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30/05/2024 | FRANCE | N°21/04425

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 30 mai 2024, 21/04425


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/04425 - N° Portalis DBVH-V-B7F-II5B



CRL/DO



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

17 novembre 2021



RG :14/01225





S.A. [5]



C/



URSSAF PACA

M. [O]

















Grosse délivrée le 30 MAI 2024 à :



- Me VAJOU

- Me MALDONADO

- Me VENEZIA

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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 30 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Avignon en date du 17 Novembre 2021, N°14/01225



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/04425 - N° Portalis DBVH-V-B7F-II5B

CRL/DO

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

17 novembre 2021

RG :14/01225

S.A. [5]

C/

URSSAF PACA

M. [O]

Grosse délivrée le 30 MAI 2024 à :

- Me VAJOU

- Me MALDONADO

- Me VENEZIA

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 30 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Avignon en date du 17 Novembre 2021, N°14/01225

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2024 et prorogé à ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A. [5]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Chrystelle MICHEL, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

URSSAF PACA

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Hélène MALDONADO, avocat au barreau de NIMES

PARTIE INTERVENANTE :

Monsieur [W] [O]

né le 11 Septembre 1947 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Réjane VENEZIA, avocat au barreau D'AVIGNON

Représenté par Me Gaetan POITEVIN, avocat au barreau de MARSEILLE

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 30 Mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Sa [5] a fait l'objet d'une procédure de vérification de l'application des législations de sécurité sociale et d'assurance chômage et de garanties des salaires Ags diligentée par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) Provence Alpes Côte d'Azur portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Le 16 avril 2014, l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur a adressé à la Sa [5] une lettre d'observations mentionnant trois chefs de redressement pour un montant total de :

- point n°1 : frais professionnels non justifiés : 1 805 euros,

- point n°2 : réduction Fillon au 1er janvier 2011 : 961 euros,

- point n°3 : assujettissement et affiliation au régime général : 57 253 euros.

Par courrier recommandé du 16 mai 2014, la Sa [5] a contesté le chef de redressement relatif à l'assujettissement et l'affiliation au régime général de M. [W] [O], président du conseil de surveillance de la société , lequel a été maintenu par courrier en réponse de l'URSSAF en date du 10 juin 2014.

Le 21 juillet 2014, l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur a adressé une mise en demeure à la Sa [5] pour un montant de 66 844 euros, dont 59 241 euros de cotisations et 7 603 euros de majorations de retard.

Par courrier recommandé du 28 juillet 2014, la Sa [5] a saisi la Commission de recours amiable en contestation de cette mise en demeure.

Par requête du 13 octobre 2014, la Sa [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse en contestation de la décision implicite de rejet de la Commission de recours amiable.

Par jugement du 17 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon a :

- reçu le recours de la SA [5] mais l'a déclaré mal fondé,

- confirmé la décision de rejet implicite de la commission amiable de recours et par voie de conséquence la mise en demeure du 21 juin 2014 pour son montant total de 66 844 euros, soit 59 241 euros de cotisations et 7 603 euros de majorations de retard,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SA [5] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration effectuée par voie électronique le 17 décembre 2021, la SA [5] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 21 04425, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 26 septembre 2023.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la SA [5] demande à la cour de :

- avant tout débat au fond, juger que la mise en cause de M. [W] [O] doit être effectuée par l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur,

Statuant sur son appel formé à l'encontre de la décision rendue le 17 novembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Avignon

- le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

* reçu son recours mais l'a déclaré mal fondé

* confirmé la décision de rejet implicite de la commission amiable de recours et par voie de conséquence la mise en demeure du 21 juin 2014 pour son montant de 66 844 euros soit 59 241 euros de cotisations et 7 603 euros de majorations de retard

* débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

* l'a condamné aux entiers dépens de l'instance

Statuant à nouveau,

- annuler et à tout le moins juger non-fondés la lettre d'observation du 16 avril 2014, la mise en demeure de l'URSSAF en date du 21 juillet 2014 et le redressement de l'URSSAF portant sur le point 3 « Assujettissement et affiliation au régime général » pour un montant de 57 253 euros de cotisations et de 7 603 euros de majorations afférentes,

- condamner l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur à lui rembourser la somme de 64.856 euros avec intérêts au taux légal à compter de son paiement indu et dire que les intérêts sur la somme à rembourser par l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur seront capitalisés,

- à titre subsidiaire, annuler le redressement et la mise en demeure pour la somme de 19.204 euros outre les majorations afférentes,

- débouter l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur de sa fin de non-recevoir, de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident.

- condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, la Sa [5] fait valoir que :

- avant dire droit, l'URSSAF demande sa condamnation à mettre en cause M. [O], or si l'URSSAF souhaite cette mise en cause, il lui appartient d'y procéder,

- dans la mesure où l'URSSAF invoque une requalification de la relation juridique de M. [W] [O] président du Conseil de surveillance avec la société [7], il lui appartenait de mettre en cause M. [W] [O] dans la procédure,

- la procédure et le redressement sont entachés de nullité faute pour l'URSSAF d'avoir entendu M. [O], président du conseil de surveillance, alors qu'elle a qualifié les jetons de présence qui lui étaient versés en contrat de travail,

- la procédure doit également être annulée car l'URSSAF n'a jamais répondu aux observations circonstanciées, formulées après la lettre d'observations, sur l'absence de lien de subordination, le statut juridique et légal du président du conseil de surveillance,

- la procédure est également entachée de nullité en raison de l'insuffisance des mentions puisque la mise en demeure ne porte pas que sur des cotisations, et ne lui permet pas de connaître la nature de toutes les sommes qui lui sont réclamées,

- le redressement et la mise en demeure doivent également être annulés en raison du non-respect par l'URSSAF de la procédure de l'abus de droit, puisqu'en requalifiant les jetons de présence en contrat de travail elle s'est implicitement placée sur le terrain de l'abus de droit sans lui notifier la possibilité de saisir le comité des abus de droit,

- le régime d'affiliation obligatoire du dirigeant ne concerne pas les membres du conseil de surveillance dont le président, mais uniquement le directeur général de la SA, et les pièces produites démontrent que M. [W] [O] n'exerce aucune fonction technique en dehors de ses fonctions de conseil et de surveillance,

- l'URSSAF ne rapporte pas la preuve des critères cumulatifs que supposent un contrat de travail , et a conclu trop hâtivement à l'existence d'une relation de travail,

- l'URSSAF se fonde sur les seuls déplacements de M. [O] [W] pour retenir l'existence d'un contrat de travail, sans pour autant démontrer qu'il s'agirait de visites à des clients,

- l'URSSAF ne démontre ni le lien de subordination, ni le pouvoir disciplinaire que la société exercerait sur M. [W] [O],

Ensuite de l'assignation délivrée à la demande de l'URSSAF le 10 octobre 2013, M. [W] [O] demande à la cour de :

- déclarer ( sic ) son intervention volontaire au regard de l'assignation de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur ,

- annuler et à tout le moins juger non fondée la lettre d'observations du 16 avril 2014, la mise en demeure de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur du 21 juillet 2014 et le redressement de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur portant sur le point 3 ' assujettissements et affiliation au régime général',

- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [W] [O] fait valoir que :

- il est à l'origine de la création de l'activité de la société en 1969, et des différentes évolutions juridiques qu'elle a connu, il en a assuré la direction jusqu'à son départ en retraite le 30 septembre 2008,

- il a ensuite réintégré la société le 21 octobre 2009 en qualité de président du conseil de surveillance, lequel est composé de trois membres : lui-même, son frère et son fils,

- il a démissionné de ses fonctions suite à la suppression du conseil de surveillance par l'assemblée générale de la société du 25 mai 2018, et n'occupe depuis lors aucune responsabilité dans l'entreprise,

- il n'a occupé aucune fonction technique sous lien de subordination du président du directoire depuis sa prise de fonction comme président du directoire,

