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14/05/2024 | FRANCE | N°21/00758

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 14 mai 2024, 21/00758


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/00758 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6RX



LR EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

09 février 2021



RG :F 19/00360







[W]





C/



A.G.S.-C.G.E.A. [Localité 9]

[M]





















Grosse délivrée le 14 MAI 2024 à :



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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 14 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 09 Février 2021, N°F 19/00360



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madam...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00758 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6RX

LR EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

09 février 2021

RG :F 19/00360

[W]

C/

A.G.S.-C.G.E.A. [Localité 9]

[M]

Grosse délivrée le 14 MAI 2024 à :

- Me

- Me

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 14 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 09 Février 2021, N°F 19/00360

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Novembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Février 2024 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [R] [W]

née le 28 Mai 1965 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Antoine LOUNIS de la SELARL ERGASIA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Eve SOULIER, avocate au barreau de NIMES

INTIMÉS :

A.G.S.-C.G.E.A. [Localité 9]

Délégation régionale

[Adresse 1]

[Localité 9]

Maître [F] [M] désigné liquidateur judiciaire de l'Association MAISON FAMILIALE et RURALE par jugement du 20 décembre 2022

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Nicole LAFFUE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Loubna HASSANALY, avocate au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Octobre 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Mme [R] [W] a été engagée par l'association la Maison familiale et rurale, à compter du 20 août 2012 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directrice, échelon 6 de la convention collective nationale des maisons familiales et rurales.

Placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 22 décembre 2017, puis déclarée inapte définitive à l'issue des visites de reprise des 12 et 13 avril 2018, Mme [R] [W] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 24 mai 2018.

Contestant son licenciement et soutenant avoir été victime de faits de harcèlement moral ayant conduit à son inaptitude, par requête du 09 août 2019, Mme [R] [W] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon aux fins de solliciter la nullité de son licenciement pour inaptitude et voir condamner l'association la Maison familiale et rurale à lui verser diverses sommes indemnitaires.

Par jugement contradictoire du 9 février 2021, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :

- dit que le harcèlement moral n'est pas établi

- dit que l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur n'est pas établie

- débouté en conséquence Mme [R] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul

- dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse

- débouté en conséquence Mme [R] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnités afférentes

- débouté Mme [R] [W] de l'intégralité de ses demandes

- condamné Mme [R] [W] au versement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Mme [R] [W] aux entiers dépens

Par lettre recommandée datée du 16 février 2021 et reçue à la cour le 18 février 2021, Mme [R] [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par jugement du 20 décembre 2022, le tribunal judiciaire d'Avignon convertissait la procédure

de redressement judiciaire ouverte par jugement du 14 décembre 2021 à l'encontre de l'association Maison familiale et rurale en procédure de liquidation judiciaire et désignait Me [F] [M] en qualité de liquidateur.

Aux termes de ses dernières conclusions du 09 mars 2023, Mme [R] [W] demande à la cour de :

- la dire bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire qu'elle est victime d'agissements de harcèlement moral,

- dire lourdement fautive l'exécution du contrat de travail par l'association Maison familiale rurale,

- dire que l'inaptitude médicale ayant conduit à la rupture du contrat de travail est imputable à ces agissements,

- dire en conséquence nul le licenciement prononcé à raison de cette inaptitude physique, en application des dispositions de l'article L1152-3 du code du travail.

Très subsidiairement du dernier chef seulement,

- dire le licenciement litigieux dépourvu de cause réelle et sérieuse

En tout état de cause,

- fixer en conséquence ainsi que suit ses créances :

* 13 097,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 309,77 euros à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée,

- dire que les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil, le cours lesdits intérêts étant arrêtés à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective,

- enjoindre à l'intimé d'avoir à établir et délivrer les documents suivants :

* bulletin de salaire mentionnant l'indemnité compensatrice de préavis conventionnel et son incidence congés payés,

* certificat de travail mentionnant une période d'emploi du 20 août 2012 au 24 août 2018, date de la cessation de la relation contractuelle, période de préavis incluse,

* attestation destinée à Pôle emploi rectifiée de même

- fixer en outre ainsi que suit ses autres créances :

* 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail en réparation des préjudices moral et professionnel,

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, en application des dispositions de l'article L1152-3-1 du code du travail,

Très subsidiairement, du dernier chef seulement,

* 34 927,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail,

- dire l'arrêt à intervenir opposable au CGEA de [Localité 9], dans la limite des plafonds légaux,

- statuer ce que de droit du chef des dépens.

L'appelante soutient que :

- il ressort des éléments qu'elle verse aux débats qu'elle a été victime d'agissements caractérisés de harcèlement moral :

* elle a fait l'objet d'une mise à l'écart publique à la fin de l'année 2017,

* dès le 30 novembre 2017, l'association avait décidé de mettre fin à son contrat de travail, elle n'a eu de cesse de la soumettre à une pression professionnelle afin de lui extorquer une rupture conventionnelle,

* la présidente de l'association a annoncé à l'ensemble du personnel son départ alors qu'aucune décision ne lui avait été formellement notifiée.

