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13/06/2024 | FRANCE | N°23/01570

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 13 juin 2024, 23/01570


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/01570 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IZ4J







POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

06 avril 2023



RG :22/00296





[G]





C/



Société [5]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE - CPAM DU [Localité 7]



















Grosse délivrée le 13 JUIN 2024 à :



- Me ROCHETTE

-

Me VAJOU

- La CPAM







COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 13 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 06 Avril 2023, N°22/00296



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REY...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01570 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IZ4J

POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

06 avril 2023

RG :22/00296

[G]

C/

Société [5]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE - CPAM DU [Localité 7]

Grosse délivrée le 13 JUIN 2024 à :

- Me ROCHETTE

- Me VAJOU

- La CPAM

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 06 Avril 2023, N°22/00296

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier lors des débats et Madame Delphine OLLMANN, Greffière lors du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [M] [G]

né le 10 Juillet 1978 à [Localité 6] (Maroc)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Stephen ROCHETTE, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉES :

Société [5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, avocat au barreau de NIMES, substituée à l'audience par Me LECOMTE Christine (PARIS)

Représentée par Me Christine LECOMTE, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 8]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

dispensée de comparaître à l'audience

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 13 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 22 mars 2016, la société [5] a effectué une déclaration d'accident du travail concernant son préposé, M. [M] [G] pour des faits survenus le 15 mars 2016 et ainsi décrits : ' [M] préparait une commande. En portant un sac vrac, il a ressenti une douleur à droite en bas du dos'. Le certificat médical initial établi par le Dr [F] le 17 mars 2016 faisait état d'un 'traumatisme du rachis lombo-sacré avec douleurs sans élongation droit (. . .) rééducation'.

Par décision du 17 juin 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] a pris en charge cet accident au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Le 29 novembre 2017, M. [M] [G] a été licencié pour cause d'inaptitude à son poste et impossibilité de reclassement.

Par décision du 9 mars 2018, la date de consolidation de l'état de santé de M. [M] [G] a été fixée au 11 octobre 2017, initialement sans séquelles indemnisables, puis avec un taux d'incapacité permanente partielle porté à 4% par décision du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille du 2 novembre 2020.

Suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 juin 2018, M. [M] [G] a saisi la Caisse Primaire d'assurance maladie de [Localité 8] d'une tentative de conciliation dans le cadre de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident du travail.

Après échec de cette procédure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 avril 2019,M. [M] [G] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance d'Avignon d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 30 juin 2021, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon a :

- dit que l'accident du travail dont M. [G] a été victime le 15 mars 2016 a pour origine la faute inexcusable de l'employeur, la société [5],

- fixé à son taux maximum la majoration du capital servi à M. [G] au titre de son accident du travail survenu le 15 mars 2016, soit à hauteur de 1 545,75 euros,

- avant dire droit sur la réparation des préjudices de M. [G] non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale et résultant de la faute inexcusable de son employeur, ordonné une expertise médicale de M. [G] et a commis pour y procéder le docteur [P] [J] (...),

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] (la caisse) fera l'avance des frais d'expertise et en récupérera le montant auprès de la société [5], (...)

- déclaré le jugement commun et opposable à la caisse,

- dit que la caisse bénéficiera d'une action récursoire à l'encontre de la société [5] au titre de l'ensemble des conséquences financières de la faute inexcusable dont la caisse a fait ou fera l'avance, dont les frais d'expertise, mais sous réserve d'un taux d'incapacité permanente partielle fixé à 0 %,

- dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, sursis à statuer et réservé le surplus des demandes.

Statuant sur l'appel interjeté par la société [5] , la cour d'appel de Nîmes, suivant arrêt en date du 20 septembre 2022, a :

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 juin 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- déclaré l'arrêt commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8],

- condamné la société anonyme [5] aux dépens de la procédure d'appel,

- condamné la société anonyme [5] à verser à M. [M] [G] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Parallèlement, le Dr [P] [J], médecin expert désigné, a déposé son rapport définitif le 30 novembre 2021.

L'affaire qui avait fait l'objet d'une radiation à l'audience du Pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon du 31 mars 2022, a été enrôlée à nouveau sur demande de M. [M] [G] le 12 avril 2022.

