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18/06/2024 | FRANCE | N°21/04347

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 18 juin 2024, 21/04347


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/04347 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IIUO



MS EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

25 novembre 2021



RG :20/00275







[E]





C/



S.A.R.L. NICOLAS





















Grosse délivrée le 18 JUIN 2024 à :



- Me

- Me



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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 18 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 25 Novembre 2021, N°20/00275



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



M. Michel SORIANO, Conse...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/04347 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IIUO

MS EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

25 novembre 2021

RG :20/00275

[E]

C/

S.A.R.L. NICOLAS

Grosse délivrée le 18 JUIN 2024 à :

- Me

- Me

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 25 Novembre 2021, N°20/00275

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [N] [E]

née le 26 Février 1960 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.R.L. NICOLAS

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Laurent ERRERA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 19 Septembre 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 18 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Mme [N] [E] a été engagée par la sarl Nicolas Rénovation Énergétique à compter du 25 août 2014 suivant contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de responsable comptable, niveau G, catégorie B de la convention collective nationale du bâtiment.

Placée en arrêt de travail suite à un accident du travail du 3 mai 2016 reconnu par la Caisse primaire d'assurance maladie le 23 janvier 2017, puis déclarée inapte définitive à l'issue d'une visite médicale de reprise du 23 septembre 2019, Mme [N] [E] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 16 octobre 2019.

Contestant la procédure de licenciement et soutenant que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de 'résultat', Mme [N] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes afin de solliciter la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société Nicolas à lui verser une indemnité spéciale de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité de 'résultat'.

Par jugement contradictoire du 25 novembre 2021, le conseil de prud'hommes de Nîmes a débouté Mme [N] [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, renvoyé devant le juge départiteur la demande reconventionnelle de la société Nicolas au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a réservé les dépens.

Par acte du 08 décembre 2021, Mme [N] [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 08 mars 2022, Mme [N] [E] demande à la cour de :

- recevoir son appel,

- le dire bien fondé en la forme et au fond,

En conséquence,

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes dans toutes ses dispositions,

En conséquence,

- juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et de prévention de la santé de Mme [N] [E].

En conséquence,

- condamner l'employeur au paiement d'une somme de 15000 euros à titre de dommages intérêts de ce chef.

- juger que son licenciement d'origine professionnelle a été provoqué par les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.

En conséquence,

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

' 15000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sanctionnant le préjudice moral et financier subi,

' 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Elle soutient essentiellement que :

- son licenciement pour inaptitude a été provoqué par l'incurie de son employeur à assurer sa sécurité et sa santé.

- elle a été arrêtée le 29 décembre 2018 après avoir été, le 3 mai 2016, victime d'une agression à caractère racial proférée par trois hommes qui pénétraient dans les locaux de la société ; ces hommes menaçants réclamaient le paiement de sous-traitance de chantiers qu'ils effectuaient pour le compte de la Sarl Nicolas. La standardiste à l'accueil les a orientés vers elle, au risque de la mettre en danger.

- en sa qualité de comptable, elle ne peut être en contact de fournisseurs qui au demeurant venaient 'énervés' pour en découdre avec la direction.

- l'employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité de prévention en ne mettant pas en place une notice ou des instructions à destination des salariés pour leur indiquer la démarche et le comportement à tenir en cas de problème prévisible avec les fournisseurs.

- en ne mettant pas en place un système de sécurité pour l'accès aux locaux, la société Nicolas l'a laissée en proie à de possibles agressions dont elle ne pouvait ignorer le risque.

- son inaptitude faisant suite au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- elle a subi un préjudice moral et financier du fait de son licenciement pour inaptitude.

En l'état de ses dernières écritures en date du 30 juin 2022, contenant appel incident, la Sarl Nicolas demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Nîmes en ce que le licenciement pour inaptitude et l'impossibilité de reclassement est fondé et régulier ;

- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Nîmes en en ce qu'il a constaté l'absence de défaut de la Société à son obligation de sécurité;

En conséquence :

- débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- A titre reconventionnel, condamner Mme [E] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [E] aux entiers dépens.

Elle fait essentiellement valoir que :

Sur l'obligation de sécurité :

- l'obligation de sécurité de l'employeur est devenue une simple obligation de moyens, elle ne pouvait pas prévoir qu'une personne mal intentionnée et raciste allait prononcer des injures à caractère raciste à l'encontre d'une de ses salariés. Cette attaque personnelle et raciste n'a rien à voir avec son activité professionnelle.

