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06/06/2024 | FRANCE | N°23/01183

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 06 juin 2024, 23/01183


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/01183 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IYWM



EM/DO



POLE SOCIAL DU TJ DE PRIVAS

09 mars 2023



RG :22/00134





LA CAISSE INTERPROF. DE PREVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V)



C/



[T]



















Grosse délivrée le 06 JUIN 2024 à :



- Me RIPERT

- M. [T]
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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 06 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de PRIVAS en date du 09 Mars 2023, N°22/00134



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Evelyne MARTIN, Conse...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01183 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IYWM

EM/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE PRIVAS

09 mars 2023

RG :22/00134

LA CAISSE INTERPROF. DE PREVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V)

C/

[T]

Grosse délivrée le 06 JUIN 2024 à :

- Me RIPERT

- M. [T]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 06 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de PRIVAS en date du 09 Mars 2023, N°22/00134

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [B] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparant en personne

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 1er avril 2011, M. [B] [T] a été affilié à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) sous le statut d'auto-entrepreneur du fait de son activité de conseil de gestion.

Le 1er janvier 2022, M. [B] [T] a sollicité la liquidation de ses droits à la retraite auprès de la CIPAV.

Le 07 février 2022, la CIPAV a notifié à M. [B] [T] le bénéfice d'une retraite de base mensuelle à hauteur de 94,06 euros et d'une retraite complémentaire mensuelle à hauteur de 39,67 euros à compter du 1er février 2022.

Par courrier du 07 avril 2022, M. [B] [T] a saisi la Commission de recours amiable (CRA) en revalorisation de ses pensions de retraite, sollicitant l'attribution de points supplémentaires.

Contestant la décision implicite de rejet de la CRA, par lettre recommandée du 17 juin 2022, M. [B] [T] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Privas aux mêmes fins.

Par jugement du 09 mars 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Privas a:

- fixé les points de retraite complémentaire attribués à M. [B] [T] à :

* 40 points pour l'année 2011,

* 30 points pour l'année 2012,

* 36 points pour l'année 2013,

* 36 points pour l'année 2014,

* 36 points pour l'année 2015,

* 36 points pour l'année 2016,

* 36 points pour l'année 2017,

* 36 points pour l'année 2018,

* 36 points pour l'année 2019,

* 36 points pour l'année 2020,

* 36 points pour l'année 2021,

- débouté M. [B] [T] de sa demande relative aux points de retraite de base,

- enjoint la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à rectifier le relevé de situation individuelle et le montant de la pension de retraite versée à M. [B] [T] conformément à ces dispositions,

- condamné la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à payer à M. [B] [T] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à payer à M. [B] [T] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse au paiement des dépens,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes.

Par acte du 05 avril 2023, la CIPAV a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 23/01183, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 02 avril 2024 à laquelle elle a été retenue.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la CIPAV demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a : -

* fixé les points de retraite complémentaire attribués à M. [B] [T] à :

° 40 points pour l'année 2011

° 30 points pour l'année 2012

° 36 points pour l'année 2013

° 36 points pour l'année 2014

° 36 points pour l'année 2015

° 36 points pour l'année 2016

° 36 points pour l'année 2017

° 36 points pour l'année 2018

° 36 points pour l'année 2019

° 36 points pour l'année 2020

° 36 points pour l'année 2021

* lui a enjoint de rectifier le relevé de situation individuelle et le montant de la pension de retraite versé à M. [B] [T] conformément à ces dispositions ;

* l'a condamnée à payer à M. [B] [T] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

* l'a condamnée à payer à M. [B] [T] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* l'a condamnée au paiement des dépens ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* débouté M. [B] [T] de sa demande relative aux points de retraite de base ;

Statuant à nouveau de :

- juger du bon calcul des points de retraite de retraite de base et complémentaire de M. [B] [T],

- attribuer à M. [B] [T] les points de retraite cde base suivants :

* 168,5 points de retraite de base en 2011

* 172,9 points de retraite de base en 2012

* 179,3 points de retraite de base en 2013

* 165,2 points de retraite de base en 2014

* 165,5 points de retraite de base en 2015

* 171,8 points de retraite de base en 2016

* 166 points de retraite de base en 2017

* 160,2 points de retraite de base en 2018

* 166,4 points de retraite de base en 2019

* 163,2 points de retraite de base en 2020

* 167,1 points de retraite de base en 2021

- attribuer à M. [B] [T] les points de retraite complémentaire suivants :

* 10 points de retraite complémentaire en 2011

* 10 points de retraite complémentaire en 2012

* 9 points de retraite complémentaire en 2013

* 18 points de retraite complémentaire en 2014

* 18 points de retraite complémentaire en 2015

* 24 points de retraite complémentaire en 2016

* 23 points de retraite complémentaire en 2017

* 22 points de retraite complémentaire en 2018

* 22 points de retraite complémentaire en 2019

* 22 points de retraite complémentaire en 2020

* 21 points de retraite complémentaire en 2021

- débouter M. [B] [T] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [B] [T] à lui verser la somme de 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager.

