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06/07/2023 | FRANCE | N°20/02545

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 06 juillet 2023, 20/02545


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/02545 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H2GB



CRL/DO



POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

09 septembre 2020



RG :18/00588





[R] [C]

[R] [C]

[R] [C]



C/



S.A.R.L. [6]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD



















Grosse délivrée le 06 Juillet 2023 à :



-

Me GAY

- Me GINOUX

- CPAM GARD











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 09 Septembre 2020, N°18/00588



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBAT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02545 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H2GB

CRL/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

09 septembre 2020

RG :18/00588

[R] [C]

[R] [C]

[R] [C]

C/

S.A.R.L. [6]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD

Grosse délivrée le 06 Juillet 2023 à :

- Me GAY

- Me GINOUX

- CPAM GARD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 09 Septembre 2020, N°18/00588

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Juin 2023 et prorogé ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Madame [A] [R] [C]

née le 29 Juin 1972 à [Localité 2]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Coralie GAY, avocat au barreau D'ALES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/7813 du 21/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

Madame [M] [R] [C]

née le 15 Décembre 1994 à [Localité 2]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Coralie GAY, avocat au barreau D'ALES

Monsieur [G] [R] [C]

né le 22 Juin 1998 à [Localité 2]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Coralie GAY, avocat au barreau D'ALES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/7814 du 21/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

INTIMÉES :

S.A.R.L. [6]

[Adresse 11]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud GINOUX de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par M. [S] en vertu d'un pouvoir spécial

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Juillet 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 10 décembre 2014, Mme [J] [R] [C] a établi une déclaration d'accident mortel du travail concernant [U] [R] [C], exerçant en qualité de monteur - niveau III compagnon professionnel au sein de la S.A.R.L. [6], accident ainsi décrit ' l'accident s'est produit suite au déchargement d'une grue automatisée transportée par une entreprise de transport. Après avoir descendu les rampes de la remorque, la grue a parcouru quelques mètres puis est montée sur un talus. Cette dernière a basculé d'un quart de tour côté cabine où se trouvait le chauffeur, M. [U] [R] [C]. Il s'est alors retrouvé coincé sous l'engin et n'a pas survécu'.

L'accident a été pris en charge par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard au titre de la législation relative aux risques professionnels et Mme [A] [R] [C], son épouse, M. [G] [R] [C] et Mme [M] [R] [C] ses enfants, se sont vu allouer chacun une rente d'ayant-droit.

Mme [A] [R] [C], M. [G] [R] [C] et Mme [M] [R] [C] ont saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident de travail mortel du 8 décembre 2014 de [U] [R] [C], après l'échec de la procédure amiable le 5 décembre 2016.

Par jugement du 9 septembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes a :

- dit les consorts [R] [C] recevables en leur recours mais le dit mal fondé,

- constaté que la preuve de la faute inexcusable de la société [6] n'est pas rapportée dans l'accident mortel du travail de M. [U] [R] [C],

- débouté les consorts [R] [C] de l'ensemble de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les autres demandes,

- condamné les consorts [R] [C] aux entiers dépens.

Par acte du 9 octobre 2020, Mme [A] [R] [C], M. [G] [R] [C] et Mme [M] [R] [C] ont régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 20 02545, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 28 mars 2023.

Au terme de leurs conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, Mme [A] [R] [C], M. [G] [R] [C] et Mme [M] [R] [C] demandent à la cour de :

- infirmer la décision rendue le 9 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes contentieux de la protection sociale en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes,

En conséquence,

- dire que la société [6] n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour préserver la sécurité de [U] [R] [C],

- dire et juger que la faute inexcusable de la société [6] est constituée au regard de l'accident du travail dont a été victime [U] [R] [C] le 8 décembre 2014,

- déclarer la société [6] entièrement responsable des préjudices subis par eux et résultant de la faute inexcusable de la part de la société [6],

- condamner la société [6] à payer à :

- Mme [A] [R] [C] la somme de 60 000 euros,

- Mme [M] [R] [C] la somme de 60 000 euros,

- M. [G] [R] [C] la somme de 60 000 euros,

- dire opposable le jugement à intervenir à l'encontre de la CPAM du Gard,

- condamner la société [6] à leur payer la somme de l 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'une condamnation aux entiers dépens.