Par jugement du 06 avril 2023, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon :

- a fixé aux sommes suivantes les indemnités revenant à M. [G] :

* déficit fonctionnel : 1 547,24 euros

* souffrances : 4000 euros

- a dit que la caisse primaire d'assurance maladie fera l'avance de ces sommes et qu'elle en récupérera les montants auprès de la société [5],

- a débouté M. [G] des demandes fondées sur un préjudice d'agrément, sur une perte de chance de promotion professionnelle, sur un préjudice sexuel et sur un préjudice d'établissement,

- a condamné la société coopérative [5] à payer à M. [G] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens (article 696 du code de procédure civile).

Par acte du 10 mai 2023, M. [M] [G] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par courrier recommandé dont l'accusé de réception correspondant mentionne 'pli avisé et non réclamé'. Par courrier du 10 mai 2023, le greffe invitait la société [5] à procéder par voie de signification. L'affaire a été fixée à l'audience du 09 avril 2024.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, auxquelles il convient de se référer pour connaître les moyens développés au soutien de ses demandes, M. [M] [G] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon du 06 avril 2023,

Statuant à nouveau,

- homologuer le rapport d'expertise du Docteur [P] [J],

- liquider ses préjudices sur les bases suivantes :

* déficit fonctionnel temporaire 100 % : 25,00 euros,

* déficit fonctionnel temporaire partiel 50 % : 88,00 euros

* déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % : 94,00 euros,

* déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % : 1 387,50 euros,

* soit un total de : 1 594,50 euros,

* souffrances endurées 2,5/7 : 5000 euros,

* préjudice d'agrément : 5000 euros,

* perte de chances de promotion professionnelle : 20 000 euros,

* préjudice sexuel : 5000 euros,

* préjudice d'établissement : 5000 euros,

- juger commune et opposable la décision à intervenir à la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8],

- débouter la SA [5] et la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner la SA coopérative à capital variable [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à lui régler une somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles en cause d'appel,

- la condamner en tous les dépens, en ceux compris les frais d'expertise.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, auxquelles il convient de se référer pour connaître les moyens développés au soutien de ses demandes, la société [5] demande à la cour de :

- la recevoir en ses présentes conclusions ;

- l'en dire bien fondée,

En conséquence :

A titre principal :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Avignon du 6 avril 2023 en toutes ses dispositions,

- débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes et prétentions plus amples ou contraires,

A titre subsidiaire :

- ramener les montants des indemnités réclamées par M. [G] à de plus justes proportions,

- le condamner aux entiers dépens.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, auxquelles il convient de se référer pour connaître les moyens développés au soutien de ses demandes, la Caisse Primaire d'assurance maladie de [Localité 8] demande à la cour de :

- débouter M. [M] [G] de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer en tous points la décision rendue par le Pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon le 6 avril 2023,

Au surplus,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour quant au montant de l'indemnisation à accorder à la victime au titre de la faute inexcusable de l'employeur,

- ramener les sommes réclamées à de justes et raisonnables proportions compte tenu du 'référentiel indicatif régional de l'indemnisation du préjudice corporel' habituellement retenu par les diverses cours d'appel,

- dire et juger qu'une somme maximale de 4.000 euros sera déclarée satisfactoire concernant les souffrances endurées,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation souveraine de la présente juridiction quant au montant de l'indemnisation à accorder à la victime au titre du déficit fonctionnel temporaire, préjudice d'agrément, perte ou diminution de chance de promotion professionnelle, préjudice sexuel,

- débouter M. [M] [G] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'établissement,

- dire et juger qu'elle sera tenue de faire l'avance des sommes dues à la victime,

- au visa de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale , dire et juger que l'employeur est de plein droit tenu de lui reverser l'ensemble des sommes ainsi avancées par elle au titre de la faute inexcusable commise par lui,

- en tout état de cause, elle rappelle qu'elle ne saurait être tenue à indemniser l'assuré au-delà des obligations mises à sa charge par l'article précité, notamment à lui verser une somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la liquidation des préjudices

Le salarié victime d'un accident du travail bénéficie d'un régime de réparation forfaitaire prévoyant, selon l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, la prise en charge des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d'une façon générale, les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime. Le salarié bénéficie également du versement d'indemnités journalières et d'une rente viagère destinée à compenser l'incapacité permanente de travail lorsque celle-ci est supérieure à 10 % (art. L. 434-2 du CSS).

En cas de faute inexcusable, la victime a droit à une indemnisation complémentaire (art. L. 452-1), laquelle prend la forme d'une majoration de la rente forfaitaire (art. L. 452-2), la majoration de la rente étant payée par la caisse qui en récupère le montant par l'imposition d'une cotisation complémentaire (art. L. 452-2 du CSS), ainsi qu'à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle (art. L. 452-3).

Depuis la décision n° 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle résultant d'une faute inexcusable de l'employeur peut également demander réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Les différents postes de préjudices ont été évalués par une expertise judiciaire réalisée par le Dr [J]. Ce rapport d'expertise répond de manière précise, étayée, et dépourvue de toute ambiguïté à la mission confiée.

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce préjudice correspond pour la période antérieure à la consolidation, à l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation, et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

La date de consolidation a été fixée par la Caisse Primaire d'assurance maladie au 11 octobre 2017.

L'expert a défini les périodes de déficit fonctionnel ainsi :

- Déficit fonctionnel temporaire total (100%) : le jour de l'accident, soit le 15 mars 2016

- Déficit fonctionnel temporaire partiel :

* à 50 % pendant une semaine, soit 7 jours

* à 25% pendant deux semaines, soit 14 jours,

* à 10% jusqu'à la date de consolidation, soit 554 jours

M. [M] [G] sollicite une indemnisation sur l'ensemble de la période, sur une base journalière à taux plein de 25 euros.

La Société coopérative à capital variable [5] offre d'indemniser ce chef de préjudice sur une base journalière à taux plein de 24,44 euros correspondant à la valeur du SMIC horaire.

Par suite, M. [M] [G] sera justement indemnisé de ce chef de préjudice sur une base journalière à taux plein de 25 euros, soit la somme totale de :

100% x (25€ x 1 jour ) + 50% x ( (25€ x 7 jours ) + 25% x (25€ x 14 jours ) + 10% x ( 25€ x 554 jours) = 1.585 euros

Il sera en conséquence alloué à M. [M] [G] la somme de 1.585 euros en indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire. La décision déférée sera infirmée en ce sens.

- Souffrances physiques et morales

Ce préjudice correspond aux souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité et son intimité, et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation, les souffrances physiques et morales postérieures à la consolidation étant incluses dans le déficit fonctionnel permanent.

L'expert a évalué ce chef de préjudice à 2,5 /7.

M. [M] [G] sollicite à ce titre une somme de 5.000 euros en raison des souffrances physiques et morales endurées.

La Société coopérative à capital variable [5] considère à juste titre eu égard aux indemnisations habituellement allouées pour ce quantum de préjudice que la somme de 4.000 euros allouée par le premier juge est satisfactoire.

La décision déférée sera en conséquence confirmée sur ce point.

- Préjudice d'agrément :

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique de sport ou de loisirs, la perte de qualité de vie étant exclue de ce poste de préjudice puisqu'indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.

L'expertise judiciaire indique ' activités physiques de loisirs à confirmer'.

M. [M] [G] sollicite à ce titre une somme de 5.000 euros et précise au soutien de sa demande qu'il a toujours pratiqué une activité sportive, dans un premier temps de 2008 à 2014 sous forme de musculation, et depuis sous forme de boxe anglaise. Il produit en ce sens ses licences de la fédération française de sport pour tous pour les années 2014 à 2016 ainsi que les attestations de:

- M. [T], éducateur sportif qui précise que l'appelant a pratiqué la musculation de 2008 à août 2014,

- M. [U] pour le club [4] qui atteste que l'appelant était inscrit pour l'activité boxe anglaise pour les saisons 2014/2015 et 2015/2016.

La Société coopérative à capital variable [5] conteste ce chef de préjudice au motif que l'activité de musculation a été arrêtée en 2014 soit avant l'accident et qu'il convient de s'interroger sur la réalité de la pratique de la boxe anglaise alors que M. [M] [G] a été victime de deux accidents du travail sur la période concernée, soit un traumatisme du genou en mai 2015 et un traumatisme lombaire en mars 2016.

De fait, si M. [M] [G] justifie à la date de l'accident de son accident de son inscription à une activité de boxe anglaise, force est de constater qu'il n'apporte aucune explication ou élément sur la fréquence de sa pratique et sur l'impossibilité de la poursuivre ensuite de son accident.

Par suite, la réalité du préjudice n'est pas démontrée, la seule inscription dans un club sportif étant insuffisante à établir la réalité de la pratique sportive concernée.

La décision déférée qui a débouté M. [M] [G] de cette demande sera en conséquence confirmée.

- Préjudice sexuel :

Ce chef de préjudice répare :

- le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi,

- le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel tel que la perte de l'envie ou de la libido, la perte de la capacité physique à réaliser l'acte sexuel et la perte de la capacité à accéder au plaisir,

- le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.

L'expert a précisé pour ce chef de préjudice ' perte de libido du fait du contexte anxio-dépressif'.

M. [M] [G] sollicite à ce titre la somme de 5.000 euros et fait valoir que ses relations avec son épouse se sont détériorées et produit au soutien de sa demande le jugement de divorce en date du 13 décembre 2018.

La Société coopérative à capital variable [5] s'oppose à cette demande et fait valoir que le jugement de divorce ne permet d'établir aucun lien entre l'accident du travail et la dégradation de la relation avec son épouse. Elle observe que l'expert n'a pas quantifié ce préjudice sur une échelle allant de 0 à 7 et la nature du préjudice retenu ne ressort que des déclarations de M. [M] [G].

Ceci étant, l'expert a retenu un préjudice sous forme de perte de libido en raison de l'état anxio-dépressif, et ce chef de préjudice sera justement indemnisé par la somme de 1.000 euros.

- perte de chance de promotion professionnelle

Selon l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident de travail a le droit de demander la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Ce chef de préjudice ne doit pas être confondu avec l'incidence professionnelle, c'est-à-dire l'indemnisation des incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe ou encore l'obligation d'abandonner la profession qu'elle occupait avant la survenue de l'accident au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de son handicap.

Pour pouvoir être indemnisée, la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle doit être démontrée par la victime, la seule affirmation d'une potentielle possibilité de promotion professionnelle ne peut être considérée comme preuve de la réalité du préjudice allégué

L'expert judiciaire a indiqué ' aurait postulé à différents postes au sein de son entreprise : gestionnaire de stock, agent d'expédition, technicien adjoint'

Au soutien de sa demande de 20.000 euros de dommages et intérêts, M. [M] [G] fait valoir qu'il a été licencié pour inaptitude et n'a pas été en capacité de reprendre une activité professionnelle au sein de l'entreprise, ses demandes pour accéder à d'autres postes n'ayant pas reçu de réponse favorables. Il est toujours en situation de demandeur d'emploi et perçoit le RSA.

La Société coopérative à capital variable [5] s'oppose à cette demande au motif que le préjudice n'est pas établi, et que M. [M] [G] contrairement à ce qu'il affirme a pu après une formation exercer une activité d'agent de sécurité du 23 juillet 2020 au 31 mars 2021.

Les éléments de préjudice ainsi invoqués concernent pour partie l'incidence professionnelle qui a été indemnisée par le versement d'un capital avec un taux d'incapacité permanente partielle retenu de 4 % dont la majoration à son taux maximal en raison de la faute inexcusable de l'employeur a été ordonnée par le premier juge.

En conséquence, la demande présentée de ce chef, faute pour la victime de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de la promotion dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable, sera rejetée. La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.

- préjudice d'établissement

Le préjudice d'établissement se définit comme la perte de l'espoir de réaliser tout projet personnel de vie, notamment fonder une famille, élever des enfants, en raison de la gravité du handicap.

L'expert judiciaire a indiqué qu'il n'y avait pas lieu d'envisager de préjudice d'établissement imputable.

M. [M] [G] sollicite à ce titre la somme de 5.000 euros au motif qu'âgé de 45 ans, il n'est toujours pas remarié vit seul et est toujours en soin.

La Société coopérative à capital variable [5] s'oppose à cette demande considérant que le préjudice n'est pas démontré.

Outre qu'il n'est établi aucun lien entre la situation de célibat de M. [M] [G] et son accident du travail, force est de constater que l'existence de soins ne suffit pas à caractériser un handicap.

M. [M] [G] ne démontrant pas la réalité de ce chef de préjudice, il en a été justement débouté par le premier juge dont la décision sera confirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 6 avril 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon sauf en ce qu'il a :

- alloué à M. [M] [G] la somme de 1.547,24 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire

- débouté M. [M] [G] de sa demande au titre du préjudice sexuel,

Et statuant à nouveau sur les éléments infirmés,

Fixe les indemnisations dues à M. [M] [G] :

* au titre du déficit fonctionnel temporaire : 1 585 euros

* au titre du préjudice sexuel : 1.000 euros,

Rappelle que la caisse primaire d'assurance maladie fera l'avance de ces sommes et qu'elle en récupérera les montants auprès de la Société coopérative à capital variable [5],

Condamne la Société coopérative à capital variable [5] à verser à M. [M] [G] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Société coopérative à capital variable [5] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 23/01570
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.01570 ?
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