conformément aux dispositions du décret n° 77-949 du 17 août 1977 modifié, l'employeur n'avait à pas à mettre d'EPI à la disposition de ses salariés lorsque la concentration d'amiante était inférieure au seuil réglementaire de 2 fibres / cm3.

Au motif que [O] [U] n'était pas exposé à ces valeurs, elle considère qu'elle n'avait pas à le faire bénéficier de ce dispositif.

La société verse au débat :

- la note du 31 mai 1978 du SPT aux chefs de GRPT demandant aux centrales de faire porter un masque filtrant à leurs salariés exposés,

- la note du 14 février 1979 recommandant le cloisonnement des zones de travaux (assorti d'un dispositif d'aspiration et de filtration des poussières), ainsi que le port d'une combinaison de travail et d'un appareil de protection respiratoire,

- la note du 21 octobre 1980 préconisant que le personnel de chaque centrale soit précisément informé des emplacements reconnus comme comportant de l'amiante au sein de la centrale,

- les note des 21 octobre 1980 et 29 juin 1981 relatives aux travaux sur produits amiantés,

- la note du 4 novembre 1982 sur les mesures de sécurité à prendre dans l'exécution des chantiers,

- les « Recueil des prescriptions a personnel » intégrant à compter de 1982 la problématique de l'amiante,

La société précise que les interventions de plus grande envergure sur les gros matériels calorifugés à base d'amiante ont été systématiquement réalisées par des entreprises extérieures spécialisées selon une note du 21 octobre 1980 et qu'en novembre 1984, le Service de la Production Thermique et le Service Général de la Médecine du Travail ont fait élaborer un document d'information présentant de façon synthétique les risques, la prévention, la réglementation, le contrôle de l'air et le traitement des déchets contaminés à l'amiante.

Elle fait valoir que les agents susceptibles d'être en contact avec de l'amiante devaient faire l'objet d'une surveillance médicale particulière, que dès 1978, le SPT prescrivait aux centrales de « stocker les produits contenant de l'amiante, y compris les déchets sous emballage en plastique » afin d'éviter l'envol de fibres, prescription régulièrement rappelée par la suite, qu'également dès 1978, le SPT demandait au directeur technique de l'Equipement, qui assure l'ingénierie d'[12] pour la construction des centrales « de proscrire pour les nouveaux équipements tout matériau contenant de l'amiante » et « de substituer au cours des interventions sur les matériels les produits contenant de l'amiante par des produits de remplacement ».

Enfin, elle indique que le SPT a entrepris une campagne d'information auprès des centrales, visant à les informer précisément sur les matériaux de remplacement disponibles et les sociétés fournissant ces matériaux.

Plus particulièrement pour la Centrale de [Localité 13], la société [12] relève que de nombreuses mesures, dont les relevés d'empoussièrement, révélaient que l'amiante en suspension dans l'air l'était dans des proportions très largement inférieures aux seuils préconisés à l'époque.

Ainsi, le procès-verbal n° 27/77-2 du 17 juin 1977 du Comité d'Hygiène et de Sécurité de [Localité 13], démontre qu'une enquête a été effectuée à la demande du médecin du travail concernant l'amiante révélant que : "D'après les documents fournis par le médecin du travail, il semble que dans notre établissement, les risques encourus du fait de la présence d'amiante soient à peu près nuls. En effet, les fibres d'amiante n'ont des chances d'être libérées que lorsque qu'un agent meule un joint à base d'amiante. Ceci se produit assez rarement et il n'y a pas d'agent affecté spécialement à cette tâche.

Vues les conditions d'action des fibres d'amiante et le temps nécessaires pour qu'elles agissent, on arrive ainsi à la notion de dose par an et par agent, il ne semble pas qu'il y ait lieu de prendre des mesures sévères à la centrale de [Localité 13] dans l'immédiat.

Cependant, une note paraîtra recommandant le port du masque léger en papier, pour le meulage des joints Klingerit.

A plus long terme et après étude effectuée par Monsieur le Docteur [P], la situation sera réexaminée par le CHS".

Le procès-verbal n° 28/77-3 du 7 octobre 1977 du Comité d'Hygiène et de Sécurité de [Localité 13] relatif aux "problèmes posés par l'utilisation de l'amiante" mentionne :

"Pour faire suite à la dernière réunion du CHS, Monsieur le Docteur [P] fait le point en ce qui concerne les problèmes posés par l'utilisation de l'amiante.

En particulier, il communique et commente le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante.

Il précise le paragraphe relatif à la concentration de fibres moyenne. Il souligne le paragraphe relatif au contrôle de l'atmosphère. De cela, il ressort:

-que préventivement, une note de sécurité parue le 23 juin 1977 recommande le port d'un masque de papier Toucan lors du travail de meulage des joints en Klingerit à la centrale de [Localité 13],

- qu'il n'est pas possible, pour le moment, d'effectuer des mesures pour déterminer la teneur en fibres d'amiante, mais qu'en tout état de cause, elle doit être faible,

- que ces mesures seront faites dès qu'un organisme agréé, pour ce faire, sera connu."

Le procès-verbal n° 31/78-2 du 15 juin 1978 du Comité d'Hygiène et de Sécurité de [Localité 13] mentionne que lors d'une nouvelle réunion du Comité d'Hygiène et de Sécurité, "Monsieur le Médecin du Travail fait savoir qu'il a prélevé, à la suite du dernier CHS, quelques échantillons de calorifuge pour contrôler s'il contient de l'amiante. Il attend les résultats des analyses demandées.

A ce propos, Monsieur le Président informe les membres du CHS du fait que la turbine 1 sera calorifugée par un produit exempt d'amiante, cette disposition étant précisée dans la commande passée.

Le seul risque d'inhalation de fibres d'amiante pouvant, à priori, exister aujourd'hui concerne les opérations de meulage des joints en Klingerit, travail pour lequel une consigne interne recommandait le port de masque de protection. Les nouvelles directives imposent aujourd'hui l'emploi du masque, la consigne sera donc modifiée dans ce sens".

La réunion trimestrielle du CHS du 26 mars 1979 amène le constat suivant:

"Le CHS est mis au courant des deux notes relatives à l'utilisation de calorifuge contenant de l'amiante, notamment de l'intérêt de l'humidification à c'ur. Nos calorifuges ne contenant pas de l'amiante, ce procédé ne sera pas utilisé".

Le 29 septembre 1980, le Comité d'Hygiène et de Sécurité indique :

"Les membres du CHS prennent connaissance de la note de service du Service Entretien attirant l'attention du personnel sur ce risque et sur les dispositions prises, ou à prendre, pour s'en prémunir.

Depuis, les produits de remplacement concernant les toiles, cartons et tresses nues, sont arrivés et ce à base d'amiante non enrobée ont été enlevés du magasin, mis dans des sacs en plastique et enterrés dans le terrain vague situé le parc à charbon.

Ces nouveaux matériaux, à base de fibres céramiques, sont vendus sous l'appellation commerciale T45. Ces produits étant très chers, il convient de ne pas les gâcher".

Le 15 décembre 1980, le Comité d'Hygiène et de Sécurité constatait :

"Les mesures de la présence éventuelle de fibres d'amiante dans l'air ambiant ont eu lieu les 17 et 18 novembre 1980 par un agent de l'Apave de [Localité 15]. Nous n'avons pas encore reçu les résultats" et "Après communication de la note, le Secrétaire informe les membres du fait que tous les masques utilisés à la centrale et ceux qu'il est prévu de commander en 1981 sont du type "en surpression"".

Le 16 mars 1981, un Comité d'Hygiène et de Sécurité prenait connaissance des résultats des contrôles d'empoussièrement réalisés par l'Apave alsacienne les 18 et 19 novembre 1980 qui se révélaient très largement inférieurs au seuil de 2 fibres/cm3 fixé par le décret du 17 août 1977. En effet, ces résultats sont compris entre 0,023 fibre/cm3 (travées broyeurs tranche 2) et au maximum 0,094 fibre/cm3 (turbines tranche 1).

Concernant le contrôle médical, le procès-verbal du Comité d'Hygiène et de Sécurité du 15 juin 1982 attestait des moyens mis en 'uvre : "Tous les contrôles radios du personnel étant maintenant effectués, Monsieur le Docteur [P] peut faire savoir au CHS qu'aucun cas d'asbestose n'a été détecté ! Question réglée".

