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02/05/2024 | FRANCE | N°23/00507

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 02 mai 2024, 23/00507


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/00507 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IWW5



EM/EB



POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

19 janvier 2023



RG :22/00572





S.A.R.L. [4]





C/



CPAM DU GARD



















Grosse délivrée le 02 MAI 2024 à :



- Me [I]

- CPAM GARD











C

OUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 02 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 19 Janvier 2023, N°22/00572



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en applicatio...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/00507 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IWW5

EM/EB

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

19 janvier 2023

RG :22/00572

S.A.R.L. [4]

C/

CPAM DU GARD

Grosse délivrée le 02 MAI 2024 à :

- Me [I]

- CPAM GARD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 02 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 19 Janvier 2023, N°22/00572

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et Mme Delphine OLLMANN, Greffier lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Mai 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. [4]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Emilien FLEURUS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

CPAM DU GARD

Département des Affaires Juridiques

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par M. [T] en vertu d'un pouvoir général

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 02 Mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 02 juillet 2020, [V] [N] employée par la Sarl [4] en qualité de comptable, a été victime d'un arrêt cardiaque, accident pour lequel l'employeur a établi une déclaration d'accident de travail le 03 juillet 2020 qui mentionnait : ' Faisait de la comptabilité à son domicile. Elle était en télétravail'.

Le certificat de décès établi le 08 juillet 2020 mentionne que le décès de [V] [N] est survenu le 02 juillet 2020 à 15h18 à son domicile.

Par courrier du 16 octobre 2020, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Gard a notifié à la Sarl [4] sa décision de prise en charge du décès de [V] [N] au titre de la législation professionnelle.

Par courrier recommandé reçu le 14 décembre 2020, la Sarl [4] a saisi la Commission de recours amiable (CRA) de la caisse primaire, en contestation de cette décision.

Contestant la décision implicite de rejet de la CRA, la Sarl [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes par requête reçue le 17 mars 2021.

Par jugement du 19 janvier 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes a :

- débouté la Sarl [4] de l'ensemble de ses prétentions,

- confirmé la décision de rejet implicite de la Commission de recours amiable,

- déclaré opposable à la Sarl [4] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident mortel survenu le 2 juillet 2020 par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard,

- débouté du surplus des demandes,

- rejeté la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [4] aux dépens nés de la procédure.

Par acte du 09 février 2023, la Sarl [4] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du 16 janvier 2024 puis déplacée à l'audience du 13 février 2024 à laquelle elle a été retenue.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, la Sarl [4] demande à la cour de :

- infirmer et à tout le moins réformer le jugement rendu le 19 janvier 2023 par le tribunal judicaire - pôle social - de Nîmes (RG 22/00572) en ce qu'il :

*l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions et demandes, à savoir :

-juger recevable et bien fondé son recours,

-juger que l'accident survenu au domicile de Mme [N] le 02 juillet 2020 est sans lien avec l'exécution du travail de la salariée et ne constitue donc pas un accident du travail,

- lui déclarer inopposable à la décision de prise en charge du décès de Mme [V] [N] survenu le 2 juillet 2020, au titre de la législation professionnelle.

- condamner la Cpam du Gard au paiement de la somme de 5000 euros nets en réparation du préjudice subi au regard de sa résistance abusive,

- condamner la Cpam du Gard au paiement de la somme de 2000 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

* confirmé la décision de rejet implicite de la Commission de Recours Amiable,

* lui a déclaré opposable la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident mortel survenu le 2 juillet 2020 par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Gard,

* l'a déboutée du surplus de ses demandes,

* l'a condamnée aux dépens nés de la procédure.

Et, statuant à nouveau,

- juger recevable et bien fondé son recours,

- juger que l'accident survenu au domicile de Mme [V] [N] le 02 juillet 2020 est sans lien avec l'exécution du travail de la salariée et ne constitue donc pas un accident du travail,

- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge du décès de Mme [V] [N] survenu le 2 juillet 2020, au titre de la législation professionnelle.

- condamner la Cpam du Gard au paiement de la somme de 5.000 euros nets en réparation du préjudice subi au regard de sa résistance abusive,

- condamner la Cpam du Gard au paiement de la somme de 2.000 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

La Sarl [4] soutient que :

- l'accident mortel dont a été victime [V] [N] est sans lien avec son activité professionnelle ; [V] [N] rencontrait de graves problèmes de santé et s'est vue prescrire un arrêt maladie à compter du début du confinement lié à la crise sanitaire du printemps 2020, du 13 mars au 20 avril 2020, a retrouvé une activité partielle du 01 mai au 21 juin, a repris son poste à temps partiel à compter du 22 juin 2020 dans le cadre du télétravail depuis son domicile, ne travaillant alors que le matin ; contrairement à ce qu'indique la caisse primaire, elle n'a jamais fait état d'horaires de travail allant de 08h30 à 12h et de 14h à 17h30 ; le fait qu'elle ait indiqué qu'elle faisait de la comptabilité à son domicile ne signifie nullement qu'elle était en travail lors de l'accident ; [V] [N] avait fini de travailler au moment de son décès et se trouvait à son domicile à titre privé ; à l'heure de son décès, [V] [N] n'était donc plus en situation de subordination pour son compte.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement rendu en date du 19 janvier 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société [4].

La CPAM du Gard fait valoir que :

- il n'est pas contesté que le jour de son décès, [V] [N] exerçait son activité de comptable pour le compte de la Sarl [4] ; le 02 juillet 2020, elle exerçait son activité professionnelle en télétravail de 8h30 à 12h et de 14h à 17h30 ; l'employeur a été informé le jour même de l'accident mortel ; les conditions sont réunies pour affirmer que l'accident dont [V] [N] a été victime a un caractère professionnel,

- pour détruire la présomption d'imputabilité, la Sarl [4] invoque en vain la fragilité de l'état de santé de la salariée ; la société prétend que [V] [N] est décédée après avoir exécuté ses horaires de travail alors que les horaires de travail ont été mentionnés sur la déclaration d'accident de travail ; le décès de [V] [N] est donc bien survenu pendant ses heures de travail ; la Sarl [4] ne rapporte pas la preuve que son décès n'est pas imputable au travail.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Selon l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

L'accident de travail se définit comme un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

L'accident survenu alors que la victime était au temps et au lieu de travail est présumé imputable au travail.

Cette présomption ne tombe que si l'employeur établit que la cause de l'accident est totalement étrangère au travail.

Selon l'article'21 de l'ordonnance no'2017-1387 du 22'septembre'2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, l'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail et pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail au sens des dispositions de l'article'L.'411-1 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, la déclaration d'accident de travail établie par l'employeur le 03 juillet 2020 mentionne la survenue d'un accident dont a été victime [V] [N] le 02 juillet 2020 à son domicile situé à [Localité 6] correspondant à son 'lieu de travail occasionnel', que lors de l'accident, la salariée 'faisait de la comptabilité à son domicile. Elle était en télétravail.' ; la déclaration mentionne, par ailleurs, au titre de la nature de l'accident 'crise acardiaque d'après son mari présent', au titre de la nature des lésions 'arrêt cardiaque' ; la déclaration renseigne enfin les horaires de travail de [V] [N] le jour de l'accident '8h30 à 12h00 et de 14h00 à 17h30", et désigne M. [Y] [N] en qualité de témoin.

Au cours de l'enquête administrative conduite par la CPAM du Gard :

- l'époux de [V] [N] a été auditionné et a indiqué à cette occasion : 'mon épouse travaillait pour la Sarl [4] depuis le 20 mars 2019 en qualité de comptable. Le 2 juillet 2020, suite au confinement...mon épouse réalisait ses tâches de comptabilité à notre domicile ( horaires de travail de la déclaration d'accident de travail ) . Vers 14h30, alors qu'elle se trouvait devant son ordinateur, elle m'a fait part qu'elle se sentait pas bien et qu'elle allait se reposer. Vers 14h45, je suis allée la voir. Vu son état, j'ai fait appel aux pompiers. Le SAMU s'est également rendu sur les lieux et a constaté son décès à 15h18. Mon épouse est semble-t-il décédée d'un infarctus',

