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25/04/2024 | FRANCE | N°22/01401

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 25 avril 2024, 22/01401


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 22/01401 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INEE



CRL/DO



POLE SOCIAL DU TJ D'[Localité 4]

31 mars 2022



RG :15/00490





[L]





C/



[H]

CPAM DU VAUCLUSE



















Grosse délivrée le 25 AVRIL 2024 à :



- Me PERICCHI

- Me COSTE

- CPAM VAUCLUSE

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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 31 Mars 2022, N°15/00490



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a enten...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01401 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INEE

CRL/DO

POLE SOCIAL DU TJ D'[Localité 4]

31 mars 2022

RG :15/00490

[L]

C/

[H]

CPAM DU VAUCLUSE

Grosse délivrée le 25 AVRIL 2024 à :

- Me PERICCHI

- Me COSTE

- CPAM VAUCLUSE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 31 Mars 2022, N°15/00490

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Avril 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [P] [L]

né le 14 Décembre 1990 à [Localité 4] (84)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Sonia fatma ZIDATE, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [B] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Thierry COSTE, avocat au barreau D'AVIGNON

CPAM DU VAUCLUSE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Dispensée de comparution

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 25 Avril 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 6 mars 2012, M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] a adressé à la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse une déclaration d'accident du travail concernant son préposé, M. [P] [L], salarié en qualité d'ouvrier plombier depuis le 20 février 2012, accident survenu le 5 mars 2012 et ainsi décrit : ' Le salarié a vidangé le chauffe-eau, il y a eu un appel de vapeur, ce qui lui a brûlé les deux mains'. Le certificat médical initial, établi le 15 mars 2012 par un médecin du centre hospitalier d'[Localité 4] mentionne ' brûlures mains'

L'accident a été pris en charge par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard au titre de la législation relative aux risques professionnels et M. [P] [L] a été déclaré consolidé de ses blessures le 23 septembre 2014.

Le 7 janvier 2015, la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse a alloué à M. [P] [L] une rente sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 12 % en raison de ' séquelles de brûlures 2ème degré superficiel des deux mains estimées à 2% de la surface corporelle totale : persistance de cicatrices disgracieuses des 2 mains avec troubles trophiques et dysethésiques.'

Par courrier du 29 mai 2012, M. [P] [L] a sollicité la mise en 'uvre, par la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, de la procédure de conciliation aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans l'accident dont il a été victime le 5 mars 2012.

Après échec de cette procédure constaté par procès-verbal de carence en date du 22 mai 2014, M. [P] [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse aux mêmes fins par requête du 11 mai 2015.

Par jugement en date du 9 novembre 2015, suite au dépôt de plainte de M. [P] [L] à l'encontre de son employeur pour blessures involontaires, le tribunal correctionnel d'Avignon a relaxé M. [B] [H] des fins de la poursuite exercées à son encontre pour blessures involontaires dans le cadre de la relation de travail ayant entraîné une ITT de moins de trois mois.

Par arrêt du 9 mars 2021, la chambre sociale de la cour d'appel de Nîmes a confirmé l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et considéré le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dont M. [P] [L] a fait l'objet comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 31 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon a :

- dit que M. [B] [H], exerçant sous l'enseigne [6], n'a commis aucune faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail de M. [P] [L] survenu le 5 mars 2012,

- débouté M. [P] [L] de toutes ses demandes,

- condamné M. [P] [L] à payer à M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6], la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le présent jugement opposable à la caisse primaire d'assurance maladie,

- condamné M. [P] [L] aux dépens (article 696 du code de procédure civile).

Par acte du 20 avril 2022, M. [P] [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 22 01401, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 14 juin 2023 et renvoyé à celle du 6 février 2024.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, M. [P] [L] demande à la cour de :

- se déclarer compétente pour statuer sur l'appel formé à l'encontre du jugement du pôle social près le tribunal judiciaire d'Avignon du 31 mars 2022 RG 15/00490 et en conséquence :

- juger régulière et recevable l'instance et l'action engagée par lui à l'encontre de M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] par devant la juridiction de céans et l'en dire bien fondé ;

- infirmer le jugement rendu le 31 mars 2022 par le pôle social près le tribunal judiciaire d'Avignon en toutes ses dispositions en ce qu'il :

* a dit que M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6], n'a commis aucune faute inexcusable à l'origine de son accident du travail survenu le 05 mars 2012 ;

* l'a débouté de toutes ses demandes ;

* l'a condamné à payer à M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6], la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamné aux dépens (article 696 du code de procédure civile),

Statuant à nouveau,

- débouter purement et simplement M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] de l'ensemble de ses demandes, en toutes fins et conclusions ;

- juger que M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- juger que l'accident dont il a été victime le 05 mars 2012 est dû à la faute inexcusable de son employeur M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] et en tirer toutes les conséquences,

En conséquence

- juger que M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] a commis une faute inexcusable de nature à engager sa responsabilité dans la survenance de l'accident du travail dont il a été victime le 05 mars 2012 fondée sur l'existence d'une présomption légale de faute inexcusable en vertu des dispositions de l'article L. 4131-4 du code du travail et en tirer toutes les conséquences,

- juger que M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] a commis une faute excusable ( sic) de nature à engager sa responsabilité dans la survenance de l'accident du travail dont il a été victime le 05 mars 2012 résultant de la violation de son obligation de sécurité et de résultat caractérisée par le fait que l'employeur avait pleinement conscience du fait que l'intervention du salarié n'était pas sans risque et en tirer toutes les conséquences,

- juger que M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] a commis une faute excusable (sic) de nature à engager sa responsabilité dans la survenance de l'accident du travail dont il a été victime le 05 mars 2012 résultant de la violation de son obligation de sécurité et de résultat caractérisée par l'absence de dispense de formation préalable à la sécurité obligatoire et en tirer toutes les conséquences,

- juger que M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] a commis une faute excusable (sic) de nature à engager sa responsabilité dans la survenance de l'accident du travail dont il a été le 05 mars 2012 résultant de la violation de son obligation de sécurité et de résultat caractérisée par l'absence de remise des équipements de sécurité obligatoires et en tirer toutes les conséquences

- juger que M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] a commis une faute excusable (sic) de nature à engager sa responsabilité dans la survenance de l'accident du travail dont il a été victime le 05 mars 2012 résultant de la violation de son obligation de sécurité et de résultat caractérisée par le refus de l'employeur de se déplacer sur le site en dépit des alertes données à plusieurs reprises l'informant d'un problème manifestement anormal et en tirer toutes les conséquences,

- juger que M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] a commis une faute excusable (sic) de nature à engager sa responsabilité dans la survenance de l'accident du travail dont il a été victime le 05 mars 2012 résultant de la violation de son obligation de sécurité et de résultat caractérisée par la mise en danger du salarié en l'état des directives données par l'employeur préalablement à l'accident de poursuivre l'opération et de crever le bouchon de calcaire à l'aide d'une tige en cuivre en dépit de la conscience par l'employeur des risques encourus (absence d'équipement de protection et risque d'échappement de vapeur d'eau chaude) et en tirer toutes les conséquences,

En conséquence,

- ordonner avant dire droit une expertise médicale afin d'établir les différents préjudices et les conséquences de l'accident du travail subit le 05 mars 2012,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour de céans, et/ou tout autre professionnel de son choix, à l'effet de procéder aux missions suivantes :

1. Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son niveau scolaire s'il s'agit d'un enfant ou d'un étudiant, son statut et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, son mode de vie antérieure à l'accident et sa situation actuelle,

2. Décrire en détail dans le rapport d'expertise médicale à partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature de (sic ),

3. Recueillir dans le rapport d'expertise médicale les doléances de la victime et au besoin de ses proches ; l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,

4. Décrire dans le rapport d'expertise médicale au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles ; soins ; (sic)

5. Procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

6. Analyser dans le rapport d'expertise médicale à l'issue de cet examen un exposé précis et synthétique : La réalité des lésions initiales - La réalité de l'état séquellaire - L'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur,

7. Indiquer dans le rapport d'expertise médicale les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle ; En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ; Préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits

(ex : décomptes de l'organisme de sécurité sociale), et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait dommageable ; (Perte de gains professionnels actuels)

8. Indiquer dans le rapport d'expertise médicale les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ; (Déficit fonctionnel temporaire),

9. Fixer dans le rapport d'expertise médicale la date de consolidation et, en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la victime; préciser, lorsque cela est possible, les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision ; (Consolidation),

10. Indiquer dans le rapport d'expertise médicale si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent défini comme une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales, ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé, entraînant une limitation d'activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement ; En évaluer l'importance et en chiffrer le taux ; dans l'hypothèse d'un état antérieur préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences ; (Déficit fonctionnel permanent),

11. Indiquer dans le rapport d'expertise médicale le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne ; (Assistance à tierce personne),

12. Décrire dans le rapport d'expertise médicale les soins futurs et les aides techniques compensatoires au handicap de la victime (prothèses, appareillages spécifiques, véhicule) en précisant la fréquence de leur renouvellement ; (Dépenses de santé futures),

13 Donner dans le rapport d'expertise médicale son avis sur d'éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap ; (Frais de logement et/ou de véhicule adaptés),

14. Indiquer dans le rapport d'expertise médicale, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne l'obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité professionnelle ; (Pertes de gains professionnels futurs),

15. Indiquer dans le rapport d'expertise médicale, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, « dévalorisation » sur le marché du travail, etc.) ; (Incidence professionnelle) ,

16. Dire si la victime est scolarisée ou en cours d'études si en raison des lésions consécutives au fait traumatique, elle a subi une perte d'année scolaire, universitaire ou de formation, l'obligeant, le cas échéant, à se réorienter ou à renoncer à certaines formations ; (Préjudice scolaire, universitaire ou de formation),

17. Décrire dans le rapport d'expertise médicale les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique (avant consolidation) ; les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 ; (Souffrances endurées),

18. Donner dans le rapport d'expertise médicale un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7 ; (Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif),

19. Indiquer dans le rapport d'expertise médicale s'il existe ou s'il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité) ; (Préjudice sexuel),

20. Dire dans le rapport d'expertise médicale si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale ; (Préjudice d'établissement),

21. Dire dans le rapport d'expertise médicale, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir ; (Préjudice d'agrément),

22. Dire dans le rapport d'expertise médicale si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents ; (Préjudice permanents exceptionnels),

23. Dire dans le rapport d'expertise médicale si l'état de la victime est susceptible de modifications en aggravatio,

24. Dire que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,

25. Dire que l'expert devra communiquer un pré rapport expertise médicale aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,

- juger que l'expert judiciaire sera désigné aux frais avancés de M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6],

- fixer au taux maximum les indemnités (rente ou capital) à lui verser,

- réserver toutes demandes au fond,

- déclarer commune et opposable la décision à intervenir à la caisse primaire d'assurance maladie qui fera l'avance des sommes dues qu'elle récupérera ensuite auprès de l'employeur et ce, conformément aux dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale,

- condamner M. [B] [H] à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de son entier préjudice,

- condamner M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] au paiement d'une somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la demande,

- mettre à la charge de M. [B] [H] exerçant sous l'enseigne [6] les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, M. [P] [L] fait valoir que :

- la relaxe dont M. [B] [H] a bénéficié au pénal ne fait pas obstacle à la recherche de la faute inexcusable de l'employeur dans le cadre de la présente instance, conformément à l'article 4-1 du code de procédure pénale,

- il démontre remplir les conditions relatives à la présomption de faute inexcusable de l'employeur consacrée à l'article L. 4131-4 du code du travail pour avoir signalé à l'employeur le risque auquel il était exposé, en le contactant par téléphone à plusieurs reprises,

- son employeur avait connaissance du risque qu'il encourait, mais s'est volontairement abstenu de se déplacer sur le site, malgré ses demandes, l'employeur ne pouvant ignorer que la manipulation d'un chauffe-eau avec une barre de cuivre présentait un danger,

- le rapport établi par l'inspection du travail confirme ces éléments,

- son employeur ne lui a pas fourni d'équipements de protection adaptés alors que son métier l'exposait à des risques particuliers, tel que des gants de protection qui auraient permis d'éviter ses blessures irréversibles,

-l'arrêt rendu dans le cadre de l'instance prud'homale a retenu que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité,

- il n'a reçu aucune formation obligatoire à la sécurité alors qu'il venait d'être embauché, quand bien même il était formé à la sécurité par son diplôme,

- M. [H] a refusé de se déplacer sur le site malgré ses demandes, et alors qu'il avait parfaitement conscience du risque auquel son salarié était exposé, ainsi que cela ressort de son audition, et de la situation anormale à laquelle il était confronté,

- alors qu'il avait parfaitement conscience du risque auquel il était exposé, M. [H], au lieu de lui demander de stopper son intervention et de procéder aux vérifications nécessaires pour éviter une surpression, lui a demandé de gratter le bouchon de calcaire avec une tige en cuivre, provocant l'émanation de vapeur d'eau chaude à l'origine de ses blessures,

- le courriel en date du 27 octobre 2020 émanant de son ancienne formatrice établit quelles sont les étapes à respecter lors d'un changement de chauffe-eau, lesquelles sont contraires aux demandes de M. [H] lorsqu'il a été informé de la difficulté à laquelle il était confronté,

- M. [H] tente de s'exonérer de sa responsabilité en soutenant qu'il ignorait que le groupe de sécurité ou encore la vidange n'étaient pas en place quand il lui a demandé de crever le bouchon de calcaire à l'aide d'une barre en cuivre, alors que cela est techniquement impossible,

- la manipulation qui lui a été demandée correspond à un usage ayant vocation à faire gagner du temps mais elle suppose que certaines précautions aient été prises au préalable, la coupure électrique n'ayant été faite que quelques minutes auparavant, l'eau n'avait pas eu le temps de refroidir,

- ses demandes indemnitaires sont fondées.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, M. [B] [H] demande à la cour de :

- débouter M. [P] [L] de ses prétentions ;

- le condamner à verser à la Société la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés.

Au soutien de ses demandes, M. [P] [L] fait valoir que :

- cité comme prévenu de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, il a été relaxé par jugement correctionnel définitif du 9 novembre 2015,

- concernant les causes de l'accident, il résulte des déclarations de son salarié que celui-ci a pris l'initiative non prévue, parfaitement anormale car inutile et contraire à la prudence la plus élémentaire, de retirer le groupe de sécurité pour vidanger le chauffe-eau, pour y introduire ' une vidange' par laquelle il entendait amener l'eau du ballon dans un récipient, alors qu'il aurait dû le faire simplement en ouvrant la vanne du groupe sécurité,

- M. [P] [L] ne lui a jamais indiqué qu'il avait retiré le groupe sécurité,

- le fait que de la vapeur d'eau se soit échappée est peu vraisemblable car non seulement l'eau n'est jamais portée à ébullition dans un chauffe-eau mais également parce que selon les propres déclarations de M. [P] [L], l'électricité était coupée depuis plusieurs dizaines de minutes, puisqu'il avait eu le temps de retirer le groupe de sécurité, d'installer une vidange, de 'dévisser l'eau chaude', de l'appeler à 14h37 puis à 15h06, de 'gratter le calcaire qui bouchait la sortie',

- l'hypothèse la plus vraisemblable est qu'il a essayé de se protéger avec les mains de l'eau qui se répandait,

- le rapport d'expertise qu'il a commandé est sans aucune critique sur son comportement et ne reprend pas l'ensemble des éléments de la cause, mais uniquement ceux que M. [P] [L] a bien voulu donner à l'expert, et ne se prononce pas sur les causes de l'accident, ni sur ce qui aurait dû être fait pour l'éviter,

- si comme M. [P] [L] le soutient, il avait procédé selon les règles de l'art, comment explique-t-il la survenue de l'accident, alors qu'il s'agit d'une opération qu'un simple particulier peut lui même réaliser,

- ni M. [P] [L], ni son expert n'explique ce qui aurait dû être vu par l'employeur s'il s'était déplacé sur le site et que lui-même n'aurait pas été en capacité de voir,

- il n'avait aucune idée d'un danger auquel M. [P] [L] était exposé lorsqu'il l'a appelé puisque le seul problème signalé était une évacuation obstruée, laquelle n'impliquait aucunement une fuite d'eau bouillante, pour lequel il a donné une explication basique et a priori sans danger,

- l'origine de l'accident n'est pas dans cette indication mais dans le fait que M. [P] [L] avait retiré un élément de sécurité et laissé à l'eau potentiellement chaude deux échappatoires non canalisées, errements qui n'avaient pas été portés à sa connaissance par le salarié,

- contrairement à ce qu'affirme M. [P] [L], il s'est rendu chez la cliente avant le chantier et n'a rien constaté qui puisse mettre en péril les personnes ou les biens, sinon il serait intervenu, de même que M. [P] [L], formé à la détection des anomalies, aurait réagi s'il en avait constatées,

- M. [P] [L] ne peut se prévaloir d'une faute inexcusable présumée au motif qu'il aurait signalé le risque auquel il était exposé à son employeur, soit le risque de brûlure par l'eau chaude, puisqu'il lui a simplement indiqué qu'il n'arrivait pas à vider le ballon,

- s'agissant de l'obligation de formation ou de fourniture des équipements de sécurité adapté, la question a été définitivement jugée au pénal puisqu'il a été relaxé des fins de la poursuite qui visait précisément ces éléments,

- l'inspecteur du travail a retenu de manière péremptoire et infondée l'insuffisance de la formation professionnelle en alternance dont a bénéficié M. [P] [L], alors que lui a été confiée une tâche simple consistant à changer un chauffe-eau, pour laquelle il avait des compétences acquises et revendiquées notamment dans son CV,

- lors de sa déposition, M. [P] [L] ne formulait qu'un seul reproche à son encontre, celui de ne pas s'être déplacé pour l'aider, préférant se poser en victime plutôt qu'en responsable de la situation.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour quant à la reconnaissance ou pas du caractère inexcusable de la faute éventuellement commise par l'employeur,