Enfin, le compte rendu des prélèvements et comptages d'amiante effectués le 30 avril 1990 établit que la société [12] a enlevé les plaques d'amiante qu'elle avait repérées dans les tablettes des fenêtres des bureaux des 2ème et 3ème étages de certains de ces bâtiments administratifs.

En ce qui concerne la Centrale d'[Localité 7], la société [12] ne verse que la note du 14 juin 1982 du SPT au Secrétariat de la Commission de Coordination des CHS indiquant que les mesures d'empoussièrement effectuées au sein des centrales de [Localité 11] et de [Localité 16], de même conception que celle d'[Localité 7], ont révélé un taux moyen d'empoussièrement maximal de respectivement de 0,04 fibres/cm³ pour la première et 0,042 fibres/cm³ pour la seconde.

La société [12] considère qu'elle a pris toutes les dispositions qui s'imposaient au regard de la législation en vigueur et de sa connaissance du risque et que par ailleurs l'ensemble des mesures montre que le résultat des mesures effectuées étaient toujours largement en dessous des seuils limites réglementaires.

Toutefois, rien ne permet d'établir que [O] [U] ait effectivement bénéficié des préconisations et mesures envisagées par l'employeur alors que les attestations produites par les appelants démontrent le contraire. La société [12] ne produit aucun élément pertinent concernant les mesures de prévention adoptées au sein de la centrale d'[Localité 7].

Il en résulte que la faute inexcusable de l'employeur est établie et l'argument de la société intimée selon lequel la preuve d'un lien de causalité entre la faute inexcusable alléguée et la pathologie de [O] [U] n'est pas rapportée ne peut être suivi dès lors qu'il est établi l'existence d'une présomption entre la maladie déclarée et l'activité professionnelle de la victime et que la nature de la maladie est parfaitement compatible avec la nature des travaux exercés par ce dernier.

Par ailleurs il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, il suffit qu'elle en ait été la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage. Dès lors, les développements de l'employeur sur le tabagisme de la victime ne sont d'aucun emport.

Sur l'indemnisation

- Sur les préjudices au titre de l'action successorale :

Il convient d'ordonner la majoration de la rente accordée à [O] [U] par la CNIEG de son vivant, ce à quoi à la société [12] ne formule aucune observation.

Au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

- en réparation du déficit fonctionnel temporaire :

Les appelants rappellent que [O] [U] a développé une asbestose dès l'année 2010 alors qu'il était âgé de 67 ans, le docteur [M] mentionnait « Monsieur [U] présente une insuffisance respiratoire en lien avec une fibrose pulmonaire évoluant depuis 2010 en lien possible avec son exposition professionnelle à l'amiante ».

Il s'est écoulé 6 ans soit 72 mois entre le diagnostic de la maladie de [O] [U] et la consolidation de son état, son taux d'IPP a été fixé à 12% avec effet à compter du 6 juillet 2016.

Les appelants sollicitent, en réparation de son déficit fonctionnel temporaire, une indemnité de 350 euros par mois, soit une indemnité de : 350 euros x 72 mois = 25.200 euros

Ce poste de préjudice n'est pas contesté par la société [12].

Il sera fait droit à la demande.

- sur la réparation de la souffrance physique :

L'état de santé de [O] [U] s'est nettement dégradé début 2020, il a fait l'objet de plusieurs hospitalisations pour aggravation de sa dyspnée, la douleur a été particulièrement intense en fin de vie. Il sera alloué à ce titre la somme de 15.000,00 euros.

- sur la réparation de la souffrance morale :

A l'annonce de la maladie [O] [U], âgé de 67 ans, a vécu dans l'angoisse d'un avenir compromis, il lui sera alloué la somme de 5.000,00 euros à ce titre.

- sur le déficit fonctionnel permanent :

Le 16 janvier 2018, la Caisse nationale des industries électriques et gazières a attribué à [O] [U], une rente pour un taux d'incapacité permanente fixé à 12%.

Les ayants droit de [O] [U] sollicitent le calcul du préjudice subi à ce titre en se fondant sur le taux de 100 % reconnu le 17 mars 2021.