* elle a été victime, de manière répétée, du comportement lourdement fautif de son employeur, qui s'est trouvé à l'origine d'une altération de son état de santé.

- n'ayant été jamais sanctionnée à raison de l'exécution carencée de ses tâches, ni licenciée pour ce motif, le débat ne saurait dériver sur ce terrain, qui est en tout point étranger au présent contentieux.

- l'insistance répétée de la présidente de l'association pour obtenir son consentement à la rupture conventionnelle a été l'un des instruments du harcèlement qu'elle a subi.

- l'absence de prise en charge de son arrêt maladie par la mutualité sociale agricole est sans incidence sur le fait qu'elle a été victime de harcèlement moral.

- les pièces qu'elle produit aux débats établissent le lien direct entre le syndrome anxio-dépressif l'ayant conduit à l'inaptitude et la situation de souffrance au travail qu'elle a dû endurer.

- la rupture de son contrat de travail est intervenue à raison des faits de harcèlement dont elle a été victime ; dès lors, son licenciement pour inaptitude doit être déclaré nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.

En l'état de ses dernières écritures du 25 mai 2023, Me [F] [M], en sa qualité de mandataire liquidateur de l'association Maison familiale et rurale, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon le 9 février 2021 en toutes ses dispositions

- constater que « la demanderesse » ne justifie pas avoir subi un quelconque harcèlement moral

- constater que l'association n'a pas commis d'abus de droit

- dire et juger que l'association n'a pas commis de manquement dans l'exécution de son contrat de travail

- dire et juger que Mme [W] n'a subi aucun harcèlement moral

- dire et juger que l'état de santé de Mme [W] ne saurait résulter d'un quelconque manquement de l'employeur

En conséquence,

- dire et juger que le licenciement de Mme [W] repose sur une cause réelle et sérieuse

- débouter Mme [W] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul

- débouter Mme [W] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

- débouter Mme [W] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents

- débouter Mme [W] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail

- débouter Mme [W] de sa demande de solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

A titre subsidiaire

Si par extraordinaire, la cour entrait en voie de condamnation,

- constater que Mme [W] ne justifie pas d'un quelconque préjudice

En conséquence,

- débouter Mme [W] de ses demandes

A titre reconventionnel

- condamner Mme [W] au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir que :

- contrairement à ce que prétend l'appelante, elle ne donnait absolument pas entière satisfaction à son employeur.

- Mme [W] n'exécutait pas correctement les fonctions pour lesquelles elle était embauchée ; elle n'assurait pas correctement la gestion administrative et financière de l'association, ce qui a eu des conséquences dramatiques pour la survie de son activité.

- l'association a eu à déplorer l'incapacité de Mme [W] à mener à bien ses missions managériales, ses salariés se plaignaient de leurs conditions de travail et de l'inertie de la direction.

- Mme [W] n'a réglé aucune cotisation au cours de l'année 2017.

- si ces faits justifiaient le licenciement de Mme [W], elle a décidé néanmoins de proposer à cette dernière une rupture conventionnelle de son contrat qu'elle a acceptée dans un premier temps puis refusé.

- le conseil de prud'hommes a retenu à juste titre qu'aucun acte de harcèlement moral n'était à déplorer et que le licenciement de Mme [W] reposait bien sur une cause réelle et sérieuse.

- Mme [W] ne rapporte aucun élément probant laissant présumer de l'existence d'une situation de harcèlement moral.

- les faits présentés par la salariée ne rentrent pas dans la définition légale du harcèlement moral.

- les reproches qu'elle formulait à Mme [W], notamment sur l'exécution de ses fonctions, étaient parfaitement fondés et justifiaient la proposition de cessation des relations contractuelles. - la proposition d'une rupture conventionnelle ne saurait s'analyser en une situation de harcèlement moral.

- contrairement à ce que soutient Mme [W], aucune pression n'a été exercée pour la pousser à accepter la rupture conventionnelle.

- les arrêts de travail produits par la salariée ne sauraient en aucun cas être la conséquence des prétendus actes de harcèlement moral dont elle l'accuse.

- Mme [W] ne démontre pas le lien de causalité entre son inaptitude et ses conditions de travail.

- le licenciement pour inaptitude de Mme [W] est bien fondé.

