RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/04109 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IH6S
MS/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NÎMES
08 octobre 2021
RG :20/00018
Mutuelle OXANCE
C/
[U]
Grosse délivrée le 07 MAI 2024 à :
- Me
- Me
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 07 MAI 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NÎMES en date du 08 Octobre 2021, N°20/00018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Mai 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Mutuelle OXANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Cécile SCHWAL de la SELARL SCHWAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE
INTIMÉ :
Monsieur [F] [U]
né le 15 Mai 1957 à [Localité 7] (LAOS)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Sylvie SERGENT de la SELARL DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Septembre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 07 Mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
M. [F] [U] a été embauché par la mutuelle Umapos, aux droits de laquelle vient l'Union Gest Oeuvres Sociales Mutualites (Ugosmut) et à ce jour la SA Mutualiste Oxance, selon contrat à durée indéterminée à temps complet du 21 décembre 1992 (avec commencement d'exécution au 1er février 1993), en qualité de chirurgien - dentiste, au sein du centre dentaire d'[Localité 5].
Le 1er juillet 2019, M. [F] [U] a fait valoir ses droits à la retraite.
Contestant son solde de tout compte, M. [F] [U] a saisi, le 9 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Nîmes en sa formation des référés qui, par ordonnance du 20 novembre 2019, a enjoint à l'Ugosmut de donner le mode de calcul détaillé du montant des congés payés et de l'indemnité de départ à la retraite.
Par courrier du 6 décembre 2019, l'Ugosmut a fourni à M. [F] [U] les informations demandées.
Contestant les modalités de détermination des éléments payés, M. [F] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes le 10 janvier 2020 en vue d'obtenir les sommes de 105 875,58 euros au titre de l'indemnité de départ à la retraite, 1 734 euros au titre du solde de congés payés, 68 000 euros à titre de dommages et intérêts pour respect de la clause de non-concurrence et 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 08 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :
- condamné Oxance, venant aux droits de Ugosmut, à verser à M. [F] [U] les sommes suivantes :
* 105 875,58 euros au titre de l'indemnité de départ en retraite,
* 1 734 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [F] [U] de l'ensemble de ses autres demandes,
- débouté Oxance de ses demandes reconventionnelles,
- condamné l'employeur aux entiers dépens.
Par acte du 16 novembre 2021, la Sa Mutualiste Oxance, venant aux droits de la société Ugosmut a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 19 octobre 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 09 août 2022, la SA Mutualiste Oxance, venant aux droits de la société Ugosmut, demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 8 octobre 2022 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes suivantes :
* 105 875,58 euros au titre de l'indemnité de départ à la retraite
* 1 734 euros au titre de l'indemnité de congés payés
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- le confirmer pour le surplus
Statuant à nouveau,
Vu la convention collective de la mutualité
- juger que la société Ugosmut est régie par le code de la mutualité et qu'à ce titre elle entre dans le champ d'application de la convention collective nationale de la mutualité
- juger qu'en sa qualité de chirurgien-dentiste d'un centre mutualiste et conformément au champ d'application de la convention collective nationale de la mutualité excluant les chirurgiens-dentistes, M. [U] relève uniquement du code du travail ;
- juger non applicable la convention collective des cabinets dentaires au regard de l'activité principale de Ugosmut ;
- juger que M. [U] a été rempli de ses droits au titre l'indemnité compensatrice de congés payés ;
- juger que M. [U] ne justifie d'aucun préjudice du fait de la nullité de la clause de non-concurrence
- juger non fondées dans leur principe et injustifiées dans leur montant les demandes de M. [U] ;
En conséquence
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause :
- condamner M. [U] au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700
du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SA Mutualiste Oxance soutient essentiellement que :
- Sur l'indemnité de départ à la retraite :
- le conseil de prud'hommes a retenu à tort que l'indemnité de départ à la retraite de M. [U] devait être calculée selon les modalités prévues par la convention collective des cabinets dentaires.
- l'Ugosmut étant une mutuelle, la convention collective applicable est la convention collective de la mutualité et cette convention exclut expressément de son champ d'application les chirurgiens-dentistes.