Mme [A] [R] [C], M. [G] [R] [C] et Mme [M] [R] [C] soutiennent que :

- un camion porte-char a été utilisé pour amener la grue sur le chantier où [U] [R] [C] devait intervenir, et parce que le porte-char s'est trouvé dans l'impossibilité de monter une côte avec du gravillon, et après avoir contacté M. [D] [R] [C], la grue a été mise en mouvement pour être déchargée,

- [U] [R] [C] a suite à la demande de son supérieur hiérarchique pris en charge la manoeuvre de déchargement de la grue, et suite à cette manoeuvre, la grue a pris de la vitesse, dans la route en gravillon, pour finir par heurter un talus, se renverser et provoquer son décès,

- la S.A.R.L. [6] était informée du lieu où elle avait été mandatée pour intervenir, et des dispositions à prendre dès lors qu'elle décidait de recourir à un porte-char pour y acheminer la grue, mais l'analyse du terrain n'a pas été correctement faite puisqu'il n'a pas pu accéder au chantier en raison de la côte en gravillons,

- la décision de mettre en mouvement la grue a été validée par son supérieur hiérarchique qui connaissait la configuration du terrain et a estimé que le matériel utilisé était compatible avec la manoeuvre à effectuer,

- le rapport de l'inspecteur du travail qui se réfère au rapport de l'expert mandaté dans le cadre de l'enquête pénale dénonce une 'insuffisance du système de freinage' et un 'DUER incomplet quant à l'identification des risques liés au chargement/déchargement d'une grue mobile sur un camion porte-char et les moyens de prévention à respecter pour que ces manoeuvres se déroulent en sécurité',

- contrairement à ce que retient le jugement déféré, il n'y a pas eu un aléa mais une défaillance dans le système de freinage imputable à l'employeur qui n'a pas mis en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de [U] [R] [C],

- l'expert a également retenu un problème de batterie et toute une série de défectuosités relevées dès mai 2013,

- l'employeur avait donc conscience qu'il faisait intervenir [U] [R] [C] sur une grue mal entretenue, qui présentait de nombreuses défectuosités dont celle du système de freinage, directement à l'origine de son accident mortel.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la société [6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 9 septembre 2020 rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'il a constaté que la preuve d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident n'était pas rapportée et débouté les consorts [R] [C] de leurs demandes dirigées contre la société [6],

A titre très infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour infirmait le jugement rendu et retenait la faute inexcusable de l'employeur :

- limiter l'indemnisation accordée aux trois ayants droit de la victime de la manière suivante :

- préjudice moral de M. [G] [R] [C], fils majeur et vivant au foyer, sera fixé à 15.000 euros,

- préjudice moral de Mme [M] [R] [C], fille majeure du défunt, sera fixe à 15.000 euros,

- préjudice moral de Mme [A] [R] [C], veuve du défunt, sera fixé à 25.000 euros.

La société [6] fait valoir que :

- dans le cadre du contrat conclu avec la société [9], elle a été mandatée pour procéder au démontage et chargement de 5 trémies sur le site des Carrières de l'Aigle à [Localité 8] et a eu recours à la société [5] pour acheminer une grue mobile jusqu'à ce chantier, le camion a dû s'arrêter à 3 kms du chantier, sur une piste et [U] [R] [C], salarié très expérimenté, a pris la décision de descendre la grue et de terminer le trajet en la faisant directement circuler sur la piste d'accès ,

- une fois la grue descendue du camion, il a fait demi-tour et a décidé de la monter sur un talus se trouvant sur la bas-côté de la piste, provoquant la chute de l'engin au volant duquel il se trouvait, et son écrasement,

