RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/01587 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INWF
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NÎMES
15 avril 2022
RG :20/00471
[T]
C/
E.P.I.C. LE COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGI ES ALTERNATIVES
Grosse délivrée le 23 AVRIL 2024 à :
- Me HEULIN
- Me DREYFUS
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 23 AVRIL 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NÎMES en date du 15 Avril 2022, N°20/00471
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Avril 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [X] [T]
né le 21 Mars 1957 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Cedric HEULIN de la SELARL SELARL CEDRIC HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
E.P.I.C. LE COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGI ES ALTERNATIVES
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Laure DREYFUS, avocat au barreau de PARIS
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 23 Avril 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [X] [T] a été engagé à compter du 1er décembre 1995, suivant contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité d'ingénieur par l'établissement public Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Au terme de sa relation contractuelle, M. [X] [T] occupait le poste de chef de cellule d'exploitation des installations EIP et IZOS et responsable de contrat d'installation EIP.
Une enquête de l'autorité de la concurrence a établi des faits d'entente illicite entre certaines sociétés prestataires et le CEA. Le rapport définitif a fait, notamment, ressortir, que M. [X] [T] avait accepté des cadeaux, sous la forme d'invitations au restaurant de certaines sociétés prestataires du CEA.
Par courrier du 27 juin 2019, M. [X] [T] a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 10 juillet 2019.
Suite à l'avis favorable du Conseil conventionnel du 26 juillet 2019, M. [X] [T] a été licencié pour faute simple, avec un préavis de trois mois.
Par requête du 10 juillet 2020, M. [X] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes aux fins de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner le CEA au paiement de diverses sommes indemnitaires.
Par jugement du 15 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :
- débouté M. [X] [T] de l'ensemble de ses demandes,
- dit que le licenciement de M. [X] [T] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné M. [X] [T] à verser au CEA : 700 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes des parties,
- mis les dépens à la charge de M. [X] [T].
Par acte du 9 mai 2022, M. [X] [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 7 mars 2023, M. [X] [T] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 15 avril 2022 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Statuer à nouveau,
- le dire bien fondé et recevable dans son action,
Sur la base des moyens développés dans le corps des conclusions :
- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence :
- condamner le CEA au paiement des sommes suivantes :
- 500.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct résultant du caractère brutal et vexatoire du licenciement,
- dire y avoir lieu à rappel de rémunération et accessoires,
- condamner le CEA à lui payer la somme de 59.597,73 euros bruts à titre de paiement des heures supplémentaires pour la période 2017-2019 et 5960 euros au titre des congés payés y afférents,
A titre subsidiaire,
- ordonner une expertise, sur le fondement de l'article L.3171-4 du Code du travail, aux frais avancés de l'employeur pour déterminer la somme exacte due au titre du rappel d'heures supplémentaires pour la période 2017-2019,
- lui allouer la somme provisionnelle de 30 000 euros à titre de paiement des heures supplémentaires pour ladite période,
- condamner le CEA à lui payer les sommes suivantes :
o 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour méconnaissance des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail,
o 29.375 euros au titre des contreparties obligatoires en repos pour les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel en 2015, 2016 et 2017,
o 2937 euros au titre de l'incidence congés payés,
o 60.324 euros au titre d'indemnité pour travail dissimulé,
o 34.802 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement ou, à titre subsidiaire 1230 euros,
- dire qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil,
- enjoindre au CEA, sous astreinte de 150,00 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification du jugement (sic) à intervenir, d'avoir à établir et délivrer une attestation destinée à Pole Emploi conforme à l'arrêt à intervenir et les bulletins de salaire rectificatifs sur la base des rappels de salaire judiciairement fixés,
- condamner le CEA au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le CEA aux entiers dépens.
M. [X] [T] soutient que :
- son licenciement est en réalité un licenciement d'économie déguisé, il n'a pas été remplacé sur son poste,
- l'employeur a refusé de préciser les motifs exacts de son licenciement,
- les faits reprochés sont prescrits,
- la sanction est disproportionnée, l'employeur ayant toléré ce genre de pratiques, les salariés n'étant pas sensibilisés sur le risque et n'étant pas suffisamment informés sur les conséquences de la loi Sapin 2, il n'en est résulté aucun préjudice pour l'employeur,
- l'indemnisation doit être complète et non limitée par le barème de l'article L.1235-3 du code du travail,
- il a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées, ce qui constitue par ailleurs une situation de travail dissimulé.
En l'état de ses dernières écritures en date du 3 octobre 2022, l'établissement public Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives demande à la cour de :
- dire et juger M. [X] [T] mal fondé en son appel,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter M. [X] [T] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner M. [X] [T] aux dépens.
L'établissement public Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives fait valoir que :
- les faits sont reconnus et établis, ils ne sont pas prescrits la procédure de licenciement ayant été diligentée dans le délai de deux mois suivant la remise du rapport d'audit ayant mis en lumière les agissements du salarié,
- eu égard aux fonctions occupées par le salarié et au devoir d'exemplarité qui pesait sur lui la sanction est parfaitement justifiée,
- M. [X] [T] ne justifie pas des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées étant précisé que l'accord sur le temps de travail prévoit que les heures supplémentaires s'apprécient par heures entières effectuées au-delà de la durée hebdomadaire théorique de travail de 39h50mn
dans le cadre d'un cycle de 6 semaines, soit au-delà de 239 heures (39h50 x 6), que dès lors, les heures de travail comprises entre la 36ème heure et la durée hebdomadaire conventionnelle théorique de travail (39h50mn), déjà compensées sur l'année par les JRTT, ne constituent pas des heures supplémentaires.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 24 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 13 novembre 2023 à 16 heures et fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 13 décembre 2023.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
M. [T] a été licencié pour les motifs suivants selon courrier du 2 août 2019 :
« Vous avez été engagé au CEA en contrat à durée indéterminée le 1er décembre 1995, au sein de la Direction de l'Energie Nucléaire sur le centre de [7] en qualité d'ingénieur.
Suite à une suspicion d'entente illicite entre quatre sociétés (OTND, NUVIA, ENDEL et BOUYGUES) sur le prix des marchés d'opérations de démantèlement et assainissement du CEA [7], la Direction de l'audit, des risques et du contrôle interne du CEA (DARCI) a diligenté un audit afin d'identifier et d'évaluer d'éventuels préjudices résultant de ces pratiques.
Les investigations ont mis en avant des dysfonctionnements qui consistent en échange d'informations inappropriées à l'initiative de salariés du CEA et en la perception de cadeaux de valeur significative par des salariés du CEA.
C'est dans ce cadre que vous avez été reçu le 10 juillet 2019 en entretien préalable accompagné de M. [E]. Au cours de cet entretien, la direction du CEA [7] vous a informé des faits qui vous étaient reprochés et vous avez pu présenter vos observations.
Vous avez également été entendu par le Conseil conventionnel, le 26 juillet 2019, et pu apporter vos explications sur les faits reprochés.
A l'issue de cette réunion, le Conseil conventionnel a rendu un avis favorable sur la proposition de licenciement qui lui était présentée.
Au terme de cette procédure, je vous informe que j'ai décidé de procéder à votre licenciement pour faute.
Cette décision est motivée par les faits suivants :
Vous avez été auditionné, le 19 juin 2019, par la Direction de l'audit, des risques et du contrôle interne (DARCI) en qualité de chef de cellule C2EI, responsable de contrat d'installation de l'EIP (entreposage intermédiaire polyvalent). Vous aviez ainsi un rôle actif dans l'utilisation de l'accord cadre pour la réalisation d'opérations d'assainissement, de décontamination, et de cartographie dans les installations du CEA/[7] et dans la mise en place d'un contrat d'exploitation avec des opérateurs techniques dont la société OTND.
Lors de cet entretien, vous avez reconnu avoir été invité :
- Le 9 février 2018, par un chargé d'affaires de la société OTND, à un repas au restaurant gastronomique « [6] », en présence d'autres membres participants des quatre sociétés mises en cause. Le montant du repas aurait été d'une valeur de 611 € par personne au regard des éléments disponibles.
- Le 2 mars 2018, à un autre repas au restaurant gastronomique « [6] », pour un montant de 373 € par personne au regard des éléments disponibles, en présence de collaborateurs de la société OTND.
Or, l'ancien article 29 du règlement intérieur, en vigueur à l'époque des faits, affiché sur les panneaux dans les installations et disponible sur l'intranet du CEA/[7], prévoyait qu'il est interdit d'accepter ou de recevoir des cadeaux ou avantages d'une valeur autre que modique.
Le règlement intérieur dispose que les salariés du CEA ont le devoir de respecter, dans le cadre de leur activité professionnelle, les principes de loyauté, d'intégrité et de neutralité dans leurs relations avec les tiers (fournisseurs, prestataires de service, clients, partenaires, interlocuteurs etc.).
Ces agissements répétés sont également contraires aux dispositions de la loi du 9 décembre 2016 dite « loi Sapin 2 » relatives à la transparence et à la lutte contre la corruption, entrées en vigueur au 1 er juin 2017, que vous ne pouviez méconnaître dans le cadre de l'exercice de vos fonctions.