- en sa qualité de chirurgien-dentiste, M. [U] n'était pas soumis aux dispositions de la convention collective de la mutualité mais uniquement au code du travail.
- l'arrêt rendu le 26 février 2020 par la Cour de cassation dont se prévaut M. [U] pour justifier l'application de la convention collective des chirurgiens-dentistes n'est pas transposable en l'espèce.
- de surcroît, M. [U] était salarié d'un centre mutualiste et non d'une association ou d'un cabinet dentaire comme le prévoit la convention collective nationale des cabinets dentaires pour justifier son application.
- contrairement à ce que soutient le salarié, ce dernier n'a jamais exercé son activité dans un centre d'activité autonome. Il a travaillé pour un centre dentaire intégré à l'Ugosmut, qui ne possédait aucune instance représentatives propres et qui n'était pas enregistré de façon individuelle.
- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :
- M. [U] a été rempli de ses droits au-delà de sa demande de rappel de salaire
- en outre, contrairement à ce qu'il prétend, M. [U] ne peut solliciter des congés payés sur une indemnité compensatrice de congés payés versées sur son solde de tout compte.
- Sur la clause de non-concurrence :
- la clause signée par M. [U] le 21 octobre 1992 était parfaitement valable puisqu'au jour de la signature du contrat de travail, la jurisprudence admettait la validité d'une clause de non concurrence en l'absence de contrepartie financière en faveur du salarié.
- M. [U] a fait valoir ses droits à la retraite le 1er juillet 2019 et elle a renoncé à la clause de non concurrence par courrier du 19 décembre 2019.
- en tout état de cause, M. [U] ne justifie d'aucun préjudice du fait de la nullité de la clause. Il a pris sa retraite et ne justifie aucunement avoir cherché à travailler pendant sa retraite.
En l'état de ses dernières écritures en date du 07 septembre 2023, contenant appel incident, M. [F] [U] demande à la cour de :
Sur l'appel principal :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2021 en ce qu'il a dit et jugé que :
* M. [U] réclame à bon droit l'application des règles de la convention collective des cabinets dentaires pour la détermination de son indemnité de départ à la retraite,
* condamné Oxance venant aux droits d'Ugosmut à lui verser à ce titre la somme de 105 875,58 euros ainsi que celle de 1 734 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et 1 000 euros au titre de l'Article 700 du code de procédure civile.
A titre incident :
- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de la demande de dommages et intérêts au titre de la clause de non concurrence.
Et statuant à nouveau,
- condamner Ugosmut à lui payer la somme de 68 000 euros à titre de dommages et intérêts relatifs à l'application de la clause de non concurrence.
- condamner Ugosmut à payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il fait essentiellement valoir que :
- Sur l'indemnité de départ à la retraite :
- les premiers juges ont retenu à juste titre qu'il relevait des dispositions de la convention collective des cabinets dentaires et donc que son indemnité de départ à la retraite aurait dû être calculée sur la base des dispositions de cette convention collective.
- la convention collective des cabinets dentaires 'règle les rapports entre les praticiens qui exercent l'art dentaire conformément au code de la santé publique' et le code Naf de l'Ugosmut (86.23Z ), qui apparaît sur ses bulletins de salaire, correspond aux activités de pratique dentaire. - la société dénature complètement la décision de la Cour de cassation du 26 février 2020, qui vise l'activité et non le statut juridique de la société.
- il exerçait dans un centre autonome dont l'activité principale était 'dentaire'.
-Sur le rappel de salaire au titre des congés payés :
- il aurait dû percevoir la somme de 23 223 euros au titre des congés payés. Or, au mois de juin 2019, il a perçu une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 21 489,16 euros.
- Sur la clause de non-concurrence :
- l'Ugosmut ne peut se prévaloir d'une renonciation à la clause de non concurrence dans la mesure où elle n'a pas obtenu son accord exprès.