Par courrier recommandé reçu à la cour le 17 mars 2023, l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 8], demande à la cour de prononcer la mise hors de cause du CGEA de [Localité 9] à son profit et, indique ne pas être en mesure d'apprécier la validité des demandes présentées et ne disposer d'aucun élément lui permettant de participer utilement à l'audience. Elle n'a ni constitué avocat, ni conclu.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il sera rappelé qu'une situation de harcèlement se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs, d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

Aux termes de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [R] [W] fait état d'un harcèlement moral dans les conditions suivantes :

-l'association Maison familiale et rurale a décidé, dès le 30 novembre 2017, de rompre son contrat de travail et, afin d'extorquer une rupture conventionnelle du contrat de travail, l'employeur n'a eu de cesse de la soumettre à une pression professionnelle qui l'a très sensiblement déstabilisée psychologiquement

-ainsi, alors qu'elle avait toujours donné satisfaction dans l'exécution des missions lui incombant, elle a fait l'objet d'une mise à l'écart publique à la fin de l'année 2017

-le 30 novembre 2017, elle recevait un appel téléphonique de M. [A], directeur régional des maisons familiales rurales, qui sollicitait un entretien de toute urgence, sans toutefois en préciser l'objet ; le 1er décembre 2017, à l'occasion d'un entretien informel, celui-ci lui adressait une série de griefs relativement à la qualité de sa prestation de travail, lui étaient notamment reprochés des manquements en matière de management et de gestion ; face à de tels reproches, qui n'avaient été précédés d'aucune mise en garde, elle sollicitait en vain davantage d'exp1ications ; c'est alors que M. [A] « dévoilait son jeu » et lui suggérait la conclusion d'une rupture conventionnelle ; à 1'issue de l'entretien, il lui annonçait que la présidente de l'association serait informée de leur rencontre

-le dimanche 3 décembre 2017 à 17h56, elle recevait un texto de Mme [T], présidente, lui demandant si elle serait présente le lundi suivant à la Maison familiale rurale afin qu'elles puissent s'y rencontrer à 8h00

-le 4 décembre 2017, dans l'incompréhension la plus totale, elle sollicitait des explications de Mme [T] et elle apprenait, au cours de cet entretien, qu'elle aurait déjà été « sauvée » une fois au cours du conseil d'administration du 21 juin 2017 ; Mme [T] l'informait dans le même temps que son départ était souhaité le plus tôt possible, soit le 8 décembre 2017

-le 4 décembre 2017, après cet entretien et afin de permettre la poursuite de l'activité de l'association Maison familiale rurale de [Localité 6] dans les meilleures conditions, elle envisageait, en sa qualité de directrice, d'informer l'équipe pédagogique de la décision de la direction de l'association de mettre un terme à leur collaboration ; c'est alors que, le 5 décembre 2017, elle recevait, du fait de l'inadvertance de son expéditeur, un courriel de la présidente de l'intimée adressé à l'ensemble de l'équipe pédagogique, sauf elle, annonçant son départ

-le même courriel précisait qu'un conseil d'administration se tiendrait le 8 décembre 2017 afin de débattre de la situation et de la nomination d'une nouvelle direction ; ainsi, alors qu'aucune décision définitive n'avait été formellement notifiée, la direction de l'association employeur n'avait pas hésité à informer l'ensemble du personnel de son éviction

-elle apprenait également à la réception dudit courriel qu'elle était de facto « mise à pied » à compter du 8 décembre 2017

-à cette même date, M. [K], directeur départemental, insistait fortement auprès d'elle afin qu'elle rédige un courrier mentionnant que la rupture du contrat de travail ne se ferait que par le biais d'une rupture conventionnelle

-par courrier du 11 décembre 2017, l'association Maison familiale rurale la convoquait à un entretien le 12 décembre 2017, en vue de la conclusion d'une rupture conventionnelle, le même courrier précisait qu'à compter du 11 décembre 2017, elle serait de nouveau « dispensée de présence » au sein de la structure et ce, durant la procédure de rupture conventionnelle

-le 12 décembre 2017, dans le cadre de l'entretien préalable, Mme [T] insistait auprès d'elle sur la nécessité de conclure rapidement une rupture conventionnelle

-un second entretien était fixé le 20 décembre 2017 afin de confirmer l'éventuelle rupture conventionnelle du contrat de travail (elle était toujours dispensée d'activité)

-face à de tels procédés, elle adressait le 15 décembre 2017 un courriel à l'employeur et le 16 décembre 2017, Mme [T] prenait acte de son refus de consentir à une rupture conventionnelle, que rien ne justifiait et lui confirmait sa dispense d'activité, en attendant la réunion du conseil d'administration du 20 décembre 2017

-de tels agissements, au regard de leur brutalité et de leur caractère vexatoire, commis dans le droit fil de l'attitude de l'employeur depuis le début du mois de décembre 2017, ont eu pour conséquence une réaction anxio-dépressive sévère, entraînant son arrêt de travail à compter du 22 décembre 2017, conséquence de la violence des procédés employés en vue de la rupture du contrat de travail

-puis, poursuivant sa volonté de mettre le plus rapidement possible un terme à la relation professionnelle, l'association intimée la convoquait le 2 janvier 2018 à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement.