En l'occurrence, ces deux repas offerts d'un montant « non modique » ont pu donner l'impression aux prestataires présents que votre capacité de jugement et de décision pouvait être influencée.
Ces agissements sont d'autant plus graves qu'ils sont intervenus dans le cadre de vos fonctions de Chef de cellule C2EI et qu'ils portent atteinte à l'image du CEA, lequel en tant qu'établissement public, est soumis aux règles de la commande publique, rendant ainsi impossible votre maintien dans les effectifs du CEA.
Votre licenciement prendra donc effet à l'issue d'un préavis de trois mois débutant à la date de
première présentation de ce courrier et que vous serez dispensé d'effectuer...»
- Sur la véritable cause de licenciement :
M. [X] [T] soutient que son licenciement serait en réalité un licenciement d'économie déguisé. Il observe qu'il n'a pas été remplacé sur son poste de travail. Il explique que l'examen du registre unique du personnel, que se refuse de communiquer le CEA en dépit de sommations restées vaines, permettrait de corroborer qu'il n'a pas été remplacé sur son poste, celui-ci ayant été supprimé dans le cadre de la réorganisation de la Direction à laquelle il était rattaché comme d'autres postes ont été supprimés.
Le CEA ne conteste pas la réorganisation de la Direction de l'Energie Nucléaire (DEN), intervenue début 2020, date à laquelle la DEN est devenue la Direction des Energies (DES) mais précise que celle-ci n'a généré aucun licenciement, qu'elle a conduit au regroupement des activités assainissement-démantèlement, de service nucléaire et de gestion des déchets, réparties sur plusieurs centres du CEA (dont celui de [7]) et à la création de nouvelles unités ainsi qu'à la refonte de diverses fonctions, dont celle que M. [T] occupait précédemment au sein de l'Unité en charge de la reprise et du conditionnement des Déchets Bitume (UDBE) du CEA/[7].
Le CEA ajoute que l'UDBE a dans ce cadre été regroupée avec l'Unité en charge de la reprise et du conditionnement des Déchets Hors Bitume (UDHB), que le projet de cette réorganisation a fait l'objet d'un processus d'information/consultation détaillé des institutions représentatives du personnel, qu'il en résulte que le regroupement de l'UDBE et de l'UDHB s'est fait à effectifs constants, soit sans suppression de poste.
Le CEA produit les éléments suivants au soutien de son argumentation : information-consultation du Comité National du 27 septembre 2019, information-consultation du Comité National du 19 novembre 2019, information-consultation du Comité National du 29 janvier 2020, la note de la DES du 4 février 2020, la note de la DES du 5 février 2020, la note d'instruction générale n°714 du 1er février 2020 et la circulaire DES n°6 du 20 mai 2020.
Le CEA précise que le poste de M. [X] [T] n'a donc pas été supprimé, mais a fait partie de ceux qui ont fait l'objet d'une refonte dans le cadre du regroupement précité.
Il est ainsi rapporté la preuve d'une réorganisation de la direction au sein de laquelle M. [X] [T] était affecté en sorte qu'il ne peut être déduit de la seule modification de son poste la suppression de ses fonctions.
L'existence d'un motif de licenciement autre que celui énoncé dans la lettre de licenciement n'est donc par démontrée.
- Sur la précision des motifs de licenciement :
M. [X] [T] fait observer qu'il a, par l'intermédiaire de son ancien conseil, sollicité une précision des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement dans le délai réglementaire de 15 jours, que l'employeur a refusé de préciser les motifs, que l'absence de motivation précise de la lettre de licenciement est donc établie.
Or la lettre de licenciement est suffisamment motivée pour permettre un débat judiciaire, elle n'appelait pas de précisions complémentaires. En réalité le courrier du 14 août 2019 était un courrier de contestation par lequel le conseil du salarié sollicitait de l'employeur de justifier des motifs de licenciement et non de préciser ces derniers.
- Sur la prescription des faits reprochés :
Au visa de l'article L.1332-4 du code du travail selon lequel aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, M. [X] [T] conclut à la prescription des faits reprochés alors que les repas pris datent de février et mars 2018 et que la procédure de licenciement n'a été engagée que le 27 juin 2019, soit près d'un an et demi après.
Le CEA réplique qu'il n'en a été informé que par l'audit de la Direction de l'audit, des risques et du contrôle interne (DARCI) en date du 29 avril 2019 et par l'audition de M. [T] réalisée dans ce cadre le 19 juin 2019.
En effet, les faits reprochés se sont déroulés hors lieu de travail et hors temps de travail, s'agissant de repas offerts par des sociétés tierces.
