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30/05/2024 | FRANCE | N°23/01004

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 30 mai 2024, 23/01004


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/01004 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IYG6



CRL/DO



POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

09 mars 2023



RG :18/01017





S.A.S. [7]



C/



URSSAF PACA



















Grosse délivrée le 30 MAI 2024 à :



- Me COSTE

- Me MALDONADO











COUR D'A

PPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 30 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 09 Mars 2023, N°18/01017



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en applicat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01004 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IYG6

CRL/DO

POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

09 mars 2023

RG :18/01017

S.A.S. [7]

C/

URSSAF PACA

Grosse délivrée le 30 MAI 2024 à :

- Me COSTE

- Me MALDONADO

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 30 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 09 Mars 2023, N°18/01017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2024 et prorogé à ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.S. [7] venant aux droits de la société [8]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Thierry COSTE, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

URSSAF PACA

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Hélène MALDONADO, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 30 Mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A.R.L. [8] a fait l'objet d'un contrôle de l'application des règles de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, par les services de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur pour les années 2015, 2016 et 2017.

Par une lettre d'observations du 13 mars 2018, l'URSSAF a fait part de son projet de procéder au redressement de la S.A.R.L. [8], pour un montant global en principal de 15.772 euros portant sur les points de redressement suivants :

- point n°1 : frais professionnels non justifiés - restauration hors des locaux de l'entreprise : 9.847 euros

- point n°2 : assiette minimum conventionnelle : 393 euros

- point n°3 : réduction générale des cotisations : règles générales : 5.375 euros

- point n° 4 : CSG/CRDS : 157 euros

Le 6 juin 2018, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur a mis en demeure la S.A.R.L. [8] de lui régler, ensuite de ce contrôle, la somme de 17.046 euros correspondant à 15.773 euros de cotisations et contributions et 1.273 euros de majorations de retard.

L'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur a émis le 6 août 2018, une contrainte signifiée le 10 août 2018, d'un montant de 17.261, 97 euros.

Par requête en date du 24 août 2018, la S.A.R.L. [8] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse d'une opposition à cette contrainte.

Par jugement en date du 9 mars 2023, le tribunal judiciaire d'Avignon - contentieux de la protection sociale, désormais compétent pour connaître de ce litige, a :

- validé la contrainte du 6 août 2018 pour la somme de 17.046 euros soit 15.773 de cotisations et 1.273 euros de majorations de retard,

- condamné la SAS [7], venant aux droits de la S.A.R.L. [8] , à payer cette somme de 17.046 euros à l'URSSAF,

- condamné la SAS [7], venant aux droits de la S.A.R.L. [8], en outre à payer à l'URSSAF les frais d'huissier soit 72, 99 euros,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamné la SAS [7] aux dépens. .

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 23 mars 2023, la SAS [7], venant aux droits de la S.A.R.L. [8] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 23 01211, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 5 mars 2024

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la SAS [7], venant aux droits de la S.A.R.L. [8], demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a validé la contrainte et l'a condamnée à verser à l'URSSAF 17.046 euros et 72,99 euros au titre des frais d'huissier.

- constater que la mise en demeure n'a pas été envoyée au siège du cotisant ni à un établissement secondaire spécialement désigné par lui ;

- juger que l'URSSAF n'établit pas en outre que cette mise en demeure aurait été réceptionnée par le cotisant ;

- incidemment annuler la contrainte du 10/08/18 faute de mise en demeure préalable ;

- condamner l'URSSAF à verser à la société [7] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés.

Au soutien de ses demandes, la société fait valoir que :

- la mise en demeure a été expédiée à l'adresse de son ancien siège social et a été réceptionnée mais par un tiers

- le changement de siège social est antérieur au contrôle, a été publié au BODACC, et le contrôle a été effectué au nouveau siège social auquel a également été adressée la lettre d'observations,

- la mise en demeure a été envoyée au mauvais endroit, avec un mauvais destinataire, et l'URSSAF ne rapporte pas la preuve que la société l'a réceptionnée,

- la motivation du jugement déféré est critiquable puisque fondée sur un motif hypothétique, qui plus est infondée puisqu'en aucun cas elle n'a donné son adresse comme adresse d'un établissement secondaire.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures et la dire bien fondée en ses demandes,

- confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon le 9 mars 2023 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter la SAS [7], venant aux droits de la S.A.R.L. [8] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- valider la mise en demeure du 6 juin 2018 et la contrainte du 6 août 2018 signifiée le 10 du même mois pour un montant de 15.773 euros en principal et de 1.273 euros de majorations de retard, soit au total 17.046 euros au titre des années 2015, 2016 et 2017,

- condamner la SAS [7], venant aux droits de la S.A.R.L. [8] à lui payer la somme de 17.046 euros au titre de la contrainte du 6 août 2018,

- condamner la SAS [7], venant aux droits de la S.A.R.L. [8] à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mettre à la charge de la SAS [7], venant aux droits de la S.A.R.L. [8] les entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de signification de la contrainte de 72,99 euros en application des articles R 133-6 du code de la sécurité sociale et 696 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur fait valoir que :

