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30/05/2024 | FRANCE | N°23/00846

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 30 mai 2024, 23/00846


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/00846 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IXVQ



CRL/DO



POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

17 février 2021



RG :16/1736





URSSAF [Localité 5]





C/



S.A.R.L. [3]



















Grosse délivrée le 30 MAI 2024 à :



- Me MALDONADO

- Me GIGANTE











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 30 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 17 Février 2021, N°16/1736



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaid...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/00846 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IXVQ

CRL/DO

POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

17 février 2021

RG :16/1736

URSSAF [Localité 5]

C/

S.A.R.L. [3]

Grosse délivrée le 30 MAI 2024 à :

- Me MALDONADO

- Me GIGANTE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 30 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 17 Février 2021, N°16/1736

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2024 et prorogé à ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

URSSAF [Localité 5]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représenté par Me Hélène MALDONADO, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.R.L. [3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sarah GIGANTE de la SELARL RS AVOCATS, avocat au barreau D'AVIGNON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 30 Mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A.R.L. [3] a fait l'objet d'un contrôle de l'application des règles de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, par les services de l'URSSAF pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.

Par une lettre d'observations du 20 avril 2016, l'URSSAF a fait part de son projet de procéder au redressement de la S.A.R.L. [3], pour un montant global en principal de 53.398 euros portant sur les points suivants:

- point n°1 : forfait social - assiette - cas général : 920 euros,

- point n°2 : dissimulation d'emploi salarié : taxation forfaitaire : 50.630 euros

- point n°3: comité d'entreprise : bons d'achat et cadeaux en nature : 1.848 euros,

- point n° 4 : erreur matérielle de report ou de totalisation.

- point n° 5 : prise en charge par l'employeur de contraventions.

En réponse aux observations de la S.A.R.L. [3] formulées par courrier du 26 mai 2016, l'URSSAF, par réponse en date du 6 juin 2016, a maintenu l'ensemble des chefs de redressement.

Le 15 septembre 2016, l'URSSAF [Localité 5] a mis en demeure la S.A.R.L. [3] de lui régler, ensuite de ce contrôle, la somme de 61.597 euros correspondant à 53.400 euros de cotisations et contributions et 8.197 euros de majorations de retard.

Faute de paiement intégral de cette somme, le 25 novembre 2016, l'URSSAF [Localité 5] a émis à l'encontre de la S.A.R.L. [3] une contrainte du même montant, contrainte signifiée le 29 novembre 2016.

La S.A.R.L. [3] a saisi par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 12 décembre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse d'une opposition à cette contrainte.

Par jugement du 17 février 2021, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon désormais compétent pour connaître de ce litige, a :

- reçu le recours de la S.A.R.L. [3]

- débouté la S.A.R.L. [3] de sa demande de nullité du redressement pour absence d'avis préalable au contrôle et de sa demande de nullité de la mise en demeure et de la contrainte fondée sur l'absence de précisions sur la nature des cotisations, leur ventilation, leur taux, leur base et leurs causes

- débouté l'URSSAF [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes et annulé la contrainte délivrée le 25 novembre 2016 par l'URSSAF [Localité 5] et signifiée par exploit d'huissier de justice le 29 novembre 2016 aux fins d'obtenir le paiement de la somme totale de 61.597 euros soit 53.400 euros en cotisations et 8.197 euros en majoration de retard, relative aux cotisations sur salaires redressées suite à un contrôle du 20 avril 2016 pour dissimulation d'emploi salarié- taxation forfaitaire, concernant les années 2013 et 2014

- condamné l'URSSAF [Localité 5] à payer à la S.A.R.L. [3] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné l'URSSAF [Localité 5] les entiers dépens de l'instance.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 12 mars 2021, l'URSSAF [Localité 5] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Initialement enregistrée sous le numéro RG 21 01129, l'affaire a été radiée, suivant ordonnance du 19 janvier 2023 pour défaut de diligence des parties, puis ré-enrôlée le 9 novembre 2023 à la demande de l'URSSAF [Localité 5] sous le RG 23 00846 et l'examen de l'affaire a été appelé à l'audience du 5 mars 2024.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, l'URSSAF [Localité 5] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et la dire bien fondée en ses demandes ;