- contrairement à ce que soutiennent les consorts [C], elle avait mis en place les mesures de sécurité nécessaires au bon déroulement du chantier,

- [U] [R] [C] était titulaire du CACES et donc en capacité de conduire une grue mobile,

le PPEE établi avec la société [9] mentionnait les consignes relatives à la circulation dans les carrières, les plans de circulation ont été établis après qu'elle-même ait procédé à des repérages du site et de son accessibilité,

- son document unique prévoit le cas spécifique des ' déplacements pour intervention' comme comportant des dangers résultant de la méconnaissance du plan de prévention et des risques identifiés comme ' tout fait accidentel',

- le rapport de l'inspection du travail a conclu que si le défaut de levée des observations au sein du dernier rapport de vérification périodique est constitutif d'une infraction, il n'est pas à l'origine de l'accident, ,

- la grue était régulièrement contrôlée par [10] et les observations du dernier rapport ont été levées en interne, et ne sont en tout état de cause pas retenues par l'expert comme étant à l'origine de l'accident,

- il résulte de l'ensemble des éléments recueillis dans le cadre de l'accident que c'est le comportement de [U] [R] [C] qui est à l'origine de son accident en décidant une fois la grue descendue du camion, de monter sur un talus se trouvant sur le bas-coté, ce qui a déstabilisé l'engin qui a ensuite chuté,

- cette décision fautive de [U] [R] [C], qui disposait d'une grande expérience et de toutes les habilitations requises, était totalement imprévisible pour elle, étant rappelé que celui-ci était titulaire du permis CACES R383 délivré le 14 mars 2014 qui n'est délivré qu'en cas de maîtrise des problèmes de sécurité liés à l'utilisation des grues mobiles tant sur le plan théorique que pratique,

- subsidiairement, l'indemnisation des consorts [R] [C] devra se faire conformément au référentiel Mornet au titre du préjudice d'affection.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard demande à la cour de:

- lui donner acte de ce qu'elle déclare s'en remettre a justice sur le point de savoir si l'accident de travail mortel dont a été victime M. [U] [R] [C] est dû à une faute inexcusable de l'employeur,

Si la Cour retient la faute inexcusable,

1) Fixer l'évaluation du montant de la majoration des rentes d'ayants droit,

2) Fixer le quantum des indemnités allouées au titre des préjudices subis par les ayants

droit de M. [R] [C] dans les proportions reconnues par la jurisprudence,

3) Condamner l'employeur à lui rembourser dans le délai de quinzaine les sommes dont elle aura fait l'avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise

Selon l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

Le manquement à cette obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu aux salariés, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

La conscience du danger s'apprécie au moment ou pendant la période d'exposition au risque.

Il incombe en conséquence au salarié de prouver, en dehors des hypothèses de faute inexcusable présumée, que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

L'article L 4121-1 du code du travail, sans sa version applicable, dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent:

1° des actions de préventions des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° des actions d'information et de formation,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, les circonstances matérielles de l'accident mortel, qui ne sont pas contestées par les parties, sont décrites :

- dans la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 10 décembre 2014 : l'accident s'est produit suite au déchargement d'une grue automatisée transportée par une entreprise de transport. Après avoir descendu les rampes de la remorque, la grue a parcouru quelques mètres puis est montée sur un talus. Cette dernière a basculé d'un quart de tour côté cabine où se trouvait le chauffeur, M. [U] [R] [C]. Il s'est alors retrouvé coincé sous l'engin et n'a pas survécu',

- dans le rapport de l'inspecteur du travail, en date du 3 mai 2016 : ' le 8 décembre 2014, aux environs de 12h, le camion porte-char transportant la grue mobile N°11049 effectuait l'ascension d'une côte dont la route était partiellement recouverte de gravillons lorsqu'il s'est mis à patiner. Selon M. [V] [L] ( conducteur du camion porte-char, salarié de la société [5]), il n'y avait pas assez de poids sur l'essieu. Après en avoir informé par téléphone le chargé d'affaire, M. [D] [R] [C] ( chargé d'affaires, salarié de la société [6]), la victime M. [U] [R] [C] a procédé au déchargement de la grue mobile. La descente de la cale s'est effectuée en marche avant tout en freinant par à-coups. Au bout de quelques mètres, la grue mobile a pris de la vitesse. M. [U] [R] [C] a effectué deux virages avant de heurter sur sa droite un talus de terre ce qui a causé le renversement de l'engin sur son flanc gauche. La victime, écrasée, est décédée.',

- dans le rapport d'expertise établi par M. [H] [I], expert en automobile, intervenu sur réquisition des gendarmes de [Localité 7], qui indique ' la grue se trouvait sur un engin porte-char' qui s'est trouvé immobilisé en pleine côte sur une piste forestière goudronnée. Il a alors été décidé de faire descendre la grue pour pouvoir déplacer le porte-char. Le moteur de la grue a été mis en marche et celle-ci était conduite par le chauffeur. Après avoir peu roulé sur le chemin, la grue a dévalé la pente pour finir sa course folle dans la montée qui suivait',

- dans le procès-verbal de synthèse établi par les services de gendarmerie du Beausset intervenus sur l'accident : ' des constatations préliminaires effectuées et des auditions témoins présent sur place, il en ressort qu'il s'agirait d'un accident. Monsieur [R] [C] a pris les commandes de sa grue pour descendre du porte char sur lequel elle se trouvait. En effet, le porte char n'arrivait pas à monter la côte se trouvant devant lui. Il aurait effectué la manoeuvre sans encombre puis sans raison particulière l'engin aurait pris de la vitesse et serait monté sur un talus se situant en contrebas avant de se retourner et de s'immobiliser. M. [R] [C] s'est trouvé éjecté de la cabine puis écrasé par la flèche de la grue',

- dans le témoignage de M. [L] [V], conducteur du porte char de la société [5], entendu par les services de gendarmerie le jour de l'accident qui indique ' vers midi et quart, sur cette route, juste après le passage d'un vallon, nous avons dû entamer une montée très raide. Il y avait beaucoup de graviers sur la chaussée, ce qui a fait patiner le camion et m'a obligé à m'arrêter. Le porte char s'est retrouvé immobilisé en pleine côte. Le chauffeur de la grue, conduisant sa camionnette, a poursuivi son chemin. Il n'a sûrement pas vu que je ne pouvais aller plus loin. Il s'est rendu compte que je ne suivais plus et a fait demi tour. Il est revenu jusqu'au porte char et après concertation, nous avons décidé ensemble de décharger la grue du porte char car nous ne nous trouvions plus très loin de la carrière et que la grue pouvait rallier l'entrée de [9] sans l'aide du porte char. De plus, sans déchargement, nous restions bloqués dans cette montée', indique que la grue a été démarrée, comme pour son chargement, à l'aide d'une batterie, puis décrit le déchargement, après avoir bloqué et mis en position idoine le porte char ' M. [R] [C] était aux commandes de la grue et l'avait démarrée sur le porte char. J'ai ensuite enlevé les quatre chaînes d'arrimage de la grue. Le conducteur de la grue a du reculer ( se mouvoir dans la direction de marche du porte char - la grue ayant été chargée en marche arrière ) afin que je puisse enlever la cale qui était en place entre une roue de la grue et ma remorque. Je me suis ensuite placé devant la grue ( à l'arrière de la remorque ), pour guider le grutier sur les rampes. Plus rien ne retenait la grue et le conducteur est descendu en marche avant, tout en freinant par à-coups pour retenir la machine. Le déchargement s'est bien passé jusque là. Sans s'arrêter mais à vitesse raisonnable, la grue s'est retrouvée les quatre roues au sol. Dans la foulée, sans s'arrêter, elle a pris de la vitesse dans la pente mais cela ne m'a pas choqué. En effet, au niveau du vallon que nous avions croisé, il y a avait une zone plane avec une citerne, et je pensais que le grutier voulait faire demi-tour à cet endroit, puisqu'il n'était pas dans le bon sens. J'ai compris qu'il y avait un souci quand j'ai entendu que la grue faisait de plus en plus de bruit en descendant. Le moteur devait s'emballer. Je ne voyais déjà plus la grue à ce moment-là, il avait passé le virage qui donnait sur le vallon. La grue venait de dévaler la pente.'