A l'appui de ses affirmations, Mme [R] [W] verse aux débats :

-une copie de textos du 1er décembre 2017 (« Bonjour [U], est-ce possible pour toi 17h30 plutôt que 17h. Merci. [R] » « Ok pour 17h30 Bonne journée »)

-un courriel du 5 décembre 2017 adressé par Mme [S] [T] à l'équipe : « Bonjour à tous, Je souhaitais vous apporter l'information relatif à la direction de la MFR. En effet je mets fin au contrat de direction de [R] [W] en accord avec les membres du CA et nos fédérations. Il est bien entendu que son départ sera accompagné celle-ci sera jusqu'au 8 décembre présente à la MFR. En attendant la nomination d'une nouvelle direction par le CA [L] [K] directeur départemental assurera l'intérim du poste. Le CA se réunit ce vendredi 8 un salarié a été invité (...) »

-un courrier de Mme [R] [W] du 8 décembre 2017 : « Vous avez décidé de mettre fin à mon contrat, sachez que la négociation ne se fera que par le biais d'une rupture conventionnelle. Bien respectueusement »

-un courrier du 11 décembre 2017 la convoquant à une rencontre le 12 décembre 2017 aux fins de mise en place de la rupture conventionnelle

-un courrier adressé par Mme [R] [W] le 15 décembre 2017 : « Vous m'avez convoquée à un entretien à la Fédération des MFR Vaucluse-Alpes, le 12 décembre dernier à 19H en vue d'évoquer une rupture conventionnelle. A la demande du Directeur Départemental le 8 décembre 2017, j'ai établi un courrier actant la décision que vous avez prise de mettre fin à mon contrat de travail, ce dont vous avez avisé l'ensemble du personnel par mail le 5 décembre 2017. Cette lettre a été établie sous le choc d'une annonce que rien ne laissait prévoir. C'est aussi pour ce motif que j'ai rédigé spontanément que je ne pouvais envisager la fin de mon contrat que par le biais d'une rupture conventionnelle. Réflexion faite, sachant que je n'ai jamais été demanderesse de rompre mon contrat de travail, je ne vois pas en quoi il serait justifié que je consente à un tel mode de rupture.

Veuillez en conséquence noter que je ne me présenterais pas le 20 décembre prochain à 13H30 au siège de la Fédération des MFR Vaucluse-Alpes. Je vous rappelle par ailleurs que vous m'avez exclue de l'institution de travail depuis le 8 décembre au soir, et qu'une telle situation, propice à toutes les rumeurs, ne saurait durer plus longtemps. »

-un courriel du 16 décembre 2017 adressé par Mme [T] : « J'ai pris bonne note de votre refus de la proposition de rupture conventionnelle que vous m'avez adressé par mail le 16/12/2017 à 19h56. En attendant la réunion du Conseil d'Administration le 20 décembre 2017, je vous confirme par écrit que vous rester dispensée de vous présenter à la Maison Familiale et ce depuis le 11 décembre, comme cela vous avez été indiqué verbalement avec maintien de votre rémunération »

-un avis d'arrêt de travail sur formulaire « accident du travail/maladie professionnelle » à compter du 22 décembre 2017 jusqu'au 20 janvier 2018 pour « syndrome dépressif grave en conséquence de violence du procédé de rupture du contrat de travail »

-le courrier du 2 janvier 2018 la convoquant à un entretien fixé au 15 janvier 2018, en vue d'un licenciement disciplinaire

-les prolongations de l'arrêt de travail jusqu'au 4 avril 2018 mentionnant notamment « sentiment de dévalorisation, idées tristes, anxiété insomnie cauchemars, syndrome dépressif grave exacerbé par l'idée du retour dans l'entreprise »

-une déclaration d'accident du travail pour des faits du 1er décembre 2017 concernant M. [A]

-un courrier du 11 janvier 2018 adressé par l'employeur contestant l'accident du travail et suspendant la procédure de licenciement

-les courriers de la MSA des 30 janvier et 28 mars 2018 concluant que les faits du 1er décembre 2017 ne présentent pas un caractère professionnel en raison de l'absence de preuve de la matérialité de l'accident et de sa survenance aux temps et lieu du travail ainsi que les lettres de Mme [R] [W] et de son conseil contestant l'appréciation de la caisse

-le certificat médical établi le 16 février 2018 par le docteur [Y] [H], psychiatre qui certifie avoir reçu Mme [R] [W] en consultation à cette date

-le certificat médical établi le 28 février 2018 par le docteur [J] [B] qui atteste avoir examiné Mme [R] [W] le 20/12/1 7 et constaté les éléments suivants : « insomnie, état de tristesse et d'apathie, crises d'angoisse, idées noires, dévalorisation de soi, repli sur soi. Ces éléments témoignent d'un syndrome anxio-dépressif grave en conséquence de la violence du procédé de rupture de contrat de travail. Tous ces éléments et leur lien avec le travail ont été clairement verbalisés par la patiente. A ce jour, il est impossible d'évaluer la durée des traitements médicamenteux et non médicamenteux nécessaires au retour à un état stable antérieur. »

-l'avis d'inaptitude du 13 avril 2018 mentionnant qu'elle est inapte définitivement au poste de directeur de la MFR de [Localité 6] et à tout emploi dans cette structure.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que ses décisions étaient étrangères à tout harcèlement moral.