- rejeter les demandes, moyens, fins de non recevoir qui sont développés par la S.A.R.L. [3],

En conséquence, statuant à nouveau :

A titre principal

- infirmer le jugement 16/01736 rendu le 17 février 2021 en toutes ses dispositions ;

- confirmer les redressements portant sur le chiffrage forfaitaire des cotisations pour les années 2013 et 2014 ;

- confirmer les redressements notifiés par lettre d'observations du 20 avril 2016 et la mise en demeure subséquente du 15 septembre 2016 ;

- condamner en tant que de besoin la S.A.R.L. [3] à lui payer la contrainte n°62313742 du 25 novembre 2016 pour son montant en denier ou quittance de 61 597 euros soit 53 400 euros de cotisations et 8 197 euros de majorations de retard ;

A titre subsidiaire

- déclarer que la contrainte n°62313742 du 25 novembre 2016 doit être annulée seulement pour le point 3 de la lettre d'observations du 20 avril 2016 soit 50 630 euros augmentés des majorations afférentes ;

- condamner en tant que de besoin la S.A.R.L. [3] à payer le solde la contrainte soit les points qui ne sont pas annulés ;

En tout état de cause

- condamner la S.A.R.L. [3] à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la S.A.R.L. [3] aux dépens ;

- rejeter toutes autres demandes.

Au soutien de ses demandes l'URSSAF [Localité 5] fait valoir que :

- le premier juge a annulé l'intégralité de la contrainte alors que la contestation de la S.A.R.L. [3] ne portait que sur le point de la dissimulation d'activité et de la taxation forfaitaire, il a donc statué au-delà de sa saisine,

- le tribunal n'a pas tenu compte de la reconnaissance par la société, dans ses échanges avec l'inspecteur du recouvrement et dans sa saisine de la juridiction, de l'activité commerciale et promotionnelle de son ex-directeur commercial,

- il n'a pas plus tenu compte du fait que M. [I] n'avait pas été remplacé lors de son départ en retraite, alors que l'activité de la société s'était poursuivie dans les conditions initiales,

- il ressort également de ses constatations que l'activité de M. [I] s'est poursuivie dans un service organisé, et sans que ses conditions d'exercice ne soient modifiées,

- la S.A.R.L. [3] a fluctué au cours de la procédure dans ses explications sur la situation de M.[I], présenté comme gérant de fait puis comme assurant une activité promotionnelle, pour en déduire qu'il s'agit 'd'autant d'aveux de la situation de la société et de son ancien directeur commercial',

- la S.A.R.L. [3] a continué à rembourser à son ex-directeur commercial les frais exposés au titre de l'activité professionnelle pour les exercices 2013 et 2014, leur détail démontrant une activité régulière et permanente au profit de la société, identique à celle qu'il pouvait exercer en qualité de directeur commercial, étant observé que ce point n'avait pas été contesté dans le cadre des observations par rapport à la lettre d'observations,

- la S.A.R.L. [3] soutient désormais qu'il s'agit de frais exposés par son épouse,

- lors des opérations de contrôle, M. [I] était présent aux côtés de son épouse, mandataire social, et c'est lui qui a expliqué le fonctionnement de la société et ses activités, se comportant en dirigeant,

- le bénévolat est exclu dans les entreprises commerciales, et ne peut participer à la réalisation d'un profit recherché par une structure à but lucratif relevant du secteur marchand, seul le mandataire social peut exercer une activité au bénéfice de la personne morale sans être rémunéré,

- l'assiette des cotisations a été déterminée conformément à l'article R 242-1 du code de la sécurité sociale et la jurisprudence constante en la matière, soit sur la base du salaire conventionnel,

- par ailleurs, le jugement a justement retenu que l'avis de contrôle avait été adressé régulièrement à la société, et que la mise en demeure lui permettait de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la S.A.R.L. [3] demande à la cour de:

Statuant sur l'appel principal de l'URSSAF [Localité 5] :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a reçu son recours,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté l'URSSAF [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a annulé la contrainte délivrée le 25 novembre 2016 par l'URSSAF [Localité 5] et signifiée par exploit d'huissier de justice le 29 novembre 2016, aux fins d'obtenir le paiement de la somme totale de 61 597,00 euros, soit 53 400 euros en cotisations et 8 197,00 euros en majorations de retard, relative aux cotisations sur salaires redressées suite à un contrôle du 20 avril 2016 pour dissimulation d'emploi salarié ' taxation forfaitaire, concernant les années 2013 et 2014,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné l'URSSAF [Localité 5] aux entiers dépens de l'instance,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné l'URSSAF [Localité 5] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, sauf à faire droit à la demande de réformation de l'intimée dans le cadre de son appel incident,

Statuant sur son appel incident :

- le juger recevable,

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nullité du redressement pour absence d'avis préalable au contrôle, et de sa demande de nullité de la mise en demeure et de la contrainte fondée sur l'absence de précisions sur la nature des cotisations,

Statuant à nouveau,

- juger nul le redressement pour absence d'avis de contrôle, ainsi que les actes subséquents, dont la contrainte du 25 novembre 2016,

- juger nulles la mise en demeure du 15 septembre 2016 et la contrainte subséquente du 25 novembre 2016,

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné l'URSSAF [Localité 5] à lui payer la somme de 1 000 euros (mille euros), en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- condamner l'URSSAF [Localité 5] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux éventuels dépens, au titre de la procédure de première instance,

En tout état de cause :

- débouter l'URSSAF [Localité 5] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires au dispositif des présentes,

- condamner l'URSSAF [Localité 5] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux éventuels dépens, au titre de la présente procédure d'appel.

Au soutien de ses demandes, la S.A.R.L. [3] fait valoir que :

- la charge de la preuve concernant l'existence d'une prestation de travail par M. [I] à son profit repose sur l'URSSAF [Localité 5] qui doit caractériser les actes de travail, le lien de subordination et la rémunération,

- il en résulte de ses propres écritures aucun aveu judiciaire de l'existence de cette relation de travail,

- l'approche comptable de l'inspecteur du recouvrement est d'autant plus erronée qu'il a attribué les remboursements de frais sous l'intitulé ' déplacement [I]' à M. [I] alors que son épouse, Mme [D] [I] est gérante de la société, et que le premier était hospitalisé sur certaines périodes où l'URSSAF lui impute des dépenses,

- M. [I] est actionnaire de la société à hauteur de 5% et également gérant de la SCI qui détient les 95% restant, et ce statut social ne peut constituer un indice d'un quelconque travail salarié le concernant,

- il était présent lors du contrôle puisqu'il s'agit de son domicile personnel, et son état de santé 'vacillant' doit également être pris considération,

- la seule vacance du poste de directeur commercial ne caractérise rien,

- le comportement qualifié par l'URSSAF de gérant de fait de M. [I] pendant le contrôle est également contradictoire avec une dissimulation de travail salarié,

- l'application de la taxation forfaitaire suppose que la comptabilité ne permette pas d'établir le chiffre exact des rémunérations ou que la personne contrôlée ne mette pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou leur présentation n'en permette pas l'exploitation, et il appartient à l'URSSAF de justifier du caractère irrégulier de la comptabilité, ce qu'elle ne fait pas, par suite, elle devait appliquer les dispositions de l'article L 242-1-2 du code de la sécurité sociale,

- en contradiction avec les dispositions de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, le contrôle n'a pas été précédé de l'envoi d'un avis préalable comprenant des mentions réglementaires, il est donc nul, ainsi que la mise en demeure et la contrainte subséquente, ce qui n'est pas démontré en l'espèce puisqu'elle n'a jamais réceptionné d'avis de contrôle,

- la mise en demeure et la contrainte qui s'y réfère ne portent pas mention de manière détaillée de la nature des cotisations qu'elles concernent, ni leur ventilation, leur taux, leur base et leurs causes, et les pénalités de retard ne portent pas mention de leur point de départ et de leur quantum, la lettre d'observations étant taisante sur ce dernier point, au surplus le montant dont l'acquittement est demandé est différent entre la contrainte et l'acte de signification.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

* sur la régularité formelle du contrôle

Aux termes de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la date du contrôle précise que tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail. Cet avis fait état de l'existence d'un document intitulé " Charte du cotisant contrôlé " présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code. Il précise l'adresse électronique où ce document, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable, et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande.

L'employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l'avis prévu à l'alinéa précédent.

Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.

Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.

En l'espèce, l'URSSAF [Localité 5] verse aux débats:

- un avis de contrôle daté du 24 août 2015, pour une visite le 7 octobre 2015, avec un retour d'envoi par lettre recommandée avec avis de réception en date du 11 septembre 2015 avec la mention ' pli avisé non réclamé'. Le document d'envoi recommandé mentionne 'URSSAF [Localité 5]' 'Contrôle : avis de passage' ainsi que l'identité de l'inspecteur du recouvrement,

- un avis de contrôle daté du 8 octobre 2015, pour une visite le 7 décembre 2015, adressé au siège social de la S.A.R.L. [3] ' [Localité 4] - [Adresse 1]', adressé par lettre recommandée avec avis de réception dont l'accusé de réception a été retourné à l'organisme social avec une signature manuscrite.

Le procès-verbal de contrôle mentionne le 7 décembre 2015 comme date de première visite, soit celle figurant sur le second avis. Les éventuelles irrégularités concernant le premier avis sont sans incidence puisque c'est à la date figurant sur le second que la première visite a été effectuée.

Ainsi, l'URSSAF [Localité 5] justifie du respect de l'obligation résultant de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale tel que précédemment rappelé, qui lui impose l'envoi d'un avis préalablement aux opérations de contrôle. Aucune nullité n'est par suite encourue de ce chef.

La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée sur ce point.

* sur la régularité de la mise en demeure et de la contrainte

La mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans un délai imparti et la contrainte délivrée suite à cette mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe que la contrainte précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

Est valable une contrainte qui fait référence à une mise en demeure dont la régularité n'est pas contestée, qui a été régulièrement délivrée et qui permet à l'intéressé de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.

En l'espèce, la S.A.R.L. [3] prétend que la mise en demeure et la contrainte subséquente doivent être annulées au motif qu'elles ne sont pas suffisamment motivées et que l'inobservation de cette prescription est leur nullité.

En l'espèce, la contrainte fait référence à une lettre de mise en demeure datée du 15 septembre 2019 qui a été réceptionnée par le cotisant le 20 septembre 2019.

La mise en demeure porte les références de la lettre d'observations du 20 avril 2016, dont il n'est pas contesté qu'elle a été réceptionnée par la S.A.R.L. [3] qui a pu formuler des observations auxquelles l'URSSAF a répondu, mentionne les cotisations dues au titre de chaque année concernée le contrôle, ainsi que les majorations de retard pour chaque période concernée.

Il s'en déduit que la mise en demeure du 15 septembre 2019 détaille précisément la nature des cotisations et contributions réclamées outre les majorations de retard, ainsi que les périodes auxquelles elles se rapportent, et leur montant.

La contrainte litigieuse fait référence à cette mise en demeure, laquelle précise la nature des cotisations et contributions dues, mentionne les périodes concernées, précise le montant des sommes dues en distinguant celle relevant des cotisations et contributions sociales et des majorations de retard, en indiquant les éventuels versements opérés par le cotisant ainsi que les déductions effectuées, de telle sorte que la S.A.R.L. [3] était en mesure de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.

Par ailleurs, la différence entre le montant total dû porté sur la contrainte et celui porté sur l'acte de signification s'explique par le fait que le second tient compte des frais inhérents à l'acte de signification.

Le moyen ainsi soulevé par la S.A.R.L. [3] aux fins d'annulation de la mise en demeure et de la contrainte est inopérant et sera donc rejeté.

* sur le fond

A titre liminaire, il sera observé que les chefs de redressements suivants:

- point n°1 : forfait social - assiette - cas général : 920 euros,

- point n°3: comité d'entreprise : bons d'achat et cadeaux en nature : 1.848 euros,

- point n° 4 : erreur matérielle de report ou de totalisation.

- point n° 5 : prise en charge par l'employeur de contraventions.

ne sont pas contestés au fond et seront par suite confirmés.

S'agissant du chef de redressement n°2 : dissimulation d'emploi salarié: taxation forfaitaire : 50.630 euros

Le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée.

Pour déterminer l'existence ou non d'un lien de subordination la Chambre sociale retient la méthode du faisceau d'indices relatifs à l'activité en cause. Il appartient au juge de rechercher parmi les éléments du litige ceux qui caractérisent un lien de subordination.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements. Sont ainsi retenus comme éléments caractérisant un lien de subordination, les contraintes concernant les horaires, le contrôle exercé, notamment sur l'exécution de directives, l'activité dans un lieu déterminé et la fourniture du matériel

Le pouvoir et le contrôle de l'employeur doivent s'apprécier à des degrés différents selon la technicité et la spécificité du poste occupé par le salarié, celui-ci pouvant bénéficier d'une indépendance voire d'une autonomie dans l'exécution de sa prestation sans que pour autant la réalité de son contrat de travail puisse être mise en doute. Ni les modalités de la rémunération, ni la non-affiliation à la sécurité sociale, ni enfin le fait que l'intéressé aurait eu la possibilité de travailler pour d'autres personnes ne permettent d'exclure l'existence d'un contrat de travail.

C'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a procédé aux constatations suivantes :

' en l'espèce Monsieur [L] [I], associé de la S.A.R.L. [3] ( [3] ) est parti à la retraite courant de l'année 2011 suite à rupture de son contrat de travail de directeur commercial du 1er septembre 2002.

Sur les périodes vérifiées, celui-ci a continué à exercer une activité professionnelle profitable à la S.A.R.L. :

le compte comptable [XXXXXXXXXX02] établit la liste des frais de déplacement que celui-ci se fait rembourser dans le cadre de relations professionnelles organisées par la S.A.R.L. ( visite de clientèle, etc.)

Les montants de frais remboursés sont respectivement de 28.804,33 euros au 31/05/2013, 25.780,20 euros au 31/03/2014 et 10.743,77 euros au 31/03/2015.

Le détail de ces remboursements de frais établit une activité régulière et permanente au profit de la S.A.R.L. dans le cadre d'une activité commerciale identique à celle qu'il pouvait exercer pendant qu'il était directeur commercial: le nombre de repas pris en charge par la société est respectivement de 110 pour l'année 2013, 100 pour l'année 2014 ; le nombre de tickets de parking pris en charge est respectivement de 13 pour l'année 2013, 17 pour l'année 2014 ; les frais de transport ferroviaire sont respectivement de 3 pour 2013 ainsi que pour 2014. Le nombre exhaustif de ces frais pour l'année 2015 n'a pas pu être vérifié, l'exercice comptable clos au 31/03/2016 n'étant pas clôturé à la date du contrôle.

Monsieur [L] [I], ancien salarié de la S.A.R.L., ne dispose d'aucun mandat social au profit de la S.A.R.L. sur les années vérifiées.

De plus, l'activité commerciale n'a pas été confiée à une tierce personne, que ce soient d'anciens salariés déjà présents ou dans le cadre d'une nouvelle embauche pour remplacer M. [I].

C'est justement ce dernier qui m'a reçu dans les locaux de la société en même temps que Mme [I], mandataire social, et qui m'a expliqué le fonctionnement de la S.A.R.L. ainsi que ses activités profitables à cette dernière, me faisant remarquer à cette occasion que cette situation ne représentait pas pour lui une situation susceptible d'avoir une incidence en matière de travail dissimulé.

Les sociétés commerciales, dans le cadre de leur objet social, ont pour vocation de réaliser des profits, tout en respectant le droit du travail et le droit social.

