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30/05/2024 | FRANCE | N°22/03738

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 30 mai 2024, 22/03738


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/03738 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IUBA



EM/DO



POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

06 octobre 2022



RG :18/00828





CPAM DES BOUCHES DU RHONE





C/



S.A.S. [6]



















Grosse délivrée le 30 MAI 2024 à :



- Me GARCIA BRENGOU

- Me GUILLE





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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 30 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 06 Octobre 2022, N°18/00828



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les p...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03738 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IUBA

EM/DO

POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

06 octobre 2022

RG :18/00828

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

S.A.S. [6]

Grosse délivrée le 30 MAI 2024 à :

- Me GARCIA BRENGOU

- Me GUILLE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 30 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 06 Octobre 2022, N°18/00828

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Service Contentieux - Secteur Juridictions

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Coralie GARCIA BRENGOU de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.S. [6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Michaël GUILLE de la SELARL TESSARES AVOCATS, avocat au barreau de LYON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 30 Mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [L] [E], conducteur-receveur au sein de la Sas [6] ([6]), a déclaré avoir été victime d'un accident de travail le 08 décembre 2017 pour lequel l'employeur a établi une déclaration d'accident de travail le 15 décembre 2017 qui mentionne les circonstances dudit accident 'le conducteur aurait eu une altercation verbale avec deux clientes'.

Le certificat médical initial établi le 11 décembre 2017 par le docteur [G] [H] mentionnait : ' agression, syndrome anxieux aigu'.

Par décision datée du 27 décembre 2017 et notifiée le 03 janvier 2018 à l'employeur, la Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) des Bouches-du-Rhône a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

Par courrier du 22 décembre 2017 adressé à la caisse primaire, la Sas [6] a fait part de ses réserves concernant l'accident survenu le 08 décembre 2017.

Contestant la décision de prise en charge de l'accident du travail du 27 décembre 2017, la Sas [6] a saisi la Commission de recours amiable (CRA) de la caisse primaire qui rejeté le recours par décision du 02 mai 2018.

Par requête du 25 juin 2018, la Sas [6] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse, aux fins de voir juger que la décision de prise en charge de l'accident du travail du 08 décembre 2017 lui est inopposable, subsidiairement, que la preuve d'un accident du travail n'est pas établie et plus subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale.

Par jugement du 06 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon désormais compétent pour statuer sur ce litige, a :

- déclaré inopposable à la Sas [6] la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie datée du 27 décembre 2017 concernant l'accident du travail du 8 décembre 2017 déclaré par son salarié M. [E],

- condamné la Caisse primaire d'assurance maladie aux dépens.

Par lettre recommandée du 27 octobre 2022, la Cpam des Bouches du Rhône a régulièrement interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du 24 octobre 2023 puis déplacée à l'audience du 12 mars 2024 à laquelle elle a été retenue.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, la Cpam des Bouches du Rhône demande à la cour de :

- la recevoir en ses conclusions,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Avignon -pôle social du 06 octobre 2022,

- dire que la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu le 08 décembre 2017 à M. [L] [E] est opposable à la Sas [6], ainsi que l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits qui en découlent,

- débouter la Sas [6] de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions.

La Caisse primaire des Bouches du Rhône soutient que :

- en exigeant de la caisse la preuve de la date du dépôt de la décision de prise en charge du 27/12/2017, alors que l'accusé-réception du pli transmis en recommandé attestait d'un envoi au 27/12/2017, le tribunal judiciaire a inversé la charge de la preuve ; pour pouvoir valablement opposer à l'organisme social qu'elle a pris en charge l'accident du travail sans tenir compte de la lettre de réserves, et alors que la fin du délai réglementaire approchait, l'employeur doit prouver par tout moyen conférant date certaine, que la lettre de réserves lui était parvenue au plus tard le jour de la prise de décision ; si la date de réception informatiquement qu'elle a retenue, au 28/12/2017, n'a pas valeur probante, l'employeur ne prouve pas qu'elle a reçu le courrier du 22/12/2017 ; elle conclut que l'employeur échoue à démontrer que le courrier de réserves du 22/12/2017 lui est parvenu le 27/12/2017 au plus tard, jour de la prise de décision de sorte qu'il doit être considéré comme tardif,

- au vu de la déclaration d'accident de travail exempte de réserves complétée par le certificat médical initial descriptif des lésions, elle disposait de présomptions favorables suffisantes pour décider de reconnaître d'emblée l'existence et le caractère professionnel de l'accident de travail du 08/12/2017 dont a été victime M. [L] [E].