Face à ces éléments, Me [F] [M], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société employeur, fait valoir que :

-aucune situation de harcèlement moral n'est à déplorer, les assertions de Mme [W] sont contraires à la réalité et se heurtent à la chronologie des faits justifiée par des pièces produites aux débats

-l'employeur est parfaitement en droit de proposer une rupture conventionnelle, même dans un contexte où le salarié avait commis une faute et qu'il pouvait engager une procédure disciplinaire alors que le harcèlement moral est écarté lorsque les mesures présentées comme « harcèlogènes » par le salarié se justifient par une situation prévue par la loi

-le caractère anecdotique des entretiens (un avec M. [A]) et (deux avec Mme [T]) ne saurait caractériser des actes de harcèlement moral qui supposent des agissements répétés

-il n'était aucunement porté atteinte à sa dignité ; au contraire, la proposition d'une rupture conventionnelle au regard des fautes qui lui étaient reprochées lui permettait de bénéficier d'une porte de sortie favorable

-il en était de même pour la dispense d'activité ; cela permettait à Mme [W] (qui l'avait acceptée) d'éviter une situation pesante et embarrassante vis-à-vis notamment de ses collègues de travail alors même que M. [K] devait occuper le poste de directeur en intérim dans le cadre de la situation de crise

-la tenue de plusieurs entretiens démontre que l'association a laissé le temps à Mme [W] de donner son consentement de manière libre et éclairée (ce qui a été le cas étant donné qu'elle s'est rétractée en cours de procédure)

-en réalité, il est clair que Mme [W] n'a pas supporté d'être confrontée à ses graves lacunes et carences à exécuter les missions pour lesquelles elle était embauchée

-contrairement à ce que prétend l'appelante, les reproches formulés sont parfaitement fondés, en ce que Mme [R] [W] était incapable de gérer financièrement et administrativement l'association, ainsi :

-alors que ses comptes étaient équilibrés lors de la prise de poste de Mme [W], l'association devait enregistrer des déficits de plus en plus importants au fil des années

-en 2015 : -88.835,79 euros alors qu'elle enregistrait un bénéfice de 16.689,88 euros l'année 2014, soit une baisse de 632% ; en 2016 : -164.733,92 euros, soit de nouveau une baisse de 85% ; en 2017 ; un déficit de -300.174 euros, soit une nouvelle chute de près de 82 %

-le 20 mars 2017, le commissaire aux comptes relevait, à l'occasion de l'exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de l'association, il estimait qu'elle ne serait pas en mesure de faire face à ses sorties de trésorerie et en alertait la présidente conformément à la procédure en vigueur au titre de la prévention des difficultés des entreprises ; il refusait ainsi de valider les comptes en l'état

-c'est ainsi que sur demande du commissaire aux comptes, il était désigné un mandataire ad hoc par ordonnance du 16 juin 2017 du président du tribunal de grande instance d'Avignon

avec pour mission d'assister l'association et en particulier, d'assister la directrice et la présidente de l'association dans leurs négociations avec les créanciers bancaires, fiscaux et sociaux de l'association mais également d'assister la directrice et la présidente de l'association dans la recherche des financements et subventions nécessaires à la poursuite de l'activité économique de l'association

-dans un courrier confidentiel du 21 juillet 2017, adressé à la présidente de l'association, très explicite quant aux carences de Mme [W], le mandataire relevait clairement les difficultés de gestion ; or il s'agissait expressément de la mission de la salariée

-afin de pallier les carences de Mme [W], c'est Mme [T], la présidente exerçant ses fonctions à titre bénévole, qui a dû reprendre toute la comptabilité quotidienne de l'association qui n'avait pas été faite afin de la communiquer à un expert-comptable désigné dans le but d'externaliser la comptabilité ; suite à cela, il était décidé en collaboration avec le mandataire ad hoc de mettre en place un plan de restructuration dans le but de sauver l'association ; c'est dans ces conditions que cinq salariés ont fait l'objet d'un licenciement économique au cours du mois de juillet 2017

-les carences de Mme [W] ont eu également pour conséquence la perte de l'agrément et du financement de deux formations initiales adultes correspondant à près de 70 élèves :

- l'association assurait depuis plusieurs années trois formations initiales pour adultes :

le CAP petite enfance, la formation PRF financée soit par Pôle emploi, soit par le conseil régional pour laquelle il faut répondre à des marchés triennaux et représentant une vingtaine d'adultes ainsi que le diplôme d'Etat DEAES pour lequel deux agréments sont nécessaires : un agrément de la DGRGS (sanitaire et social) et un agrément régional, ce diplôme représentant également une vingtaine d'adultes sur deux années

-Mme [W] avait notamment pour mission, en sa qualité de directrice, de répondre aux marchés triennaux d'affectation de subvention et d'agrément pour pouvoir dispenser ces formations adultes, or il s'avère que, là encore, celle-ci commettait de graves manquements ayant des conséquences particulièrement dramatiques

-s'agissant de la formation PRF, la réponse au marché triennal faite par Mme [W] en février 2017 était retoquée par l'administration qui demandait des pièces complémentaires pour pouvoir accepter le dossier ; or, Mme [W] ne travaillait pas sur le dossier et ne renvoyait pas les pièces demandées nécessaires à l'obtention de ce marché ; c'est ainsi qu'au mois de juillet 2017, l'association voyait son offre refusée et le marché n'était pas renouvelé, l'association devait donc déplorer la perte de la formation PRF correspondant à près d'une vingtaine d'élèves

-de même, au mois de novembre 2017, l'association se rendait compte que l'agrément régional indispensable pour pouvoir dispenser le diplôme d'état DEAES n'avait jamais été demandé par Mme [W] ; en conséquence, l'association n'est à ce jour plus autorisée à dispenser ce diplôme

-il était également reproché à Mme [W] ses lacunes quant au management des salariés de l'association qui se plaignaient de leurs conditions de travail :

-un médiateur était nommé par le conseil d'administration en décembre 2016 suite aux nombreux dysfonctionnements rapportés par les salariés afin d'en déterminer la cause et trouver des solutions ; le rapport du médiateur rendu le 17 juin 2017 est particulièrement éloquent quant à l'incapacité de Mme [W] de mener à bien ses missions managériales

-ce manque de communication avec les salariés se traduisait par une alerte du délégué du personnel qui écrivait un email intitulé « appel à l'aide » envoyé le 16 juin 2017 aux membres du conseil d'administration, dans lequel il faisait part de « l'état psychologique désastreux » de l'ensemble du personnel du fait de l'annonce du plan de restructuration faite sans aucune explication ou information

-sur le déclenchement de la situation de crise :

-le 29 novembre 2017, la présidente recevait un appel de la MSA lui indiquant qu'aucune

cotisation n'avait été réglée au cours de l'année 2017 et déplorant le silence de Mme [W] qui ne répondait à aucun appel ; à ce jour, le dossier a été transmis au service contentieux de la MSA et un conciliateur a été nommé pour pouvoir négocier un échéancier et un cautionnement à hauteur de la dette de 210 000 euros a été exigé

-face à l'urgence de la situation et suite au constat de l'incapacité de Mme [W] à faire face aux problèmes de gestion, la présidente de l'association décidait de déclencher la situation de crise prévue dans les articles 21 et 22 des statuts

-le déclenchement de la situation de crise entraînait la nomination d'un comité restreint mené par M. [K], directeur de la fédération départementale, qui prendrait l'intérim de la direction après avis du conseil d'administration le 8 décembre 2017

-loin d'avoir exercé des pressions pour rompre le contrat de travail de la salariée, elle a été au contraire plutôt conciliante et bienveillante à son égard en lui proposant une rupture conventionnelle qui lui permettait de préserver sa dignité quant aux faits reprochés ; cette proposition de rupture conventionnelle (faite au cours de deux entretiens seulement) ne saurait dès lors s'analyser en un harcèlement moral

-par ailleurs, dès qu'elle sortait de son entretien avec Mme [T] du 4 décembre 2017,

Mme [W] a informé l'ensemble du personnel qu'elle entendait quitter ses fonctions et que son départ serait effectif le 8 décembre 2017 sans plus d'explications, ce qui entraînait une incompréhension au sein du personnel, de sorte que, afin de dissiper les rumeurs et dans un souci de transparence vis-à-vis des salariés s'inquiétant légitimement de l'absence de direction, la présidente a écrit à l'ensemble des salariés afin d'éclaircir la situation et les rassurer quant à la mise en intérim de la direction

-les pièces médicales, qui ne constituent aucunement la preuve que son état de santé serait la

conséquence d'un prétendu harcèlement moral, sont particulièrement contestables.