Ainsi, la S.A.R.L. [3] ne pouvait ignorer que Monsieur [L] [I] devait être déclaré pour continuer à réaliser une activité professionnelle au sein de la société.

Je procède donc à la régularisation de l'assiette minimum conventionnelle qu'il aurait dû percevoir sur les années 2013 et 2014, conformément à la convention collective du bâtiment et correspondant au coefficient apparaissant sur son dernier bulletin de paie de l'année 2011 : position C échelon 2 coefficient 162:

Barème applicable de salaire mensuel minima pour 169 heures :

- à compter du 01/02/2012 : 4.592€, soit 4.121€ pour 151.67 heures

- à compter du 01/02/2013 : 4.679€, soit 4.199€ pour 151.67 heures

- à compter du 01/02/2012 : 4.721€, soit 4.237€ pour 151.67 heures,

soit un rappel d'assiette minimum respectivement de 50.130€ ( = 4.121 + 11*4.199) pour l'année 2013 et 50.806€ ( = 4.199 + 11*4.237 ) pour l'année 2014"

et en a déduit les régularisations suivantes :

- 25.173 euros pour l'année 2013

- 25.457 euros pour l'année 2014.

L'URSSAF [Localité 5] ajoute à ces constatations :

- les observations de la S.A.R.L. [3] à la lettre d'observations dans lesquelles elle ne remet pas en cause la réalité du travail effectué par M. [L] [I] en expliquant que ce dernier en sa qualité d'actionnaire et de président de la SCF actionnaire 'participe à la vie de ses filiales' et que dans le cadre de la procédure de sauvegarde ' suite à ces difficultés, les associés ont décidés de réduire les charges de la société. Monsieur [I] a fait valoir ses droits à la retraite courant 2011, ce qui a permis de diminuer les charges de l'entreprise. La société continue son activité afin de pouvoir honorer son plan de sauvegarde. C'est dans ce cadre là que Monsieur [I] participe à la vie de la société. Monsieur [I] pourrait être assimilé à un gérant de fait. (... ) par ailleurs, la qualification de contrat de travail s'effectue sous 3 conditions : un travail effectif, un lien de subordination, le versement d'une rémunération. Dans cette situation, les 2 dernières conditions ne sont pas remplies'.

- l'absence de remplacement de M. [I] suite à son départ à la retraite et alors que l'activité de la société s'est poursuivie de manière identique,

- le fait que M. [I] se soit comporté en dirigeant de la société lors des opérations de contrôle,

- l'absence de statut social de M. [I] par rapport à la société, et sa qualité de gérant minoritaire.

La S.A.R.L. [3] soutient que les frais exposés et remboursés au nom de '[I]' l'ont été par sa gérante', Mme [I] et reproche à l'URSSAF d'avoir considéré que certains remboursements de frais qu'elle impute à M. [I] ont été exposés sur des périodes d'hospitalisation de ce dernier, force est de constater que les seuls bulletins d'hospitalisation produits concernent l'année 2012, qui est hors période de contrôle, et que les deux documents médicaux produits concernent:

- un imagerie médicale en date du 21 mai 2014 qui mentionne une traumatisme du gril costal droit sans datation de son origine,

- un compte-rendu d'une coronarographie et angioplastie en date du 18 janvier 2013 sans autre élément de contexte, et notamment de durée d'hospitalisation.

Par suite, les pièces produites par la S.A.R.L. [3] ne permettent pas de remettre en cause la constatation de l'inspecteur du recouvrement quant au remboursement de frais au profit de M. [I].

Par ailleurs, la S.A.R.L. [3] a clairement indiqué dans ses observations suite à la lettre d'observations que M. [I] participait à l'activité de l'entreprise, assimilant son activité à celle d'un gérant de fait.

Ainsi, ces éléments permettent de caractériser une activité, désormais contestée par la S.A.R.L. [3], de M. [I] au profit de cette dernière.