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, la Sas [6] demande à la cour de :

- constater en l'espèce que la CPAM ne démontre pas préalablement la survenance de l'accident au temps et lieu de travail,

- constater que l'assuré n'a pas mentionné la présence de témoin,

- constater que le mécanisme accidentel en lui-même est curieux car l'accident serait intervenu le 08/12/2017 a 17h50, alors que sa journée de travail s'achevait a 20h30, mais l'assuré a repris normalement son travail jusqu'à la fin de sa journée de travail et a encore poursuivi son travail les jours suivants,

- constater que la première constatation médicale est intervenue le 11 décembre 2017, soit trois jours après l'accident allégué , ce qui est spécialement tardif, point sur lequel la CPAM n'apporte aucune explication,

- déclarer que le fait accidentel allégué par l'assuré ne remplissait pas les conditions fixées par la jurisprudence et l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale, à savoir que l'accident doit (sic) :

- déclarer que dans ses rapports avec l'employeur, la caisse primaire n'a pas apporté la preuve formelle du fait accidentel litigieux, ne prenant pas même la peine de diligenter une instruction,

Au constat de la violation des dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale,

- réformer le jugement et lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de l'accident du 08 décembre 2017 de Mr [E],

A titre subsidiaire,

Vu les articles R. 441-10 et suivants du Code de la sécurité sociale

- constater que l'employeur a adressé le 22 décembre 2017 une lettre de réserves circonstanciées à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône,

- constater la validité de ces réserves,

- déclarer d'une part que la CPAM reconnaît avoir reçu cette lettre de réserves au plus tard le 28/12 ( sans avoir conservé l'enveloppe justificative ), et d'autre part que la CPAM ne justifie nullement de la date de dépôt auprès de [4] de son courrier de prise en charge à titre professionnel de cet accident,

- constater que des réserves, pour être considérées comme motivées, doivent porter sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou bien encore sur une cause totalement étrangère au travail,

- constater que lorsque l'employeur émet des réserves motivées, la caisse doit envoyer à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procéder a une enquête auprès des intéressés,

- constater que dans le cas d'espèce, préalablement à sa décision, la caisse primaire n'a procédé à aucune mesure d'instruction,

- constater qu'en adressant une lettre de réserves elle entendait clairement signaler à la caisse primaire qu'elle avait des doutes quant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident et qu'elle souhaitait qu'une instruction fut mise en oeuvre pour éclaircir ces doutes,

- déclarer que la décision de prise en charge afférente à l'accident susvisé a donc été rendue en violation des dispositions de l'article R 441-11du code de la sécurité sociale,

En conséquence,

- confirmer le jugement et déclarer inopposable la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident du 8 décembre 2017 de Mr [E] , inopposable à son égard.

La Société [6] fait valoir que :

- le fait accidentel allégué par M. [L] [E] ne remplit pas les conditions pour être considéré comme un accident du travail ; l'assuré n'a pas mentionné la présence de témoin alors même que le bus transportait d'autres passagers, l'accident serait intervenu le 08/12/2017 à 17h50 et que l'assuré a repris normalement son travail jusqu'à la fin de sa journée de travail , soit 20h30, et a travaillé les jours suivants ; la première constatation médicale est intervenue le 11 décembre 2017, soit trois jours après l'accident, ce qui est spécialement tardif,

- à titre subsidiaire, la caisse n'a diligenté aucune instruction sur cet accident alors qu'elle lui avait adressé une lettre de réserves datée du 22 décembre 2017 qu'elle prétend avoir reçue le 28 décembre 2017 ; si elle ne justifie pas du dépôt de cette lettre, la caisse primaire ne justifie pas non plus la date de dépôt auprès de [4] de son courrier de prise en charge de cet accident.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur l'absence d'instruction de la caisse primaire d'assurance maladie :

Selon l'article R441-10 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au présent litige, issue du décret n°2016-756 du 07 juin 2016 la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.(...)

L'article R411-11 du même code dispose dans sa version applicable au présent litige, issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, que :

I. - La déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur.

Lorsque la déclaration de l'accident en application du deuxième alinéa de l'article L. 441-2 n'émane pas de l'employeur, la victime adresse à la caisse la déclaration de l'accident. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail. (...)

II. - La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

III. - En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

L'absence de réserves de l'employeur dispense la caisse de l'obligation d'information de l'ancien article R441-11 dès lors qu'aucune instruction n'a été diligentée préalablement à la prise en charge.

La preuve que le courrier de réserves a bien été reçu par la caisse incombe à l'employeur.

En présence de réserves motivées de l'employeur, la caisse dispose d'un délai de trente jours francs à compter de la date à laquelle elle a eu réception de la déclaration d' accident de travail et du certificat médical initial pour engager des investigations.

La prise en charge d'un accident au titre de la législation professionnelle, décidée sans mesure d'instruction, ne peut être remise en cause par des réserves formulées par l'employeur et portées ultérieurement à la connaissance de la caisse.

En l'espèce, il résulte des pièces produites par les parties que :

- une déclaration d'accident de travail a été établie par la Sas [6] le 15/12/2017 relative à un accident de travail survenu le 08/12/2017 et dont M. [L] [E] a été victime ; la déclaration ne mentionne aucune réserve de la part de l'employeur,

- un certificat médical initial a été établi le 11/12/2017 par le docteur [G] [H] ainsi que plusieurs certificats médicaux de prolongation,

- la Cpam des Bouches du Rhône a réceptionné un courrier de réserves de la Sas [6] daté du 22 décembre 2017 , qui supporte une mention manuscrite 'reçu le 28/12/2017" (exemplaire produit par la caisse primaire),

- une décision de prise en charge de l'accident de travail allégué par M. [L] [E] datée du 27/12/2017 qui a été notifiée par lettre recommandée le 03/01/2018 comme en atteste l'accusé de réception correspondant et qui mentionne cette date comme étant celle de la distribution de la lettre ; un tampon humide avec la mention '03 JAN 2018" a été apposé sur la copie de la décision produite par l'employeur,

- un courrier daté du 02/05/2018 adressé par la CRA de la Cpam des Bouches du Rhône à la Sas [6], notifiée le 14/05/2018,

- une capture d'écran d'un logiciel utilisé par la caisse primaire qui fait état, concernant le dossier accident de travail de M. [L] [E], après une recherche effectuée à partir du critère pris de la 'date de réception' entre 'le 01/01/2017 et le 06/02/2023" d'une date de réception au 28/12/2017 du 'courrier EMP', au titre du processus 'Reco AT/MP' avec mention au titre du statut 'traité' .

Dans la mesure où il appartenait à la Sas [6] de rapporter la preuve de la réception effective de son courrier de réserves à la caisse primaire, c'est à tort que les premiers juges ont conclu que 'la mention (manuscrite) a été ajoutée après la saisie informatique' et que la 'date de saisie informatique n'a aucun caractère probant', alors qu'aucun élément ne permet de corroborer une telle affirmation et que l'employeur aurait dû à tout le moins justifier de la date de dépôt de son courrier.

A défaut pour la Sas [6] de rapporter la preuve du dépôt de la lettre de réserves et de la date de réception par la caisse primaire, alors que cette preuve lui incombe, il convient de retenir comme date de réception par la caisse primaire, au vu de la mention manuscrite apposée sur la lettre de réserves et du listing informatique que la caisse a versés aux débats, celle du 28/12/2017.

S'il est constant que la lettre de prise en charge a été notifiée à l'employeur le 03 janvier 2018, aucun élément ne permet de remettre en doute sérieusement la sincérité de la date figurant sur cette décision, soit le 27 décembre 2017, de sorte qu'il convient de retenir que la lettre de réserves de l'employeur a été réceptionnée par la caisse primaire postérieurement à sa décision de prise en charge.

Il s'en déduit que la Cpam des Bouches du Rhône n'avait pas à procéder à une instruction sur l'accident de travail allégué par M. [L] [E] et que la décision de prise en charge de la Cpam des Bouches du Rhône du 27 décembre 2017 n'est pas inopposable, pour ce motif invoqué par l'employeur.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.

Sur le caractère professionnel de l'accident de travail allégué par M. [L] [E] :

Selon l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

L'accident de travail se définit comme un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

L'accident survenu alors que la victime était au temps et au lieu de travail est présumé imputable au travail.

Cette présomption ne tombe que si l'employeur établit que la cause de l'accident est totalement étrangère au travail.

En l'espèce, la déclaration d'accident de travail mentionne un accident survenu le 08 décembre 2017 à 17h50, les horaires de travail de M. [L] [E] qui étaient fixés ce jour de 12h31 à 20h38, le lieu de l'accident, Avenue de Coubertin au Pontet, qui correspond au lieu de travail habituel de l'assuré ; la déclaration indique que l'accident a été connu par l'employeur le jour même, qu'aucun rapport de police n'a été établi et que la première personne avisée est M. [I] [O].

La Sas [6] produit un formulaire de déclaration d'accident de travail renseigné de façon manuscrite, qu'elle a signé tout comme Mme [K] [R] qui mentionne notamment les dires de l'assuré 'envoie moi les vérifs immédiatement . Je ne peux plus conduire, je viens de me faire insulter par 2 filles' et s'agissant des circonstances 'un premier incident s'est produit au voyage d'avant avec les 2 clientes pour être montée par la porte arrière avec un landeau. Et sur la course du retour le conducteur a repris ces 2 clientes, elles ont commencé à se moquer de lui, le conducteur a arrêté son bus pour avoir des explications. A ce moment là, les 2 clientes se sont mis à l'insulter ainsi que sa mère' et au titre de la nature des lésions 'suite altercation verbale violente avec les 2 clientes en insultant sa mère, le conducteur n'était plus en capacité de continuer à conduire. A été touché moralement'.

Le rapport interne d'accident que l'employeur a produit aux débats reprend, avec plus de précisions, les circonstances du fait accidentel telles qu'elles ont été décrites par l'assuré dans la déclaration d'accident de travail.

La Cpam des Bouches du Rhône a réceptionné un certificat médical initial établi le 11 décembre 2017 par le docteur [G] [H] qui mentionne au titre des lésions constatées 'agression, syndrome anxieux aigu' ; la nature de ces lésions constatées sont compatibles avec les faits dont M. [L] [E] se dit avoir été victime, peu importe que M. [L] [E] ait continué son activité professionnelle jusqu'à la fin de sa journée de travail, le 08 décembre 2017 et qu'aucun témoin ne vient corroborer le fait accidentel.

Dans la mesure où l'accident du travail allégué est survenu un vendredi, il y a lieu de considérer que la date de premières constatations médicales des lésions en résultant, soit le lundi 11 décembre 2017, n'est pas 'spécialement' tardive comme le soutient l'employeur.

Il résulte de ces éléments que l'accident allégué par M. [L] [E] qui s'est produit au temps et au lieu du travail, qui est à l'origine de lésions constatées médicalement dans un temps proche du fait accidentel, bénéficie de la présomption d'imputabilité au travail.

La Sas [6] ne produit aucun élément de nature à démontrer que ces lésions résulteraient d'une cause totalement étrangère au travail.

La Sas [6] ne parvenant pas à combattre utilement cette présomption, il s'en déduit que la décision de prise en charge du 27 décembre 2017 est opposable à la Sas [6].

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.

Enfin, il convient de rappeler que le litige ne porte que sur l'opposabilité ou non à l'employeur du seul fait accidentel allégué par M. [L] [E], et non pas sur les soins et arrêts de travail consécutifs, de sorte que la demande de la Cpam des Bouches du Rhône tendant à juger que l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits des suites de cet accident sont opposables à l'employeur, est irrecevable.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Juge irrecevable la demande de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône tendant à déclarer opposables à la Sas [6] les soins et arrêts de travail prescrits des suites de l'accident de travail dont M. [L] [E] a été victime le 08 décembre 2017,

Infirme le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon le 06 octobre 2022,

Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Juge que l'accident dont M. [L] [E] a été victime le 08 décembre 2017 est un accident du travail,

Juge que la décision du 27 décembre 2017 de prise en charge de cet accident par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône au titre de la législation sur les risques professionnels est opposable à la Sas [6],

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Sas [6] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 22/03738
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.03738 ?
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