La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2024 | FRANCE | N°24/00316

France | France, Cour d'appel de Nîmes, Rétention_recoursjld, 11 avril 2024, 24/00316


Ordonnance N°307







N° RG 24/00316 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JE6E











J.L.D. NIMES

09 avril 2024













[H]





C/



LE PREFET DU GARD











COUR D'APPEL DE NÎMES



Cabinet du Premier Président



Ordonnance du 11 AVRIL 2024





Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'

Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée...

Ordonnance N°307

N° RG 24/00316 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JE6E

J.L.D. NIMES

09 avril 2024

[H]

C/

LE PREFET DU GARD

COUR D'APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 11 AVRIL 2024

Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,

Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 02 février 2024 notifié le 09 février 2024, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 07 avril 2024, notifiée le même jour à 17h45 concernant :

M. [J] [H]

né le 25 Mars 1996 à [Localité 3]

de nationalité Turque

Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 08 avril 2024 à 13h04, enregistrée sous le N°RG 24/1658 présentée par M. le Préfet du Gard ;

Vu l'ordonnance rendue le 09 Avril 2024 à 14h45 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;

* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [J] [H] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 09 avril 2024 à 17h45,

Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [J] [H] le 10 Avril 2024 à 00h43 ;

Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [P] [M], représentant le Préfet du Gard, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu l'assistance de Monsieur [E] [D], interprète en langue turque, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,

Vu la comparution de Monsieur [J] [H], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Jauffré CODOGNES, avocat de Monsieur [J] [H] qui a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS

Monsieur [J] [H] a reçu notification le 9 février 2024 d'un arrêté du Préfet du Gard du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours.

Monsieur [J] [H] a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 6 avril 2024, à 19h30, à [Localité 4].

Par arrêté de la préfecture du Gard en date du 7 avril 2024 et qui lui a été notifié le jour même à 17h45, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.

Par requête du 8 avril 2024, le Préfet du Gard a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée le 9 avril 2024, à 14h45, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [J] [H] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.

Monsieur [J] [H] a interjeté appel de cette ordonnance le 10 avril 2024, à 00h43.

Sur l'audience, Monsieur [J] [H] déclare que :

- ses droits n'ont pas été respectés,

- pour sa part, il a respecté les lois françaises,

- s'il doit partir, il ira dans un autre pays car s'il retournait en Turquie, il serait tué,

- il dit finalement vouloir rester en France, et habiter chez son père,

- les choses se passent mal au centre de rétention, il vit cet enfermement comme s'il était en prison,

- il regrette son état d'ébriété au moment de son interpellation, il était stressé.

Son avocat soutient, comme développé dans ses conclusions, que :

- l'interprète a été interrogé par le juge des libertés et de la détention, comme s'il était une partie , il ne pouvait donc plus être l'interprète du retenu alors qu'un des moyens soulevés était relative à son intervention ne garde à vue (407 cpc, 234 et 235 c;civ),

- il a été communiqué des pièces à l'interprète comme la déclaration d'appel, cela est irrégulier,

- il y a un problème avec une absence du certificat de conformité dans la procédure,

- il y a eu une notification tardive des droits laquelle doit intervenir immédiatement, sauf à ce que l'OPJ fasse état de circonstances insurmontables qui ne peuvent être caractérisée par le seul état d'alcolémie de l'intéressé ; il devait être délivré également un document papiers récapitulant les droits. Finalement, la notification est intervenue plus de douze heure après l'interpellation du retenu,

- il y a une absence de certificat médical alors que le retenu a été interpellé après un accident matériel de la circulation, et s'il a été conduit au CHU vers 21h ou 22h, et le certificat médical afférent n'a pas été versé en procédure, cela en méconnaissance des règles fondamentales, car l'aptitude ou inaptitude du retenu à la garde à vue n'a pas été vérifiée,

- le retenu n'a pas pu s'alimenter pendant quinze heures, or dans une situation d'emprise alcoolique, le fait de s'alimenter améliore l'état de la personne,

- l'OQTF a été notifié à l'issue de la mesure de garde à vue, cela engendre une privation de liberté arbitraire,

- sur la question de l'interprétariat, il y a de multiples difficultés, notamment sur l'agrément de l'interprète,

- interrogé par le JLD, l'interprète explique qu'il ne s'est pas déplacé, non pas par impossibilité matérielle, il s'est fait transmettre des pièces, il n'y a aucune trace dans la procédure des échanges avec les services de police au sujet de ces échanges de pièces et il y a donc une atteinte substantielle au droit au procès équitable,

- quand il y a une procédure numérique, il y a nécessité de verser les habilitations afférentes au dossier, à défaut c'est la nullité des pièces qui est encourrue,

- l'administration est irrecevable dans sa requête car il manque au dossier des documents particulièrement utiles : les échanges avec l'interprète, le certificat de conformité, les relevés d'anthropométrie'..

- subsidiairement, sur la question de la possibilité d'une assignation à résidence, et les diligences : soit la Préfecture n'a pas accompli les diligences, car il n'y a pas de laissez-passer dans le dossier mais une demande de réservation aérienne est en cours, soit la CNI est suffisante donc on peut se dispenser de l'obtention du laissez-passer,

- le temps qui lui a été laissé après la notification de l'OQTF n'a pas été suffisant pour que le retenu puisse organiser son départ dans de bonnes conditions.

Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel :

- l'absence de certificat de conformité n'est pas une pièce utile, il y a les signatures électroniques dans la procédure,

- sur la notification des droits différés, c'est justifié par l'état alcoolique (0.83 mg/l air expiré), le retenu n'était pas en mesure de comprendre ses droits,

- à 10h50, aucun texte n'impose de vérifier son état d'alcoolémie, il y a bien eu une remise de formulaire avec ses droits, il n'y a donc pas de grief,

- sur les pièces utiles, le relevé anthropométrique n'est pas une pièce utile,

- sur le transport au CHU, le PV des fonctionnaires de police fait état de la compatibilité de la mesure avec l'état de l'intéressé,

- aucun texte n'impose une distribution d'aliment pour un dégrisement,

- sur la notification de la mesure de placement en rétention, à 17h45, dans un temps nécessaire procéder à la traduction du document,

- sur l'interprète, les modalités d'interprétariat en garde à vue ne sont pas susceptibles de critique, et un échange de mail électronique ne pose pas de problème,

- sur les diligences, il y a eu une demande de laissez-passer et une demande de routing et ces deux démarches ne sont pas antynomiques, car les diligences sont faites,

- le retenu a déclaré vivre dans un foyer, et c'est après l'arrêté de placement, qu'il justifie d'une attestation d'hébergement,

- le retenu n'a pas fait de remise de passeport, il y a eu une demande d'asile rejetée définitivement.

SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :

L'appel interjeté par Monsieur [J] [H] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il est donc recevable.

SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:

L'article 563 du code de procédure civile dispose : «  Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L'article 565 du même code précise : «  Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.

A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôles d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.

En l'espèce, Monsieur [J] [H] soutient des moyens de nullité, soulevés in limine litis, en première instance, ainsi que l'existence d'une nullité entacha,t la décision prise par le juge des libertés et de la détention. Il fait également la demande d'une assignation à résidence. Ces moyens et demandes sont recevables.

SUR LA NULLITÉ DE L'ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION :

L'article D.594-16 dispose que Les interprètes et les traducteurs sont tenus de respecter la confidentialité de l'interprétation et des traductions fournies.

Le conseil de Monsieur [J] [H] soulève la nullité de la décision attaquée au motif que l'interprète a été interrogé par le juge des libertés et de la détention sur les moyens de nullité soulevés devant lui et relative à l'interprétariat pendant la garde à vue. En effet, la lecture de l'ordonnance attaquée permet de vérifier que l'interprète, présent à l'audience, est intervenu également en garde à vue et a été questionné sur les modalités de son intervention par le juge des libertés et de la détention pour vérifier la validité du moyen soulevé par le conseil du retenu.

Or, les interprètes sont tenus de respecter la confidentialité de l'interprétation et des traductions fournies. En conférant une qualité de témoin à l'interprète par un questionnement sur la procédure pénale incriminée , le juge des libertés et de la détention a méconnue la mission de l'interprète lequel devait être présent à l'audience pour la seule traduction des échanges entre le juge et les parties.

La décision rendue doit donc être annulée. Les délais pour statuer sur la requête préfectorale étant dépassés, il y a lieu de dire que le retenu sera libéré.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [J] [H] ;

ANNULONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

DISONS n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de Monsieur [J] [H] ;

ORDONNONS la mise en liberté immédiate de Monsieur [J] [H] ;

RAPPELONS à Monsieur [J] [H] qu'il a obligation de quitter le territoire national français en application de l'arrêté préfectoral du 02 février 2024 ;

RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1], [Localité 2].

Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,

le 11 Avril 2024 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 5] à M. [J] [H], par l'intermédiaire d'un interprète en langue turque.

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

- Monsieur [J] [H], par le Directeur du CRA de [Localité 5],

- Me Jauffré CODOGNES, avocat

,

- M. Le Préfet du Gard

,

- M. Le Directeur du CRA de [Localité 5],

- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES,

- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : Rétention_recoursjld
Numéro d'arrêt : 24/00316
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;24.00316 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award