- ses multiples déplacements s'expliquent par la nécessité de vérifier au réel le respect des missions confiées à la société, compte tenu de la nature des clients et des responsabilités engagées, lesquelles pouvaient constituer un risque civil ou pénal pour la société qu'il était de son rôle de surveiller,

- il n'a jamais été sous lien de subordination de son fils [E] qui a pris la responsabilité complète de l'entreprise, mais avait au contraire par son statut de président du conseil de surveillance la possibilité de le révoquer,

- il n'est jamais intervenu dans la gestion technique, commerciale ou opérationnelle de la société, n'a jamais disposé de carte bancaire ou signature dans les banques de la société et n'a jamais signé le moindre document ou engagement pour le compte de la société.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur demande à la cour de :

- recevoir la mise en cause de M. [W] [O],

- débouter la société [5] de son appel et de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement rendu le 17 novembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Avignon;

En conséquence, statuant à nouveau par adoption ou substitution de motif :

- rejeter toutes les demandes de la société,

- déclarer parfaitement valide le redressement notifié par lettre d'observations du 16 avril 2014 et portant sur l'assujettissement au régime général des sommes versées à M. [W] [O] pour son montant hors majorations de retard de 57 253 euros,

- donner acte à la société [5] de son paiement de la mise en demeure du 21 juillet 2014 n°60481168 soit 66 844 euros dont 59 241 euros de cotisations et 7 603 euros de majorations de retard,

- condamner la société [5] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [5] aux dépens.

Au soutien de ses demandes, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur fait valoir que :

- les arguments que la société n'a pas développés devant le premier juge doivent être déclarés irrecevables,

- contrairement à ce que soutient la société, la jurisprudence ne lui impose aucunement de devoir entendre les personnes dont la relation de travail est en question dans le cadre de la procédure de contrôle,

- la société ne peut lui reprocher de ne pas répondre à des arguments qu'elle n'avait pas développés dans le cadre de ses observations suite à la lettre d'observations,

- la mise en demeure comporte toutes les mentions permettant à la société de connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations,

- la procédure de l'abus de droit ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, la société ne précisant pas quels actes auraient été écartés par l'inspectrice du recouvrement, qui au surplus n'a relevé aucun point particulier qui permette de considérer qu'elle aurait écarté des actes,

- sur le fond du redressement et la situation de salariat de M. [W] [O], les éléments contrôlés ont permis d'établir que celui-ci avait effectué sur les trois années contrôlées plus de 30.000 kilomètres par an, chez des clients de la société, de manière régulière, sur 191 jours en 2011, 195 en 2012 et 166 en 2013, et qu'il avait perçu sous forme de jetons de présence l'équivalent de 3.200 euros mensuels en 2011, 3.400 euros mensuels en 2012 et 3.600 euros mensuels en 2013,

- l'argument selon lequel il interviendrait à une telle fréquence pour des contrôles en lien avec la responsabilité civile ou pénale de l'entreprise n'est pas sérieux, et non conforme à la réalité économique de son activité constatée par l'inspectrice du recouvrement,

- M. [W] [O] est le seul membre du comité de surveillance à recevoir des jetons de présence,

- cette activité de M. [O] est profitable à la société, elle est clairement définie et intégrée dans le fonctionnement de la société,

- les missions du conseil de surveillance concernent le contrôle de la gestion par le directoire et en aucun cas un contrôle opérationnel de l'activité de la société.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

* Sur la recevabilité des arguments nouveaux en appel

Par application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du code de procédure civile précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et l'article 566 du même code que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, l'URSSAF conclut à l'irrecevabilité des nouveaux arguments soutenus par la Sa [5] relatifs à l'irrégularité de la procédure et de la mise en demeure.

Ceci étant, ces nouveaux arguments viennent au soutien et tendent à la même fin que les demandes initiales, soit l'annulation du redressement notifié par lettre d'observations du 16 avril 2014.

Aucune irrecevabilité n'est par suite encourue pour ce motif.