L'employeur produit :

-les statuts de l'association

-le contrat de travail de Mme [R] [W] mentionnant qu'elle est employée pour occuper la fonction de directrice telle que définie par la convention collective des maisons familiales rurales

-les bilans et comptes de résultats de l'association des exercices 2015 à 2017 confirmant les déficits invoqués

-un courrier de Fiducial audit du 20 mars 2017 indiquant que l'association ne sera pas en mesure de faire face à ses sorties de trésorerie

-l'ordonnance du président du tribunal de grande d'instance d'Avignon du 16 juin 2017 désignant un administrateur ad hoc

-le courrier du mandataire ad hoc du 21 juillet 2017 indiquant : « (...) Je me dois de relever que suite à mon entretien avec Mme [P] Expert Comptable et M. [G] votre Commissaire aux Comptes, votre comptabilité n'est pas à jour, voire non tenue.

Enfin, toutes les informations nécessaires au bon suivi de votre dossier ne sont pas communiquées : dernier exemple, il nous est dit que les documents comptables nous ont été adressés il y a 7 jours. Or, nous les avons reçus 2 heures avant la réunion ! Je pense qu'il y a un réel problème de compétence avec vos employés. Quel que soit la réalité économique, une reprise en main est indispensable à défaut, il faudra changer l'équipe. Il s'agit de la survie de votre association, des emplois y attachés et de l'avenir des enfants que vous accompagnez dignement. »

-le projet de restructuration de l'association suite à l'évolution négative de la situation financière de l'association et les lettres de licenciement pour motif économique de 5 salariés

-la lettre de rejet de la commission d'appel d'offres de la région PACA du 25 juillet 2017 (formation qualifiante ETAQ)

-le courrier du Préfet de région du 17 octobre 2016 mentionnant que l'enregistrement de l'association en tant que centre de formation n'entraîne pas automatiquement la délivrance par le conseil régional de l'agrément et du financement

-les échanges de courriels avec la région PACA en janvier 2018 desquels il ressort que la demande d'agrément n'a pas été faite auprès du conseil régional

-le rapport d'audit du médiateur du 17 juin 2017 constatant notamment que :

-Les formateurs (trices) se plaignent de la directrice, de son absence récurrente, de son manque d'autorité, de sa versatilité et de sa fuite devant les conflits

-Il est flagrant de constater le manque total de communication de la direction face aux élèves, salariés et les formateurs (trices)

- Une majorité de formateurs (trices) formulent beaucoup de critiques et d'accusation envers l'institution et la directrice

-S'agissant du personnel administratif : l'ensemble des personnes se plaint d'une organisation anarchique, du manque de respect des personnes, du travail, des lieux par un bon nombre de formateurs (trices) et élèves, ainsi que de la Direction.

(') Bon nombre de ces faits sont transmis à la Directrice [R] [W], sans que cette dernière ne donne une suite. Le sentiment d'injustice est ressenti par une majorité de personnes.

-et concluant notamment sur la « carence comportementale de la Directrice » et s'interrogeant « sur les capacités de cette dernière aux arcanes de la gestion », le médiateur précisant : « Je relève une disposition particulière à fuir les conflits et la crainte de prendre des décisions avec autorité et fermeté. Un manque certain de la fonction de ressource humaine, qu'elle doit assurer dans le cadre de son poste de directrice. Tous ces dysfonctionnements et ce laxisme amènent à créer bon nombre de conflits, injustices et une perte d'enthousiasme de l'ensemble du personnel. Malgré les remarques qui lui ont été adressées par l'ensemble du personnel, son positionnement est resté statique sans remise en question de soi. Il serait opportun compte tenu de ce comportement, que Mme [R] [W]

repense sa fonction de Directrice au regard de ses capacités, par le biais d'un travail personnel et d'une formation spécifique à ce poste. Sans cette disposition, l'avenir semble compromis quant au devenir de la crédibilité de la MFR. »

-le courriel de M. [I], délégué du personnel, du 16 juin 2017 alertant sur l'état psychologique désastreux du personnel compte tenu des licenciements annoncés, de l'absence d'informations et d'explications, du plan de restructuration établi

-les échanges de courriels avec la MSA suite à un appel téléphonique du 29 novembre 2017 concernant le non paiement des cotisations et la mise en recouvrement

-le compte rendu du conseil d'administration du 8 décembre 2017 mettant en cause les capacités de gestion et de management de la directrice, détaillant les griefs reprochés, faisant état des difficultés de celle-ci à entendre les alertes et à reconnaître ses responsabilités, évoquant enfin les différentes possibilités de mettre fin à son contrat ainsi que le fait que Mme [R] [W] a annoncé à l'équipe, à la suite de l'entretien avec la présidente le 4 décembre 2017, son départ pour la fin de la semaine et qu'il a été nécessaire d'expliquer ensuite la situation au personnel

-le compte rendu du conseil d'administration du 9 janvier 2018 qui mentionne notamment que Mme [R] [W] ne souhaite plus donner suite à la procédure de rupture conventionnelle et que l'association doit engager une procédure de licenciement

-le courrier de contestation de l'accident de travail du 9 janvier 2018 et le courrier de l'association à Mme [W] du 11 janvier 2018.