- le conseil de prud'hommes a retenu à tort qu'il ne démontrait aucun préjudice. Il démontre son préjudice par le fait que tant pendant l'exécution du contrat de travail, qu'après son départ à la retraite, il a respecté la clause de non concurrence et a refusé tout nouveau poste, laissant sa patientèle au sein d'Ugosmut.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 26 avril 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 septembre 2023 à 16 heures. L'affaire a été fixée à l'audience du 10 octobre 2023 puis déplacée à l'audience du 08 février 2024.
MOTIFS
La cour rappelle que les demandes de 'constater', de 'dire et juger' ne constituent pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d'aucune demande.
Sur la convention collective applicable
Aux termes de l'article L. 2261-2 du code du travail :
'La convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur.
En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables'.
L'application d'une convention collective est déterminée par l'activité réelle de l'entreprise, et non par les mentions contenues dans les statuts de la personne morale dont elle dépend.
Peu importe que le code APE ne corresponde pas à la convention applicable au regard de l'activité principale réellement exercée.
En effet, l'application d'une convention collective ne peut être déduite du seul indice tiré du code APE de l'employeur, le juge devant, en cas de litige, vérifier la nature véritable de l'activité principale.
Ainsi, la mention du code APE 8623Z portée sur les bulletins de salaire de M. [U] renvoyant à la convention collective nationale des cabinets dentaires n'est qu'indicative.
M. [U] sollicite l'application de la convention collective nationale des cabinets dentaires, l'employeur soutenant que la convention collective de la mutualité doit s'appliquer.
La convention collective nationale des cabinets dentaires du 17 janvier 1992, étendue par arrêté du 2 avril 1992, comporte les dispositions suivantes :
- article 1.1 (modifié par accord du 5 décembre 2003 - BOCC n 2004-1, étendu par
arrêté du 6 février 2004, JO du 19 février 2004)
'La présente convention collective s'applique sur le territoire national et départements d'outre-mer et règle les rapports entre les praticiens qui exercent l'art dentaire conformément au code de la santé publique, seuls ou en association en cabinets dentaires dont l'activité est notamment identifiée par le numéro 851 E de la nomenclature d'activité française (NAF) et leurs salariés ; les chirurgiens-dentistes salariés d'un praticien libéral, du fait de leur relation contractuelle particulière découlant du code de déontologie et dont les contrats de travail sont négociés de gré à gré, sont exclus de la présente convention collective.'
La rédaction précédente de cet article, en vigueur du 18 juin 1993 au 27 juin 2003, était la suivante : 'La présente convention s'applique sur le territoire national et les départements d'outre-mer et règle les rapports entre les praticiens qui exercent l'art dentaire à titre libéral conformément au code de la santé publique, seuls ou en association en cabinets dentaires dont l'activité est notamment identifiée par le numéro 851 E de la Nomenclature d'activité française (N.A.F.) et leurs salariés (1) (quelle que soit la forme juridique S.C.M., S.C.P., S.E.L.).'
' (1) Sont notamment couverts par la présente convention, les salariés qui exercent une activité de fabrication de prothèses dentaires pour le compte exclusif des employeurs visés dans le champ d'application.'
L'article 1-1 de la convention collective de la Mutualité exclut expressément de son champ d'application les professionnels de santé exerçant des activités médicales ou dentaires liées par un contrat individuel particulier, inscrits à un Ordre en application d'un code de déontologie.
En vertu de son contrat de travail, M. [U], docteur en chirurgie dentaire, inscrit au tableau de l'ordre des chirurgiens dentistes, était salarié de la société Umapos, cabinet dentaire mutualiste, de sorte que les dispositions de la convention collective nationale des cabinets dentaires s'appliquaient à l'origine.
Par la suite, la société Ugosmut a repris l'activité de la société Umapos, le site d'[Localité 5] étant ainsi devenu un établissement secondaire ayant son propre code NAF/APE, à savoir 86.23Z Pratique dentaire.
Enfin, la société Ugosmut a intégré la société Oxance en janvier 2020 et a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Nîmes le 3 mars 2020.
La consultation des sites 'société.com' et 'pappers.fr' montrent que le code NAF/APE répertorié pour cette entreprise est 6512Z (autres assurances) et en aucun cas le code 8623Z.
Il résulte des faits de l'espèce que M. [U] a fait valoir ses droits à la retraite le 1er juillet 2019, alors que la société Ugosmut était son employeur, l'activité principale de cette dernière étant la pratique dentaire.
Ce n'est que postérieurement, soit en janvier 2020, que la société Ugosmut a intégré la société Oxance, laquelle relève de l'activité mutualiste.
Ce faisant, à la date du 1er juillet 2019, la seule convention collective applicable à la relation de travail était la convention collective des cabinets dentaires, et ce au regard de l'activité principale de l'employeur.
La seule considération tenant à l'intégration de la société Ugosmut dans le réseau Oxance ne saurait faire perdre au salarié le bénéfice de la convention collective des cabinets dentaires.
Il convient dans ces circonstances pour les motifs susvisés, se substituant à ceux des premiers juges, de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société Oxance à payer à M. [U] la somme de 105 875,58 euros d'indemnité de départ à la retraite.
Sur les congés payés
L'article L3141-24 du code du travail dispose que le congé annuel prévu à l'article L 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
M. [U] estime qu'il aurait dû percevoir la somme 23.223 euros au titre des congés payés.
L'employeur soutient que M. [U] a perçu une somme supérieure à celle par lui réclamée.
M. [U] a effectivement perçu une somme de 21489,16 euros bruts d' indemnité compensatrice pour les congés payés 2018/2019, tel que figurant sur le bulletin de salaire du mois de juin 2019.
Le bulletin de paie du mois de juillet 2019 fait apparaître :
- 'INDEMNITES CONGES PAYES DENT 8916,18
...
- Indem compensatrice congés - 5967,01"
L'employeur en conclut que M. [U] a perçu sur son solde de tout compte, pour le mois de juin 2019, une indemnité de congés payés de la différence des deux sommes, à savoir 2949,17 euros bruts.
La cour observe que la somme de 21489,16 euros bruts susvisée figure sur le bulletin de salaire de juin 2019 et concerne l'année de référence 2018/2019.
Le bulletin de salaire de juillet 2019 concerne la période de référence 2019/2020, sans que M. [U] n'ait pris en compte les sommes y figurant.
Il en résulte que le salarié a été rempli de ses droits au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Le jugement critiqué sera dans ces circonstances réformé en ce qu'il a fait droit aux prétentions de M. [U].
Sur la clause de non concurrence
Il n'est pas contestable que la clause de non concurrence de douze mois stipulée dans le contrat de travail du salarié ne comporte aucune contrepartie financière.
Le contrat de travail peut prévoir une clause de non-concurrence, qui n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives. (Soc, 10 juillet 2002, pourvoi n° 00-45.135).
La contrepartie financière de la clause de non-concurrence a la nature d'une indemnité compensatrice de salaire stipulée en conséquence de l'engagement du salarié de ne pas exercer, après la cessation du contrat de travail, d'activité concurrente à celle de son ancien employeur et ne constitue pas une indemnité forfaitaire prévue en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle. (Cass. soc. 15-11-2023 n° 22-15.543 F-D).
Lorsqu'elle a pour effet d'entraver la liberté de se rétablir d'un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l'emploie, la clause de non-concurrence signée par lui, n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives. (Com., 15 mars 2011, pourvoi n° 10-13.824).
La validité de la clause de non-concurrence est subordonnée à l'existence d'une contrepartie pécuniaire depuis trois arrêts de la Cour de cassation du 10 juillet 2002 (Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.387 ; Cass. soc., 10 juill. 2002, no 99-43.334 ; Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.135).
Surtout, compte tenu de l'effet rétroactif de ce revirement de jurisprudence, la nullité concerne toutes les clauses négociées avant ou après cette date qui ne comporteraient pas une telle contrepartie (Cass. soc., 17 déc. 2004, no 03-40.008).
La clause litigieuse est par conséquent nulle.
Ce faisant, en l'absence de contrepartie financière prévue, le salarié peut obtenir des dommages et intérêts en raison de l'illicéité de la clause, à condition toutefois de démontrer l'existence du préjudice qui en résulte pour lui.