* Sur la régularité de la procédure de contrôle

- s'agissant de l'absence d'audition de M. [O] par l'inspecteur du recouvrement

Il résulte de l'article 14 du code de procédure civile que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

L'article L 311-2 du code de la sécurité sociale dispose que sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

Par trois arrêts successifs, la Cour de cassation a considéré au visa de ces textes ( 2ème civ. 09/09/2021 pourvoi 20-13-338 ; 2ème civ. 21/10/2021 pourvoi 20-17-876 et 2ème civ. 25/11/2021 pourvoi 20-14-759 ) qu'une juridiction saisie dans le cadre d'un redressement opéré par l'URSSAF d'un litige portant sur la relation de travail liant une personne à la société ne pouvait régulièrement statuer sans que la personne concernée ne soit appelée dans la cause.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la Sa [5], il n'est pas exigé de l'inspecteur du recouvrement qu'il procède à l'audition de la personne concernée par la relation de travail litigieuse mais que cette personne soit appelée dans la cause devant la juridiction saisie du litige, ce qui est le cas en l'espèce puisque l'organisme social a assigné M. [W] [O] devant la cour.

Par suite, aucune nullité n'est encourue de ce chef.

- s'agissant de l'absence de réponse aux arguments développés par la société dans le cadre de la phase contradictoire du redressement

Par application des dispositions de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés. En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, il précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Le constat d'absence de mise en conformité et le constat d'absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.

En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.

L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de son propre courrier en réponse.

L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.

la Sa [5] reproche à l'URSSAF de ne jamais avoir répondu aux arguments circonstanciés qu'elle a développés en contestation du chef de redressement relatifs aux jetons de présence et renvoie en ce sens à ses deux courriers des 4 avril 2014 et 16 mai 2014.

Il résulte de la chronologie de la procédure de contrôle que :

- les opérations de contrôles se sont déroulées à compter du 31 mars 2014,

- le 4 avril 2014, la Sa [5] a formulé des observations écrites adressées à l'inspectrice du recouvrement dans lesquelles elle développe sur 5 pages des explications concernant la situation de M. [W] [O] , les jetons de présence qui lui sont attribués, son 'sentiment sur l'hypothèse d'une activité salariée' le concernant et ' les justificatifs des déplacements qui semblent fonder votre appréciation',

- la lettre d'observations a été adressée à la Sa [5] le 16 avril 2014 et vise 3 points de redressement, dont le principal est le point n°3 : 'assujettissement et affiliation au régime général: 57 253 euros' pour lequel l'inspectrice du recouvrement développe sur 4 pages les dispositions légales applicables, les constatations auxquelles elle a procédé et ses conclusions avant d'exposer le calcul du redressement de cotisations subséquent,

- par courrier d'une dizaine de pages en date du 16 mai 2014, la Sa [5] a formulé des observations sur cette lettre d'observations en indiquant accepter les deux premiers chefs de redressement et contester le 3ème, en reprenant le contenu des constatations de l'inspectrice du recouvrement pour les contredire ou critiquer, donner son interprétation de ces constatations, et en citant de multiples extraits de décisions de cours d'appel,

- par courrier en réponse en date du 10 juin 2014, l'inspectrice du recouvrement a repris sur deux pages les indications fournies par la Sa [5] sur le chef de redressement contesté pour y opposer ses constatations et rappeler son analyse, avant de conclure au maintien du chef de redressement.

Si la réponse de l'inspectrice du recouvrement est synthétique, il n'en demeure pas moins qu'elle répond à la contestation de la Sa [5], en expliquant pourquoi elle rejette son analyse, étant rappelé que répondre aux observations de l'employeur ne signifie pas valider son analyse ou commenter la jurisprudence de cours d'appel à laquelle il se réfère.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la Sa [5], l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur a respecté le principe du contradictoire en répondant à ses observations formulées pendant la phase contradictoire des opérations de contrôle qui a débuté avec l'envoi de la lettre d'observations, et aucune irrégularité n'est encourue de ce chef.

* Sur la régularité de la mise en demeure

Il résulte des dispositions de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige que toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.

Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Selon ce texte, toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée, à peine de nullité, d'une mise en demeure adressée au redevable. La mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.

