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13/06/2024 | FRANCE | N°24/00536

France | France, Cour d'appel de Nîmes, Rétention_recoursjld, 13 juin 2024, 24/00536


Ordonnance N°515







N° RG 24/00536 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JHFU











J.L.D. NIMES

11 juin 2024













[W]





C/



LE PREFET DE L'HERAULT











COUR D'APPEL DE NÎMES



Cabinet du Premier Président



Ordonnance du 13 JUIN 2024





Nous, Mme Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'

Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée...

Ordonnance N°515

N° RG 24/00536 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JHFU

J.L.D. NIMES

11 juin 2024

[W]

C/

LE PREFET DE L'HERAULT

COUR D'APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 13 JUIN 2024

Nous, Mme Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,

Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 08 juin 2024 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 08 juin 2024, notifiée le même jour à 18h20 concernant :

M. [F] [W]

né le 10 Mai 1977 à [Localité 4]

de nationalité Marocaine

Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 10 juin 2024 à 09h11, enregistrée sous le N°RG 24/2726 présentée par M. le Préfet de l'Hérault ;

Vu l'ordonnance rendue le 11 Juin 2024 à 12h27 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;

* Rejeté la demande d'assignation à résidence ;

* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [F] [W] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 10 juin 2024 à 18h30,

Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [F] [W] le 12 Juin 2024 à 10h07 ;

Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [Y] [M], représentant le Préfet de l'Hérault, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu la comparution de Monsieur [F] [W], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Anne-Sophie TURMEL, avocat de Monsieur [F] [W] qui a été entendue en sa plaidoirie ;

MOTIFS

Monsieur [F] [W] a reçu notification le 8 juin 2024 d'un arrêté du Préfet de l'Hérault du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant six mois.

Monsieur [F] [W] a été interpellé le 8 juin 2024, à 0h00, à [Localité 2].

Par arrêté de la même préfecture en date du 8 juin 2024 et qui lui a été notifié le jour même à 18h20, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.

Par requête du 10 juin 2024, le Préfet de l'Hérault a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée le 11 juin 2024, à 12h27, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [F] [W] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.

Monsieur [F] [W] a interjeté appel de cette ordonnance le 12 juin 2024 à 10h07.

Sur l'audience, Monsieur [F] [W] déclare que :

- sa carte de résident a périmé,

- il a contribué à la construction du centre de rétention,

- il n'est pas retourné au Maroc depuis quatorze ans, il a une audience au TA bientôt,

- il est un bon vivant, il boit, le problème c'est qu'on lui a mis de la drogue dans sa boisson,

- son cutter était dans sa poche de pantalon de travail,

- il ne se soigne pas pour l'alcool,

- il a vu le médecin du CRA qui ne lui a rien dit en retour.

Son avocat soutient que :

- s'en rapporte sur les moyens soutenus dans la déclaration d'appel,

- une demande d'assignation à résidence car le retenu a un état de santé incompatible avec la rétention, il présente une logorrhée qui n'a pas toujours de sens, il est addict, depuis près de 35 ans, à l'alcool ; au fur et à mesure il y a des atteintes neurologiques certaines, il n'a sans doute plus la capacité de travailler pour des grands groupes,

- le retenu est chef d'entreprise d'une SASU,

- les s'urs du retenu sont présentes,

-il y a une expertise psychiatrique qui dit qu'il n'y a pas d'incompatibilité mais il ne comprend pas la situation qu'il vit actuellement,

- les parents du retenu vivent au Maroc, ses s'urs sont de nationalité française, son frère aussi,

- il y a une assignation à résidence qui devrait pouvoir être envisagée malgré une absence de passeport qui était valable jusqu'au mois de février 2024,

- il y a au dossier la demande le 16 février d'un passeport biométrique, le retenu a fait une attestation de sa déclaration de perte de passeport et le renouvellement est en cours,

- il y a copie des pages du passeport et on y voit qu'il n'est pas retourné au Maroc depuis quatorze ans,

- il y a une saisine du TA et une audience va avoir lieu demain avec un avocat montpelliérain.

Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel :

- le retenu a été négligent, il n'a pas renouvelé sa carte de séjour et une OQTF a été délivrée qui est exécutoire,

- le retenu n'a pas de passeport en cours de validité et une assignation à résidence n'est donc absolument pas possible,

- le retenu devrait retourner au Maroc et revenir légalement, il n'y a pas d'autre solution actuellement,

SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :

L'appel interjeté par Monsieur [F] [W] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il est donc recevable.

SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:

L'article 563 du code de procédure civile dispose : «  Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L'article 565 du même code précise : «  Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.

A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôles d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.

En l'espèce, Monsieur [F] [W] soutient un moyen de nullité soulevé en première instance, in limine litis. Ce moyen est recevable ainsi que celui tiré de l'irrecevabilité de la requête pour défaut de qualité de son signataire. Monsieur [F] [W] fait également la demande d'une assignation à résidence.

SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D'IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L'ARRÊTÉ :

L'article L.743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger »

Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Sur l'habilitation à consulter les fichiers :

Le Juge de première instance rappelle les dispositions de l'article 15-5 du code de procédure pénale au terme duquel « seules les personnes spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction ». Il indique pertinemment que cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par le magistrat et notamment à la demande d'une personne intéressée. L'absence de cette habilitation n'emporte pas nullité d'office de la procédure, en l'absence de grief démontré. Par voie de conséquence, le moyen soulevé sera rejeté.

SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :

- en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :

Monsieur [F] [W] soutient qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.

C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet de l'Hérault le 10 juin 2024 par Madame [X] [E], cheffe de la section éloignement, alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 6 décembre 2023 lui portant délégation de signature.

L'apposition de sa signature sur ladite requête présuppose l'empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne démontrant pas le contraire alors qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile c'est bien à lui qu'il incombe d'apporter la preuve du bienfondé de ses prétentions.

Le moyen d'irrecevabilité doit donc être écarté.

SUR LE FOND :

L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.

L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»

En l'espèce, l'administration a saisi les autorités consulaires du Maroc le 9 juin 2024, lui transmettant les éléments d'identification dont elle dispose.

Aucun élément du dossier ou du débat à l'audience ne permet d'affirmer que les réponses du Consulat ne puissent intervenir à bref délai en l'état des diligences dont il est ainsi justifié.

Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n' a pas failli à ses obligations.

SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [F] [W]:

Monsieur [F] [W], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport en cours de validité. Certes, il a entrepris de le renouveler mais il n'en dispose pas actuellement. Aussi, même s'il justifie de l'existence d'un entourage familial stable et soutenant, il ne remplit pas les conditions d'obtention d'une assignation à résidence. Cette demande sera donc rejetée.

Enfin, sur son état de santé, il y a lieu de constater l'absence de pièce qui permettrait de caractériser une incompatibilité médicale avec la rétention. Le retenu dit avoir vu le médecin, mais celui-ci ne lui a délivré aucun certificat. Une nouvelle consultation doit être envisagée en cas de besoin au regard de la confusion parfois exprimée à l'audience par le retenu.

Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.

Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [F] [W] ;

CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,

le 13 Juin 2024 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. [F] [W].

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

- Monsieur [F] [W], par le Directeur du CRA de [Localité 3],

- Me Anne-Sophie TURMEL, avocat

,

- M. Le Préfet de l'Hérault

,

- M. Le Directeur du CRA de [Localité 3],

- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES,

- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : Rétention_recoursjld
Numéro d'arrêt : 24/00536
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;24.00536 ?
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