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18/06/2024 | FRANCE | N°21/04401

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 18 juin 2024, 21/04401


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/04401 - N° Portalis DBVH-V-B7F-II2W



MS EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES

06 décembre 2021



RG :20/00306







[S]





C/



S.A.S. CEGELEC NUCLEAIRE SUD EST ACTEMIUM





















Grosse délivrée le 18 JUIN 2024 à :



- Me r>
- Me













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 18 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NIMES en date du 06 Décembre 2021, N°20/00306



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBAT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/04401 - N° Portalis DBVH-V-B7F-II2W

MS EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES

06 décembre 2021

RG :20/00306

[S]

C/

S.A.S. CEGELEC NUCLEAIRE SUD EST ACTEMIUM

Grosse délivrée le 18 JUIN 2024 à :

- Me

- Me

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NIMES en date du 06 Décembre 2021, N°20/00306

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [Y] [S]

né le 31 Décembre 1988 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S. CEGELEC NUCLEAIRE SUD EST ACTEMIUM Pris en son établissement ACTEMIUM MAINTENANCE NUCLEAIRE SUD

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 18 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [Y] [S] a été engagé par la Sas Cegelec Nucléaire Sud Est sous l'enseigne Actemium, à compter du 07 septembre 2015 suivant contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité d'agent technique, niveau C de la convention collective nationale des Etam des entreprises de travaux publics.

Le 09 octobre 2019, il était notifié à M. [Y] [S] un refus d'habilitation par le commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire.

Par courrier recommandé du 11 octobre 2019, M. [Y] [S] était convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 24 octobre 2019.

Par courrier distinct du même jour, la société Cegelec Nucléaire Sud Est informait M. [Y] [S] que, compte tenu de son impossibilité d'exercer une activité sur le site nucléaire, il serait placé en situation d'absence autorisée non rémunérée.

Par courrier daté du 16 octobre 2019, M. [S] a sollicité le directeur du Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (Cossen) afin d'obtenir des explications quant à son refus d'habilitation.

Le 19 novembre 2019, le directeur du Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire indiquait à M. [S] ne pouvoir répondre à ses interrogations aux motifs que les décisions administratives défavorables n'ont pas à être motivées dès lors que la communication de leurs motifs serait de nature à porter atteinte à la sûreté de l'État, à la sécurité publique, des personnes ou des systèmes d'information des administrations.

Par courrier du 28 novembre 2019, par l'intermédiaire de son conseil, M. [S] a exercé un recours gracieux. En l'absence de réponse, il a saisi le tribunal administratif d'un recours contentieux.

Par courrier recommandé du 29 octobre 2019, M. [Y] [S] a été licencié pour motif personnel en raison du trouble objectif constitué par le refus d'habilitation de la part du Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire, en ces termes :

' Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 octobre, nous vous avons convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement le jeudi 24 octobre à 11h00 à mon bureau, [Adresse 1].

Vous vous êtes présenté à cet entretien assisté d'[J] [X], membre du personnel et représentant du personnel, et avez été reçu par moi-même et [E] [D], responsable administratif entreprise.

En l'absence d'explications de nature à modifier notre appréciation sur la situation, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif personnel en raison du trouble objectif constitué par le refus d'habilitation dont vous avez fait l'objet de la part du Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire par décision du 17 septembre 2019 et qui vous a été notifiée le 9 octobre 2019 par l'Officier de sécurité.

Cette décision a été prise pour des motifs liés à votre comportement personnel, sans que nous ayons un droit d'accès à ces motifs.

Elle vous place dans l'impossibilité d'exécuter les fonctions d'agent technique pour lesquelles vous êtes employé au sein de notre entreprise.

Du fait de cette impossibilité, la société se trouve dans l'impossibilité de vous fournir un travail conforme à la fonction pour laquelle vous avez été recruté.

Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement fondé sur ce trouble objectif, qui

désorganise notre activité.

La date de première présentation de la présente lettre recommandée avec accusé de réception à votre domicile fixera le point de départ de votre préavis d'une durée de deux mois au terme duquel vous cesserez définitivement de faire partie de nos effectifs. (...)'

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 05 mai 2020, M. [Y] [S] saisissait le conseil de prud'hommes de Nîmes en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement de départage du 06 décembre 2021, a :

- débouté M. [Y] [S] de ses demandes,

- condamné M. [Y] [S] à supporter la charge des entiers dépens,

- condamné M. [Y] [S] à verser 200 euros à la Sarl Cegelec Nucléaire Sud Est prise en son établissement Actemium Maintenance Nucléaire Sud au titre des frais irrépétibles,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par acte du 14 décembre 2021, M. [Y] [S] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 08 mars 2022, M. [Y] [S] demande à la cour de :

- recevoir son appel,

- le dire bien fondé en la forme et au fond,

En conséquence,

- reformer le jugement rendu par le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Nîmes,

En conséquence,

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en l'absence de toute faute commise,

En conséquence,

- condamner la Sarl Cegelec Nucléaire Sud Est Actemium Maintenance Nucléaire Sud au paiement des sommes suivantes :

* 3756.18 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents,

* 25000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

* condamnation l'employeur aux entiers dépens.

Il soutient essentiellement que :

- le juge départiteur a retenu à tort que son licenciement était justifié par un trouble objectif porté à la société Cegelec Nucléaire et par un retrait d'habilitation.

- il ignore à ce jour les raisons pour lesquelles il a été licencié.

- l'employeur se base sur un refus d'habilitation du Commandement spécialisé pour le site nucléaire qui lui a été notifié le 9 octobre 2019 pour justifier le licenciement, or il ne s'est jamais vu refuser l'accès au site de la société Cegelec. La société pouvait donc parfaitement le faire travailler hors site nucléaire, en qualité d'agent technique sur d'autres sites, sachant que ces missions ne justifiaient pas la détention d'une habilitation et qu'il a, par la suite de septembre à décembre 2020, travaillé dans le cadre de contrats de missions temporaires pour l'utilisateur Vinci Cegelec Maintenance.

- il n'existait aucun trouble objectif l'empêchant de poursuivre une activité pour le compte de la société Cegelec.

- la société Cegelec ne justifiant pas avoir été dans l'impossibilité de le conserver au sein de son effectif, le trouble objectif n'est pas caractérisé.

- il indique qu'il a effectué un recours contre le refus d'habilitation, procédure toujours pendante devant le tribunal administratif de Melun.

- en le licenciant au motif d'une impossibilité d'exécuter des fonctions d'agent technique, la société Cegelec a pris une décision hâtive et non justifiée. En conséquence, son licenciement doit être requalifié en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- contrairement à ce que soutient la société, son licenciement pouvait être évité, il suffisait qu'elle le positionne sur une mission d'agent technique sur l'une ou l'autre des structures où la société exerce ses activités.

- il a subi un préjudice moral et financier du fait de ce licenciement abusif.

En l'état de ses dernières écritures en date du 17 mai 2022, la Sas Cegelec Nucléaire Sud Est à l'enseigne Actemium demande à la cour de :

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu en première instance en ce qu'il a :

« débouté M. [Y] [S] de ses demandes

condamné M. [Y] [S] à supporter la charge des entiers dépens,

condamné M. [Y] [S] à verser 200 euros à la Sarl Cegelec Nucléaire Sud Est prise en son établissement Actemium Maintenance Nucléaire Sud au titre des frais irrépétibles,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

débouté les parties du surplus de leurs demandes ».

- débouter M. [Y] [S] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

- condamner M. [Y] [S] à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

Elle fait essentiellement valoir que :

- le juge départiteur a retenu à juste titre que le licenciement était justifié par 'un trouble objectif causé à l'entreprise'.

- M. [S] ne verse aucun élément susceptible de justifier qu'il ne faisait plus l'objet d'un refus d'habilitation au moment de son licenciement.

- conformément à la jurisprudence rendue en la matière, le refus d'habilitation suffit à justifier le bien-fondé du licenciement de M. [S].

- concernant l'action en contestation effectuée par M. [S] à l'encontre du refus d'habilitation devant le juge administratif : elle semble être irrecevable pour forclusion et par ailleurs, cette décision de retrait d'habilitation n'a, à ce jour, pas encore été annulée.

- elle précise qu'elle a pour finalité de concevoir, réaliser, maintenir et exploiter des installations sensibles dans le respect des spécificités nucléaires. À ce titre, ses salariés interviennent uniquement sur les sites nucléaires et doivent donc disposer d'une habilitation spécifique délivrée par le Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (Cossen) et ce, en application de l'article L114-1 du code de la sécurité intérieure.