Le CEA communique des extraits du rapport de la DARCI qui lui a été remis le 29 avril 2019, suite à la remise de ce rapport l'employeur a procédé à l'audition des salariés concernés dont M. [X] [T] ce qui a permis la mise hors de cause de certains d'entre eux.
Ce n'est donc qu'à l'issue de ces investigations qu'a été initiée la procédure de licenciement dans le délai de l'article L.1332-4.
Il n'y a pas lieu en l'espèce de retenir la date à laquelle les faits ont été portés à la connaissance de la DARCI qui n'est pas l'instance détenant le pouvoir disciplinaire, cette direction effectuant des investigations donnant lieu à l'établissement d'un rapport mettant en exergue d'éventuels dysfonctionnements communiqué ensuite aux directions intéressées seules habilitées à engager des poursuites.
C'est bien ce qu'expliquait Mme [J] [G], Directrice adjointe des ressources humaines et des relations sociales, par courriels du 24 juillet 2019 aux représentants du personnel:
« La connaissance par la direction du CEA de faits fautifs correspond à la date de remise du rapport d'audit à l'Administrateur général, le 29 avril. Jusqu'à cette date, conformément aux règles applicables à l'audit, la phase d'investigation est confidentielle.
- Les services d'instruction de l'Autorité de la concurrence ont indiqué avoir procédé le 12 février 2019, après autorisation d'un juge des libertés et de la détention, à des opérations de visite et de saisie inopinées auprès d'entreprises suspectées d'avoir mis en 'uvre des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des services d'ingénierie, de maintenance, de démantèlement et de traitement des déchets d'installations nucléaires.
Cette instruction concernait notamment l'accord-cadre en multi-attribution passé par le centre de [7] en 2016 pour une durée de 3 ans fermes et une année optionnelle, pour la réalisation d'opérations d'assainissement, de décontamination et de cartographie ainsi que de prestations de faible volume, ponctuelles ou imprévues, dans les installations du CEA/[7].
L'Administrateur Général en a été informé et a mandaté la DARCI pour mener un audit interne relatif aux conditions de passation et d'exécution de cet accord cadre et des marchés passés dans ce cadre depuis 2016. L'audition de salariés du CEA et des entretiens avec des responsables de sociétés prestataires du CEA ont fait apparaître des dysfonctionnements graves, tels que des échanges d'informations inapproprié entre les salariés du CEA et ces entreprises en contravention avec les principes et règles de la commande publique, ainsi que des cadeaux de valeur significative, reçus par des salariés du CEA (les pièces justificatives ayant été transmises par les sociétés prestataires). Pour cette raison, l'audit s'est poursuivi par des entretiens d'investigation auprès de 8 salariés entre les 19 et 25 juin 2019 pour établir le périmètre des salariés ayant pu commettre des fautes. Au vu de ces entretiens et des conclusions du rapport (daté du 26 juin), la direction du centre a convoqué un certain nombre de salariés en entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'à licenciement. Elle a également demandé la réunion du conseil conventionnel pour 5 d'entre eux. »
Peu importe que le rapport de la DARCI communiqué soit incomplet, seule la date de sa remise à l'autorité détentrice du pouvoir disciplinaire présente un intérêt.
Peu importe également la date à laquelle les éléments d'information ont été transmis à la DARCI durant ses investigations.
Si les représentants du personnel ont indiqué lors du Conseil conventionnel du 26 juillet 2019 qu'ils considéraient que « la direction du CEA a été informée bien avant la date du 29 avril ce qui rend la procédure caduque car en dehors du délai légal de 2 mois » cette considération ne repose sur aucun élément et n'est que l'expression d'une opinion personnelle.
Dès lors rien ne permet de remettre en cause la date apparaissant à la lecture de la pièce n°5 produite par l'employeur, à savoir le 29 avril 2019 comme étant celle à laquelle le rapport de la DARCI a été remis à l'employeur.
Les faits ne sont dès lors pas prescrits.
- Sur la qualification erronée du motif du licenciement invoqué :
M. [X] [T] relève qu'à la simple lecture des termes employés dans la lettre de licenciement, il lui serait reproché tout au plus une « négligence », une bévue, et une insuffisance professionnelle, lesquelles, en l'absence de mauvaise volonté délibérée, ne peuvent être considérées comme un comportement fautif justifiant un licenciement pour motif disciplinaire.
Il rappelle qu'il a simplement reconnu une « erreur » tout en rappelant qu'il ne connaissait pas les prix.
Or l'employeur s'est bien placé sur le terrain disciplinaire et non sur le terrain de l'insuffisance professionnelle faisant état d'une violation délibérée du règlement intérieur.