Or, ce taux de 100 % a été accordé en considération d'une autre maladie professionnelle déclarée le 27 janvier 2020 ainsi que cela résulte de la notification de ce taux les 17 mars et 20 avril 2021 (Pièces n°28 et 30 des appelants). Seul le taux de 12 % est donc opposable à la société [12] dans le cadre de la présente instance et doit être adopté pour le calcul de l'indemnité revenant à la victime.

Les appelants sollicitent l'indemnisation suivante :

- au regard du taux d'IPP de 12% avec une valeur du point d'IPP à 1.210 euros pour une personne âgée entre 71 et 80 ans : 12 x 1.210 euros = 14.520 euros. Il sera fait droit à la demande.

- sur la réparation du préjudice d'agrément : l'indemnisation d'un préjudice d'agrément suppose que soit rapportée la preuve de l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir. En l'espèce, les appelants exposent que [O] [U] a dû cesser toutes ses activités de loisir et d'agrément (bricolage, jardinage, sorties') lorsque sa maladie a été diagnostiquée. Or ce poste de préjudice est déjà couvert par l'indemnisation du déficit fonctionnel dès lors qu'il n'est justifié d'aucune activité spécifique sportive ou de loisir.

- sur la réparation du préjudice esthétique : les appelants développent que pendant toute la durée de sa pathologie, [O] [U] a subi un préjudice esthétique important, dans la mesure où son apparence physique était extrêmement diminuée, qu'il a été marqué physiquement par sa maladie, qu'il a souffert d'une insuffisance respiratoire avec la nécessité d'une oxygénothérapie avec port d'une bouteille transportable, ce qui a également eu un retentissement sur son image, que son dossier médical mentionne une anémie et des complications.

Il sera alloué la somme de 3.000,00 euros à ce titre.

- Sur leur préjudices personnels :

Il y a lieu d'ordonner la majoration de la rente allouée à Madame [E] [G] [U].

Il convient de fixer la réparation du préjudice moral subi par les consorts [U] de la manière suivante :

- Mme [G] [E] [U] : mariée à [O] [U] depuis 55 ans, son préjudice sera indemnisé par l'allocation d'une somme que la cour arbitre à 30.000 euros

- M. [S] [U], son fils : son préjudice sera indemnisé par l'allocation d'une somme que la cour arbitre à 15.000 euros

- M. [Y] [U], son fils : son préjudice sera indemnisé par l'allocation d'une somme que la cour arbitre à 15.000 euros

- M. [B] [U], son petit-fils : son préjudice sera indemnisé par l'allocation d'une somme que la cour arbitre à 5.000 euros

La CNIEG sera tenue de faire l'avance de ces sommes

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SA [12] à payer aux consorts [U] la somme de 2.000,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Par arrêt réputé contradictoire,

Vu l'arrêt de cette cour du 1er février 2024,

- Met hors de cause le FIVA,

- Constate le caractère professionnel de l'affection de [O] [U],

- Juge que la maladie professionnelle dont était atteint [O] [U] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la Société anonyme [12],

- Fixe au maximum la majoration de la rente perçue par [O] [U],

- Fixe ainsi que suit le préjudice des ayants droit de [O] [U] :

- au titre de l'action successorale :

- au titre du déficit fonctionnel temporaire :25.200 euros

- au titre de la réparation des souffrances physiques : 15.000,00 euros.

- au titre de la réparation des souffrances morales : 5.000,00 euros

- au titre du déficit fonctionnel permanent : 14.520 euros

- au titre du préjudice esthétique : 3.000,00 euros

- au titre de leur préjudice personnel :

- ordonne la majoration au maximum de la rente allouée à Mme [G] [E] [U]

- fixe le préjudice moral et d'affection des ayants droit de [O] [U] aux sommes suivantes :

- Mme [G] [E] [U] : 30.000 euros

- M. [S] [U], son fils : 15.000 euros

- M. [Y] [U], son fils : 15.000 euros

- M. [B] [U], son petit-fils : 5.000 euros

- Déboute pour le surplus des demandes,

- Dit que la Caisse nationale des industries électriques et gazières fera l'avance de ces sommes et les récupérera à l'encontre de l'employeur,

- Condamne la SA [12] à payer aux consorts [U] la somme de 2.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la SA [12] aux éventuels dépens de l'instance.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LA GREFFIERE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 20/01130
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;20.01130 ?
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