En l'espèce, la Sa [5] conclut à l'irrégularité de la mise en demeure qui ne lui permet pas de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, puisqu'elle vise uniquement les cotisations générales alors que le redressement porte également sur des cotisations FNAL et que sont incluses les contributions au régime d'assurance chômage et aux AGS.

Ceci étant, si la mise en demeure mentionne au titre de la nature des cotisations 'régime général', elle fait aussi et surtout référence à ' contrôle chefs de redressement notifiés le 23/04/2014 article R 243-59 du code de la sécurité sociale' soit la lettre d'observations dont il n'est pas contesté qu'elle a été régulièrement notifiée à la société, précise pour chaque année contrôlée le montant du redressement en cotisations et majorations de retard, outre le montant total.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la Sa [5], la mise en demeure lui permet de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation et n'est entachée d'aucune irrégularité.

* Sur l'existence d'un abus de droit

Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit. Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 ( composition du comité des abus de droit lequel a pour mission 'd'émettre un avis sur l'existence d'actes constitutifs d'un abus de droit au sens de l'article L. 243-7-2" ) et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale ( procédure devant le comité des abus de droit ) et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité.

En l'espèce, la Sa [5] soutient qu'en requalifiant les jetons de présence du M. [W] [O] en salaires l'URSSAF s'est placée sur le terrain de l'abus de droit sans en respecter la procédure.

L'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur conteste cette analyse en faisant valoir que la Sa [5] n'indique pas quel acte aurait été écarté par l'inspectrice du recouvrement.

La lettre d'observations du 16 avril 2014 précise s'agissant de ce chef de redressement, après avoir énoncé les constatations de l'inspectrice du recouvrement, 'Mr [O] [W] exerce une activité technique régulière qui se situe au-delà de l'activité de président du conseil de surveillance, qui se situe sous l'autorité du président du directoire et dans le cadre d'un service organisé et qui est profitable à la SA [7] par l'importance de son volume horaire'.

Il résulte de ces éléments, peu important que l'URSSAF n'ait pas appliqué la pénalité égale à 20 % prévue en cas d'abus de droit, et alors que le comité des abus de droit était constitué à la date du contrôle, que l'organisme de recouvrement, en écartant le statut de président du conseil de surveillance au profit de celui de salarié pour soumettre à cotisations sociales les jetons de présence alloués à celui-ci, s'est implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit

Par suite, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur aurait dû mettre en oeuvre la procédure visée aux articles L 243-7-2, R 243-60-1 et R 243-60-3 du code de la sécurité sociale.

A défaut d'avoir consulté le comité des abus de droit, la procédure de redressement relative au point n° 3 est irrégulière et doit être annulée, ainsi que la procédure de recouvrement subséquente.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

* Sur le fond

Il résulte des développements sur l'abus de droit que le chef de redressement n°3 a été annulé.

Les deux autres chefs de redressement, point n°1 : frais professionnels non justifiés : 1 805 euros et point n°2 : réduction Fillon au 1er janvier 2011 : 961 euros, ne sont pas contestés à titre subsidiaire par la Sa [5] et seront par suite confirmés.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Reçoit l'intervention volontaire de M. [W] [O],

Juge recevable l'ensemble des arguments soutenus par la SA [5],

Infirme le jugement rendu le 17 novembre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon sauf en ce qu'il reçu le recours de la SA [5],

et statuant à nouveau sur les éléments infirmés,

Confirme les points de redressement : point n°1 : frais professionnels non justifiés : 1 805 euros et point n°2 : réduction Fillon au 1er janvier 2011 : 961 euros,

Annule le point de redressement n° 3: assujettissement et affiliation au régime général : 57 253 euros de la lettre d'observations en date du 16 avril 2014 notifiée par l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à la Sa [5], et la procédure de recouvrement subséquente,

Condamne l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur à rembourser à la Sa [5] les sommes versées au titre de la mise en demeure du 21 juillet 2014, soit 59.241 euros de cotisations et 7.603 euros de majorations de retard, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Condamne l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur à verser à la Sa [5] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur à verser à M. [W] [O] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 21/04425
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.04425 ?
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