Il ressort des éléments produits par l'employeur que si l'ensemble des difficultés rencontrées par l'association ne sauraient être imputées à la seule directrice dans la mesure où il apparaît également que des erreurs pouvaient être reprochées à la comptable et que le fonctionnement de l'institution elle-même posait question, en revanche l'essentiel des griefs reprochés tenant aux capacités de gestion et de management reposent sur des pièces probantes, l'appelante ne pouvant prétendre qu'elle donnait entière satisfaction à son employeur et qu'elle a été étonnée de faire l'objet de reproches, étant relevé qu'elle assumait bien une mission étendue, au regard de la convention collective applicable, notamment en ce qu'elle devait gérer « l'établissement sur un plan financier en liaison avec le trésorier de l'association dans le souci d'assurer une situation budgétaire satisfaisante et le développement de l'établissement » mais également gérer « l'organisation et l'animation de l'ensemble du personnel ».

En tout état de cause, si effectivement la salariée n'avait jusqu'alors fait l'objet d'aucune mesure particulière au titre de l'exécution carencée de ses tâches, l'association avait toujours la possibilité de proposer une rupture conventionnelle à sa directrice.

Par ailleurs, à l'examen des pièces produites par Mme [R] [W], comparées à celles fournies par le liquidateur, notamment le compte rendu du conseil d'administration du 8 décembre 2017, rien ne confirme que la salariée a été soumise à des pressions pour rédiger le courrier du 8 décembre 2017 alors qu'au contraire, elle a, dans un premier temps, accepté la rupture conventionnelle et annonçait elle-même à l'équipe son départ, ce qui a nécessité que la présidente adresse le courriel d'explications du 5 décembre 2017, de sorte qu'il n'y a pas eu en réalité une « mise à l'écart publique ». En outre, la convocation à la rencontre en vue d'une rupture conventionnelle lui rappelait qu'elle pouvait se faire assister et il est manifeste que l'association a cherché à favoriser ce mode de rupture afin d'éviter à sa salariée de subir une procédure de licenciement. Quant à la dispense de présence de la directrice, à partir du 11 décembre 2017, elle était également expliquée dans le compte rendu du conseil d'administration du 8 décembre 2017 : « si [R] [W] a annoncé son départ à l'équipe lundi pour ce vendredi, il ne saurait être question qu'elle revienne. La Présidente précise que le lendemain, le mardi 5 décembre 2017, elle avait dû envoyer un mail aux salariés afin que la situation ne reste pas dans le flou et que la seule communication ne vienne pas de la directrice. Elle signifie n'avoir eu d'autres choix que de confirmer qu'[R] [W] partait à la fin de la semaine ».

Par ailleurs, si les documents médicaux font état de la souffrance de Mme [R] [W], en rapport avec son travail, il n'est pas établi le lien entre le diagnostic posé notamment d'un syndrome dépressif et un harcèlement moral alors que les éléments fournis par l'employeur objectivent des difficultés à se remettre en question et à accepter que l'association puisse vouloir se séparer d'elle.

Ainsi, au vu de ce qui précède, les agissements de l'employeur ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral, le jugement devant dès lors, par substitution de motifs, être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [R] [W] de ses demandes afférentes.

Sur la rupture du contrat de travail

En l'absence de harcèlement moral, le licenciement intervenu ne peut donc être nul, en application de l'article L. 1152-3 du code du travail.

Mme [R] [W] invoque au subsidiaire un licenciement sans cause réelle et sérieuse, indiquant que son inaptitude est consécutive aux agissements de l'association.

Cependant, il ressort suffisamment de ce qui précède que l'association n'a pas eu de comportement fautif en recherchant une rupture conventionnelle du contrat de travail puis, prenant acte du refus de la salariée, en envisageant une procédure de licenciement. Il ne résulte pas plus de ce qui précède que la salariée, comme elle l'indique, aurait été soumise à des conditions de travail ayant dégradé son état de santé. Enfin, le seul ressenti d'une « violence du procédé de rupture du contrat de travail » ne saurait démontrer le comportement fautif de l'employeur.

Dès lors, l'inaptitude médicalement constatée n'est pas imputable à une faute de l'employeur, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud'hommes a également, à juste titre, débouté Mme [R] [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens d'appel seront mis à la charge de Mme [R] [W] mais l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt réputé contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

-Confirme le jugement rendu le 09 février 2021 par le conseil de prud'hommes d'Avignon en toutes ses dispositions,

-Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

-Condamne Mme [R] [W] aux dépens de l'appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 21/00758
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;21.00758 ?
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