L'obligation de verser la contrepartie est indépendante des circonstances de la rupture et de la possibilité, pour le salarié, de reprendre ou non une activité concurrentielle. La contrepartie est donc due en cas de mise à la retraite ou de départ en retraite (Cass. soc., 24 sept. 2008, no 07-40.098).
L'employeur produit un courrier du 6 décembre 2019 dans lequel il a renoncé à l'application de la clause de non concurrence, ainsi libellé :
'...
En réponse à votre correspondance du 21 novembre 2019, je vous confirme que, du fait de votre départ volontaire à la retraite, nous vous délions de toute clause de non-concurrence envers les activités de l'UGOSMUT. Cela rend donc caduque cette clause de non-concurrence de votre ancien contrat de travail.'
Cependant, l'employeur ne peut renoncer unilatéralement à la clause de non-concurrence que si la convention collective ou le contrat de travail lui en donne la possibilité (Cass. soc., 28 nov. 2001, no 99-46.032).
En l'absence de faculté de renonciation unilatérale de l'employeur, l'accord du salarié est requis.
Force est de constater en l'espèce que M. [U] n'a aucunement donné son accord à la renonciation par l'employeur à la clause de non concurrence.
Le salarié qui a respecté la clause illicite a droit à des dommages et intérêts, à condition d'établir la réalité de son préjudice.
M.[U] produit à ce titre les éléments suivants :
- une attestation de M. [J] [Z] [V], chirurgien-dentiste, ainsi libellée :
'dans le courant de l'année 2014, nous avons rencontré avec mon confrère, le docteur [U], deux dirigeants du centre dentaire situé [Adresse 6] à [Localité 5], en vue d'une embauche.
Nous étions tous deux salariés du centre dentaire UGOSMUT.
Ces deux personnes étaient prêtes à nous faire signer un contrat de travail à temps plein en reprenant notre ancienneté.
Après mûre réflexion nous n'avons pas donné suite, compte tenu de la présence dans nos contrats, d'une clause de non concurrence trop contraignante.'
- une attestation de M. [P] [E], dentiste, ainsi libellée :
'dans le courant de l'année 2000, de ma propre initiative, j'ai rencontré le docteur [F] [U] à trois reprises pour lui proposer une association professionnelle.
Le premier contact a eu lieu au cabinet dentaire mutualiste où il exerçait. Dans un deuxième temps je lui ai fait visiter mon cabinet dentaire et dans un troisième temps au cours d'un déjeuner d'affaire.
Nous avons eu ensuite quelques contacts téléphoniques, mais le docteur [U] a renoncé arguant de la présence d'une clause de non concurrence dans son contrat de travail.'
- un courrier de l'Union mutualité cévenole du 8 septembre 2004 dans lequel il lui est communiqué un contrat de travail 'type' d'engagement d'un chirurgien dentiste.
La cour observe ainsi que, dans le délai d'un an suivant son départ à la retraite, M. [U] a eu contact avec un seul confrère pour une association professionnelle en la personne du docteur [E], ce dernier exerçant à [Localité 5], et en conséquence dans le périmètre visé par la clause de non concurrence.
M. [U] a dès lors respecté les termes de cette dernière et doit en être indemnisé à hauteur de la somme de 16800 euros eu égard aux éléments produits par celui-ci.
Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé.
Les dépens d'appel seront laissés à la charge de l'appelante.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
Réforme le jugement rendu le 8 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes de Nîmes sauf en ce qu'il a condamné la société mutualiste Oxance, venant aux droits de Ugosmut, à verser à M. [F] [U] les sommes suivantes :
* 105 875,58 euros au titre de l'indemnité de départ en retraite,
* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
et ce qu'il a condamné l'employeur aux dépens,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société mutualiste Oxance, venant aux droits de Ugosmut, à verser à M. [F] [U] la somme de 16800 euros au titre de la clause de non concurrence,
Déboute M. [F] [U] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
Condamne la société mutualiste Oxance, venant aux droits de Ugosmut, à verser à M. [F] [U] la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société mutualiste Oxance, venant aux droits de Ugosmut, aux dépens d'appel,
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,