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04/04/2024 | FRANCE | N°23/02915

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 04 avril 2024, 23/02915


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/02915 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I6DZ



CRL/DO



TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVIGNON

31 décembre 2018



RG :21500788





[P]





C/



S.A.R.L. [7]

CPAM



















Grosse délivrée le 04 AVRIL 2024 à :



- Me GATTA

- Me JAPAVAIRE

- C

PAM











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 04 AVRIL 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'AVIGNON en date du 31 Décembre 2018, N°21500788



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Cath...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/02915 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I6DZ

CRL/DO

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVIGNON

31 décembre 2018

RG :21500788

[P]

C/

S.A.R.L. [7]

CPAM

Grosse délivrée le 04 AVRIL 2024 à :

- Me GATTA

- Me JAPAVAIRE

- CPAM

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'AVIGNON en date du 31 Décembre 2018, N°21500788

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Janvier 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Avril 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [S] [P]

né le 21 Février 1972 à [Localité 9]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représenté par Me Christine GATTA, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉES :

S.A.R.L. [7]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me Karine JAPAVAIRE, avocat au barreau de NIMES

CPAM

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Mme [G] en vertu d'un pouvoir spécial

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 04 Avril 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 30 octobre 2008, M. [S] [P] engagé par la SAS [7] en qualité d'ouvrier poseur suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er octobre 2008, a été victime d'un accident sur son lieu de travail à [Localité 11], pour lequel l'employeur a établi une déclaration d'accident du travail laquelle mentionnait: « suite à la dépose d'une porte, celle-ci est tombée sur le pied et a provoqué une double fracture ».

Le certificat médical initial établi le 30 octobre 2008 par un médecin du centre hospitalier [8], mentionnait: « fracture ouverte du tiers inférieur du tibia droit, fracture horizontale de la malléole interne, traumatisme cervical avec fracture C7» et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 30 janvier 2009.

Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse au titre de la législation sur les risques professionnels, et M. [S] [P] a été déclaré consolidé de ses lésions le 14 août 2012, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 25% en raison de 'séquelles d'une fracture tassement de C7 et de L2 et fracture ouverte distale du tibia et péroné droit caractérisées par une limitation de la mobilité de la cheville droite avec blocage en équin et des lombalgies nécessitant un traitement'.

M. [S] [P] a sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et la mise en 'uvre par la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse de la procédure de conciliation. Après échec de cette procédure constaté par un procès-verbal de non-conciliation établi le 9 septembre 2014, M. [S] [P] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse aux mêmes fins.

Par jugement du 31 décembre 2018, le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Vaucluse a :

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CPAM du Vaucluse du 27 octobre 2015,

- débouté M. [S] [P] de l'intégralité de ses demandes,

- déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM du Vaucluse.

Par acte du 31 janvier 2019, M. [S] [P] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 13 juillet 2021, la chambre sociale de la cour d'appel de Nîmes a :

- infirmé le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Vaucluse le 31 décembre 2018,

Statuant à nouveau,

- dit que M. [S] [P] a été victime le 30 octobre 2008 d'un accident du travail dû la faute inexcusable de la S.A.R.L. [7], son employeur,

- dit que M. [S] [P] peut prétendre à une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues aux articles L452-2 à L452-5 du code de la sécurité sociale,

- ordonné, avant dire droit, une expertise confiée au Dr [X] [F], (...)

- fixé l'indemnité provisionnelle revenant à M. [S] [P] à la somme de 5 000 euros à valoir sur son indemnisation,

- dit que la Caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse versera directement à M. [S] [P] cette indemnité,

- ordonné, dans l'attente du dépôt par l'expert de son rapport, le retrait de l'affaire du rôle et dit qu'elle pourra être ensuite réinscrite à la demande de la partie la plus diligente,

- rappelé que la Caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse avancera cette provision et l'ensemble des sommes allouées à la victime et en récupérera le montant auprès de la SAS [7],

- sursis à statuer sur la majoration de la rente dans l'attente de la décision du tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille saisi le 23 mai 2013 d'une contestation du taux d'incapacité permanente partielle,

- sursis à statuer sur la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-déclaré le présent arrêt commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse,

- débouté pour le surplus,

- sursis à statuer sur les dépens.

Le Dr [X] a déposé son rapport le 15 novembre 2021.

L'affaire a été réinscrite au rôle à la demande de M. [S] [P] le 11 septembre 2023, sous le RG 23 02915, et l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 23 janvier 2024.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, M. [S] [P] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée sa demande en indemnisation,

En conséquence,

- à titre principal, fixer son préjudice à la somme de 42.121,25 euros se décomposant comme suit :

* 11.121,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 8.000 euros au titre des souffrances endurées,

* 4.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

* 4.000 euros au titre du préjudice esthétique définitif,

* 15.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- à titre subsidiaire, fixer son préjudice à la somme de 38.429,15 euros se décomposant comme suit :

* 7.429,15 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 8.000 euros au titre des souffrances endurées,

* 4.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

* 4.000 euros au titre du préjudice esthétique définitif,

* 15.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

En tout état de cause,

- avant dire droit, ordonner un complément d'expertise confié au Dr [X] afin qu'il:

* détermine le nombre d'heures et la période de besoin de la tierce personne à titre temporaire,

* évalue le préjudice sexuel au vu du certificat médical du Dr [Z] en date du 25 juillet 2022,

* fixe son déficit fonctionnel permanent au titre des souffrances physiques et morales endurées après consolidation et des troubles dans les conditions de l'existence,

- surseoir à statuer dans l'attente du complément d'expertise pour la fixation des préjudices liés à la tierce personne à titre temporaire, le préjudice sexuel et le DFP,

- fixer la rente qui lui est servie au titre de son accident du travail du 30 octobre 2008 à son taux maximum et ce depuis le 14 août 2012, date de sa consolidation,

- condamner la SAS [7] au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux entiers dépens,

- dire et juger que le montant de ses préjudices ainsi que les sommes allouées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront versés par l'organisme de sécurité sociale qui en récupérera le montant auprès de la SAS [7],

- déclarer l'arrêt commun et opposable à la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la SAS [7] demande à la cour de :

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

- fixer le montant du DFT total à 25,00 euros / jour, soit :

- Déficit fonctionnel temporaire total, 21 jours, soit : 525 euros (25,00 euros x 21 jours) ;

- Déficit fonctionnel temporaire partiel en classe 3 (50%) 62 jours : 775,00 euros,

- Déficit fonctionnel temporaire partiel en classe 2 (25%) 120 jours : 750,00 euros,

- Déficit fonctionnel temporaire partiel en classe 1 (15%) : 1191 jours, soit 4466,25 euros,

Soit un montant total de 6.516,25 euros

Sur les souffrances physiques et morales endurées

- fixer une indemnisation d'un montant de 4.500,00 euros

Sur le préjudice temporaire esthétique et le préjudice définitif esthétique

- fixer une indemnisation d'un montant de 1.000,00 euros

Sur le préjudice d'agrément :

- débouter M. [S] [P] de sa demande.

- débouter M. [S] [P] de sa demande de complément d'expertise concernant la fixation du taux du DFP

En tout état de cause,

- juger que l'indemnité provisionnelle de 5 000,00 euros perçue par M. [S] [P] devra être déduite des sommes qui lui seront allouées.

- juger le jugement à intervenir commun et opposable à la CPAM de Vaucluse qui fera l'avance des sommes allouées à M. [S] [P].

- débouter M. [S] [P] de sa demande d'indemnisation à hauteur de 3.000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour quant au montant de l'indemnisation à accorder à la victime au titre de la faute inexcusable de l'employeur,

- ramener les sommes réclamées à de justes et raisonnables proportions compte tenu du référentiel indicatif régional de l'indemnisation du préjudice corporel habituellement retenu par les diverses cours d'appel,

- dire et juger qu'une somme de 8.000 euros sera déclarée satisfactoire concernant les souffrances endurées,

- dire et juger qu'une somme de 4.000 euros sera déclarée satisfactoire concernant le préjudice esthétique temporaire et définitif,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation souveraine de la présente juridiction quant au montant de l'indemnisation à accorder à la victime au titre du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice d'agrément,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation souveraine de la présente juridiction concernant la demande de complément d'expertise au titre de la tierce personne et du DFP,

- déduire des sommes allouées l'indemnité provisionnelle de 5.000 euros déjà versée à M. [S] [P],

- dire et juger que la Caisse sera tenue de faire l'avance des sommes dues à la victime,

- au visa de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, dire et juger que l'employeur est de plein droit tenu de lui reverser l'ensemble des sommes ainsi avancées par elle au titre de la faute inexcusable commise par lui, en ce y compris les frais d'expertise,

- en tout état de cause, rappeler qu'elle ne saurait être tenue à indemniser l'assuré au-delà des obligations mises à sa charge par l'article précité, notamment à lui verser une somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la liquidation des préjudices

Le salarié victime d'un accident du travail bénéficie d'un régime de réparation forfaitaire prévoyant, selon l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, la prise en charge des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d'une façon générale, les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime. Le salarié bénéficie également du versement d'indemnités journalières et d'une rente viagère destinée à compenser l'incapacité permanente de travail lorsque celle-ci est supérieure à 10 % (art. L. 434-2 du CSS).

