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06/07/2023 | FRANCE | N°21/00405

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 06 juillet 2023, 21/00405


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/00405 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5TH



CRL/DO



POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

07 décembre 2020



RG :19/00140





[4] ([4])



C/



CPAM DU GARD



















Grosse délivrée le 06 Juillet 2023 à :



- Me BILLET

- CPAM GARD











CO

UR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 07 Décembre 2020, N°19/00140



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00405 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5TH

CRL/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

07 décembre 2020

RG :19/00140

[4] ([4])

C/

CPAM DU GARD

Grosse délivrée le 06 Juillet 2023 à :

- Me BILLET

- CPAM GARD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 07 Décembre 2020, N°19/00140

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Juin 2023 et prorogé ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

[4] ([4])

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry BILLET, avocat au barreau D'ANNECY

INTIMÉE :

CPAM DU GARD

Département des Affaires Juridiques

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par M. [P] en vertu d'un pouvoir spécial

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Juillet 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 16 juin 2018, M. [Z] [B] a adressé à la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard une demande de reconnaissance de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical établi le 7 mai 2018 par le Dr [E] -[X] qui mentionne ' plaques pleurales calcifiées bilatérales ( exposition à l'amiante pendant 23 ans dans le service des eaux )- asbestose pleurale - tableau 30B'

Le colloque médico-administratif a conclu le 23 octobre 2018 à la prise en charge de la pathologie ainsi déclarée au titre de la législation relative aux risques professionnels - tableau 30 B des maladies professionnelles.

Par décision en date du 12 novembre 2018, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard a notifié à la [4], en sa qualité d'employeur de M. [Z] [B], la prise en charge de cette pathologie au titre de la législation relative aux risques professionnels , tableau 30 b des maladies professionnelles.

Sur saisine de la [4], la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard, dans sa séance 7 mars 2019, a confirmé la décision du 12 novembre 2018.

La [4] a saisi le 4 février 2019, par lettre recommandée avec avis de réception, le tribunal de grande instance de Nîmes d'une contestation de cette décision.

Par jugement du 7 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes (RG 19/140), désormais compétent pour connaître de ce litige, a :

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard du 7 mars 2019 ayant confirmé la décision de la Caisse du 12 novembre 2018,

- dit que ces décisions sont opposables à la [4],

- débouté la [4] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la [4] aux entiers dépens de l'instance,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 16 janvier 2021, la [4] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 14 janvier 2021. Enregistrée sous le numéro RG 21 00405 l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 28 mars 2023.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la [4] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- et statuant à nouveau, déclarer inopposable à son égard la décision de reconnaissance de la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard en date du 18 novembre 2018,

- condamner la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes la [4] fait valoir que:

- la seule présence d'amiante dans les locaux est insuffisante à démontrer l'exposition au risque, encore faut-il établir que le salarié concerné y était effectivement exposé,

- le courrier de l'inspection du travail n'a pas de valeur probante suffisante, puisqu'il répond à une situation actuelle et non à celle correspondant à la période de travail de M. [Z] [B],

avant de conclure que l'exposition à l'amiante ' ne peut être écartée',

- il appartient à la Caisse Primaire d'assurance maladie de prouver l'exposition, autrement que par une attestation évasive qui n'a aucun caractère probatoire positif,

- il n'est par exemple produit aucun élément du service prévention de la CARSAT qui a forcément effectué des contrôles sur ce point pendant la période de travail de M. [Z] [B],

- les études statistiques de Santé publique France retiennent que le score d'exposition à l'amiante dans le secteur de l'eau potable est très faible,

- par suite l'exposition habituelle au risque, exigée par le tableau 30 b des maladies professionnelles n'est pas prouvée.

Au terme de ses conclusions écrites, répondant à l'ensemble des demandes présentées par l'appelant, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard demande à la cour de:

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire le 7 décembre 2020,

- déclarer opposable à la [4] la décision de prise en charge de l'affection de M. [B],

- rejeter la demande de condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société.

Au soutien de ses demandes, l'organisme social fait valoir que :

- l'employeur n'a jamais répondu à ses questionnaires dans le cadre de l'instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de M. [B], malgré plusieurs courriers de rappel,

- l'avis de l'inspecteur du travail confirme l'exposition de M. [B] à l'amiante,

- l'employeur ne peut pas lui reprocher aujourd'hui de ne pas prouver l'exposition à l'amiante alors qu'il n'a pas répondu au questionnaire et qu'il a ainsi procédé à une rétention d'information,

- le tribunal en a justement déduit que la preuve de l'exposition au risque était par suite suffisamment rapportée.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Au terme de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la date de déclaration de la maladie professionnelle, issue de la loi du 98-1194 du 23 décembre 1998, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

En cas de recours de l'employeur, il incombe à l'organisme social qui a décidé d'une prise en charge de rapporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau. Il appartient au juge du fond de vérifier que la maladie désignée par le certificat médical initial coïncide avec celle mentionnée par le tableau, sans toutefois s'arrêter à une analyse littérale de ce certificat. A défaut d'avoir été objectivée dans les conditions prévues au tableau qui désigne la maladie professionnelle, la prise en charge de celle-ci n'est pas opposable à l'employeur.

En l'espèce, la Caisse Primaire d'assurance maladie a fait droit à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle présentée par M. [Z] [B] au titre du tableau 30 B des maladies professionnelles - affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussière d'amiante, lequel mentionne :

- Désignation des maladies : plaques calcifiées ou non péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique,

- délai de prise en charge : 40 ans,

- Liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer ces maladies: Travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment: - extraction, manipulation et traitement de minerais et roches amiantifères. Manipulation et utilisation de l'amiante brut dans les opérations de fabrication suivantes : - amiante-ciment ; amiante-plastique ; amiante-textile ; amiante-caoutchouc ; carton, papier et feutre d'amiante enduit ; feuilles et joints en amiante ; garnitures de friction contenant de l'amiante ; produits moulés ou en matériaux à base d'amiante et isolants. Travaux de cardage, filage, tissage d'amiante et confection de produits contenant de l'amiante. Application, destruction et élimination de produits à base d'amiante : - amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits contenant de l'amiante ; démolition d'appareils et de matériaux contenant de l'amiante, déflocage. Travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante. Travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante. Conduite de four. Travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante.

En l'espèce, seule la condition relative à l'exposition au risque est contestée par la [4].

Pour démontrer l'exposition au risque de M. [Z] [B], c'est-à-dire l'exécution de travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard produit:

- le questionnaire renseigné par le salarié le 3 août 2018 qui répond positivement aux questions relatives à la manipulation de matériaux contenant de l'amiante ( en précisant ' tuyau tenite' ( éternit')), à l'exécution de travaux d'usinage, de découpage et de ponçage de matériaux contenant de l'amiante, au travail à proximité immédiate de personnes ayant effectué des travaux sur des matériaux composés d'amiante, et au fait d'avoir inhalé de la poussière d'amiante, et négativement à la question sur le bénéfice de l'allocation des travailleurs de l'amiante,

- l'avis de l'inspecteur du travail en date du 9 août 2018, sur demande de la Caisse Primaire d'assurance maladie, qui précise que la [4] est une filiale du groupe [5] et indique ' si à ce jour l'amiante n'est plus mise en oeuvre à l'occasion de travaux neufs, l'exposition à l'inhalation de fibre est un risque courant lors d'intervention de réparation , de piquage ou de rénovation de réseaux anciens pour lesquels l'amiante a été largement utilisée sous la forme d'amiante-ciment. Monsieur [B] ayant occupé un emploi d'agent de réseau assainissement, son exposition à l'amiante ne peut être écartée.',

- le relevé de carrière de M. [B] qui établit qu'il a été salarié de la [4] jusqu'en 1998, et du 6 mars au 31 décembre 2000 de ' régionale de canalisation', les autres périodes n'étant pas travaillées.

La [4] conteste l'exposition au risque en considérant que l'avis de l'inspecteur du travail repose sur des considérations d'ordre général et en aucun cas sur des constatations propres à la situation spécifique de M. [Z] [B] lors de son activité professionnelle en son sein.

Elle renvoie à une étude établie par Santé publique France en 2004 qui considère que le score d'exposition à l'amiante est considéré comme très faible dans le secteur de l'eau potable, soit 2% de probabilité d'exposition de l'agent de travaux, avec une fréquence d'exposition sporadique, de moins de 2 heures par semaine, et de faible intensité comme étant inférieure de 50% à la valeur limite d'exposition.

De fait, la Caisse Primaire d'assurance maladie n'apporte aucun élément sur les travaux effectivement réalisés par M. [Z] [B], notamment sur la fréquence à laquelle il a pu procéder à des découpages de tuyaux Eternit ( tuyau en amiante-ciment soit un matériau dans lequel les fibres d'amiante sont liées au ciment et représentent 10 à 15% de la matière ), les équipements dont il disposait ou non pour procéder à ces travaux, et donc aucun élément sur les circonstances de son exposition au risque. Les seules réponses positives de l'assuré, sans aucune précision quant à ses conditions de travail ou élément venant les objectiver, sont insuffisantes à établir la réalité de son exposition au risque.

Par ailleurs, l'avis de l'inspecteur du travail qui conclut que 'l'exposition au risque ne peut être écartée' est un avis général pour les agents de réseaux d'assainissement, sans aucun repère de temps ou de condition de travail et qui ne peut venir attester sur la situation précise de M. [Z] [B] lors de son activité salariée pour le compte de la [4], et ce d'autant qu'il n'a exercé les fonctions d'agent de réseau d'assainissement que du 1er janvier 1997 au 24 août 1998 ainsi qu'en atteste le certificat de travail produit par l'employeur.

La Caisse Primaire d'assurance maladie ne peut déduire de l'absence de réponse de la [4] à son questionnaire la réalité de l'exposition au risque dès lors qu'il lui appartient en qualité d'organisme social d'établir cette exposition au risque, et seulement ensuite, à l'employeur qui la contesterait de remettre en cause les éléments ainsi produits.

Par suite, la Caisse Primaire d'assurance maladie ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité de l'exposition au risque de M. [Z] [B].

La décision de prise en charge de la pathologie déclarée par M. [Z] [B] au titre du tableau 30 B des maladies professionnelles est en conséquence inopposable à la [4].

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 7 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes - Contentieux de la protection sociale,

et statuant à nouveau,

Déclare inopposable à l'égard de la [4] la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par M. [Z] [B] au titre de la législation relative aux risques professionnels - tableau 30B des maladies professionnelles,

Juge n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 21/00405
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.00405 ?
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