- Sur le motif de licenciement :
Il est reproché à M. [X] [T] d'avoir enfreint les dispositions du règlement intérieur qui prévoient :
« ARTICLE 29 : RELATION AVEC LES TIERS
Les salariés du CEA ont le devoir de respecter, dans le cadre de leur activité professionnelle, les principes de loyauté, d'intégrité et de neutralité dans leurs relations avec les tiers (fournisseurs, prestataires de service, clients, partenaires, interlocuteurs etc.).
Les salariés ne doivent pas solliciter ou accepter d'un tiers, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, que ce soit pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte lié à leur activité ou leur fonction, ou facilité par leur activité ou leur fonction, en violation de leurs obligations légales, contractuelles ou professionnelles, avec ou sans contrepartie directe ou indirecte.
Il leur est en outre interdit d'accepter ou de recevoir des cadeaux ou avantages d'une valeur significative, c'est-à-dire autre que modique.
Tout cadeau ou avantage offert par un tiers à un salarié du CEA doit systématiquement être signalé par celui-ci à son responsable hiérarchique direct, qui a la possibilité d'imposer au salarié de le refuser. »
Il est fait grief à M. [X] [T] d'avoir accepté d'être invité par un chargé d'affaires de la société OTND :
- le 9 février 2018, à un repas au restaurant gastronomique [6], en présence d'autres membres des quatre sociétés soupçonnées d'entente illicite, repas dont le montant s'est chiffré à 611 euros par personne ;
- le 2 mars 2018, à un autre repas au même restaurant gastronomique [6], pour un montant de 373 euros par personne, en présence de collaborateurs de la société OTND.
Les notes du restaurant [6] des 9 février 2018 et 2 mars 2018 sont produites aux débats.
M. [X] [T] a reconnu ces invitations tant lors de son audition par la DARCI, le 19 juin 2019, que lors de l'entretien préalable du 10 juillet 2019 et devant le Conseil conventionnel, le 26 juillet 2019.
M. [X] [T] prétend que les dispositions du règlement intérieur n'étaient pas suffisamment diffusées et rappelées par la Direction et que la sensibilisation des salariés sur la Loi Sapin 2 et sur les règles anti-corruption n'a débuté qu'à la fin de l'année 2018, soit postérieurement aux faits litigieux.
Or l'employeur rétorque justement que compte tenu de ses fonctions et responsabilités, M. [X] [T] ne pouvait ignorer les dispositions de la loi du 9 décembre 2016 dite loi « Sapin 2 » relatives à la transparence et à la lutte contre la corruption (prohibant tout cadeau de tiers), entrées en vigueur le 1er juin 2017, et ce avant le rappel qui en a été fait au CEA/[7] en décembre 2018. En tout état de cause M. [X] [T] ne peut prétendre ignorer les dispositions du règlement intérieur largement diffusé et affiché.
Peu importe que la Loi Sapin 2 n'ait été intégrée dans le « corpus normatif interne » de la société (Code de conduite anti-corruption intégré au RI) qu'au début de l'année 2019, cette loi étant supposée être connue de tous, peu importe également que ce ne soit que le 13 décembre 2018, soit postérieurement aux faits litigieux, que les salariés ont été informés, par courriel de M. [Z] [M], chef de l'UDBE, avec « application immédiate », qu'en cas d'invitation dans un restaurant extérieur, ils devaient payer leur part et se faire rembourser en frais de mission, les dispositions du règlement intérieur étant explicites.
Peu importe la perception incomplète exprimée par d'autres salariés du caractère impératif de ces dispositions.
Enfin, l'entrée en vigueur de la loi Sapin 2 comme du règlement intérieur fait obstacle à ce que soient prises en considération les pratiques antérieures.
M. [X] [T] avance que la Direction était parfaitement au courant que les prestataires/fournisseurs invitaient les agents CEA à déjeuner et qu'elle l'a toléré pendant de nombreuses années. Or les dispositions du règlement intérieur sont assez claires.
Par ailleurs M. [X] [T] fait état du sponsoring pratiqué par l'employeur ce qui se déroule dans un cadre distinct et réglementé, sans rapport avec des avantages concédés à certains salariés, ce rapprochement ne présentant aucune pertinence.
M. [X] [T] rappelle que les invitations incriminées n'avaient eu aucune incidence sur sa capacité de jugement et de critique vis à vis de cette société, que le fait d'avoir écarté OTND d'un marché de 1,2 à 1,4 M€, signifié en février 2018, soit après la première invitation à déjeuner démontre à lui seul que sa capacité de jugement /discernement et de décision n'a pas été altérée. Or, il est constant que la violation par le salarié des obligations découlant de son contrat de travail se suffit par elle-même, peu importe l'éventuel préjudice subi par l'employeur. Le salarié en acceptant de telles invitations se plaçait en situation de vulnérabilité.
Le CEA relève que ces repas sont intervenus dans le cadre des fonctions de chef de cellule C2EI exercées par M. [X] [T], qui se devait de montrer l'exemple auprès de ses collaborateurs, étant précisé qu'à tout le moins Mme [C] [U] (chargée d'affaires responsable contrat), invitée également au repas du 9 février 2018 selon les dires de M. [X] [T], était sous sa subordination directe et que deux autres de ses collaborateurs étaient présents au repas du 2 mars 2018 comme il l'a reconnu devant la DARCI ; qu'ainsi ces salariés ont pu donner l'impression aux prestataires présents que la capacité de jugement et/ou de décision de M. [X] [T] pouvait être influencée ou faire l'objet de compromission, notamment pour la conclusion de futurs contrats, peu important que cela n'eût éventuellement pas été le cas en l'espèce.
Le montant exorbitant des prestations ainsi concédées au salarié dépassaient la notion de simple repas de courtoisie ou de convivialité.
Le grief est donc caractérisé et établi.
- Sur le caractère disproportionné de la sanction de licenciement :
M. [X] [T] estime que la sanction de licenciement prononcée à son encontre est manifestement disproportionnée eu égard aux sanctions prononcées pour des faits similaires voire plus graves faisant observer que Mme [C] [U] a été uniquement sanctionnée par un blâme, que M. [Y] [P] (chef de bureau au SC, au moment des faits) invité au déjeuner du 9 février a été sanctionné par 10 jours de mise à pied disciplinaire, que M. [W] [F], ingénieur chargé d'affaires, bénéficiaire d'une invitation à Moscou lors de la coupe du monde de football, a eu comme sanction un mois de mise à pied disciplinaire, que M. [B] [D] (responsable de lots centrale PHENIX, mais avant installation APM responsable de lots) à qui il était reproché d'avoir divulgué à la société OTND des informations confidentielles portant sur les offres de concurrents (faits bien plus répréhensibles et préjudiciables au CEA) s'est vu infliger une simple mise à pied disciplinaire d'un mois.
Il doit en effet être tenu compte de l'ancienneté de M. [X] [T] dans l'entreprise sans aucun antécédent disciplinaire, de l'ancienneté des faits qui n'ont pas été réitérés, du fait qu'il n'était pas censé connaître à l'avance le montant des prestations offertes (menus et boissons) lors de ces deux repas dans un restaurant qui ne se présente pas comme un restaurant gastronomique et proposant par ailleurs des menus à des prix modiques.
M. [X] [T] précise qu'il n'a jamais été question de « Grand menu aux truffes », mais de déjeuners préétablis, servis à tous les convives à l'identique. Il en était de même pour les vins, l'invitant OTND, ayant au préalable choisi le repas et les vins. Il ajoute avoir été dans l'ignorance du montant de ces prestations ce qui n'est pas sérieusement contestable.
Dès lors la sanction prononcée apparaît effectivement disproportionnée eu égard aux faits reprochés.
Les dispositions des articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.
Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.
En application des dispositions de l'article L.1235-3 telles qu'issues de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 tenant compte du montant de la rémunération de M. [X] [T] ( 7481 euros en moyenne), de la somme de 101.291,65 euros versée à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et de son ancienneté en années complètes (23 années), dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [X] [T] doit être évaluée à la somme de 112.215,00 euros correspondant à l'équivalent de 15 mois de salaire brut.
L'entreprise employant habituellement au moins onze salariés et le salarié présentant une ancienneté de plus de deux ans, il sera fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.
Sur le préjudice distinct résultant du caractère vexatoire du licenciement
M. [X] [T] ne caractérise aucun comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture, le seul fait que le licenciement soit jugé injustifié ne pouvant être assimilé à un comportement fautif de l'employeur.
Sur la demande de paiement des heures supplémentaires
Aux termes de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
À défaut d'éléments probants fournis par l'employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié
Après analyses des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.
Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.
Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.
L'absence de mise en place par l'employeur d'un tel système ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies.
En l'espèce, M. [X] [T] expose que jusqu'en novembre 2018, il arrivait sur le site entre 7h à 8h30, qu'il ne déjeunait jamais à la cantine et travaillait durant la pose méridienne, qu'à compter de novembre 2018, il arrivait sur le site à 7h, que le personnel est badgé par la formation locale de sécurité (FLS) à chaque entrée du site, que malgré la demande faite en ce sens dans le cadre de la requête, l'employeur refuse de verser aux débats ses relevés de badgeage car l'examen de ceux-ci confirmerait qu'il arrivait vers 7h le matin, qu'un système de navettes complémentaires est mis en place à destination d'[Localité 5] avec un départ du CEA à 18 heures, bus qu'il prenait lorsqu'il ne venait pas en voiture.
M. [X] [T] produit un tableau récapitulatif des heures supplémentaires effectuées par jour et par mois et les justificatifs de courriels de nature à démontrer la réalisation du temps de travail effectif durant cette plage horaire.
Il sollicite le paiement de la somme de 59.597,73 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période de janvier 2017 à juillet 2019, augmentée de 5960 euros au titre des congés payés y afférents.
Le CEA rappelle qu'en vertu de l'accord collectif du 29 février 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail (ARTT) et des articles 103 et 104 de la Convention de travail du CEA l'horaire théorique de travail effectif hebdomadaire est de 39h50mn, soit 8h40mn par jour, que pour les salariés en horaire normal, les heures supplémentaires s'apprécient par heures entières effectuées au-delà de la durée hebdomadaire théorique de travail de 39h50mn dans le cadre d'un cycle de 6 semaines, soit au-delà de 239 heures (39h50 x 6), que dès lors, les heures de travail comprises entre la 36ème heure et la durée hebdomadaire conventionnelle théorique de travail (39h50mn), déjà compensées sur l'année par les JRTT, ne constituent pas des heures supplémentaires.
Le CEA rappelle que M. [X] [T] disposait d'une large autonomie dans l'organisation de son travail, qu'il ne justifie par aucun élément que jusqu'en novembre 2018, il serait arrivé sur le site entre 7 h et 8h30 et qu'à compter de novembre 2018, il y serait arrivé à 7 h alors que les courriels visés dans ses pièces étaient envoyés dans ces créneaux horaires de son IPhone et non du centre, que les badges d'accès au centre ne sont en aucun cas des badges de contrôle des horaires de travail, que ces courriels ne font suite à aucune demande de l'employeur, que nombre d'entre eux concernent des messages à caractère personnel ou des transferts de messages n'impliquant l'accomplissement d'aucun travail avant ou après leur émission.
Outre que M. [X] [T] ne mentionne pas les amplitudes horaires, ce dernier déduit l'accomplissement d' heures supplémentaires en se basant sur ses heures d'arrivée sur le centre qui ne sont nullement démontrées, sur des «mails hors plage de travail» alors que lesdits courriels soit ne se rapportent à aucun travail effectif : « on en discute demain» , «message transféré», soit ne consistaient qu'en des réponses très courtes («c'est pour l'installation EIP» le 5 avril 2017, «aucune soucis mon [R]» le 21 juillet 2017, «Bonsoir [A] je vous contacte demain sur ce sujet» le 19 mars 2019, «es-tu au courant'» le 23 avril 2019), pour la plupart envoyés depuis son téléphone portable. Il sera par ailleurs relevé qu'aucun impératif ne pesait sur le salarié pour répondre à ces courriers ( ex : réponse à 22h35 le 5 septembre 2017 à un courriel envoyé le même jour à 15h05 ce qui laisserait supposer que M. [T] n'a pas travaillé dans l'intervalle de temps à le suivre dans son raisonnement). En outre, l'heure d'envoi d'un courriel ne signifie pas un temps de travail continu entre le début ou la fin de l'horaire habituel de travail et l'heure d'envoi du courriel étant rappelé qu'est considéré comme temps de travail effectif «La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles» (L.3121-1) alors que M. [T] ne démontre aucun travail effectif durant les périodes qu'il assimile à des heures supplémentaires, la simple consultation de courriels sur un instrument nomade pouvant être effectuée tout en s'adonnant à des occupations personnelles.
M. [T] ne peut se référer à « l'horaire collectif de travail à [7] est de 8 heures à 16 heures 40, avec une pause méridienne de 45 minutes pour le déjeuner» alors qu'il précise dans ses écritures qu'« en tant que cadre, il n'était pas astreint aux horaires du Centre».
M. [T] mentionne dans ses écritures «les heures supplémentaires ont été calculées sur la base de l'horaire journalier figurant dans la Convention de travail(39h50/par semaine) conformément aux règles de décompte issues des dispositions conventionnelles» alors que rien dans son tableau ne permet d'arriver à une telle conclusion. En effet, l'employeur rappelle que les heures supplémentaires s'apprécient par heures entières effectuées au-delà de la durée hebdomadaire théorique de travail de 39h50mn dans le cadre d'un cycle de 6 semaines, soit au-delà de 239 heures (39h50 x 6), et non par mois comme il le fait sur la base de chiffres en outre invérifiables.
