COUR D'APPEL
DE NÎMES
indemnisation à raison d'une détention provisoire
DÉCISION N°24/3
R.G : N° RG 23/00555 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IW3Z
MA/ED
[I] [W]
C/
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
MINISTERE PUBLIC
DÉCISION DU 12 MARS 2024
DEMANDEUR :
Monsieur [Z] [I] [W]
né le [Date naissance 1] 2004 à [Localité 7]
Chez Maîtres NGUYEN PHUNG et MONFORT Avocats
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Mathieu MONTFORT de la SARL NGUYEN PHUNG, MONTFORT, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me POUILLAUDE, avocat au barreau de MARSEILLE
CONTRE :
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Jérémy ROCHE, avocat au barreau de MONTPELLIER
LE MINISTERE PUBLIC
Palais de Justice
[Adresse 6]
[Localité 7]
EN PRÉSENCE DE :
Monsieur le Procureur Général près la COUR d'APPEL de NÎMES
DÉBATS :
Les débats ont eu lieu devant M. Michel ALLAIX, Premier Président et Mme Ellen DRÔNE, Greffière, à l'audience publique du 13 Février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Mars 2024. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
Le demandeur a été avisé de la faculté qu'il a de s'opposer à ce que les débats aient lieu en audience publique ;
Le demandeur, ou son Conseil, a été entendu en ses conclusions ;
Maître ROCHE a plaidé pour l'Agent Judiciaire de l'Etat ;
Le Procureur Général a développé ses conclusions
Les parties ont été entendues en leurs répliques, le demandeur ou son avocat ayant eu la parole en dernier.
DÉCISION :
Décision contradictoire prononcée publiquement et signée par M. Michel ALLAIX, Premier Président, le 12 Mars 2024, en présence de Mme Ellen DRÔNE, Greffière, par mise à disposition au greffe de la Cour,
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* *
Par requête en date du 11 janvier 2023, M. [Z] [I] [W] demande l'indemnisation de la période de détention provisoire injustifiée qu'il a subie du 14 juin 2020 au 29 juin 2020.
A l'appui de sa demande, il expose qu'il a été mis en examen du chef de complicité de tentative d'assassinat et placé en détention provisoire à PERPIGNAN, que par ordonnance du 29 juin 2020, la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Nîmes a infirmé ladite ordonnance et l'a placé sous contrôle judiciaire, que le 24 février 2022, qu'une ordonnance de non-lieu a été rendue, et confirmée par arrêt de la Chambre d'instruction en date du 12 juillet 2022, devenu définitif.
Il rappelle qu'il a subi une période de détention provisoire injustifiée, ouvrant droit à indemnisation du 14 juin 2020 au 29 juin 2020, soit 16 jours.
Au titre de son préjudice moral, il demande l'allocation de la somme de 7.500 euros, liée à la brutalité du choc carcéral, à la gravité des faits reprochés et l'ampleur de la peine encourue pour des faits de nature criminelle, à son jeune âge, à l'absence d'antécédent judiciaire, au fait de n'avoir eu de cesse de clamer son innocence dès son interpellation, à la souffrance et l'isolement causés par la séparation familiale étant précisé que le décès de sa mère est intervenu brutalement peu de temps après sa libération, et aux conditions de détention au Centre pénitentiaire de [Localité 8] auxquelles il a du faire face, outre la somme de 1 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Par conclusions en date du 26 septembre 2023, l'agent judiciaire de l'Etat conclut :
- sur le préjudice moral, à l'allocation de la somme de 4 700 euros. Il relève le jeune âge de M. [I] [W] lors de son placement en détention provisoire, la nature criminelle des faits dont il était poursuivi, l'absence d'antécédents judiciaires, que les difficultés évoquées sont plus en lien avec la procédure d'instruction dont il faisait l'objet que concernant sa période d'incarcération. Il souligne cependant l'absence de majoration liée aux conditions d'incarcération dont il n'est pas rapporté qu'il ait personnellement souffert
Il conclut enfin à la réduction de la demande formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile puisqu'il n'est pas produit de factures au soutien de cette demande.
Le ministère public conclut le 17 novembre 2023 à l'admission de la requête dans les limites proposées par l'agent judiciaire de l'Etat.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes de l'article 149 du Code de Procédure Pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
Ce droit à réparation qui est distinct des procédures d'indemnisation du fonctionnement défectueux des services publics ou d'atteintes à la présomption d'innocence, à l'image à la réputation, suppose donc l'établissement d'un lien de causalité direct et certain entre la détention et le préjudice invoqué.
Sur la recevabilité
Aux termes de l'article 149-2 du code de procédure pénale, la requête doit parvenir au greffe de la commission d'indemnisation dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, d'acquittement ou de relaxe devenue définitive.
La requête a été reçue le 11 janvier 2023 soit dans le délai de six mois suivant le prononcé de l'arrêt de la Chambre d'instruction en date du 12 juillet 2022, devenu définitif.
La requête est donc recevable.
Sur la recevabilité des conclusions de L'AJE
Les articles R.28 et R.31 du code de procédure pénale précisent que dans les 15 jours de la réception de la requête initiale elle est transmise par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'Agent Judiciaire de l'État. Ce dernier doit déposer ses conclusions au greffe de la cour d'appel dans le délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée prévu à l'article R.28. L'agent judiciaire de l'Etat a conclu le 26 septembre 2023. La recevabilité des conclusions de l'agent judicaire de l'état ne fait pas l'objet de contestations dans le présent dossier.
Sur le préjudice moral
Le préjudice moral s'apprécie au regard du casier judiciaire de l'intéressé lors de son placement en détention, de son âge, de sa personnalité, de sa situation familiale, de la durée du placement en détention, d'éventuelles circonstances aggravantes des conditions de détention. Il doit être réparé dans tous les cas même en l'absence de pièces justificatives, la détention subie injustifiée causant nécessairement un préjudice moral.
En l'espèce M [Z] [I] [W] a subi une période de détention provisoire injustifiée, ouvrant droit à indemnisation du 14 juin 2020 au 29 juin 2020 ; soit 16 jours. Il sera tenu compte de son jeune âge au moment de son placement en détention, du fait qu'il s'agissait d'une première incarcération, des conditions de sa détention au Centre pénitentiaire de [Localité 8], loin de son domicile et du fait qu'il a été séparé de sa famille.
Au vu de ces différents éléments, il convient de fixer la réparation du préjudice moral en lien de causalité direct ou exclusif avec la détention à la somme de 4700 euros
PAR CES MOTIFS
Le Premier Président,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière d'indemnisation à raison d'une détention provisoire et en premier ressort,
Vu les articles 149, 150 et 626-1 du code de procédure pénale,
DÉCLARONS recevable la requête déposée par Monsieur [Z] [I] [W] ;
ALLOUONS à Monsieur [Z] [I] [W] :
- La somme de 4700 euros en réparation de son préjudice moral
- La somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Laissons les dépens à la charge de l'état ;
La présente décision a été signée par M. Michel ALLAIX, Premier Président et par Mme Ellen DRÔNE, Greffière lors du prononcé.
LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT,