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14/06/2024 | FRANCE | N°24/00539

France | France, Cour d'appel de Nîmes, Rétention_recoursjld, 14 juin 2024, 24/00539


Ordonnance N°517







N° RG 24/00539 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JHG4











J.L.D. NIMES

12 juin 2024













[U]





C/



LE PREFET DU VAR











COUR D'APPEL DE NÎMES



Cabinet du Premier Président



Ordonnance du 14 JUIN 2024





Nous, Mme Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel

de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mm...

Ordonnance N°517

N° RG 24/00539 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JHG4

J.L.D. NIMES

12 juin 2024

[U]

C/

LE PREFET DU VAR

COUR D'APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 14 JUIN 2024

Nous, Mme Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,

Vu l'interdiction de territoire français prononcée le 31 janvier 2024 par le tribunal correctionnel de TOULON et notifiée le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 07 juin 2024, notifiée le même jour à 09h07 concernant :

M. [P] [U]

né le 03 Septembre 2005 à [Localité 2]

de nationalité Tunisienne

Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 11 juin 2024 à 13h23, enregistrée sous le N°RG 24/2756 présentée par M. le Préfet du Var ;

Vu l'ordonnance rendue le 12 Juin 2024 à 12h57 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;

* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [P] [U] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 12 juin 2024 à 09h07,

Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [P] [U] le 13 Juin 2024 à 11h08 ;

Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [R] [J], représentant le Préfet du Var, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu l'assistance de [N] [E], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,

Vu la comparution de Monsieur [P] [U], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Jean-Michel ROSELLO, avocat de Monsieur [P] [U] qui a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS

Monsieur [P] [U] a été condamné le 31 janvier 2024 par jugement contradictoire du tribunal correctionnel de Toulon à la peine complémentaire d'interdiction du territoire national pendant cinq ans.

A sa levée d'écrou le 7 juin 2024, à 9h07, lui a également été notifié son placement en rétention en vertu d'un arrêté pris par la préfecture du Var le même jour.

Par requête du 11 juin 2024, le Préfet du Var a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée le 12 juin 2024, à 12h57, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [P] [U] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.

Monsieur [P] [U] a interjeté appel de cette ordonnance le 13 juin 2024, à 11h08.

Sur l'audience, Monsieur [P] [U] déclare que :

- il souhaite aller en Espagne ou en Italie,

- il veut bien partir en Tunisie, il doit obtenir un laissez-passer,

- l'ambiance est tendue au centre de rétention, il a déjà fait sa peine de prison, il souhaite partir par ses propres moyens.

Son avocat soutient que :

- le retenu était emprisonné, il a une ITN et à sa levée d'écrou il y a eu une difficulté car les observations ont été recueillies mais, on ne les lui a pas relues or, il ne sait pas lire le français, on ne mentionne pas qu'on lui a relu ses déclarations, on doit interroger le détenu sur sa situation, cet interrogatoire est obligatoire, il y eu une atteinte à ses droits,

- il n'y a pas le certificat de non appel sur la condamnation qui porte l'interdiction du territoire national car même si la peine a été exécutée, car ce jugement n'est peut-être pas définitif et un appel pourrait donner lieu à infirmation de l'ITN, ce d'autant que l'exécution provisoire n'a pas été prononcée,

- il y a une irrégularité qui tient à l'arrivée en tant que mineur en France, et dès qu'il a eu 18 ans, il a fait une demande de titre de séjours à laquelle on a répondu avec une OQTF et le lendemain, il a été condamné avec notamment l'interdiction du territoire national or, OQTF n'a pas pour autant été annulée ; il disposait donc d'un délai de départ,

- sur le fond, il y a une enquête en Tunisie, mais le retenu est d'accord pour y retourner, le retenu est de bonne foi.

Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel :

- sur la fiche d'observation, elle n'a aucune valeur juridique au sens d'un procès-verbal, et des établissements pénitentiaires n'y procèdent pas, cet échange n'est pas imposé car ce sont les audiences du JLD qui font office de contradictoire, et il y a bien eu échange en langue française que le retenu comprend,

- sur le certificat de non appel, il y a eu une levée d'écrou et donc s'il y avait eu un appel en cours, il y aurait eu trace de cet élément,

- une OQTF a bien été délivrée mais une ITN est arrivée par la suite et le placement en rétention n'est fondée que sur l'ITN, pas sur l'OQTF donc la question du délai de départ volontaire n'est pas opérante,

- les diligences sont en cours et une audition a eu lieu le 22 mai, l'administration demeure dans l'attente d'une réponse.

SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :

L'appel interjeté par Monsieur [P] [U] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il est donc recevable.

SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL :

L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. ».

Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.

A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôles d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48 heures et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.

En l'espèce, Monsieur [P] [U] soutient des moyens de nullité évoqués en première instance, in limine litis ainsi que l'irrecevabilité de la requête en prolongation de la mesure et la carence de l'administration dans ses diligences. Ces moyens sont recevables. Sera déclaré irrecevable en revanche le moyen tiré de la contestation de la mesure de placement en rétention pour cause de non respect du délai imparti pour mettre à exécution une obligation de quitter le territoire français antérieure à l'interdiction du territoire nationale prononcée par une juridiction pénale. En effet, aucune requête en ce sens n'a été adressée au juge des libertés et de la détention. Au demeurant, il n'y a aucune ambiguïté sur la mesure qui fonde l'arrêté de placement en rétention, c'est à dire l'interdiction du territoire national et non pas l'obligation de quitter le territoire national décidée par la Préfecture. Aucun délai n'a donc vocation à s'appliquer en l'espèce.

SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D'IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L'ARRÊTÉ :

L'article L.743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger. »

Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Sur le recueil d'observation :

C'est par des motifs pertinents que le juge de première instance a appelé le caractère non obligatoire du recueil d'observation incriminée, et la présence de la signature sur le dit document à l'occasion duquel le retenu a été en mesure de s'exprimer sur sa situation personnelle. Aucune relecture de ce document n'est prévu par les textes. Le moyen n'étant pas fondé, il sera rejeté.

Sur le certificat de non appel :

Le juge de première instance rappelle qu'il appartient au retenu de rapporter la preuve d'un appel en cours. En l'espèce, le retenu lui-même n'évoque pas l'existence de ce recours. Le moyen n'étant pas fondé, il sera rejeté.

SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :

- en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :

Monsieur [P] [U] soutient qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.

C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet du Var le 11 juin 2024 par Monsieur [F] [G], secrétaire général, alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 12 avril 2024, lui portant délégation de signature.

L'apposition de sa signature sur ladite requête présuppose l'empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne démontrant pas le contraire alors qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile c'est bien à lui qu'il incombe d'apporter la preuve du bienfondé de ses prétentions.

Le moyen d'irrecevabilité doit donc être écarté.

SUR LE FOND :

L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.

L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. ».

Au motif de fond sur son appel, Monsieur [P] [U] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ.

Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l'objet ne se justifie plus et doit donc être levée.

En l'espèce, l'administration a saisi les autorités consulaires et une audition a eu lieu le 2 mai 2024. L'administration demeure dans l'attente d'une réponse.

Aucun élément du dossier ou du débat à l'audience ne permet d'affirmer que les réponses du Consulat ne puissent intervenir à bref délai en l'état des diligences dont il est ainsi justifié.

Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n' a pas failli à ses obligations.

SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [P] [U] :

Monsieur[P] [U], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.

Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.

Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [P] [U] ;

CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation[Adresse 1].

Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,

le 14 Juin 2024 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de Nîmes à M. [P] [U], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

- Monsieur [P] [U], par le Directeur du CRA de NIMES,

- Me Jean-Michel ROSELLO, avocat

,

- M. Le Préfet du Var

,

- M. Le Directeur du CRA de NÎMES,

- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES,

- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : Rétention_recoursjld
Numéro d'arrêt : 24/00539
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;24.00539 ?
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