En cas de faute inexcusable, la victime a droit à une indemnisation complémentaire (art. L. 452-1), laquelle prend la forme d'une majoration de la rente forfaitaire (art. L. 452-2), la majoration de la rente étant payée par la caisse qui en récupère le montant par l'imposition d'une cotisation complémentaire (art. L. 452-2 du CSS), ainsi qu'à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle (art. L. 452-3).

Depuis la décision n° 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle résultant d'une faute inexcusable de l'employeur peut également demander réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Les différents postes de préjudices ont été évalués par une expertise judiciaire réalisée par le Dr [X]. Ce rapport d'expertise répond de manière précise, étayée, et dépourvue de toute ambiguïté à la mission confiée.

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce préjudice correspond pour la période antérieure à la consolidation, à l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation, et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

La date de consolidation a été fixée par la Caisse Primaire d'assurance maladie au 14 août 2018.

L'expert a défini les période de déficit fonctionnel ainsi :

- Déficit fonctionnel temporaire total (100%) imputable :

* Du 30 octobre au 10 novembre 2008, soit 12 jours

* Du 21 janvier au 28 janvier 2008, soit 8 jours,

* une journée en mai 2011

- Déficit fonctionnel temporaire partiel :

* à 50 % du 11 novembre 2008 au 11 janvier 2009, soit 62 jours

* à 25% du 12 janvier 2009 au 11 mai 2009, soit 120 jours,

* à 15% du 12 mai 2009 au 14 août 2012, 1.191 jours

M. [S] [P] sollicite une indemnisation sur l'ensemble de la période, sur une base journalière à taux plein de 25 euros et demande que le taux de déficit fonctionnel temporaire de 15% soit porté à 25% puisque c'est le taux retenu par la Caisse Primaire d'assurance maladie pour son taux d'incapacité permanente partielle.

La SAS [7] offre d'indemniser ce chef de préjudice sur une base journalière à taux plein de 25 euros et n'a pas fait d'observations sur la demande de retenir un taux de 25% et non de 15% sur la dernière période de déficit fonctionnel temporaire.

La Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse rappelle que lorsque la victime est atteinte d'un déficit fonctionnel permanent, le taux du déficit fonctionnel temporaire jusqu'à la consolidation est nécessairement égal ou supérieur au taux du déficit fonctionnel permanent.

En l'espèce, il est constant que M. [S] [P] s'est vu reconnaître par la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse un taux d'incapacité permanente partielle à compter de sa date de consolidation de 25%. Ce taux sera donc retenu pour la dernière période de déficit fonctionnel temporaire en lieu et place du taux de 15% fixé par l'expert.

Par suite, M. [S] [P] sera justement indemnisé de ce chef de préjudice sur une base journalière à taux plein de 25 euros, soit la somme totale de :

100% x (25€ x 21 jours ) + 50% x ( (25€ x 62 jours ) + 25% x (25€ x 1.311 jours ) = 11.121,25 euros

Il sera en conséquence alloué à M. [S] [P] la somme de 11.121,25 euros en indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire.

- Déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent se définit ainsi : « Il s'agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d'indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après sa consolidation.

Ce poste de préjudice cherche à indemniser un préjudice extra-patrimonial découlant d'une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime [...]

Il s'agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime ».

En droit commun de l'indemnisation, le déficit fonctionnel permanent inclut l'ensemble des souffrances physiques et psychiques endurées ainsi que les troubles qui leur sont associées.

La Cour de cassation, par deux arrêts (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et n°21-23.673) a décidé que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent en sorte que la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.

M. [S] [P] sollicite au visa de cette jurisprudence que soit ordonné un complément d'expertise afin de déterminer son taux de déficit fonctionnel permanent.

Ce poste de préjudice n'entrait pas dans la mission de l'expert car la décision le désignant a été rendue avant le revirement de jurisprudence.

La Caisse Primaire d'assurance maladie ne s'oppose pas à cette demande et la SAS [7] considère que le dossier est suffisamment complet pour qu'il ne soit pas nécessaire de recourir à cette mesure d'instruction, sans toutefois formuler d'offre d'indemnisation sur ce point.

Il convient donc d'ordonner un complément d'expertise afin d'évaluer le déficit fonctionnel permanent étant précisé que dès lors que la rente servie à la victime indemnise tous les préjudices de nature professionnelle le déficit fonctionnel permanent ne devra concerner que les troubles subis par la victime dans sa sphère privée et personnelle.

- Souffrances physiques et morales

Ce préjudice correspond aux souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité et son intimité, et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation, les souffrances physiques et morales postérieures à la consolidation étant incluses dans le déficit fonctionnel permanent.

L'expert a évalué ce chef de préjudice à 3,5 /7.

M. [S] [P] sollicite à ce titre une somme de 8.000 euros en raison de ses hospitalisations à plusieurs reprises, de sa greffe osseuse et de sa dépression, montant que la Caisse Primaire d'assurance maladie juge comme étant satisfactoire.

La SAS [7] offre d'indemniser ce préjudice par une somme de 4.000 euros en regard des sommes allouées habituellement pour une telle évaluation de ce chef de préjudice.

Compte tenu des éléments développés par M. [S] [P], ce préjudice sera justement indemnisé par une somme de 6.000 euros.

- Préjudice esthétique

Le préjudice esthétique correspond aux cicatrices, mutilations, boiterie, et autres conséquences de l'accident venant altérer l'apparence physique et l'expression.

L'expertise judiciaire a évalué le préjudice esthétique temporaire et définitif à 2 /7, en raison du port d'un corset et d'un collier de maintien cervical, de cicatrices et d'une boiterie.

M. [S] [P] sollicite la somme de 4.000 euros en réparation de son préjudice temporaire et 4.000 euros en réparation de son préjudice permanent et produit au soutien de sa demande un certificat médical du Dr [Z] qui mentionne une marche avec une canne.

La SAS [7] offre d'indemniser ce préjudice par la somme de 1.000 euros et la Caisse Primaire d'assurance maladie considère qu'il ne peut être indemnisé par une somme supérieure à 4.000 euros.

Le préjudice temporaire eu égard aux différents matériels et cicatrices visés par l'expert sera indemnisé par une somme de 1.500 euros et le préjudice définitif qui est constitué par les cicatrices et la boiterie sera indemnisé par une somme de 1.500 euros.

- Préjudice d'agrément :

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique de sport ou de loisirs, la perte de qualité de vie étant exclue de ce poste de préjudice puisqu'indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.

L'expertise judiciaire indique que ' pratiquait la plongée et aurait été licencié dans deux clubs'.

M. [S] [P] fait valoir qu'il avait pour habitude de pratiquer la plongée sous-marine avec bouteille, et justifie de sa carte de plongeur de niveau 2 et de la réalité de son activité par ses carnets de plongée. Il produit également un certificat médical Dr [Z] qui indique qu'il ne peut plus pratiquer cette activité.

La réalité de ce préjudice est contestée par la SAS [7] au motif que les éléments produits au soutien de la demande ne sont pas probants.

M. [S] [P] établit la réalité de cette activité régulière de loisirs entre 1999 et 2004, mais n'apporte aucun élément sur la poursuite ou l'arrêt de cette activité pour les années suivantes et jusqu'à son accident.

Il sera en conséquence débouté de cette demande faute de justifier de la pratique de cette activité dans les années précédents son accident.

- Préjudice sexuel :

Ce chef de préjudice répare :

- le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi,

- le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel tel que la perte de l'envie ou de la libido, la perte de la capacité physique à réaliser l'acte sexuel et la perte de la capacité à accéder au plaisir,

- le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.

L'expert a précisé pour ce chef de préjudice qu' 'avant le fait accidentel, M. [P] signale l'existence d'une copine., chacun vivant dans son propre domicile. Pas de plainte particulière concernant ce préjudice' .

M. [S] [P] sollicite que soit ordonné un complément d'expertise pour évaluer ce chef de préjudice dont il n'a pas osé parler avec l'expert car touchant la sphère de l'intime. Il produit un certificat médical du Dr [Z] qui mentionne des troubles de la libido depuis l'accident.

La SAS [7] conclut au rejet de cette demande.

De fait, M. [S] [P] a été entendu par l'expert sur ce sujet et aurait pu à défaut de l'évoquer de vive voix avec ce dernier , le faire par la voie de son avocat sous forme d'un dire. Il n'apporte aucun élément justifiant de la réalité de son préjudice en dehors du certificat médical daté de 2022.

Il n'y a en conséquence pas lieu à ordonner un complément d'expertise sur ce point, ce chef de préjudice ayant déjà été traité par l'expert.

- Besoin d'assistance par une tierce personne

Ce poste de préjudice correspond à l'aide nécessaire pour accomplir les gestes du quotidien, en raison du handicap. A compter de la date de consolidation, ce préjudice est indemnisé dans les conditions définies par l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale et n'ouvre pas droit à indemnisation complémentaire. Ainsi seul le préjudice avant consolidation peut être indemnisé dans le cadre du présent litige.

L'expert a conclu sur ce point ' aide familiale, parents + 1 soeur, infirmier à domicile, kinésithérapeute'.

M. [S] [P] sollicite à ce titre un complément d'expertise afin de préciser ce besoin, dans sa fréquence et dans sa qualité.

La SAS [7] n'a pas conclu sur ce point, et la Caisse Primaire d'assurance maladie s'en remet à l'appréciation de la cour.

Il résulte du rapport d'expertise que ce chef de préjudice est caractérisé mais son indemnisation suppose que soient précisées la fréquence et la durée de cette assistance.

Un complément d'expertise sera en conséquence ordonné sur ce point.

Sur la demande de majoration de la rente

Cette demande conforme à l'article L 452-2 code de la sécurité sociale n'est pas contestée par les parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Avant dire droit sur l'évaluation du déficit fonctionnel permanent et du besoin d'assistance tierce personne,

Ordonne un complément d'expertise et désigne le Dr [O] [H] - [Adresse 3] [Localité 6] - (tel : [XXXXXXXX01], Port : [XXXXXXXX02]) Mèl : [Courriel 12] avec pour mission de :

- déterminer le déficit fonctionnel permanent de M. [S] [P], étant précisé que le déficit fonctionnel permanent ne doit pas tenir compte de l'incidence professionnelle et étant rappelé que ce poste de préjudice vise à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel de la victime résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-psychologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales,

- quantifier le besoin d'assistance par tierce personne tel que définit dans le rapport d'expertise du 15 novembre 2021.

Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport, et que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions de l'article 232 et 248 et 263 à 284 du code de procédure civile, qu'il pourra en particulier recueillir les déclarations de toutes personnes informées, en présence des parties ou elles dûment convoquées, en leurs observations et explications et y répondre,

Dit que l'expert se fera remettre tous documents, recueillera toutes informations et procédera à toutes constatations de nature à éclairer les questions à examiner,

Fixe à 400 euros le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée au plus tard le 1er juin 2024, par la Caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et transmise par chèque libellé à l'ordre du Régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Nîmes 

Dit que l'expert déposera son rapport dans les quatre mois de sa saisine au greffe de la Cour d'appel de Nîmes et en transmettra copie à chacune des parties,

Désigne M. [N] président ou son délégataire en qualité de magistrat chargé du contrôle de l'expertise,

Sur le fond,

Vu l'arrêt en date du 13 juillet 2021,

Fixe l'indemnisation des préjudices de M. [S] [P] suite à son accident du travail en date du 30 octobre 2008 de la manière suivante :

* 11.121,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 6.000 euros au titre des souffrances endurées,

* 1.500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

* 1.500 euros au titre du préjudice esthétique définitif,

Rappelle qu'il convient de déduire de ces sommes la provision de 5.000 euros allouée par l'arrêt du 13 juillet 2021,

Déboute M. [S] [P] de sa demande au titre du préjudice d'agrément,

Ordonne la majoration de la rente à son taux maximal,

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse,

Condamne la SAS [7] à rembourser à la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse le coût de l'expertise judiciaire, soit la somme de 900 euros,

Rappelle que la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse procédera à l'avance des sommes ainsi allouées à M. [S] [P], et en récupérera le montant auprès de l'employeur

Sursoit à statuer sur la demande relative à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent et du besoin d'assistance par tierce personne, la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens,

Renvoie l'affaire pour l'examen de ces trois demandes à l'audience du 19 novembre 2024 à 14h00,

Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à cette audience.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 23/02915
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.02915 ?
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