S'agissant de l'existence d'un lien de subordination, contrairement aux affirmations de la S.A.R.L. [3], M. [I] était dans une situation de subordination par rapport à elle dès lors qu'il participait à son activité ( La société continue son activité afin de pouvoir honorer son plan de sauvegarde. C'est dans ce cadre là que Monsieur [I] participe à la vie de la société), les multiples frais de déplacement consistant pour l'essentiel en des repas pour plusieurs personnes, ce dont il se déduit qu'il s'agissait de rencontres avec des clients dans le cadre de déplacements, le lien de subordination devant s'apprécier au regard de la fonction de directeur commercial exercée par celui-ci, jusqu'à son départ en retraite.

Par ailleurs, M. [I] est actionnaire à 5% de la S.A.R.L. [3] et détient 288.650 parts en pleine propriété et 177.000 parts en usufruit des 522.250 parts de la SCI familiale détenant 95% des parts de la S.A.R.L. [3]. S'il n'a perçu en paiement direct que le remboursement des frais qu'il a engagés, il était en revanche directement intéressé aux résultats financiers de la société, par le biais des dividendes que son activité permettait de réaliser.

En conséquence, c'est à juste titre que l'URSSAF [Localité 5] a considéré que la S.A.R.L. [3] devait être considéré comme étant salarié de la S.A.R.L. [3] pour les deux années contrôlées.

S'agissant du montant du redressement consécutif à ce constat, l'article R 242-5 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la période contrôlée disposait que lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement. Ce forfait est établi compte tenu des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve. Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle engagé en application de l'article L. 243-7 ou lorsque leur présentation n'en permet pas l'exploitation, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement, dans les conditions prévues au présent article.

En cas de carence de l'organisme créancier, le forfait est établi par le responsable du service mentionné à l'article R. 155-1.

Lorsque l'employeur n'a pas versé dans les délais prescrits par les articles R. 243-6, R. 243-7, R. 243-9 et R. 243-22, les cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, l'organisme créancier peut fixer, à titre provisionnel, le montant des dites cotisations en fonction des versements effectués au titre des mois ou trimestres antérieurs. Cette évaluation doit être notifiée à l'employeur par une mise en demeure adressée par lettre recommandée, avec accusé de réception dans les conditions de l'article L. 244-2.

Pour remettre en cause le redressement opéré sur cette base par l'URSSAF, la S.A.R.L. [3] soutient qu'il aurait dû être fait application des dispositions de l'article L 242-1-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige qui dispose que pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L. 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire en termes de durée effective d'emploi et de rémunération versée, évaluées forfaitairement à 25 % du plafond annuel défini à l'article L. 241-3 du présent code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. Ces rémunérations sont soumises à l'article L. 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté.

Ceci étant, ces dispositions s'appliquent en l'absence d'élément permettant de caractériser la durée d'emploi et la rémunération versée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque les constatations de l'inspecteur du recouvrement établissent une activité pour l'ensemble de la période contrôlée, dans la poursuite de l'activité de directeur commerciale exercée par M. [I] avant son départ en retraite.

Ce chef de redressement sera en conséquence confirmé et la décision déférée infirmée en ce sens.

Par suite, la contrainte litigieuse sera validée en son entier montant.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 17 février 2021 par le Pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon sauf en ce qu'il a :

- reçu le recours de la S.A.R.L. [3]

- débouté la S.A.R.L. [3] de sa demande de nullité du redressement pour absence d'avis préalable au contrôle et de sa demande de nullité de la mise en demeure et de la contrainte fondée sur l'absence de précisions sur la nature des cotisations, leur ventilation, leur taux, leur base et leurs causes,

et statuant à nouveau,

Valide la contrainte émise le 25 novembre 2016 par l'URSSAF [Localité 5] à l'encontre de la S.A.R.L. [3] pour son entier montant de 61 597 euros soit 53 400 euros de cotisations et 8 197 euros de majorations de retard,

Condamne la S.A.R.L. [3] au paiement en denier ou quittance de cette somme,

Condamne la S.A.R.L. [3] à verser à l'URSSAF [Localité 5] la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la S.A.R.L. [3] aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 23/00846
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.00846 ?
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