- la notification de la mise en demeure a été effectuée à l'adresse communiquée par la société, soit '[Adresse 11]' et l'accusé réception a été signé, peu important qu'il s'agisse comme le soutient la société d'une signature d'une autre personne que sa gérante,

- l'obligation à sa charge est d'adresser la mise en demeure, la mise en demeure est valable quelles que soient les modalités de sa réception,

- la société ne l'a jamais informée, alors qu'elle en a l'obligation indépendamment des publications auxquelles elle aurait pu procéder, d'un transfert de son siège social, et surtout a poursuivi au delà de la date présentée comme étant celle du transfert du siège social, à utiliser l'adresse d'Avignon et à réceptionner des courriers à cette adresse,

- par suite la mise en demeure n'est entachée d'aucune irrégularité et la procédure de recouvrement subséquente non plus,

- sur le fond, les cotisations appelées sont fondées.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Il résulte des dispositions de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige que toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.

Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Selon ce texte, toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée, à peine de nullité, d'une mise en demeure adressée au redevable. La mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle soit, à peine de nullité, notifiée au débiteur des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. ( 2e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n 19-19.167 )

Une société qui a transféré son siège social sans en avoir avisé l'organisme social, ne peut reprocher à cet organisme de ne pas lui avoir adressé la mise en demeure à sa nouvelle adresse. Selon la jurisprudence, en application de l'article 3 de l'arrêté du 11 juillet 1950, il appartient, en effet, au cotisant d'informer la caisse des changements d'adresse le concernant et, à défaut, les mises en demeure qui ont été adressées à la seule adresse connue de l'organisme social produisent tous leurs effets.

La mise en demeure n'étant pas de nature contentieuse, les dispositions des articles 665 à 670-3 du code de procédure civile ne sont pas applicables et le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure n'affecte pas la validité de celle-ci ni celle des actes de poursuite subséquents

La SAS [7], venant aux droits de la S.A.R.L. [8] conclut à la nullité de la mise en demeure au motif d'une part qu'elle a été adressée à son ancien siège social, alors que les opérations de contrôle ont eu lieu à son nouveau siège social et la lettre d'observations adressée à celui-ci ; et d'autre part que la signature figurant sur l'accusé réception dont se prévaut l'URSSAF n'est pas celle de sa gérante.

L'URSSAF oppose à cet argument le fait que la société ne lui a pas fait connaître son changement de siège social, et que postérieurement à la date de changement d'adresse de son siège social elle a continué à utiliser l'ancienne adresse et à réceptionner les courriers adressés à celle-ci.

En l'espèce, il est constant que l'appelante, alors dénommée S.A.R.L. [8], dont le siège social était initialement fixé ' [Adresse 11]' a procédé à un transfert de son siège social au '[Adresse 4]', lequel a été publié au BODACC du 28 septembre 2014. Il n'est pas contesté que la société n'a jamais informé spécifiquement l'organisme social de ce changement d'adresse, ainsi que l'exige l'article 3 de l'arrêté du 11 juillet 1950.

Il est par ailleurs constant que les opérations de contrôle se sont déroulées jusqu'au 13 mars 2018 '[Adresse 4]' et que c'est à cette même adresse, correspondant au nouveau siège social de la S.A.R.L. [8], que la lettre d'observations a été adressée et réceptionnée par la cotisante. Il s'en déduit que bien que n'ayant jamais été informée du changement de siège social dans les conditions de l'arrêté du 11 juillet 1950, l'URSSAF avait parfaitement connaissance de cette nouvelle domiciliation de la société et qu'elle y a eu recours dans le cadre de ses opérations de contrôle.

De fait, la mise en demeure a été adressée à 'S.A.R.L. [Adresse 9], [Adresse 1]' alors même qu'est mentionné en bas de page de celle-ci '[Adresse 6]'.

Force est de constater que la dénomination de la société est différente 'S.A.R.L. [8] ou 'S.A.R.L. [8], et que l'adresse est différente de celle où ont eu lieu les opérations de contrôle et les échanges dans le cadre de la phase contradictoire du contrôle.

Le fait que l'URSSAF ait pu dans d'autres échanges avec la société avoir recours à son ancienne adresse ou que les documents adressés à cette adresse soient finalement parvenus à la société ne signifie pas pour autant que la mise en demeure du 6 juin 2018 ait été adressée au débiteur des cotisations, l'organisme social n'apportant au demeurant aucune explication quant au fait qu'elle n'ait pas adressé cette mise en demeure à l'adresse qu'elle utilisait depuis le début du contrôle.

Il se déduit de ces deux erreurs (dénomination de la société et adresse) que l'URSSAF ne rapporte pas la preuve qui lui incombe à peine de nullité qu'elle a adressé la mise en demeure au débiteur des cotisations sociales. Par suite, la mise en demeure du 6 juin 2018 sera annulée, et la contrainte subséquente également.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 9 mars 2023 par le tribunal judiciaire d'Avignon - contentieux de la protection sociale,

Et statuant à nouveau,

Annule la mise en demeure en date du 6 juin 2018 émise par l'URSSAF [Adresse 10] pour un montant de 17.046 euros et la contrainte subséquente en date du 6 août 2018,

Condamne l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur à payer à la SAS [7], venant aux droits de la S.A.R.L. [8], la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 23/01004
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.01004 ?
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