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21/03/2024 | FRANCE | N°21/03390

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 21 mars 2024, 21/03390


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/03390 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IFTO



EM/DO



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

16 juin 2021



RG :17/00874





S.A.R.L. [11]





C/



[L]

S.A.S. [7]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 8]



















Grosse délivrée le 21 MARS 2024 à :
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- Me FLOUTIER

- Me BLANC

- Me VAJOU

- CPAM [Localité 8]













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 21 MARS 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ de NIMES en date du 16 Juin 2021, N°17/00874



COMPOSITION DE LA COUR ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/03390 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IFTO

EM/DO

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

16 juin 2021

RG :17/00874

S.A.R.L. [11]

C/

[L]

S.A.S. [7]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 8]

Grosse délivrée le 21 MARS 2024 à :

- Me FLOUTIER

- Me BLANC

- Me VAJOU

- CPAM [Localité 8]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 21 MARS 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ de NIMES en date du 16 Juin 2021, N°17/00874

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Janvier 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 Mars 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. [11]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Représentée par Me Romain FLOUTIER de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [I] [L]

né le 29 Mai 1977 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Pierre-henry BLANC de la SELARL BLANC-TARDIVEL-BOCOGNANO, avocat au barreau de NIMES

S.A.S. [7]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, avocat au barreau de NIMES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 8]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par M. [M] [W] en vertu d'un pouvoir spécial

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Mars 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [I] [L] qui a été embauché par la SARL [11] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 29 décembre 2008 en qualité de conducteur d'engins, a été victime d'un accident du travail le 1er septembre 2015 alors qu'il conduisait une pelleteuse louée par son employeur auprès de la SAS [7].

Les circonstances de l'accident ont été décrites dans la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur à cette même date : 'conduite mini-pelle - retournement de la pelle'.

Le certificat médical initial établi le même jour au centre hospitalier de [Localité 12] fait état d'un 'fracas ouvert et crush syndrome jambe gauche type III et 1/3 moyen 2 os jambe gauche'.

Le 09 septembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du [Localité 8] a notifié sa décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.

L'état de santé de M. [I] [L] a été déclaré consolidé à la date du 31 mars 2017 et un taux d'incapacité permanente partielle de 70% lui a été attribué à compter du 1er avril 2017.

Sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de la SARL [11] dans l'accident dont il a été victime, M. [I] [L] a saisi la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM du [Localité 8] pour mettre en oeuvre la procédure de conciliation.

Après échec de cette procédure concrétisé par la signature d'un procès-verbal de non-conciliation le 13 octobre 2017, M. [I] [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard par requête du 20 octobre 2017, aux mêmes fins.

Par acte en date du 16 janvier 2019, la SARL [11] a appelé en cause la Sas [7].

Par jugement du 11 décembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Nîmes a :

- dit que l'accident dont a été victime M. [I] [L] est dû à la faute inexcusable de l'employeur et que la victime a droit à l'indemnisation complémentaire prévue par les articles L 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale,

- ordonné la majoration de la rente selon les dispositions légales et réglementaires du code de la sécurité sociale,

- accordé à M. [I] [L] une provision d'un montant total de 30 000 euros à valoir sur les différents chefs de préjudices,

- dit que cette somme provisionnelle sera avancée par la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8] avec faculté de récupération auprès de la Sarl [11],

- ordonné sur la demande de réparation des préjudices, une expertise médicale judiciaire aux frais avancés de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8],

- condamné la Sarl [11] à rembourser à la Caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8], dans le délai de quinzaine, les sommes dont elle aura fait l'avance, assortie des intérêts légaux en cas de retard,

- sursis à statuer sur les autres demandes,

- déclaré le jugement opposable à la Sas [7],

- déclaré le jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8],

- renvoyé l'affaire à la conférence présidentielle du 28 mai 2020 à 9 heures,

- rappelé aux parties que leur présence à l'audience de mise en état du 28 mai 2020 n'est pas requise,

- réservé les dépens.

Le 1er juillet 2020, le Docteur [S] [Z] a déposé son rapport d'expertise.

Par jugement du 16 juin 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes a:

Vidant son avant dire droit en date du 11 décembre 2019,

- homologué le rapport d'expertise du Docteur [Z],

- fixé les préjudices complémentaires revenant à [I] [L] ainsi qu'il suit:

* déficit fonctionnel temporaire : 17 175 euros

* souffrances physiques et morales : 50 000 euros

* préjudice esthétique permanent : 30 000 euros

* préjudice d'agrément : 10 000 euros

* préjudice sexuel : 12 000 euros

* assistance tierce personne : 880 euros

* adaptation du véhicule : 8 000 euros

* préjudice permanent atypique : 35 000 euros

* frais divers : 1 088,78 euros

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8] versera directement, sous déduction de la provision de 30 000 euros les indemnités ci-dessus à [I] [L],

- dit que la caisse primaire récupérera les sommes avancées par elle auprès de la Sarl [11] dans un délai de quinzaine et avec intérêts au taux légal en cas de retard,

- condamné la Sarl [11] à payer à M. [I] [L] une somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté comme non fondées toutes autres conclusions contraires ou plus amples des parties,

- déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8],

- déclaré le jugement opposable à la société [7],

- condamné la Sarl [11] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.

Par acte du 10 septembre 2021, la SARL [11] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 27 août 2021.

L'affaire a été fixée à l'audience du 27 juin 2023 puis a été déplacée à l'audience du 16 janvier 2024 à laquelle elle a été retenue.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens soulevés à l'appui de ses prétentions, la SARL [11] demande à la cour de :

- dire et juger son appel recevable et bien fondé, tant sur la forme que sur le fond,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes en date du 16 juin 2021, en ce qu'il a :

* alloué à M. [L] la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

* alloué à M. [L] la somme de 880 euros au titre de l'assistance à tierce personne,

* alloué à M. [L] la somme de 8 000 euros au titre de l'adaptation du véhicule,

* alloué à M. [L] la somme de 1 088,78 euros au titre des frais divers,

- le réformer sur les chefs de jugements expressément critiqués,

Et statuant à nouveau,

- fixer les préjudices revenant à M. [I] [L] ainsi qu'il suit :

Déficit fonctionnel temporaire :

- allouer à M. [I] [L] la somme de 7 000 euros au titre des gênes temporaires totales du 1er septembre 2015 au 10 juin 2016,

- allouer à M. [I] [L] la somme de 237,50 euros au titre des gênes temporaires partielles à hauteur de 50% du 11 juin 2016 au 30 juin 2016,

- allouer à M. [I] [L] la somme de 1 350 euros au titre des gênes temporaires partielles à hauteur de 30% du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2016,

Souffrances endurées :

- ramener à de plus justes proportions l'indemnité à allouer M. [I] [L], dont le montant ne saurait excéder la somme de 30 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées,

Préjudice esthétique :

- allouer à M. [I] [L] la somme de 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- allouer à M. [I] [L] la somme de 8 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

Préjudice sexuel :

- débouter M. [I] [L] de sa demande,

Sur le préjudice permanent exceptionnel atypique lié au préjudice permanent,

- débouter M. [I] [L] de sa demande,

En tout état de cause,

- déduire du montant global de l'indemnisation la somme provisionnelle de 30 000 euros perçue par M. [I] [L],

- dire et juger que les condamnations prononcées à l'encontre de la société [11] seront opposables à la société [7],

- condamner M. [I] [L] à lui porter et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens liés à la présente instance.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens soulevés à l'appui de ses prétentions, M. [I] [L] demande à la cour de :

- débouter l'appelante de l'intégralité de leurs demandes,

- reformant partiellement le jugement en date du 16 juin 2021,

- condamner la Caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8] et la société [11] à lui verser les sommes suivantes :

- déficit fonctionnel temporaire : 17 175 euros

- souffrances endurées : 90 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 15 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 25 000 euros

- préjudice d'agrément : 12 000 euros

- préjudice sexuel : 12 000 euros

- assistance tierce personne : 880 euros

- adaptation véhicule et domicile : 10 000 euros

- préjudice permanent exceptionnel atypique lié au préjudice permanent : 35 000 euros

- frais divers : 1088,78 euros

- condamner la société [11] et la Caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8] à verser la somme complémentaire de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel outre aux entiers dépens.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens développés à l'appui de ses prétentions, la SAS [7] demande à la cour de:

Statuant sur l'appel formé par la société [11] à l'encontre du jugement du 16 juin 2021,

Faire droit à l'appel incident de la concluante,

Y faisant droit,

- réformer le jugement RG 17/00874 rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale, le 16 juin 2021 des chefs ayant :

' Vidant son avant dire droit en date du 11 décembre 2019,

- homologué le rapport d'expertise du Docteur [Z] ;

- fixé les préjudices complémentaires revenant à [I] [L] ainsi qu'il suit:

* déficit fonctionnel temporaire : 17 175 euros

* souffrances physiques et morales : 50 000 euros

* préjudice esthétique permanent : 30 000 euros

* préjudice d'agrément : 10 000 euros

* préjudice sexuel : 12 000 euros

* assistance tierce personne : 880 euros

* adaptation du véhicule : 8 000 euros

* préjudice permanent atypique : 35 000 euros

* frais divers : 1088,78 euros

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8] versera directement, sous déduction de la provision de 30 000 euros les indemnités ci-dessus à [I] [L],

- dit que la caisse primaire récupérera les sommes avancées par elle auprès de la SARL [11] dans un délai de quinzaine et avec intérêts au taux légal en cas de retard,

- condamné la SARL [11] à payer à M. [I] [L] une somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté comme non fondées toutes autres conclusions contraires ou plus amples des parties,

- déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8],

- déclaré le jugement opposable à la société [7],

- condamné la SARL [11] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.'

Statuant à nouveau :

- déclarer satisfactoires les offres contenues aux présentes et faisant corps avec le dispositif,

- débouter M. [L] de ses demandes d'indemnisations concernant le préjudice sexuel, les frais divers et le préjudice permanent exceptionnel, ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- débouter M [L], la société [11] et la Caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- dire n'y avoir lieu de statuer sur les dépens.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, la CPAM du [Localité 8] demande à la cour de :

A titre liminaire :

- ordonner la jonction des recours n°21700962 et n°21700975,

Sur la liquidation des préjudices :

- fixer le quantum des indemnités allouées au titre des préjudices subis par M. [I] [L] dans les proportions reconnues par la jurisprudence,

- condamner l'employeur à lui rembourser dans le délai de quinzaine les sommes dont elle aura fait l'avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard,

- rejeter toute condamnation au titre de au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Aux termes de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime a le droit de demander à l'employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

En application de cette disposition, telle qu'interprétée par le Conseil constitutionnel (décision n°2010-8 du 18 juin 2010 sur QPC) et la Cour de cassation (Cass. civ.2ème, 13 février 2014 n°13-10548, assemblée plénière 20 janvier 2023, n°20-23.673), peuvent également être indemnisés le déficit fonctionnel avant et après consolidation, l'assistance par tierce personne avant consolidation, les frais d'aménagement du véhicule et du logement, le préjudice sexuel, le préjudice permanent exceptionnel, le préjudice d'établissement, le préjudice scolaire, les dépenses de santé non prises en charge et les frais divers, postes de préjudice non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Les autres chefs de préjudices couverts par les dispositions du code de la sécurité sociale, même partiellement, ne peuvent faire l'objet d'une indemnisation complémentaire.

En l'espèce, les conclusions du rapport déposé le 08 juin 2020 par le Docteur [S] [Z] sont précises et détaillées, non sérieusement remises en cause par les parties et constituent une base fiable de l'évaluation des préjudices subis par M. [I] [L].

L'expert mentionne dans son rapport la nature des lésions subies par M. [I] [L] consécutivement à l'accident du travail dont il a été victime le 01 septembre 2015 : fracture ouverte de la jambe gauche, fracture comminutive avec un important délabrement des tissus mous, dont l'évolution a été compliquée d'une infection osseuse qui a nécessité une prise en charge médico-chirurgicale complexe avec : plusieurs interventions pour résection des tissus nécrosés et mise en place d'un VAC, recouvrement de la perte de substance par un lambeau de grand dorsal et par une greffe cutanée, poly antibiothérapie par voie intraveineuse. Malgré les soins prodigués, l'évolution a été défavorable, et il a fallu pratiquer une amputation de la jambe gauche le 24/03/2016.

L'expert a retenu la date de consolidation qui avait été fixée par le médecin conseil de la CPAM du [Localité 8], soit le 01/04/2017.

Sur les souffrances endurées':

Il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

En l'espèce, le Dr [S] [Z] conclut dans son rapport sur ce chef de préjudice': les souffrances endurées avant consolidation justifient compte tenu de la gravité des lésions du traitement chirurgical (neuf interventions), de la durée de l'hospitalisation, du programme de rééducation et des souffrances morales à l'amputation, une cotation de six sur une échelle de sept degrés.

M. [I] [L] sollicite l'allocation d'une somme de 90 000 euros au motif que :

- il a ressenti des 'souffrance atroces' au moment où sa jambe a été coincée par la mini-pelle le jour de l'accident et une 'panique extrême face à l'impossibilité de la dégager',

- il a eu peur lors de son hospitalisation d'être amputé, ce qui sera finalement le cas quelques mois plus tard,

- il a subi neuf opérations chirurgicales à l'origine d'importantes douleurs,

- il a souffert d'un pneumothorax très douloureux suite au retrait d'un drain thoracique sans anesthésie,

- il a également souffert après son amputation intervenue le 24 mars 2016 pendant la longue période de rééducation,

- encore ce jour, les douleurs physiques sont persistantes,

- il a connu une douleur psychologique très importante résultant de la peur de devoir subir une amputation de la jambe,

- l'accident a été traumatisant et il lui arrive de faire des cauchemars,

- il a refusé à ce jour un suivi psychologique compte tenu de son état dépressif, ne parvenant pas à surmonter son opposition à tout contact et tout rendez-vous.

La SARL [11] propose d'indemniser ce chef de préjudice à hauteur de 30 000 euros ; la société soutient que l'argumentation développée par M. [I] [L] à ce titre, port douloureux et complexe de la prothèse, est redondante avec le poste de préjudice retenu au titre du préjudice permanent exceptionnel atypique, que M. [I] [L] n'a fait l'objet d'aucun suivi psychologique depuis sa sortie d'hôpital en 2016, que l'état dépressif allégué, qui n'est pas justifié, ne serait justifier à lui seul le versement d'une indemnité excessive alors que selon le référentiel de l'ONIMA 2018, l'indemnisation allouée à la victime d'une soufrrance estimée à 6/7 est évaluée entre 20 014 euros et 27 078 euros.

La SAS [7] considère qu'une somme de 25 000 euros peut être allouée en réparation de ce préjudice, et soutient que non seulement la somme sollicitée par M. [I] [L] et celle retenue par les premiers juges ne sont pas conformes à la jurisprudence constante des cours et

tribunaux, mais encore l'argumentaire soutenu présente maints défauts ; elle fait «double emploi» avec le préjudice retenu au titre du « préjudice permanent exceptionnel atypique» ; M. [I] [L] revendique un état dépressif alors que depuis sa sortie d'hôpital en juin 2016, il n'a fait l'objet d'aucun suivi psychologique et que de toute façon cette allégation n'est étayée par aucun justificatif.

La CPAM du [Localité 8] ne formule aucune observation particulière sur cette demande.

Force est de constater que M. [I] [L] ne produit aucune pièce médicale de nature à mettre en évidence l'apparition d'un syndrome dépressif consécutivement à l'accident du travail et aux soins et interventions chirurgicales qui en ont résulté.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir le montant de l'indemnisation retenue par les premiers juges qui apparaît juste, soit 50 000 euros et le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

La réparation du déficit fonctionnel temporaire (DFT) inclut, pour la période antérieure à la consolidation l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation ; les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique ne sont pas couvertes par le livre IV du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, l'expert conclut, sur ce point, de la façon suivante': M. [I] [L] a été hospitalisé de façon continue dans divers hôpitaux du 01/09/2015 au 01/06/2016 ; il a ensuite regagné son domicile où il a déambulé avec deux béquilles jusqu'à la fin du mois de juin 2016, puis avec une béquille jusqu'à la fin de l'année 2016 ; l'accident a entraîné : un DFT total du 01/09/2015 au 10/06/2016, un DFT partiel à 50% du 11/06/2016 au 30/06/2016, un DFT partiel à 30% du 01/07/2016 au 31/12/2016.

M. [I] [L] sollicite au titre de la période de DFT totale une somme de 14 000 euros calculée sur la base d'une indemnisation mensuelle de 1 500 euros, pour la période de DFT partiel à 50%, une somme de 475 euros et pour la période de DFT partiel à 30% la somme de 2700 euros, soit un total de 17 725 euros.

La SARL [11] s'oppose à la demande de M. [I] [L] sur le quantum, au motif que la valeur par jour retenue par ce dernier est particulièrement excessive et ne correspond pas au montant que la cour d'appel de Nîmes a l'habitude d'appliquer, que les premiers juges sans tenir compte de ces jurisprudences récentes, l'a indemnisé sur la base d'une valeur de 50 euros par jour, alors qu'aucun élément ne vient justifier qu'une telle valeur soit retenue.

La SAS [7] s'oppose de la même manière à la demande de M. [I] [L] concernant son quantum, au motif que de jurisprudence constante, il est octroyé une indemnisation de 25 euros par jour.

La CPAM du [Localité 8] ne formule pas d'observation particulière sur cette demande.

Les premiers juges ont appliqué une indemnisation journalière de 50 euros sans apporter la moindre explication sur ce montant qui apparaît supérieur à celui habituellement retenu en la matière, de sorte qu'il convient de prendre en compte, plutôt, une indemnisation calculée sur la base d'une indemnité journalière de 25 euros.

M. [I] [L] sera donc réparé de ce chef de préjudice par l'allocation d'une somme de 7000 euros au titre du DFT total, celle de 237,50 euros au titre du DFT partiel à 50% et celle de 1350 euros au titre du DFT partiel à 30%, soit un total de 8 587,50 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur le préjudice d'agrément':

Ce préjudice mentionné à l'article L452-3 vise exclusivement l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisir.

En l'espèce, le Docteur [S] [Z] conclut dans son rapport, sur ce point': M. [I] [L] est incapable, du fait de la mauvaise tolérance de la prothèse, de reprendre le vélo de route. Son état ne l'empêche pas de pratiquer la natation.

M. [I] [L] sollicite à ce titre une somme de 12 000 euros au motif qu'il ne peut plus pratiquer régulièrement le vélo de route à un 'niveau sérieux', qu'il avait acquis quatre mois avant son accident un vélo d'une valeur de 7 990 euros et que s'il n'était pas un cycliste professionnel, il était bien un amateur aguerri. A l'appui de ses prétentions, M. [I] [L] produit d'une part, plusieurs attestations de proches qui démontrent qu'il pratiquait régulièrement le vélo notamment le week-end et pendant les vacances où il pouvait parcourir jusqu'à 100/120 kms, d'autre part une facture établie à son nom par [6] relative à l'achat d'un vélo de route et à des accessoires à son nom, datée du 06/06/2015 et d'un montant de 8 181,35 euros.

La SARL [11] propose une indemnisation à hauteur de 10 000 euros ; elle soutient que les attestations ne permettent pas d'établir son niveau sportif, que quand bien même il aurait effectué l'achat d'un vélo quelques mois avant l'accident, il n'est pas démontré que ce vélo sophistiqué a été acquis pour son activité personnelle, que de toute évidence, M. [I] [L] était un amateur et ne participait pas à des compétitions.

La SAS [7] prétend que ce préjudice peut être réparé par la somme de 5 000 euros, les pièces produites par M. [I] [L] ne précisant pas son niveau dans la pratique de vélo.

La CPAM du [Localité 8] ne formule aucune observation particulière sur ce point.

Au vu des éléments qui précèdent il apparaît que la somme de 10 000 euros retenue par les premiers juges est juste ; le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur le préjudice sexuel':

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement partiellement ou totalement, l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice à l'acte sexuel ' libido, perte de capacité physique ) et la fertilité ( fonction de reproduction). L'évaluation de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.

En l'espèce, l'expert note dans son rapport sur ce point': M. [I] [L] allègue une perte de la libido depuis l'accident, qui n'a fait l'objet d'aucune prise en charge médicale ou psychologique. L'accident n'entraîne pas d'atteinte des organes sexuels et ne rend pas toute procréation impossible.

M. [I] [L] sollicite à ce titre l'allocation d'une somme de 12 000 euros, en raison d'une perte de la libido et de son impossibilité de 'se dévoiler tel qu'il est physiquement' dans son intimité et qu'il connaît un blocage psychologique qui perdure.

La SARL [11] conclut au rejet des prétentions de M. [I] [L] au motif que l'accident n'a eu aucune incidence irréversible quant à une éventuelle procréation, que M. [I] [L] est défaillant à rapporter la preuve qu'il subirait soit un préjudice morphologique, soit un préjudice lié à la vie sexuelle elle-même ou un préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté de procréer.

La SAS [7] conclut également au rejet des prétentions de M. [I] [L] au motif que l'expert a relevé qu'aucune prise en charge médicale ou psychologique n'est intervenue.

La CPAM du [Localité 8] ne formule aucune observation particulière sur cette demande.

Au vu des éléments qui précèdent, si l'accident du travail dont M. [I] [L] a été victime le 01 septembre 2015 n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux organes sexuels, et que l'acte de procréation n'est pas rendu impossible, il n'en demeure pas moins que M. [I] [L] évoque une perte de libido qui s'explique aisément par les lésions corporelles qui sont apparues des suites du fait accidentel et qui constituent un handicap certain au déroulement normal de sa vie sexuelle, même s'il y a lieu de noter que M. [I] [L] n'a mis en oeuvre aucun suivi psychologique.

Il y a lieu en conséquence de fixer la réparation de ce préjudice à la somme de 4 000 euros. Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur le préjudice esthétique':

Ce préjudice doit être réparé en fonction notamment de l'âge, du sexe et de la situation personnelle et de famille de la victime.

En l'espèce, M. [I] [L] était âgé de 38 ans au moment de la survenue de l'accident de travail, célibataire, domicilié chez ses parents et sans enfant.

L'expert a relevé sur ce point :

* préjudice esthétique temporaire : M. [I] [L] a présenté pendant la durée d'évolution des lésions un préjudice esthétique temporaire qui peut être évalué à 'quatre' sur sept (4/7); cette cotation est justifiée par le maintien prolongé du fixateur externe et des pansements de la jambe gauche, et par l'altération de la présentation générale liée aux déplacements en fauteuil roulant puis avec des béquilles ;

* préjudice esthétique permanent : l'amputation de la jambe gauche appareillée par une prothèse et la boiterie entraînent un préjudice esthétique permanent que j'évalue à 'trois et demi' sur sept (3,5/7).

M. [I] [L] sollicite une somme de 15 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et celle de 25 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, précise qu'il a conservé une cicatrice de 28 cms sur le grand dorsal correspondant à un prélèvement effectué pour une greffe et de multiples cicatrices sur les faces antérieure, latérale et interne de la cuisse gauche, que la vision du moignon et de l'appeillage est fortement disgracieux, qu'en raison des difficultés à adapter correctement la prothèse, il boîte constamment avec une vision 'jambe raide', qu'il ne peut plus se mettre en short et en maillot de bain et doit porter des survêtements pour favoriser la rotation de la prothèse.

La SARL [11] soutient que l'octroi d'une somme de 15 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire est excessif quand bien même la présentation générale de M. [I] [L] lui a causé un préjudice, le temps de la durée de son hospitalisation, et celle retenue par les premiers juges apparaît surestimée et en inadéquation avec la graduation retenue par l'expert judiciaire. Elle propose une indemnisation de 4 000 euros. S'agissant du préjudice esthétique permanent, la société soutient que la somme réclamée par M. [I] [L] est disproportionnée et que celle retenue par les premiers juges injustifiée ; elle propose l'allocation d'une somme de 8 000 euros.

La SAS [7] soutient que l'article L452-3 du code de la sécurité sociale ne distingue pas entre préjudice esthétique temporaire et permanent, qu'il y a lieu de globaliser les deux préjudices et d'octroyer à M. [I] [L] une somme de l'ordre de 5 000 à 6 000 euros.

La CPAM du [Localité 8] ne formule pas d'observation particulière sur ce préjudice.

Au vu des éléments qui précèdent, il convient d'allouer à M. [I] [L] au titre du préjudice esthétique temporaire une somme de 7 000 euros et au titre du préjudice esthétique permanent celle de 10 000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur l'assistance à tierce personne:

Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne pendant la maladie traumatique ne saurait être subordonné à la production de justifications des dépenses effectives ni réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille'; la victime a le droit à une indemnité correspondant à ce qu'elle aurait payé si elle avait fait appel à un salarié extérieur et cette indemnité doit être calculée sur une base horaire, charges comprises.

En l'espèce, l'expert a relevé sur ce point : M. [I] [L] est célibataire est vit chez ses parents. Il a eu besoin après son retour à domicile de l'aide de sa mère pour la réalisation des actes de la vie quotidienne et pour déplacements en voiture chez le kinésithérapeute. Cette aide a été nécessaire : une heure par jour du 10/06/2016 au 30/06/2016, deux heures par semaine du 01/07/2016 au 31/12/2016.

M. [I] [L] sollicite à ce titre l'allocation d'une somme de 880 euros calculée sur la base d'un taux horaire de 20 euros.

La SARL [11] n'est pas opposée à cette demande à laquelle les premiers juges ont fait droit.

La SAS [7] conclut à la réformation du jugement au motif qu'une indemnisation doit pouvoir intervenir sur la base de 13 euros de l'heure s'agissant d'une aide à caractère familial dépourvue de toute compétence particulière sur le plan technique ce qui donne une indemnisation de 611 euros, que le tribunal a accordé la somme sollicitée par M. [I] [L] sans se référer au caractère de cette aide humaine.

La CPAM du [Localité 8] ne formule aucune observation particulière sur ce chef de préjudice.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 20 euros.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur l'adaptation du véhicule :

L'indemnisation ne consiste pas dans la valeur totale du véhicule adapté, mais seulement dans la différence de prix entre le prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfaisait ou se serait satisfait la victime..

En l'espèce, le Docteur [S] [Z] a relevé sur ce point : M. [I] [L] a besoin, en raison des séquelles de l'accident, d'un aménagement de son véhicule qui doit être équipé d'une boîte de vitesses automatique. Au niveau du logement, le seul aménagement nécessaire est la mise en place d'un tabouret de douche.

M. [I] [L] sollicite l'allocation d'une somme de 10 000 euros pour l'adaptation du véhicule correspondant au surcoût de dépense au niveau de l'achat par rapport au véhicule qui l'aurait satisfait sans omettre les frais de renouvellement tous les 7/8 ans ; il indique qu'actuellement la différence de tarif entre un véhicule avec boîte automatique ou boîte manuelle est de l'ordre de 2 000 euros et que l'on doit considèrer qu'il changera de véhicule jusqu'à l'âge de 80 ans avec une rotation de 7 ans en moyenne, soit 5 renouvellements.

La SARL [11] demande la confirmation du jugement qui a retenu la somme de 8 000 euros, somme qui serait conforme à une enquête réalisée par l'association [4] et [13] qui évalue le surcoût moyen à 1 600 euros.

La SAS [7] conclut à la réformation du jugement au motif que les premiers juges ont accordé la somme de 8 000 euros sans s'en l'expliquer.

La CPAM du [Localité 8] ne formule aucune observation particulière sur ce point.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et les documents produits par la SARL [11] en lien avec une enquête de l'association [4] et d'un article de RTBF intitulé 'boîte automatique contre boîte manuelle...' , il apparaît que le surcoût pour l'installation d'une boîte automatique s'élève à environ 1 600 euros ; par ailleurs, le renouvellement de sept ans de l'équipement apparaît conforme aux exigences de sécurité.

L'indemnisation due à la victime s'élève ainsi à la somme de 9481 euros : 1 600 + [(1600 :7) x 34,481] = (1 euro de rente viagère pour un homme de 46 ans en 2024).

Il y a lieu en conséquence de retenir le montant de cette évaluation et d'infirmer le jugement entrepris en ce sens.

Sur le préjudice permanent exceptionnel atypique lié au préjudice permanent :

Il convient d'indemniser les préjudices atypiques directement liés au déficit fonctionnel permanent. Il s'agit de préjudices spécifiques soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature de l'accident à l'origine du dommage (notamment caractère collectif des catastrophes naturelles ou industrielles ou d'attentats).

Pour la Cour de cassation «le préjudice permanent exceptionnel' correspond à un préjudice extra-patrimonial atypique, directement lié au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d'attentats.

La Cour de cassation exige des juridictions du fond de caractériser un poste de préjudice permanent exceptionnel distinct des autres postes de préjudice et notamment du déficit fonctionnel permanent.

En l'espèce, l'expert relève dans son rapport, au paragraphe réservé aux réponses aux observations que M. [I] [L] présente malgré plusieurs changements et adaptations une mauvaise tolérance de sa prothèse de jambe qui ne lui permet pas d'effectuer des marches prolongées, et l'oblige à déboîter sa prothèse lorsqu'il reste longtemps assis, que cette mauvaise tolérance constitue un préjudice permanent exceptionnel atypique lié à son handicap permanent.

M. [I] [L] sollicite la somme de 35 000 euros à ce titre que malgré plusieurs révisions, l'adaptation à la prothèse est totalement insatisfaisante, qu'il s'agit d'un préjudice totalement spécifique à la situation qu'il vit.

La SARL [11] conclut au rejet de cette demande au motif que la mauvaise tolérance à la prothèse a fait d'ores et déjà l'objet d'une indemnité au titre du poste de préjudice des souffrances endurées, que de toute évidence, la demande indemnitaire de M. [I] [L] ne remplit pas les critères habituels pour bénéficier d'une indemnité complémentaire eu égard au caractère exceptionnel du préjudice subi.

La SAS [7] conclut dans le même sens, soutenant que non seulement M. [I] [L] ne remplit pas les conditions posées par la jurisprudence constante mais ce poste de préjudice ne fait pas partie de la liste exhaustive de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale comme il n'est pas davantage envisagé dans les arrêts rendus par la Cour de cassation ou de l'avis rendu par le Conseil constitutionnel en 2010.

Force est de constater que M. [I] [L] ne justifie pas avoir subi un préjudice exceptionnel distinct de celui résultant des souffrances endurées ou du déficit fonctionnel permanent, celui-ci motivant sa demande par la persistance de douleurs et blessures résultant du frottement entre la prothèse et le moignon et de la nécessité d'enlever la prothèse en position assise, alors que ces doléances se rattachent manifestement aux souffrances endurées et au déficit fonctionnel permanent.

M. [I] [L] sera donc débouté de ce chef de demande et le jugement infirmé en ce sens.

Sur les frais divers :

Il s'agit des frais liés à l'hospitalisation : location de TV et chambre individuelle notamment. Il convient d'accorder à la victime le confort dont elle aurait bénéficié si l'accident ne s'était pas produit.

En l'espèce, M. [I] [L] sollicite le remboursement des frais d'accès à la télévision lorsqu'il était hospitalisé à hauteur de 1 088,78 euros et produit à l'appui de sa demande plusieurs factures et des reçus de prestations assurées par [9] concernant la location d'une télévision et de programmes télévisés pendant la période son hospitalisation.

La SARL [11] ne s'oppose à cette demande et sollicite la confirmation du jugement entrepris.

La SAS [7] conclut au rejet de cette demande au motif qu'elle ne figure pas dans la liste des préjudices indemnisables.

La CPAM du [Localité 8] ne formule aucune observation particulière sur ce chef de demande.

Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il convient de faire droit à la demande de M. [I] [L] qui est justifiée et de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

En conséquence, l'indemnisation des préjudices subis par M. [I] [L] s'élève à la somme de 101 037,28 euros (souffrances endurées 50 000 euros, DFT 8 587,50 euros, préjudice d'agrément 10 000 euros, préjudice sexuel 4 000 euros, préjudice esthétique 17 000 euros, tierce personne 880 euros, frais adaptation véhicule 9 481 euros, et frais divers 1088,78 euros).

De cette somme, il convient de déduire la somme de 30 000 euros déjà versée à M. [I] [L] à titre de provision par la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8].

En application des dispositions de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, les sommes allouées à M. [I] [L] seront versées directement par la caisse d'assurance maladie du [Localité 8], laquelle pourra récupérer les sommes déjà versées et les sommes allouées à M. [I] [L] auprès de son employeur, la société SARL [11], en ce compris les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 16 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale en ce qu'il a :

- fixé les préjudices complémentaires revenant à [I] [L] ainsi qu'il suit :

* souffrances physiques et morales : 50 000 euros

* préjudice d'agrément : 10 000 euros

* assistance tierce personne : 880 euros

* frais divers : 1 088,78 euros

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8] versera directement, sous déduction de la provision de 30 000 euros les indemnités ci-dessus à [I] [L],

- dit que la caisse primaire récupérera les sommes avancées par elle auprès de la Sarl [11] dans un délai de quinzaine et avec intérêts au taux légal en cas de retard,

- condamné la Sarl [11] à payer à M. [I] [L] une somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8],

- déclaré le jugement opposable à la société [7] ;

- condamné la Sarl [11] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise

L'infirme pour le surplus,

Statuant de nouveau sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Fixe les préjudices complémentaires revenant à M. [I] [L] de la façon suivante :

* déficit fonctionnel temporaire : 8 587,50 euros,

* préjudice sexuel : 4 000 euros,

* préjudice esthétique : temporaire 7 000 euros, permanent 10 000 euros,

* adaptation du véhicule : 9 481 euros,

Condamne la SARL [11] à payer à M. [I] [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la SAS [7] et à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 8],

Condamne la SARL [11] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 21/03390
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;21.03390 ?
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