Enfin, le solde de tout compte fait apparaître que la somme de 14.282,32 euros a été réglée à l'appelant au titre des «heures majoration 100%», M. [T] soutenant sans nullement l'établir qu'il s'agirait en réalité d' indemnités pour disponibilité de l'agent lors de l'astreinte.
Il résulte de ce qui précède que M. [T] échoue à présenter un décompte précis des heures supplémentaires qu'il a effectuées et que par ailleurs les heures supplémentaires effectivement accomplies ont été réglées ce dont il ne tient nullement compte.
La demande a été justement rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour méconnaissance des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail
Au visa des article L.3121-34 et L.3121-35 du code du travail sollicite le paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales hebdomadaire et quotidienne de travail.
Il se fonde sur le tableau récapitulatif des heures supplémentaires démontrant que les durées maximales hebdomadaire et quotidienne de travail ont été dépassées.
Il a été constaté que les tableaux fournis par M. [T] ne reflétaient pas la réalité, la demande est donc en voie de rejet.
Sur la contrepartie obligatoire en repos : le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires
Selon l'article L.3121-11 du code du travail et de l'article 18 IV de la Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, dans sa rédaction applicable au litige, les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos dont la durée est égale à 100 % de ces heures supplémentaires dans les entreprises de plus de 20 salariés, conformément à l'article L3121-38 du code du travail.
Le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 90h par an, conformément à
l'article 104 de la Convention de travail.
Le CEA réplique que seul le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de
l'indemnité de congés payés afférents , or M. [X] [T] n'a présenté aucune demande pour bénéficier d'une contrepartie obligatoire en repos.
En tout état de cause, la demande au titre des heures supplémentaires prétendument effectuées étant rejetée, la demande concernant la contrepartie obligatoire en repos est en voie de rejet
Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé
Selon l'article L.8221-5 du code du travail :
« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article
L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article
L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en
application du titre II du livre Ier de la troisième partie. »
L'article L.8223-1 du code du travail poursuit :
« En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans
les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit
à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »
En l'espèce, M. [X] [T] soutient que le CEA savait que, de par son emploi et ses missions, il ne pouvait atteindre ses objectifs et effectuer l'intégralité des ses tâches sur la base d'une durée de travail de 39h50/semaine, il se réfère à son entretien individuel annuel du 18 décembre 2018 au cours duquel son supérieur a indiqué qu'il « a fait le job, surtout lorsque l'on considère l'effectif alloué ».
Or, il a été constaté que les heures supplémentaires réellement accomplies ont été réglées à l'occasion de la remise du solde de tout compte.
M. [T] a été justement débouté de ses prétentions à ce titre.
Sur le paiement du reliquat de l'indemnité de licenciement
M. [T] rappelle que les indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir et non sur celle de la rémunération qu'il a effectivement perçue du fait des manquements de l'employeur à ses obligations.
M. [T] indique qu'il a perçu la somme de 101 291 euros d'indemnité de licenciement mais qu'il lui reste dû la somme de 34.802 euros en tenant compte du rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.
Or M. [T] étant débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires, sa demande de rappel d'un solde d'indemnité de licenciement est en voie de rejet.
Par ailleurs, l'indemnité conventionnelle de licenciement, d'un montant de 101.291,25 euros, a été justement calculée sur la base de la moyenne, plus favorable, des salaires perçus par M. [T] de mai à juillet 2019 (soit 7.386,79 euros ), conformément aux dispositions de l'article 90 de la Convention de travail.
M. [T] soutien qu'en tout état de cause, quand bien même il ne serait pas fait droit à la demande au titre des heures supplémentaires, il [lui] reste dû un reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement de 1230 euros sans nullement expliciter le calcul duquel procèderait cette somme.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'établissement public Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives à payer à M. [T] la somme de 3.000,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
Confirme le jugement déféré en ce qu'il déboute M. [X] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct résultant du caractère vexatoire du licenciement, de sa demande au titre des heures supplémentaires, de sa demande de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail, de sa demande relative à la contrepartie obligatoire en repos, de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de rappel d'un solde d'indemnité de licenciement,
Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit le licenciement de M. [X] [T] dénué de cause réelle et sérieuse,
Condamne l'établissement public Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives à payer à M. [X] [T] la somme de 112.215,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail,
Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil,
Condamne l'établissement public Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives à payer à M. [X] [T] la somme de 3.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'établissement public Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT