RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/02994 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IEMA
EM/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
06 juillet 2021
RG :F 19/00065
[R]
C/
Me [B] [I] - Mandataire liquidateur Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]
Grosse délivrée le 11 JUIN 2024 à :
- Me PEYRAC
- Me VAJOOU
- Me MEFFRE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 11 JUIN 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 06 Juillet 2021, N°F 19/00065
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Juin 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [N] [R]
né le 12 Juin 1986 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Romain CALLEN de la SELARL ROMAIN CALLEN, avocat au barreau de TOULON
Représenté par Me Laure PEYRAC, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
Me DELORET Anne (SELARL DELORET-CONSTANT) - Mandataire liquidateur de la SCP [W] [R] ET [X] [R] HUISSIER DE JUSTICE ASSOCIE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, avocat au barreau de NIMES
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Lisa MEFFRE de la SELARL MG, avocat au barreau de CARPENTRAS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Mai 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 11 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
M. [N] [R] a été engagé par la SCP [W] [R] et [X] [R], huissiers de justice associés, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée du 02 août 2006, en qualité de clerc stagiaire, emploi relevant de la convention collective nationale du personnel des huissiers de justice.
Une procédure de rupture conventionnelle a été conclue et le contrat de travail de M. [N] [R] a été rompu définitivement le 24 juillet 2017.
Par requête du 04 février 2019, M. [N] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon pour qu'il soit dit et jugé qu'il a exercé des fonctions de clerc principal, et en conséquence pour solliciter un rappel de salaire de janvier 2016 à juillet 2017, ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Par jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 26 juin 2019, la SCP [W] [R] et [X] [R] était placée en redressement judiciaire, la SCP Evazin [E] agissant par Me [T] [E] était désignée en qualité d'administrateur judiciaire et Me [B] [I] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 22 juillet 2020, la procédure de redressement judiciaire était convertie en liquidation judiciaire et la Selarl [I] Constant prise en la personne de Me [B] [I], était désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la SCP [W] [R] et [X] [R].
Suivant jugement du 06 juillet 2021, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- dit et jugé :
* que M. [N] [R] est clerc expert et non clerc principal,
* que le salaire mensuel dont il a bénéficié correspond bien au poste de clerc expert,
* que la SCP [W] [R] et [X] [R] n'a commis aucune infraction à la législation sur le travail dissimulé,
- fixé la créance de M. [N] [R] à l'égard du redressement judiciaire de la SCP [W] [R] et [X] [R] à la somme de 3 100 euros au titre du solde dû de l'indemnité de rupture conventionnelle,
- dit qu'il n'y a lieu de statuer sur les astreintes car les documents remis au salarié n'ont pas à être modifiés,
- rappelé que le jugement est de droit exécutoire à titre provisoire conformément à l'article R1454-28 du code du travail, dans les limites définies par ce texte, la moyenne des trois derniers mois étant évaluée à 2 341,47 euros,
- débouté M. [N] [R] de toutes ses autres demandes,
- débouté la SCP [W] [R] et [X] [R] de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la SCP [W] [R] et [X] [R] aux entiers dépens.
Par acte du 30 juillet 2021, M. [N] [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 15 mars 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 12 mai 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 13 juin 2023 puis déplacée à l'audience du 26 mars 2024 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 14 septembre 2021, M. [N] [R] demande à la cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon du 06 juillet 2021,
Et statuant à nouveau,
' Vu l'article L1234-9 du code du travail,
- condamner l'employeur à lui verser la somme de 4 931,33 euros représentant le solde restant dû de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle,
- fixer au passif de la SCP [W] [R] et [X] [R] la somme de 4 931,33 euros représentant le solde restant dû de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle,
- condamner les AGS de [Localité 7] à faire l'avance de l'indemnité, dont la fixation aura été ordonnée,
' Vu l'article R. 3243-1,
' Vu la convention collective nationale du personnel des huissiers de justice du 11 avril 1996
- dire et juger qu'il a exercé dans la SCP [W] [R] et [X] [R] des fonctions de clerc principal,
- dire et juger qu'il aurait dû percevoir le salaire brut minimum conventionnel d'un clerc principal, soit la somme de 3 142 euros par mois,
Par conséquent,
- condamner la SCP [W] [R] et [X] [R] à lui payer la somme de 15 294,37 euros au titre du rappel de salaire sur la période allant de janvier 2016 à juillet 2017,
- fixer au passif de la SCP [W] [R] et [X] [R] la somme de 15 294,37 euros représentant le rappel de salaire sur la période allant de janvier 2016 à juillet 2017,
- condamner les AGS de [Localité 7] à faire l'avance de la créance salariale, dont la fixation aura été ordonnée,
' Vu les articles L8221-1, L8221-5 et L8223-1
- dire et juger que la SCP [W] [R] et [X] [R] a dissimulé une partie de son activité,
Par conséquent,
- condamner la SCP [W] [R] et [X] [R] au paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé égale à 6 mois de salaires, soit la somme de 18 852 euros,
- fixer au passif de la SCP [W] [R] et [X] [R] la somme de 18 852 euros représentant l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé égale à 6 mois de salaires,
- condamner les AGS de [Localité 7] à faire l'avance des sommes dont la fixation aura été ordonnée,
- condamner la SCP [W] [R] et [X] [R] et les AGS de [Localité 7] à lui payer chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- ordonner la communication sous astreinte définitive de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la décision rendue et dans la limite de 60 jours des documents suivants:
* le certificat de travail
* le reçu pour solde de tout compte,
- condamner la SCP Ezavin [E] ès qualité d'administrateur judiciaire de la SCP [W] [R] et [X] [R] à lui remettre, sous astreinte de 50 euros par jour, les bulletins de paie et les documents de fin de contrat.
M. [N] [R] soutient que :
- contrairement à ce que prétend l'Unedic, malgré le lien familial qui le lie avec la SCP [W] [R] et [X] [R], précisant qu'il était le neveu de M. [W] [R], il n'a en aucun cas entendu renoncer à réclamer le paiement de ses salaires en raison de ce lien familial ; la novation ne se présume pas et l'Unedic n'apporte aucun élément positif et non équivoque de nature à démontrer la novation de sa créance salariale,
- il produit des éléments qui démontrent qu'il occupait en réalité le poste de Principal clerc d'huissier de justice au sein de l'étude [R] ; les situations du personnel de l'étude établies par la chambre départementale des huissiers de justice entre 2013 et 2016, fruits de son contrôle, indiquent expressément qu'il exerçait les fonctions revendiquées ; il ne fait aucun doute que du fait de ses diplômes, de son habilitation à dresser des constats et de son ancienneté, il avait, en l'absence des dirigeants, la responsabilité de la gestion comptable, administrative, sociale et humaine de l'étude ; alors qu'il produit les pièces justificatives, le conseil de prud'hommes conclut qu'il ne dispose pas des habilitations stipulées,
- l'employeur ne pouvait pas ignorer qu'il remplissait les conditions pour exercer les fonctions de Principal clerc et que la notion d'erreur doit être exclue ; c'est donc volontairement que la SCP [W] [R] et [X] [R] s'est soustraite aux obligations de déclaration de son véritable poste de travail,
- compte tenu de son ancienneté, 11 ans et de sa nouvelle classification, il aurait dû percevoir un salaire mensuel minimum de 3142 euros ; son indemnité de rupture conventionnelle aurait ainsi dû s'élever à 7 331,33 euros ; or, il n'a perçu que 2 400 euros au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle ; il considère donc être en droit de solliciter la différence, soit 4931,33 euros.
En l'état de ses dernières écritures en date du 13 octobre 2021, contenant appel incident, la Selarl [I] Constant, ès qualité de mandataire liquidateur de la SCP [W] [R] et [X] [R] huissiers de justice associés, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* dit et jugé :
o que M. [N] [R] est clerc expert et non clerc principal,
o que le salaire mensuel dont il a bénéficié correspond bien au poste de clerc expert,
o que la SCP [W] [R] et [X] [R] n'a commis aucune infraction à la législation sur le travail dissimulé,
* fixé la créance de M. [N] [R] à l'égard du redressement judiciaire de la SCP [W] [R] et [X] [R] à la somme de 3 100 euros au titre du solde dû de l'indemnité de rupture conventionnelle,
* dit qu'il n'y a lieu de statuer sur les astreintes car les documents remis au salarié n'ont
pas à être modifiés,
* débouté M. [N] [R] de toutes ses autres demandes,
- débouter M. [N] [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,
- condamner M. [N] [R] à lui payer, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Le mandataire liquidateur fait valoir que :
- il sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes concernant l'indemnité de rupture conventionnelle,
- M. [N] [R] s'est abstenu de produire une copie de son diplôme ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que n'ayant ni les diplômes requis, ni des habilitations nécessaires, il exerçait réellement les fonctions de clerc expert et non de clerc principal comme cela ressort de l'ensemble des bulletins de salaire,
- M. [N] [R] relevait de la catégorie 8 coefficient 382 en sa qualité de clerc expert ; il a été payé au-delà de la rémunération prévue aux termes de la convention collective pour ces fonctions,
- M. [N] [R] se contente de solliciter une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sans même apporter le moindre élément à l'appui de ses prétentions ; M. [N] [R] était parfaitement déclaré à l'ensemble des organismes et le simple fait qu'il sollicite un statut de clerc principal ne constitue par un travail dissimulé.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7], reprenant ses conclusions transmises le 21 décembre 2021, demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions, le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon du 6 juillet 2021,
- dire et juger que M. [N] [R] n'exerçait pas les fonctions de clerc principal lui permettant de revendiquer la catégorie 11, coefficient 540, statut cadre de clerc principal,
Au principal,
- débouter M. [N] [R] de sa demande de rappel de salaire,
- débouter M. [N] [R] de ses demandes au titre d'une indemnité pour travail dissimulé
- dire et juger que l'AGS CGEA ne garantit pas les créances fixées au titre d'une astreinte ou pour les cotisations salariales ou patronales,
Subsidiairement
- dire et juger que l'éventuelle créance de M. [N] [R] a perdu son caractère salarial et s'est novée en créance civile,
- dire et juger que l'éventuelle créance de M. [N] [R] ne pourra être fixée au passif de la SCP [W] et [X] [R] au titre des créances salariales,
- dire et juger qu'elle ne garantira pas d'éventuelles créances fixées au passif de la SCP [W] et [X] [R] revendiquées par M. [N] [R],
- débouter M. [N] [R] du surplus de ses demandes,
En tout état de cause,
- déclarer le jugement opposable l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 7], dans les limites définies aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du Travail et des plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code,
- dire et juger que l'AGS CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du Travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-17, L 3253-19, L 3253-20, L 3253-21 et L 3253-15 du code du travail,
- dire et juger que l'obligation du AGS CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- la mettre hors de cause pour les demandes au titre des frais irrépétibles, astreinte, ou résultant d'une action en responsabilité,
- arrêter le cours des intérêts au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective.
L'organisme expose que :
- toute demande de condamnation au paiement d'une somme d'argent dirigée contre la société en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, ou du liquidateur de ladite société doit être déclarée irrecevable,
- M. [N] [R] ne produit ni le certificat de qualification professionnelle ni le justificatif du diplôme de l'examen professionnel d'huissier de justice ; le salarié relevait de la catégorie 8 coefficient 382, à savoir clerc expert, titulaire du certificat de qualification professionnelle de clerc expert délivré par l'Ecole nationale de procédure, habilité aux constats dont le salaire brut mensuel était fixé par la convention collective à la somme de 2230,34 euros brut ; le fait que M. [N] [R] ait été habilité à dresser des constats ne démontre en aucun cas qu'il puisse revendiquer le statut de clerc principal, sachant que pour cela, il suffit d'être titulaire du certificat de qualification professionnelle et avoir une expérience de 2 ans après l'obtention dudit certificat ; le fait que la SCP [W] [R] et [X] [R] ait pu indiquer dans le certificat de travail que M. [N] [R] aurait la qualité de clerc principal depuis janvier 2009 ne constitue pas la preuve de la réalité de ses fonctions et de l'obtention de l'examen professionnel d'huissier de justice ; les bulletins de salaire indiquent bien que son emploi est celui de clerc expert, même si le terme stagiaire y est demeuré,
- à titre subsidiaire, il semblerait qu'il y ait un lien familial entre M. [N] [R] et les titulaires de la SCP [W] [R] et [X] [R] ; au cours de la relation contractuelle, il n'est pas produit de justificatifs par lesquels M. [N] [R] aurait revendiqué auprès de son employeur le statut de clerc principal et le rappel de salaire applicable ; en raison du lien familial liant les parties, M. [N] [R] a décidé de ne percevoir qu'une partie de ses salaires afin d'aider la société qui rencontrait des difficultés économiques importantes, au détriment de ses propres intérêts ; cette attitude constitue une manifestation claire et non équivoque de sa volonté de modifier sa créance qui a perdu son caractère salarial pour être novée en créance civile ; M. [N] [R] a attendu près de 18 mois après la rupture de son contrat de travail pour saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de rappel de salaire.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS :
En premier lieu, il convient de déclarer irrecevables les demandes présentées par M. [N] [R] tendant à obtenir la condamnation de la SCP [W] [R] et [X] [R] au paiement d'une somme d'argent, conformément aux articles L622-21 et L625-6 du code du commerce.
Sur la demande relative à classification :
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure effectivement de façon habituelle dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d'un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel
Selon l'avenant 'salaires' n°41 du 14 février 2012 de la convention collective applicable, à savoir la convention du personnel des huissiers de justice, le principal clerc est un juriste qualifié remplissant les conditions pour être habilité aux constats, collaborateurs directs du titulaire maîtrisant parfaitement la procédure civile, la comptabilité des dossiers ainsi que la gestion comptable, administrative, sociale et humaine de l'étude.
9
422
Titulaire de l'examen professionnel
Responsable de service
10
480
Collaborateur direct du titulaire : juriste qualifié maîtrisant parfaitement la procédure civile
11
540
Principal clerc : juriste qualifié remplissant les conditions pour être habilité aux constats, collaborateur direct du titulaire maîtrisant parfaitement la procédure civile, la comptabilité des dossiers ainsi que la gestion comptable, administrative, sociale et humaine de l'étude.
12
640
Principal clerc : même définition que ci-dessus ayant au moins 10 ans d'expérience dans la fonction
13 (avenant n°42 02/10/2012 étendu)
670
Huissier de justice salarié
L'article 1 du décret n°92-984 du 09 septembre 1992 relatif aux conditions de nomination des clercs d'huissier de justice habilités à procéder aux constats, abrogé le 29/06/2022, dispose que nul ne peut être nommé clerc d'huissier de justice habilité à procéder aux constats établis à la requête des particuliers mentionnés à l'article 1er bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée s'il ne remplit les conditions suivantes:
1° Etre titulaire soit du diplôme de l'Ecole nationale de procédure de la chambre nationale des huissiers de justice, soit d'un diplôme national sanctionnant deux années d'études universitaires de droit, soit du diplôme universitaire de technologie des carrières juridiques et judiciaires ;
2° Justifier de cinq années de cléricature dont trois années dans les fonctions de principal clerc d'huissier de justice ou dans des activités professionnelles comportant des responsabilités équivalentes dans un office d'huissier de justice.
3° Etre habilité dans les conditions prévues à l'article 2 ;
4° N'avoir pas été l'objet d'une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, mise à la retraite d'office, retrait d'agrément ou d'autorisation ;
5° N'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ;
6° N'avoir pas été frappé de faillite personnelle ou d'une autre sanction en application du titre VI de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ou, dans le régime antérieur à cette loi, en application du titre II de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la faillite personnelle et les banqueroutes.
Les personnes titulaires de l'examen professionnel prévu au chapitre III du décret n° 75-770 du 14 août 1975 sont dispensées des conditions mentionnées aux 1° et 2°
En l'espèce, M. [N] [R] soutient que s'il a été engagé le 03 août 2006 par la SCP [W] [R] et [X] [R] en qualité de clerc stagiaire, il a exercé de façon effective, par la suite, les fonctions de Principal clerc et verse au débat, à l'appui de sa demande, :
- plusieurs documents intitulés 'situation du personnel de l'étude'établis dans le cadre de l'inspection annuelle de la comptabilité par la chambre départementale des huissiers de justice, pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016, qui font ressortir que parmi les effectifs, seul le salarié masculin dénommé salarié n°1, correspond à M. [N] [R], compte tenu de l'âge et de la date d'embauche ; ces documents mentionnent le diplôme obtenu par le salarié, un master 1, le suivi de la scolarité à l'école nationale de la procédure et son 'niveau' pour les années 2007/2008 : Clerc expert et indiquent qu'il a exercé les fonctions de Principal clerc entre 2013 et 2016.
- un avis favorable donné le 24/05/2013 par la Chambre départementale des huissiers de justice du Var à la demande d'habilitation de M. [N] [R] en qualité de clerc habilité à procéder aux constats ; l'avis mentionne que M. [N] [R] ' présente une moralité un sérieux et des connaissances suffisantes et notamment l'attestation de l'obtention du diplôme de l'examen professionnel d'Huissier de justice',
- un jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 05 juillet 2013 qui a nommé M. [N] [R] en qualité de clerc d'huissier de justice assermenté habilité à procéder aux constats,
- le 21 juin 2013, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Draguignan a donné un avis favorable à la requête de M. [N] [R] ; un procès-verbal de prestation de serment de M. [N] [R] devant le tribunal d'instance de Fréjus en date du 10/09/2013 en qualité de clerc d'huissier au service de la SCP [W] [R] et [X] [R] ;
- un certificat de travail établi par la SCP [W] [R] et [X] [R] le 29/02/2012 qui mentionne que M. [N] [R] 'est employé à la SCP [R] depuis le 01/09/2006 en qualité de clerc et depuis le 01/01/2009 en qualité de clerc principal'.
La Selarl [I] Constant s'oppose à la demande de M. [N] [R] au motif qu'il n'a pas produit une copie de son diplôme et que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes d'Avignon a estimé qu'il n'avait ni les diplômes requis ni les habilitations nécessaires, et que le salarié exerçait réellement les fonctions de clerc expert et non de principal clerc.
Si effectivement M. [N] [R] ne produit pas de copie de ses diplômes, il ressort suffisamment des rapports de situation du personnel de l'étude d'huissiers de justice dont il n'est pas contesté qu'ils ont été établis par la Chambre départementale des huissiers de justice à l'occasion de contrôles, que M. [N] [R] est titulaire d'un Master 1, qu'il a suivi la scolarité à l'école nationale de la procédure ; l'avis donné par la chambre départementale à la demande d'habilitation à dresser des constats présentée par M. [N] [R] fait état d'une attestation du diplôme de l'examen professionnel d'huissier de justice ; ainsi, M. [N] [R] avait les diplômes requis puisqu'il a été habilité en 2013 à dresser des constats.
L'Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 7] soutient que M. [N] [R] qui a un lien familial avec les titulaires de la SCP [W] [R] et [X] [R], n'a pas revendiqué auprès de son employeur, au cours de la relation contractuelle, le statut de Principal clerc, qu'en raison du lien de famille liant les parties, M. [N] [R] a décidé de ne percevoir qu'une partie de ses salaires pour aider la société qui rencontrait des difficultés économiques importantes, au détriment de ses propres intérêts, qu'une telle attitude, comme le relève la jurisprudence en la matière, constitue une manifestation claire et non équivoque de sa volonté de modifier sa créance qui a perdu dès lors, son caractère salarial pour être novée en créance civile.
S'agissant du moyen de la novation développé par l'Unedic, il convient de rappeler que la seule absence de réclamation des salaires ou l'attente de cette réclamation avant la liquidation judiciaire n'est pas de nature à établir une volonté non équivoque de nover ; d'autres circonstances doivent être retenues pour permettre de caractériser cette intention, comme l'endettement personnel, l'abandon des seules commissions composant une part de la rémunération supérieure au minimum conventionnel, l'absence de perception de salaire pendant l'exécution du contrat de travail assortie d'un échelonnement pendant un long délai pour favoriser le trésorerie de la société dont le salarié était actionnaire.
S'il n'est pas contesté que M. [N] [R] est le neveu de M. [W] [R], son employeur, l'Unedic ne rapporte pas la preuve qu'il aurait décidé de faire prévaloir les intérêts de la SCP au détriment de ses propres intérêts et aurait ainsi accepté de ne percevoir qu'une partie de ses salaires.
M. [N] [R] démontre que les relations qu'il entretenait avec M. [W] [R] et Mme [X] [R] ont pu être conflictuelles, et produit au débat une assignation devant le tribunal de grande instance d'Avignon du 07/12/2018 délivrée à la demande de la SCP [W] [R] et [X] [R] à la SCI [Adresse 9] dont le gérant est M. [N] [R] ; ces éléments permettent de corroborer les affirmations de M. [N] [R] sur le fait qu'il ne souhaitait pas sacrifier ses intérêts personnels au profit de ceux de son employeur.
M. [N] [R] justifie avoir été habilité à dresser des constats d'huissier de justice, de sorte qu'il a dû nécessairement exercer préalablement les fonctions de clerc principal pendant trois ans, comme cela est exigé à l'article 1 du décret n°92-984 du 09 septembre 1992, et ce qui est confirmé par les mentions figurant sur les documents 'situation du personnel de l'étude' entre 2013 et 2016, et celles figurant dans le certificat de travail établi par son employeur qui fait état d'un poste occupé par M. [N] [R] en qualité de Principal clerc à compter du 1er janvier 2009.
Il résulte des éléments qui précèdent que c'est donc à tort que les premiers juges ont rejeté la demande de nouvelle classification de M. [N] [R] au motif qu'il 'n'est pas titulaire des diplômes stipulés à l'article 1 du décret 92/984 susvisé', étant précisé que les documents intitulés 'situation du personnel' mentionnent l'obtention par l'appelant d'un diplôme universitaire, un Master 1, qui est un diplôme validant une maîtrise universitaire, soit 4 années d'étude après le baccalauréat.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de classification présentée par M. [N] [R] et dire et juger qu'il occupait le poste de Principal clerc entre 2016 et 2017.
Selon l'article 1 de l'avenant n°60 du 17 octobre 2017 relatif à la grille des salaires au 1er janvier 2018, le salaire minimum d'un Principal clerc s'élevait à 3142 euros.
M. [N] [R] soutient, sans être sérieusement contredit, qu'il percevait au dernier état de la relation contractuelle un salaire d'un montant mensuel de 2 334,22 euros entre janvier et septembre 2016, de 2 335,12 euros entre octobre à décembre 2016, et de 2 341,47 euros entre janvier et juillet 2017.
Au vu des éléments qui précèdent, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire de M. [N] [R] pour la période non prescrite, soit de janvier 2016 à juillet 2016, à hauteur de 15294,37 euros.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
Sur le travail dissimulé :
Selon l'article L8221-3 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 133-6-7-1 du code de la sécurité sociale.
L'article L8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En l'espèce, M. [N] [R] ne démontre pas que la SCP [W] [R] et [X] [R] se soit rendue coupable de l'infraction de travail dissimulé dans la mesure où l'employeur n'a pas dissimulé une partie de rémunération mais l'a rémunéré au regard de la classification qu'il considérait comme étant celle correspondante au poste qu'il occupait.
Il convient de débouter M. [N] [R] de ce chef de demande.
Sur l'indemnité de rupture conventionnelle :
Selon l'article L1237-14 du code du travail, à l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande.
L'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s'assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. A défaut de notification dans ce délai, l'homologation est réputée acquise et l'autorité administrative est dessaisie.
La validité de la convention est subordonnée à son homologation.
L'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.
En prenant en compte la nouvelle classification dont M. [N] [R] relève et le montant du salaire minimum qu'il aurait dû percevoir, il apparaît que l'indemnité de la rupture conventionnelle aurait dû s'élever à la somme de 7 331,33 euros, montant non sérieusement contesté par les intimées.
Or, il n'est pas discuté que M. [N] [R] a déjà reçu à ce titre une somme de 2400 euros, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à sa demande à hauteur du solde, soit 4 931,33 euros.
Sur les autres demandes :
Il convient de faire droit à la demande de M. [N] [R] relative à enjoindre le mandataire liquidateur à lui délivrer des bulletins de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés en compte de la présente décision.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon le 06 juillet 2021, en ce qu'il a débouté M. [N] [R] de toutes ses autres demandes, à l'exception de celles relatives à la classification et au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,
Juge irrecevables les demandes présentées par M. [N] [R] tendant à la condamnation de la SCP [W] [R] et [X] [R] à lui payer des sommes d'argent,
Juge que M. [N] [R] a occupé les fonctions de Principal clerc de justice au sein de la SCP [W] [R] et [X] [R] en 2016 et 2017,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SCP [W] [R] et [X] [R] les créances suivantes de M. [N] [R] :
- 15 294,37 euros à titre de rappel de salaire sur la période comprise entre janvier 2016 et juillet 2017,
- 4 931,33 euros à titre de complément de l'indemnité de rupture conventionnelle,
Ordonne à la Selarl [I] Constant de remettre à M. [N] [R] des bulletins de salaires et les documents de fin de contrat conformes aux dispositions du présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu à application 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Dit la présente décision opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 7],
Dit que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et L3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L3253-20 du code du travail,
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SCP [W] [R] et [X] [R].
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,