Dans l'hypothèse où la faute inexcusable de l'employeur serait retenue,

- lui donner acte de ses protestations et réserves tant sur la demande d'expertise médicale que sur les préjudices réparables,

- notamment refuser d'ordonner une expertise visant à déterminer la date de consolidation, le taux d'IPP, le déficit fonctionnel permanent, et plus généralement tous les préjudices déjà couverts même partiellement par le livre IV du code de la sécurité sociale dont les dépenses de santé futures et actuelles, les pertes de gains professionnels actuels, l'assistance d'une tierce personne,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour quant au montant de l'indemnisation à accorder à la victime au titre de la faute inexcusable de l'employeur,

- ramener les sommes réclamées à de justes et raisonnables proportions compte tenu du 'référentiel indicatif régional de l'indemnisation du préjudice corporel' habituellement retenu par les diverses cours d'appel,

- dire et juger qu'elle sera tenue d'en faire l'avance à la victime,

- au visa de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, dire et juger que l'employeur est de plein droit tenu de lui reverser l'ensemble des sommes ainsi avancées par elle au titre de la faute inexcusable commise par lui, et ce y compris les éventuels frais d'expertise,

- en tout état de cause, elle rappelle toutefois qu'elle ne saurait être tenue à indemniser l'assuré au-delà des obligations mises à sa charge par l'organisme précité, notamment à lui verser une somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise

Selon l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale , lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

L'employeur est donc tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité confiée à celui-ci.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il incombe en conséquence au salarié de prouver, en dehors des hypothèses de faute inexcusable présumée, que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu aux salariés, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Selon l 'article L4131-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.

Cet article relève du titre III du Livre premier de la quatrième partie du code du travail, intitulé 'Droits d'alerte et de retrait' dont l'article l'article L. 4131-1 du code du travail énonce : ' Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation.'

La jurisprudence retient que le salarié a l'obligation de 'signaler immédiatement l'existence d'une situation de travail qu'il estime dangereuse'

Il appartient au juge de rechercher lorsque le bénéfice de la reconnaissance de plein droit de la faute inexcusable de l'employeur sur le fondement des dispositions de l'article L. 4131-4 du code du travail est invoqué, si le salarié a signalé le risque qui s'est matérialisé à son employeur.

Il n'est pas exigé que le risque porté à la connaissance de l'employeur présente le caractère d'un danger grave et imminent. En revanche, l'existence d'un lien entre le risque signalé et celui qui s'est matérialisé est recherchée.

Enfin, l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale, mais ce principe oblige seulement le juge civil en cas de condamnation pénale, à retenir comme établis les faits, objets de la prévention.

Lorsque la décision du juge répressif se borne à constater l'absence d'intention frauduleuse, le juge civil n'est pas privé du pouvoir d'apprécier les faits qui lui sont soumis.

Une décision de relaxe ne s'impose aux juridictions civiles que dans la mesure de ce qui a été nécessairement jugé, ainsi une décision de relaxe qui relève que les faits reprochés ne sont pas établis s'impose au juge civil. Lorsque le juge pénal relaxe tout en retenant que les faits reprochés sont établis, les juges du fond apprécient souverainement si les faits reprochés dans le cadre de la demande portée devant eux sont identiques à ceux ayant fait l'objet des poursuites pénales.

En revanche, une décision de classement sans suite, qui relève du pouvoir d'opportunité des poursuites du procureur de la République, ne revêt aucune autorité de la chose jugée, et ne peut pas être assimilée à une décision de relaxe.

En l'espèce, M. [P] [L] a été victime d'un accident du travail en date du 5 mars 2012 dont les circonstances sont décrites :

- dans la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 6 mars 2012 qui indique ' le salarié a vidangé un chauffe-eau, il y a eu un appel de vapeur ce qui lui a brûlé les deux mains',

- dans le compte-rendu des urgences de l'hôpital d'[Localité 4] ' ce jour, s'est brûlé les deux mains avec de l'eau chaude. Etait en train de vidanger un chauffe-eau qui a éclaté',

- dans le résumé de sortie de l'hôpital d'[Localité 4] 'brûlures du 2ème degré superficiel des deux mains, brûlures estimées à 2% de la surface corporelle totale, suite à une chute sur une chaudière ( brûlures par projection de vapeur)',

- dans la saisine de la Caisse Primaire d'assurance maladie aux fins de conciliation en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur en date du 28 juin 2012, précisant que nouvellement employé depuis deux semaines, il a été envoyé seul chez une cliente pour changer un chauffe-eau en panne, et que 'arrivé chez la cliente vers 14h30 M. [P] [L] coupe le courant, coupe l'eau et débranche le chauffe-eau pour le vidanger mais n'y parvient pas. Face à cette difficulté, il appelle son patron pour lui demander ses instructions, lui rappelant que le chauffe-eau était brûlant. Son patron lui a donnée l'ordre de prendre une barre de cuivre pour déboucher le chauffe-eau qui était obstrué par le calcaire. Or, l'employeur connaissait l'état du chauffe-eau puisqu'il s'était rendu chez la cliente qui était en panne et il aurait dû prendre des précautions pour débrancher le chauffe-eau la veille ou le matin et ne pas placer son salarié dans une situation de danger manifeste. Il s'avère que le chauffe-eau était totalement obstrué par le calcaire, un souffle de vapeur s'est subitement échappé du chauffe-eau brûlant gravement le jeune [P] [L] sur les deux mains et l'avant-bras au 2ème degré',

- dans la requête de M. [P] [L] aux fins de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 6 mai 2015 qui indique qu'il ' a été victime d'un accident du travail le 5 mars 2012, un chauffe-eau ayant brûlé ses deux mains et son avant-bras droit alors qu'il était en train de le démonter pour pouvoir le remplacer', et plus précisément après avoir indiqué qu'il s'était rendu sur les lieux à 14h30 ' il s'apercevait qu'il était impossible de procéder à la vidange du chauffe-eau manifestement hors d'usage. Il appelait Monsieur [B] [H] depuis son portable comme le démontre le relevé des opérations téléphoniques pour lui faire part de ses difficultés. Ce dernier lui donnait alors comme instruction de changer seul le chauffe-eau et de procéder seul à la vidange de celui-ci, lui conseillant de ne pas hésiter à forcer sur le matériel pour arriver à le démonter. Exécutant les ordres, M. [P] [L] commençait son travail. C'est alors qu'un souffle de vapeur a surgi brutalement du chauffe-eau brûlant les mains et les avant bras de M. [P] [L]'

- dans l'audition de M. [P] [L] lors de son dépôt de plainte contre son employeur le 18 octobre 2012 à la gendarmerie de [Localité 5] ' une fois chez la cliente, j'ai coupé l'électricité, j'ai coupé l'eau puis je suis allé au chauffe-eau où j'ai dévissé le groupe de sécurité afin d'y brancher la vidange, puis j'ai dévissé l'eau chaude pour faire un appel d'air. N'ayant pas eu d'appel d'air, j'ai secoué le chauffe-eau mais voyant qu'il ne se passait rien, j'ai fait appel à mon patron pour lui expliquer le problème que je rencontrais et aussi pour lui demander de venir sur place. Celui m'a répondu qu'il fallait que je prenne une barre de cuivre pour gratter le calcaire qui bouchait la sortie; N'ayant toujours pas de résultat je l'ai à nouveau appelé mais il m'a répondu qu'il ne pouvait pas venir et qu'il fallait que je me débrouille seul. Apres cet appel, j'ai remarqué que le chauffe-eau commençait à goutter, je me suis approché afin de brancher ma vidange mais je n'ai pas eu le temps, le chauffe-eau a craché une très forte vapeur, j'ai mis mes deux mains devant afin de protéger mon visage, et j'ai été brûlé au deuxième degré sur les deux mains et l'avant bras droit'.

Pour justifier qu'il peut prétendre au bénéfice de la faute inexcusable présumée, M. [P] [L] soutient que par ses deux appels téléphoniques il a informé son employeur du danger auquel il était exposé, et que ce dernier n'a rien fait pour l'en préserver mais a au contraire refusé de se déplacer et lui a demandé de taper sur le chauffe-eau, qu'il savait défectueux puisqu'il intervenait pour le changer, avec une barre de cuivre ce qui a provoqué le jet de vapeur à l'origine de ses brûlures.

M. [B] [H] conteste avoir été informé d'un quelconque danger par son salarié qui lui a seulement indiqué lors de ses appels téléphoniques que le chauffe-eau ne se vidangeait pas, sans lui préciser qu'il avait retiré le groupe sécurité d'une part et la 'vidange' ( tuyau ) d'autre part, ce qui a créé l'appel d'air.

De fait, il résulte des propres déclarations de M. [P] [L] devant les services de gendarmerie, que celui-ci a uniquement indiqué lors de ses appels téléphoniques qu'il ne parvenait pas à vidanger le chauffe-eau sans préciser les pièces qu'il avait retirées ou les valves qu'il avait ouvertes, ni que de la vapeur ou une chaleur anormale s'en dégageait. Dès lors, M. [P] [L] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'il avait informé son employeur du risque d'un risque de brûlure auquel il aurait été exposé, et ne peut prétendre au bénéfice de la faute inexcusable présumée.

Pour démontrer la faute inexcusable de son employeur, M. [P] [L] soutient que ce dernier avait conscience qu'il l'envoyait pour une intervention sur un chauffe-eau nécessairement défectueux, sans équipement adapté alors qu'il était amené dans le cadre de son travail à être exposé à des produits dangereux et à porter des charges lourdes, et sans lui avoir fourni une formation préalable à la sécurité alors qu'il était nouvellement embauché. Il conteste toute exonération de responsabilité de l'employeur en raison de sa relaxe au pénal et se prévaut:

- de la décision de la cour d'appel de Nîmes statuant en matière prud'homale qui a retenu dans son arrêt du 9 mars 2021 que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité était établi en ce que les équipements de sécurité faisant partie des normes EPI pour les plombiers n'avaient été remis par l'employeur que le 3 mars 2014, soit postérieurement à l'accident du travail,

- du rapport de l'inspecteur du travail en date du 10 décembre 2013 qui établit non seulement l'absence de remise des équipements de sécurité mais également de l'absence de formation obligatoire,

- du rapport rédigé par M. [V], expert mandaté par lui.

Il soutient que son employeur qui s'était rendu quelques jours auparavant chez la cliente, avait conscience de la dangerosité du chauffe-eau puisqu'elle lui a fait voir que de la vapeur d'eau s'en échappait, et que celui-ci s'est abstenu à ce moment-là de couper l'électricité ce qui aurait évité une surchauffe. Il renvoie à divers articles de presse sur des explosions de chauffe-eau et reproche à son employeur de ne pas l'avoir informé des risques encourus. Il produit en ce sens une première attestation de son père qui décrit les souffrances consécutives à l'accident, la douleur de ne pouvoir soulager son fils et indique en vouloir particulièrement à M. [H] ' de ne pas avoir mis le chauffe-eau en sécurité (coupure électrique ) alors que celui-ci savait que ce n'était pas de l'eau chaude qui sortait des robinets mais bien de la vapeur. A tous moment ce chauffe-eau aurait pu exploser ce qui aurai pu mettre aussi la propriétaire en danger' et une seconde dans laquelle il indique que M. [H] lui 'a expliqué qu'il avait constaté la veille avec sa cliente que c'était de la vapeur qui sortait des robinets, d'où ses regrets de ne pas avoir coupé par sécurité et par précaution l'alimentation du chauffe-eau'.

M. [B] [H] conteste ces éléments et rappelle que M. [P] [L] était un professionnel, plombier diplômé depuis quelques mois et qu'il avait dans ses compétences le fait de changer un chauffe-eau. Il conteste la description des faits par M. [P] [L] qui indique avoir coupé l'électricité à son arrivée, ce dont il déduit qu'à partir de ce moment la température de l'eau a commencé à baisser, ce qui signifie que plus d'une demi-heure plus tard, elle ne pouvait pas être ' bouillante' comme le soutient M. [P] [L].

Il considère que l'accident trouve son origine dans la faute élémentaire commise par son salarié qui a, contre toute attente, retiré le groupe sécurité avant de purger le chauffe-eau et considère que l'opération ainsi confiée à ce dernier était de sa compétence et ne présentait aucun danger. Il considère qu'aucun EPI ne faisait défaut, et qu'aucun manquement à l'obligation de formation ne lui est imputable, conformément à la décision de relaxe dont il a fait l'objet par le tribunal correctionnel.

Enfin, il reproche à l'expert mandaté par M. [P] [L] d'avoir rendu un rapport de complaisance qui au surplus ne donne aucune explication sur la démarche qu'il aurait fallu suivre ou sur le fait que l'appelant n'ait rien remarqué d'anormal avant d'intervenir sur ce chauffe-eau présenté ' comme une machine infernale' ; et à son ancien salarié d'avoir une approche idéologique dans laquelle ' le salarié est assimilé à un incapable majeur sous la responsabilité permanente de l'employeur. Il est toujours victime et son employeur toujours coupable.'

S'agissant de la conscience du danger, M. [P] [L] procède par affirmation pour soutenir que de la vapeur s'échappait du chauffe-eau depuis que son employeur s'était rendu chez la cliente pour établir le devis préalable à l'intervention. Outre que le remplacement d'un équipement électroménager ne signifie pas de facto que celui-ci est défectueux et présente un danger, force est de constater que dans aucune de ses déclarations M. [P] [L] n'affirme avoir constaté avant l'accident une telle émanation, ni une surchauffe du chauffe-eau ou tout autre dysfonctionnement apparent, puisqu'il a seulement indiqué devant les services de gendarmerie, alors qu'il déposait plainte contre son employeur pour blessures involontaires, que ce n'est qu'après avoir appelé à deux reprises ce dernier et avoir tenté de retirer le bouchon de calcaire que de la vapeur d'eau est sortie de l'appareil.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. [P] [L] est titulaire d'un CAP d'installateur sanitaire lequel implique qu'il est en capacité, selon le référentiel de certification du domaine professionnel:

- d'équiper et poser des appareils, en respectant les règles de l'art ainsi que l'environnement et les données techniques,

- de raccorder les appareils sanitaires et connexes, la partie électrique d'éléments simples d'une installation exemple : chauffe -eau électrique, pompe, ...

- d'effectuer des opérations de vidange selon les normes en vigueur et ne respectant les procédures, la sécurité individuelle et collective des personnes,

- de détecter les anomalies d'une installation.

Il a précisé dans le CV et la lettre de motivation adressés à M. [B] [H] au titre de ses compétences, la pose de chauffe-eau, compteurs à gaz et eau, l'installation de chauffage au sol et mural, et souligne son 'savoir-faire' et précise ' les nombreuses missions que j'ai réalisées au cours de ma formation n'ont permis d'avoir une solide connaissance des techniques'.

Il se déduit de ces éléments que M. [B] [H] n'avait constaté aucun danger lorsqu'il s'est rendu chez la cliente et n'avait pas conscience lorsqu'il a demandé à son salarié formé à ce type d'activité de prendre en charge ce chantier de l'exposer à un risque.

S'agissant de la conscience d'un danger au moment où l'appelant était présent chez la cliente, il a été développé supra que ce dernier ne démontre pas qu'il aurait informé son employeur de ce qu'il avait effectué comme manipulation sur le chauffe-eau, et notamment le retrait du groupe sécurité avant d'ouvrir le robinet d'eau chaude pour vidanger l'appareil ; de même qu'il n'établit pas que le dit appareil présentait un dyfonctionnement apparent. Le geste suggéré à distance par l'employeur était sans danger dès lors que le groupe sécurité était en place, évitant tout appel d'air.

Les réponses aux interrogations du conseil de l'appelant par M. [V] sont sans incidence sur la preuve à la charge de celui-ci puisque non contradictoires et fondées sur les seules affirmations de son mandant.

M. [P] [L] soutient également que la profession de plombier est par essence une profession à risque au sens des articles R 4411-1 et suivants du code du travail puisqu'il est amené à porter des charges lourdes et qu'il est 'exposé à des produits chimiques (amiante, plomb, suie ...) ou à des risques d'incendie', ce qui implique des obligations pour l'employeur en terme de prévention des risques et de mesures de sécurité, lesquels n'ont pas été respectés par l'employeur.

Il est constant que par jugement définitif du 9 novembre 2015, le tribunal correctionnel d'Avignon a relaxé M. [B] [H], prévenu d'avoir à Avignon le 5 mars 2012 ' dans le cadre d'une relation de travail par maladresse, imprudence, inattention, négligence et par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en omettant de mettre à la disposition de son salarié les équipements de protection individuelle appropriés et de veiller à leur utilisation ( en violation de l'article R 4321-4 du code du travail ); en omettant de mener des actions de formation nécessaire pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ( en violation de l'article L 4121-1 du même code ), en omettant d'organiser une formation pratique et appropriée à la sécurité au bénéfice des travailleurs qu'il avait embauché ( en violation de l'article L 4141-2 du même code ) et portant sur les conditions d'exécution du travail ( en violation de l'article R 4141-3 du même code ), les comportements et les gestes les plus sûrs et les modes opératoires retenus ayant une incidence sur la sécurité des travailleurs ( en violation de l'article R 4141-13 du même code ) involontairement causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois sur la personne de [L] [P], en l'espèce 15 jours'.

Par cette décision de relaxe, le tribunal correctionnel a nécessaire considéré que les manquements visés à la prévention n'étaient pas caractérisés, soit le défaut de mise à disposition et l'utilisation des EPI et le manquement à l'obligation de formation.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [P] [L] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que son employeur, M. [B] [H] aurait eu conscience d'un danger auquel il aurait été exposé et qu'il n'aurait pas pris les mesures pour l'en préserver. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [P] [L] de sa demande de voir retenir l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime le 5 mars 2012 et de ses demandes indemnitaires subséquentes.

La décision déférée sera en conséquence confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 mars 2022 par le tribunal judiciaire d'Avignon - Contentieux de la protection sociale

Condamne M. [P] [L] à verser à M. [B] [H] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [P] [L] aux dépens de la procédure.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 22/01401
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.01401 ?
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