- le gérant de la Sarl [4], M. [C] [M] a été contacté téléphoniquement et a indiqué qu'il confirmait l'ensemble des informations portées sur la déclaration d'accident de travail établie le 03 juillet 2020 par l'expert comptable, a précisé que le jour des faits, il avait échangé des courriels toute la journée avec [V] [N] et que le dernier courriel a eu lieu à 14h30 ; il a ajouté que [V] [N] avait poursuivi le télétravail au delà du 11 mai 2020 sur sa demande car il l'a considérée comme une salariée à risques, ayant un problème respiratoire, que la veille de son accident, la salariée avait consulté à l'hôpital pour des problèmes médicaux et qu'elle n'avait pas souhaité y rester pour poursuivre les examens.

L'extrait d'acte de décès mentionne le décès de [V] [N] le 02 juillet 2020 à 15h18.

La Sarl [4] considère qu'au moment de son décès, [V] [N] ne se trouvait pas dans un lien de subordination et que l'accident mortel dont elle a été victime n'est pas imputable au travail et produit à l'appui de ses prétentions :

- le contrat de travail signé par [V] [N] le 20 mars 2019 qui mentionne qu'elle a été engagée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 20 mars 2019 en qualité de comptable, que la durée de travail a été fixée à 14 heures hebdomadaires 'selon le planning de travail qui lui sera fourni', que ces 'horaires sont mentionnés à titre indicatif et pourront être modifiés en fonction des besoins de l'entreprise et dans le respect du délai de prévenance' , que ' [V] [N] est rattachée à l'établissement de [Localité 5] étant entendu qu'elle s'engage à travailler dans les différents établissements de la société...situés dans l'Hérault y compris sur plusieurs établissements si nécessaire, en fonction des différentes affectations qui lui seront données',

- des bulletins de salaire établis au nom de [V] [N],

- une attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières,

- un extrait d'acte de décès,

- la lettre de contestation de la décision de la CPAM par la Sarl [4] devant la CRA.

Au vu des éléments qui précèdent, force est de constater que l'argumentation développée par la Sarl [4] selon laquelle lors de la survenue de son accident de travail, [V] [N] ne se trouvait plus dans un lien de subordination avec son employeur au motif qu'il était convenu que la salariée travaille à son domicile seulement le matin, est inopérante et est contredite par les mentions qui figurent sur la déclaration d'accident de travail lesquelles sont confirmées par le gérant de la société à l'occasion d'un contact téléphonique par un agent assermenté de la CPAM du Gard.

La Sarl [4] ne produit aucun élément permettant d'établir que les horaires de travail de [V] [N] avaient été fixés exclusivement le matin, depuis sa reprise d'activité le 22 juin 2020.

Il s'en déduit qu'à 15h18, au momen de son décès, [V] [N] se trouvait encore dans un lien de subordination avec la Sarl [4], l'horaire de fin de travail pour la journée du 02 juillet 2020 étant fixé à 17h30; d'autre part, le malaise dont la salariée a été victime le 02 juillet 2020 à 14h30, heure relevée par son époux qui était présent au domicile et confirmée par le gérant de la Sarl [4] qui a indiqué au cours de l'enquête administrative que les échanges de courriels avec [V] [N] qui ont eu lieu tout au long de la journée se sont arrêtés à 14h30, se situe bien pendant le temps de travail.

Le décès est donc survenu des suites d'un malaise constaté à 14h30 pendant les horaires de télétravail de [V] [N].

Enfin, il convient de constater que la Sarl [4] qui invoque un état de santé fragile de la salariée, notamment des problèmes respiratoires, ne démontre pas que le décès de [V] [N] résulterait d'une cause totalement étrangère au travail.

Etant survenu au temps et au lieu de travail, l'accident dont [V] [N] a été victime bénéficie de la présomption d'imputabilité au travail.

La Sarl [4] ne produit aucun élément de nature à combattre utilement cette présomption.

C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que [V] [N] a été victime d'un accident du travail qui a conduit à son décès et qu'il a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire.

Le jugement entrepris sera donc confirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale,

Déboute la Sarl [4] de l'intégralité de ses prétentions,

Condamne la Sarl [4] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 23/00507
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.00507 ?
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