- elle avait des locaux normalement sécurisés, un accueil et un étage avant d'accéder à Mme [E] qui n'avait pas vocation à rencontrer des personnes extérieures. Elle ne pouvait au regard de son activité prévoir d'autre moyen de prévention de risques qui ne pouvaient même pas être anticipés s'agissant d'injures racistes.

- elle a été acteur de la protection de Mme [E], en l'incitant à déposer une plainte et en l'accompagnant au commissariat.

- il ne peut lui être imputée un défaut de sécurité au regard de son activité professionnelle et au regard de la situation qui ne pouvait pas être prévisible.

- sa responsabilité ne peut être engagée.

- sur la consultation des représentants du personnel :

- le médecin du travail a déclaré Mme [E] inapte avec la mention : « L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », elle n'avait pas à consulter les représentants du personnel. Toutefois, la cour observera qu'un procès-verbal de carence a été établi en 2017.

- le licenciement de Mme [E] était parfaitement justifié ; cette dernière doit donc être déboutée de ses demandes indemnitaires qui sont infondées et disproportionnées.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 28 avril 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 19 septembre à 16 heures. L'affaire a été fixée à l'audience du 19 octobre 2023 puis déplacée à l'audience du 4 avril 2024.

MOTIFS

Sur le licenciement

Le licenciement pour inaptitude d'un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l' inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Il incombe au salarié de démontrer que le manquement de l'employeur est à l'origine de son inaptitude.

Mme [L] soulève l'inexécution par l'employeur de son obligation de sécurité pour en conclure que son licenciement serait sans cause réelle et sérieuse.

Il convient de rappeler que l'obligation de sécurité n'est plus qualifiée en jurisprudence de « résultat » mais la responsabilité de l'employeur est engagée sauf s'il démontre qu'il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.

Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

· Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

· Des actions d'information et de formation ;

· La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes »

Pour la mise en 'uvre des mesures ci-dessus prévues, l'employeur doit s'appuyer sur les principes généraux suivants visés à l'article L.4121-23 du code du travail:

· Eviter les risques

· Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

· Combattre les risques à la source ;

· Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

· Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

· Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

· Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis par l'article L. 1142-2-1 ;

· Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

· Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Enfin, l'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant qu'il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité des salariés.

L'employeur ne manque pas à son obligation de sécurité quand il ne pouvait anticiper le risque auquel le salarié a été exposé et qu'il a pris des mesures pour faire cesser la situation de danger.

La salariée reproche à l'employeur de n'avoir mis aucune procédure ou instruction en place pour éviter l'agression dont elle a été victime et qui a entraîné son inaptitude. Elle ajoute que l'employeur aurait dû limiter l'accès à ses locaux, sa carence la laissant en proie à de possibles agressions dont il ne pouvait ignorer le risque.

Il n'est pas contestable que l'appelante a été victime sur son lieu de travail d'une agression verbale raciste de la part de clients de l'employeur, en ces termes ainsi qu'il résulte de la déclaration de Mme [E] auprès des services de police :

« Monsieur [J] s'est présenté à la Société en compagnie de deux autres personnes pour réclamer son dû.

Mon employeur n'étant pas sur le site je lui ai demandé de repasser et de voir directement avec lui.

Mon bureau se trouvant à l'étage, il est monté ...

Il m'a réclamé l'argent et comme je n'ai rien voulu lui donner il m'a dit Toi [E] LA PETITE JUIVE ON T'AIME PAS .... »

Il n'est pas plus contestable que les propos tenus par M. [J] sont inadmissibles et intolérables tenant l'origine de la victime.

Pour autant, il appartient à la salariée de démontrer que l'employeur a commis un manquement à ce titre et que ce dernier pouvait et devait anticiper le risque auquel Mme [E] a été confrontée.

En l'occurence, il s'agit d'une entreprise de bâtiment qui n'est, de fait, pas exposée à un risque particulier de danger.

Il apparaît en outre que M. [J] a été orienté et autorisé par la personne se trouvant à l'accueil à se rendre auprès de Mme [E], de sorte que la rencontre litigieuse est due à une intervention humaine que tout système de sécurité ou de prévention n'aurait pas empêchée.

L'employeur ne pouvait dès lors anticiper l'agression dont a été victime Mme [E] et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de la salariée au titre de la rupture du contrat de travail.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.

Les dépens seront laissés à la charge de Mme [E].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 25 novembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a débouté Mme [N] [E] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel,

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de Mme [N] [E],

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 21/04347
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.04347 ?
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