- le Cossen l'a informée début octobre 2019, qu'il avait refusé l'habilitation de M. [S] ; elle a aussitôt suspendu l'accès de M. [S] au site Tricastin sur lequel le salarié exerçait ses fonctions. Par décision du 7 novembre 2019 du Cossen, M. [S] s'est vu refuser de manière définitive toute entrée sur le site de la centrale nucléaire ; c'est dans ces conditions qu'elle a convoqué M. [S] et l'a licencié.

- M. [S] ne pouvait pas être positionné sur son service support (administratif et financier) au regard de ses compétences, ni sur un autre site puisque l'ensemble de ses salariés travaille que sur des sites nucléaires.

- elle ajoute que M. [S] ne peut se prévaloir des contrats de mission conclus postérieurement avec une autre entreprise du groupe auquel elle appartient et prévoyant des interventions sur des sites non sensibles tels que des Éphad.

- contrairement à ce que soutient le salarié, elle n'avait aucune recherche de reclassement à effectuer, que ce soit en son sein ou dans le groupe auquel elle appartient.

- face au refus d'habilitation et à l'absence matérielle de possibilité de reclassement, elle n'avait pas d'autre choix que de licencier M. [S].

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 28 avril 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 19 septembre 2023 à 16 heures. L'affaire a été fixée à l'audience du 19 octobre 2023, puis déplacée à l'audience du 4 avril 2024.

MOTIFS

Sur le licenciement

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La lettre de licenciement fixe les limites des débats et doivent être examinés tous les griefs qui y sont énoncés, lesquels doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.

Ils doivent par ailleurs être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L1232-1 du code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.

La notion de motif précis ou matériellement vérifiable s'entend d'un motif suffisamment explicite pour pouvoir être précisé et discuté lors du débat probatoire.

Il n'est pas nécessaire que les faits soient datés dans la lettre mais la date des faits doit être déterminable, de façon à permettre au juge de s'assurer notamment que les faits ne sont pas prescrits ou qu'ils n'ont pas été déjà sanctionnés disciplinairement.

L'employeur a licencié M. [S] au motif que ce dernier s'était vu refuser l'habilitation confidentiel défense dont il faisait l'objet, de la part du Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire, par décision du 17 septembre 2019, notifiée au salarié le 9 octobre 2019 par l'officier de sécurité.

Il n'est pas contestable que M. [S] exerçait ses fonctions au sein d'une entreprise nécessitant une habilitation confidentiel défense, en application de l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale.

La décision de retrait de l'habiliation précédemment accordée à M. [S] a été prise en application des dispositions des articles 23 et suivants de cet arrêté :

'...

je vous informe que j'ai décidé, en application des articles 23 et suivants de l'instruction en référence, de refuser l'accès aux informations classifiées CONFIDENTIEL DEFENSE A :

Monsieur [S], [Y]

né(e) le 31/12/1988 A [Localité 5]

nom de l'employeur : Actenium Maintenance Nucléaire Sud

fonctions exercées : Technicien électricien

Au motif que l'intéressé(e) ne présente pas les garanties nécessaires à l'obtention d'une telle habilitation.

...'

L'article 23 de l'arrêté prévoit à ce titre que :

'...

Les conclusions de l'avis de sécurité sont de trois types (38) :

- avis sans objection, lorsque l'instruction n'a révélé aucun élément de vulnérabilité de nature à constituer un risque pour la sécurité des informations ou supports classifiés ni pour celle de l'intéressé ;

- avis restrictif, lorsque l'intéressé présente certaines vulnérabilités constituant des risques directs ou indirects pour la sécurité des informations ou supports classifiés auxquels il aurait accès, mais que des mesures de sécurité spécifiques prises par l'officier de sécurité permettraient de maîtriser ;

- avis défavorable, lorsque des informations précises font apparaître que l'intéressé présente des vulnérabilités faisant peser sur le secret des risques tels qu'aucune mesure de sécurité ne semble suffisante à les neutraliser.'

L'article 25 dispose que :

'...

4. Le refus d'habilitation :

L'intéressé est informé de la décision défavorable prise à son endroit. Un refus d'habilitation n'a pas à être motivé lorsqu'il repose sur des informations qui ont été classifiées (43).'

L'article 26 prévoit que 'la décision de refus d'habilitation est notifiée à l'intéressé par l'officier de sécurité. A cette occasion l'intéressé est informé, selon les modalités définies par le département minintériel dont il dépend, des voies de recours et des délais qui lui sont ouverts pour contester cette décision.

Si le candidat sollicite, par l'exercice d'un recours, une explication du rejet de la demande d'habilitation, il obtient communication des motifs lorsqu'ils ne sont pas classifiés. Lorsqu'ils le sont, le candidat se voit opposer les règles applicables aux informations protégées par le secret.'

L'article 31 prévoit encore que :

'...

La décision d'habilitation ne confère pas à son bénéficiaire de droit acquis à son maintien. L'habilitation peut être retirée en cours de validité ou à l'occasion d'une demande de renouvellement si l'intéressé ne remplit plus les conditions nécessaires à sa délivrance, ce qui peut être le cas lorsque des éléments de vulnérabilité apparaissent, signalés par exemple par :

- le service enquêteur ;

- le supérieur hiérarchique ou l'officier de sécurité concerné, à la suite d'un changement de situation ou de comportement révélant un risque pour la défense et la sécurité nationale.

La décision de retrait est notifiée à l'intéressé dans les mêmes formes que le refus d'habilitation, décrites à l'article 26 de la présente instruction, sans que les motifs lui soient communiqués s'ils sont classifiés. L'intéressé est informé des voies de recours et des délais qui lui sont ouverts pour contester cette décision.'

Le refus par le Commandement spécialisé pour la sûreté nucléaire de délivrer cette habilitation à l'intéressé, peu importe les motifs qui y ont présidé, rendait impossible la pleine exécution du contrat de travail par le salarié.

Pour autant, M. [S] justifie avoir travaillé, du 7 septembre au 18 décembre 2020, dans le cadre de contrats de missions temporaires, pour Vinci Cegelec Facilities Maintenance pour réaliser des travaux d'électricité.

Ce faisant, la société pouvait faire travailler le salarié hors site nucléaire, alors que le contrat de travail prévoit que 'pour les besoins d'organisation de la société', M. [S] pourra 'être muté dans l'une ou l'autre des implantations et structures où la société exerce ses activités'.

Ainsi, il lui appartenait de rechercher les possibilités de faire travailler le salarié dans des sites ne nécessitant pas une habilitation, cette possibilité ayant existé ainsi qu'il a été relevé ci-dessus.

La société Cegelec ne démontre pas que le retrait de l'habilitation secret défense rendait impossible l'exécution du contrat de travail, aucun élément n'étant produit par l'employeur sur la nature des sites sur lesquels interviennent ses salariés et sur la nécessité d'une habilitation pour l'accès à tous ses sites.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [S] fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de toutes ses demandes.

Il sera fait application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail et l'employeur sera condamné à rembourser aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [S] peut ainsi prétendre à :

- une indemnité compensatrice de préavis d'un montant non contesté, ne serait ce qu'à titre subsidiaire, de 3756,18 euros bruts, outre 375,62 euros bruts pour les congés payés afférents.

- une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié peut prétendre à une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, laquelle sera calculée conformément à l'article L1235-3 du code du travail, comprise entre un minimum de 3 mois et un maximum de 5 mois de salaire.

M. [S] ne produit aucun élément sur sa situation financière et matérielle entre son licenciement et le 7 septembre 2020, date du contrat d'intérim susvisé, et depuis la fin dudit contrat, le 18 décembre 2020.

Le salarié justifie cependant avoir été affecté par la situation induite par le retrait de son habilitation secret défense et le licenciement qui a suivi.

En conséquence, M. [S] se verra attribuer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalente à 7000 euros.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant.

Les dépens d'appel seront laissés à la charge de l'intimée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Réforme le jugement rendu le 6 décembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit le licenciement de M. [Y] [S] par la Sas Cegelec Nucléaire Sud Est dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la Sas Cegelec Nucléaire Sud Est à payer à M. [Y] [S] les sommes suivantes :

- 3 756,18 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 375,62 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 7 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus, avec capitalisation des intérêts échus, sous réserve qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière,

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail,

Condamne la Sas Cegelec Nucléaire Sud Est à payer à M. [Y] [S] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sas Cegelec Nucléaire Sud Est aux dépens d'appel,

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 21/04401
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.04401 ?
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