Au soutien de ses demandes, la CIPAV soutient que :

- l'objectif du régime auto-entrepreneur était de simplifier et d'alléger, pour le travailleur indépendant, les formalités liées au calcul et au paiement de l'ensemble des cotisations et contributions sociales ; la simplification du mode de calcul s'est traduite par l'application d'un taux unique de cotisations, dit forfait social, au chiffre d'affaires déclaré (22,9 % en 2015) couvrant l'ensemble des cotisations et contributions sociales de l'auto entrepreneur ; le régime de l'auto-entrepreneur n'est ouvert qu'aux travailleurs non-salariés dont le chiffre d'affaires est inférieur à un certain seuil fixé règlementairement ; il s'agit d'un statut dérogatoire ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique ; pour chaque période d'affiliation, le statut d'auto-entrepreneur permet aux professionnels libéraux, en fonction du chiffre d'affaires déclaré et donc du montant cotisé, de valider des trimestres de retraite et d'acquérir des points de retraite de base et de retraite complémentaire ; pour la période antérieure à 2016, le bénéfice non commercial est bien l'assiette de calcul des points ; afin d'obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun, les cotisations de l'auto-entrepreneur sont calculées sur le CA après abattement de 34% reconstituant ainsi un revenu correspondant au BNC et en application des dispositions des articles L133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts ; ce revenu professionnel reconstitué correspond au bénéfice imposable dans le cadre du régime fiscal de la micro-entreprise, et plus précisément du bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux pour une activité libérale ; ainsi, M. [B] [T] commet une erreur en se fondant sur son chiffre d'affaires dans le calcul de ses points de retraite de base et complémentaire pour la période antérieure à 2016,

- concernant les auto-entrepreneurs, il convient d'opérer une distinction entre la période antérieure au 1er janvier 2016 pour laquelle une compensation du régime par l'Etat a été prévue et la période postérieure, à partir de laquelle la compensation a pris fin ; pour la période 2009 à 2015, afin que le dispositif du forfait social soit sans incidence sur les droits ouverts aux auto-entrepreneurs, la loi a prévu le versement d'une compensation de l'Etat au régime de protection sociale pour couvrir la perte de recette induite par le régime ; le montant compensé par l'Etat correspond à la différence entre la plus faible cotisation dont le revenu d'activité permettait à l'assuré de bénéficier et la part du forfait social affectée au régime complémentaire et acquittée par l'assuré ; au regard notamment du principe de proportionnalité, il y a lieu de s'assurer de la réalité des sommes versées tant par l'adhérent que par l'Etat au titre de la compensation pour déterminer le nombre de points dû au titre du régime complémentaire ; à compter du 1er janvier 2016, la compensation de l'Etat a été supprimée ; ses statuts prévoient que pour les bénéficiaires du régime de l'auto-entrepreneur, le nombre de points attribué au titre de la retraite complémentaire est proportionnel aux cotisations effectivement réglées ; depuis le 1er janvier 2016, elle fait une stricte application du principe de proportionnalité,

- le calcul des points acquis par l'adhérent, M. [B] [T], ne résulte que de l'application des dispositions réglementaires applicables au régime de l'auto entrepreneur et du principe de proportionnalité des droits à la retraite aux cotisations versées,

- le mode de calcul qu'elle a adopté a été expressément validé à la fois par le Ministère de l'économie et des finances, le ministère des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d'état chargé du budget,

- si le micro-entrepreneur souhaite s'acquitter d'un montant forfaitaire de cotisation d'assurance retraite complémentaire supérieur à celui qui était pris en compte par les textes réglementaires, celui-ci pouvait opter pour le calcul des cotisations et contributions sociales selon le dispositif de droit commun ; dans ces conditions l'ACOSS était parfaitement légitime à utiliser comme référence la première classe de cotisation réduite de 75 % ; il y a bien un fondement qui lui permettait de calculer les droits de l'auto-entrepreneur au titre de la retraite complémentaire sur la base de la première classe de cotisation réduite ; c'est donc sur cette base qu'ont été déterminés les droits de M. [B] [T] au titre du régime de retraite complémentaire pour les années antérieures à 2016 ; la détermination des points acquis par ce dernier ne résulte que de l'application des dispositions réglementaires applicables au régime de l'auto-entrepreneur,

- M. [B] [T] ne justifie pas avoir subi un quelconque préjudice de sorte que sa demande de dommages et intérêts n'est pas justifiée.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, M. [B] [T], comparant personnellement, demande à la cour de :

- confirmer le jugement pour la fixation des points de retraite complémentaire,

- infirmer le jugement pour la fixation des points de retraite de base,

Statuant de nouveau,

- condamner la CIPAV à rectifier le nombre de points de retraite de base sur la période de 2011/2021 comme suit :

* 255,3 points de retraite de base en 2011

* 262 points de retraite de base en 2012

* 271,6 points de retraite de base en 2013

* 250,3 points de retraite de base en 2014

* 250,8 points de retraite de base en 2015

* 171,8 points de retraite de base en 2016

* 166 points de retraite de base en 2017

* 160,2 points de retraite de base en 2018

* 166,4 points de retraite de base en 2019

* 163,5 points de retraite de base en 2020

* 167,3 points de retraite de base en 2021,

- condamner la CIPAV à revaloriser sa reteaite complémentaire de manière conforme au paiement des arrérages à compter du 1er janvier 2022 dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts et réparation du préjudice moral subi et de l'investissement en temps pour préparer les dossiers,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que :

- contrairement à ce que soutient la CIPAV, les cotisations ont toujours été basées sur le chiffre d'affaires brut de l'entrepreneur ; l'article L133-6-8 du code de la sécurité sociale précise que c'est pour le calcul des prestations versées qu'un abattement de 34% peut être appliqué, que toutefois ces dispositions ont été ajoutées assez tardivement avec l'entrée en vigueur au 1er janvier 2018 ; il considère que la CIPAV ne peut donc pas se prévaloir de ces dispositions pour le calcul des prestations pour la période de 2011 à 2017,

- s'agissant de la retraite de base, il sollicite la suppression de l'abattement de 34% pour la période de 2011 à 2017, précisant être d'accord pour le calcul concernant la période comprise entre 2018 et 2019 ; pour les années 2020 et 2021, il indique que la caisse a utilisé pour ses calculs des valeurs différentes de celles de son 'guide micro-entrepreneur', soit la valeur de point d'achat de 6,45 euros au lieu de 6,44 euros,

- s'agissant de la retraite complémentaire, les dispositions réglementaires du code de la sécurité sociale qui limitent strictement la compensation accordée par l'Etat à la CIPAV, sont étrangères aux relations entre l'organisme et ses affiliés, et sont donc sans incidence sur la détermination des droits à pension des assurés ; sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV les dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 modifié; il en découle que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité ; la cotisation s'exprime sous la forme d'un montant fixe dû par l'assuré dont le revenu déterminé selon les règles d'assiette appropriées ; pour l'attribution des points de retraite complémentaire afférents aux années 2011/2015, la CIPAV n'est pas fondée à s'appuyer comme elle le fait sur le mécanisme de la compensation financière de l'Etat pour calculer les droits de l'assuré; elle ne peut pas davantage se référer au bénéfice non commercial déclaré par l'auto-entrepreneur au lieu du chiffre d'affaires pour déterminer à la baisse, le revenu d'activité et par conséquent, la classe de cotisation de l'affilié,

- le grief tiré d'une rupture d'égalité entre les auto-entrepreneurs et les autres adhérents est sans portée, dès lors que le régime applicable aux premiers se veut incitatif et répond à la volonté du législateur de favoriser la création d'entreprises par la mise en place notamment d'un régime de déclaration et de paiement fiscal et social simplifié, sans porter atteinte aux droits de ceux qui ont choisi d'opter pour le régime micro-social ; de même, l'argument de l'organisme selon lequel le nombre de points revendiqué par l'assuré conduit à lui attribuer des points pour une valeur d'achat largement inférieure à celle fixée par le conseil d'administration de la CIPAV est dénué de toute pertinence puisqu'il se heurte au principe même du forfait social institué par des dispositions législatives.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la retraite complémentaire :

L'article L131-6-2 du code de la sécurité sociale dans ses versions applicables au litige énonce que les cotisations des travailleurs indépendants non agricoles ne relevant pas du régime prévu à l'article L. 133-6-8 sont dues annuellement. Leurs taux respectifs sont fixés par décret.

Elles sont calculées, à titre provisionnel, sur la base du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur la base d'un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés. Lorsque le revenu d'activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l'exception de celles dues au titre de la première année d'activité, sont recalculées sur la base de ce revenu.

Lorsque le revenu d'activité de l'année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation sur la base de ce revenu.

Par dérogation au deuxième alinéa, sur demande du cotisant, les cotisations provisionnelles peuvent être calculées sur la base du revenu estimé de l'année en cours. Lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d'un tiers au revenu estimé par le cotisant, une majoration de retard est appliquée sur la différence entre les cotisations provisionnelles calculées dans les conditions de droit commun et les cotisations provisionnelles calculées sur la base des revenus estimés, sauf si les éléments en la possession du cotisant au moment de sa demande justifiaient son estimation. Le montant et les conditions d'application de cette majoration sont fixés par décret.

Lorsque les données nécessaires au calcul des cotisations n'ont pas été transmises, celles-ci sont calculées dans les conditions prévues à l'article L. 242-12-1.

Par renvoi à l'article L131-6 du même code, les revenus des professions indépendantes non soumises au statut d'auto-entrepreneur sont calculés par référence au revenu retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

L'article R133-30-10 du même code, en vigueur entre le 05 avril 2009 et le 01 janvier 2016 énonce que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale reverse aux comptables publics compétents les sommes recouvrées en application du V de l'article 151-0 du code général des impôts aux dates fixées par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale.

Pour l'application des dispositions de l'article L. 131-7 au régime prévu à l'article L. 133-6-8, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale notifie à l'Etat la différence entre :

a) D'une part, le montant des cotisations et contributions sociales dont les travailleurs indépendants auraient été redevables au cours de l'année civile en application des articles L. 131-6, L. 136-3, L. 635-1, L. 635-5, L. 642-1, L. 644-1 et L. 644-2 du code de la sécurité sociale et de l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, et,

b) D'autre part, le montant des cotisations et contributions sociales calculées en application de l'article L. 133-6-8.

Pour l'application des dispositions du présent article aux travailleurs indépendants relevant de l'organisme mentionné au 11° de l'article R. 641-1 du code de la sécurité sociale, est retenue au titre des régimes mentionnés aux articles L. 644-1 et L. 644-2 la plus faible cotisation non nulle dont ils auraient pu être redevables en fonction de leur activité en application des dispositions mentionnées au a du présent article.

L'article L133-6-8 du même code dans sa version applicable, dispose dans ses différentes versions applicables, que les cotisations et contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants mentionnés au II du présent article bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux mêmes articles.

Il résulte de la jurisprudence ( Cour de cassation 2ème chambre sociale, 23 janvier 2020, pourvoi n°18-15542) que les dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 modifié sont les seules à être applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV.

Les modifications apportées à cet article par la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 n'ont pas modifié le principe, la loi substituant à la notion de 'revenus non commerciaux effectivement réalisés', celle de 'recettes effectivement réalisées' . L'article L133-6-8 du code de la sécurité sociale étant dérogatoire n'opère pas de renvoi aux dispositions de l'article L131-6 du même code.

Il résulte de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 que le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la CIPAV et institué par l'article 1er de ce texte, comporte plusieurs classes de cotisations, auxquelles correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite qui procède directement de la classe de cotisation de l'intéressé, déterminée en fonction de son revenu d'activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de cet organisme.

Le nombre de ces classes a été porté de six à huit par ce décret applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2013, auquel correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite fixé à 40 points pour la première de ces classes pour l'année 2012 puis à 36 points à compter de 2013.

- la classe A portant attribution annuelle de 36 points,

- la classe B portant attribution annuelle de 72 points,

- la classe C portant attribution annuelle de 108 points,

- la classe D portant attribution annuelle de 180 points,

- la classe E portant attribution annuelle de 252 points,

- la classe F portant attribution annuelle de 396 points,

- la classe G portant attribution annuelle de 432 points,

- la classe H portant attribution annuelle de 468 points.

Les montants des cotisations des classes B, C, D, E, F, G et H sont respectivement égaux à 2,3,5,7,11,12 et 13 fois le montant de la cotisation de la classe A.

La cotisation due par chaque assujetti est celle de la classe à laquelle correspond, dans les conditions fixées par les statuts prévus à l'article 5, son revenu d'activité tel que défini à l'article L.131-6 du code de la sécurité sociale

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [B] [T] s'est acquitté de ses cotisations telles qu'elles ont été déterminées selon les modalités prévues à l'article L133-6-8 du code de la sécurité sociale et que son revenu ne dépassait pas celui fixé par décret qui lui aurait permis de relever d'une classe supérieure.

L'absence de compensation appropriée par l'Etat au profit de la CIPAV de la différence entre la cotisation versée en application du statut d'auto entreprise et la cotisation dont le professionnel aurait été redevable s'il n'avait pas opté pour ce statut, peut difficilement être opposée à l'auto-entrepreneur qui bénéficie du statut incitatif instauré par les textes et des dispositions réglementaires applicables, de sorte que la caisse n'est pas fondée à s'appuyer sur le mécanisme de la compensation financière de l'Etat pour calculer les droits de l'assurée, l'article 2 du décret susvisé ne prévoyant pas que le calcul des points de retraite s'opère sur la base de 'la cotisation la plus faible non nulle dont l'adhérent aurait pu être redevable'.

La CIPAV ne démontre pas que ses statuts feraient obstacle à l'application des dispositions de l'article 2 du décret du 21 mars 1979 au profit de M. [B] [T], pour la période antérieure au 1er janvier 2016.

La CIPAV ne peut pas non plus se référer au bénéfice non commercial déclaré par l'auto entrepreneur en lieu et place du chiffre d'affaires pour déterminer à la baisse le revenu d'activité, et en conséquence, la classe de cotisation de l'affilié.

Par ailleurs, l'argument de la caisse selon lequel le nombre de points revendiqué par M. [B] [T] aurait pour effet de lui attribuer des points pour une valeur d'achat bien inférieure à celle fixée par le conseil d'administration de la caisse est inopérant, dans la mesure où il se heurte au principe du forfait social institué par des dispositions législatives.

Le seul fait pour M. [B] [T] d'avoir bénéficié du statut des auto-entrepreneurs ne correspond pas à une demande de réduction de la cotisation pour insuffisance de revenus, au sens de l'article 3.12 des statuts de la caisse, entraînant une réduction proportionnelle du nombre de points au titre de la complémentaire retraite.

Dès lors que M. [B] [T] a opté pour le régime micro-social, l'abattement pratiqué par la CIPAV n'est pas fondé.

Il résulte de l'article L133-6-8 susvisé que les cotisations et contributions sociales des entrepreneurs affiliés à la CIPAV sont calculées sur la base d'un taux de cotisation spécifique et global pour l'ensemble des garanties, y compris celles afférentes au régime d'assurance vieillesse de base, à l'exception de la contribution à la formation professionnelle, l'assiette retenue correspondant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent.

La CIPAV a communiqué le montant du chiffre d'affaires perçu par M. [B] [T] pendant la période litigieuse et indique s'être fondée sur les données communiquées par l'ACOSS (bénéfice non commercial) ; ces montants ne sont pas sérieusement contestés par M. [B] [T] :

2011 : 17 050 euros 2012 :18 000 euros 2013 :18 997 euros 2014 :17 750 euros

2015 : 18 000 euros 2016 :18 000 euros 2017 :18 000 euros 2018 :18 000 euros

2019 : 19 050 euros 2020 :18 980 euros 2021 : 19 430 euros.

Le montant de son chiffre d'affaires révèle que M. [B] [T] relevait bien de la première des classes ; ses revenus lui permettaient ainsi de bénéficier en:

2011 : 40 points

2012 : 30 points

entre 2013 et 2021 : 36 points

La CIPAV doit donc être condamnée à rectifier le nombre de points de retraite complémentaire acquis par M. [B] [T] sous le statut auto-entrepreneur en le portant à 40 points en 2011, 30 points en 2012 puis à 36 points entre 2013 et 2021.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la retraite de base :

L'assiette de calcul des points du régime de retraite de base est le chiffre d'affaires réalisé, sans qu'il y ait lieu d'appliquer un abattement.

Contrairement à ce qu'allègue la CIPAV, l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans ses versions applicables, pose le principe du calcul des cotisations sur le chiffre d'affaires.

S'il précise que le taux spécifique applicable aux auto-entrepreneurs ne pas peut être, compte tenu des taux d'abattement mentionnés aux articles 50-0 ou 102 ter du (code général des impôts), inférieur à la somme des taux des contributions mentionnés à l'article L.136-3 du présent code et à l'article 14 de l'ordonnance n°96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale' pour autant les articles ainsi cités du code général des impôts ne régissent que le régime fiscal des auto-entrepreneurs alors que les cotisations dues par ces derniers, calculées à un taux spécifique, sont assises sur leur chiffre d'affaires et sans référence à une déduction pour charges, dès lors qu'il a été opté pour le régime de la micro-entreprise

Il convient de rappeler que la mention d'un abattement de 34% mentionné à l'article L133-6-8 susvisé ne s'applique sur les prestations attribuées qu'à compter du 1er janvier 2018, de sorte qu'il n'y a pas lieu de procéder, comme l'a fait la CIPAVV à un abattement de ce montant sur le chiffre d'affaires perçu par M. [B] [T] pour le calcul du nombre de ses points de retraite de base.

Par ailleurs, la CIPAV a pris en compte pour le calcul du nombre de points de retraite de base le bénéfice non commercial tandis que M. [B] [T] a pris en considération le montant de son chiffre d'affaires. Or, l'article L133-6-8 susvisé fait bien référence au chiffre d'affaires.

Au vu du montant du chiffre d'affaires réalisé par M. [B] [T] pour chaque année de la période litigieuse et de la valeur du point selon les montants communiqués par la caisse et non sérieusement discutés par l'intimé, il convient de déterminer le nombre de points qui doivent lui être attribués au titre de la retraite de base :

Année

calcul

Nombre de points

2011

17050 euros /66,77 euros

253,3

2012

18000 euros/68,70 euros

262

2013

18 997/69,94 euros

271,6

2014

17750 euros/70,92 euros

250,2

2015

(18000 euros /72,45) + (18000 euros / 7608 euros)

250,8

2016

accord des parties sur le nombre de points

171,8

2017

accord des parties sur le nombre de points

166

2018

accord des parties sur le nombre de points

160,2

2019

accord des parties sur le nombre de points

166,4

2020

M. [B] [T] justifie que la caisse a utilisé des valeurs différentes de celles de son 'guide micro-entrepreneur' pour 2020, soit 6,45 au lieu de 6,44 = valeur du point d'achat

163,5

2021

Idem

167,3

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts :

L'article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et l'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L'article 9 du code de procédure civile fait obligation à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il incombe donc à celui qui invoque un préjudice de rapporter la preuve.

Si dans son rapport annuel 2017, la Cour des comptes avait dénoncé 'une absence anormale de rétablissement des auto-entrepreneurs dans leurs droits' et a 'réitéré sa recommandation de rétablir dans la plénitude de leurs droits les auto-entrepreneurs concernés entre 2009 et 2015, sur la base d'une cotisation minimale recalculée', il n'en demeure pas moins que le différend opposant la CIPAV à M. [B] [T] sur les modalités de calcul de ses droits à pension ne suffit pas à caractériser l'existence d'une faute de la part de la caisse.

La résistance de la CIPAV ne peut pas être qualifiée d'abusive ou de fautive.

M. [B] [T] sera donc débouté de ce chef de demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Privas, contentieux de la protection sociale, le 09 mars 2023 en ce qu'il a :

- fixé les points de retraite complémentaire attribués à M. [B] [T] à :

* 40 points pour l'année 2011,

* 30 points pour l'année 2012,

* 36 points pour l'année 2013,

* 36 points pour l'année 2014,

* 36 points pour l'année 2015,

* 36 points pour l'année 2016,

* 36 points pour l'année 2017,

* 36 points pour l'année 2018,

* 36 points pour l'année 2019,

* 36 points pour l'année 2020,

* 36 points pour l'année 2021,

- enjoint la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à rectifier le relevé de situation individuelle et le montant de la pension de retraite versée à M. [B] [T] conformément à ces dispositions,

- condamné la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à payer à M. [B] [T] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse au paiement des dépens,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes sauf celle présentée par M. [B] [T] au titre de la rectification des points de sa retraite de base,

L'infirme pour le surplus,

Statuant sur les dispositions réformées,

Fixe le nombre de points de retraite de base à attribuer à M. [B] [T] comme suit :

* 255,3 points de retraite de base en 2011

* 262 points de retraite de base en 2012

* 271,6 points de retraite de base en 2013

* 250,3 points de retraite de base en 2014

* 250,8 points de retraite de base en 2015

* 171,8 points de retraite de base en 2016

* 166 points de retraite de base en 2017

* 160,2 points de retraite de base en 2018

* 166,4 points de retraite de base en 2019

* 163,5 points de retraite de base en 2020

* 167,3 points de retraite de base en 2021,

Déboute M. [B] [T] de sa demande de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à payer à M. [B] [T] la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 23/01183
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.01183 ?
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