Pour démontrer la faute inexcusable de l'employeur, les consorts [R] [C] exposent que la décision de mettre en mouvement la grue a été validée par le supérieur hiérarchique qui connaissait la configuration du terrain et a estimé que le matériel utilisé était compatible avec la manoeuvre à effectuer, alors que [U] [R] [C] intervenait sur du matériel mal entretenu, ce que savait son employeur qui n'a pas entretenu correctement le matériel.

Il n'est pas contesté que [U] [R] [C], salarié dans l'entreprise depuis plus de 20 ans, était titulaire de la formation et du permis CACES nécessaires pour la conduite d'un tel engin.

Contrairement à ce que soutiennent les consorts [R] [C], et qui est mentionné dans le rapport de l'inspecteur du travail, il résulte de l'audition du seul témoin direct de l'accident, le conducteur du porte-char, que la décision de faire descendre la grue du camion et de poursuivre en direct avec la grue jusqu'au chantier a été prise en concertation entre lui-même et [U] [R] [C], sans aucune référence à un appel téléphonique de ce dernier pour obtenir validation de sa hiérarchie.

Il en résulte que l'employeur n'a pas donné un ordre de déchargement à son préposé qui l'aurait exposé à un risque, la décision de déchargement relevant de la responsabilité du grutier qui a décidé en raison de la configuration des lieux et de l'impossibilité de poursuivre le transport de procéder de la sorte.

S'agissant de l'état de la grue et des circonstances de l'accident, il résulte du rapport de l'expert mandaté par les services de gendarmerie intervenus sur le lieu de l'accident que ' la prise de la vitesse dans la descente a pour cause un emballement du moteur et/ou un dysfonctionnement dans la commande de sélection de vitesse. Une insuffisance du système de freinage est retenue, la grue n'ayant pas pu être stoppée par le conducteur. D'une façon générale, l'entretien de la grue n'apparaît pas avoir été satisfaisant. Il peut également être retenu une ou plusieurs manoeuvres désespérées du conducteur pour stopper la grue, ou de panique :

- tentative d'inversion de sélection de vitesse, marche AV-AR,

- orientation délibérée de la grue vers le talus à droite, cause de renversement,

- coupure volontaire du moteur ayant entraîné une dureté de la direction'.

Dans son rapport, l'inspecteur du travail conclut ' le défaut de levée des observations listées au sein du dernier rapport de vérification périodique de la grue mobile est constitutif d'une infraction. Cependant, ces non- conformités ne semblent pas avoir causé l'accident. Le DUER est incomplet quant à l'identification des risques liés au chargement/déchargement d'une grue mobile sur un camion porte-char et les moyens de prévention à respecter afin que ces manoeuvres se déroulent en sécurité.'

Les non conformités relevées concernent pour l'essentiel la fonction de levage de la grue et il n'a pas été retenu lors du dernier contrôle de la grue par le bureau [10] une impossibilité d'utiliser cet engin.

Du témoignage de M. [L] [V] résulte le fait que le système de freinage de la grue fonctionnait au moment de son déchargement puisque le conducteur du porte char précise que le grutier freinait par à-coup pour retenir la grue lors de la manoeuvre de déchargement.

Si le DUER est considéré comme incomplet par l'inspecteur du travail, il n'est pas contesté qu'un PPEE a été signé avec l'entreprise [9] qui prévoit notamment que cette dernière s'engage à organiser selon le planning des enlèvements par '[5]' ' les ouvertures de pistes au gabarit porte char chez le voisinage'. Les risques 'circulation autour des installations et en carrière' et 'collision, écrasement par engin de chantier' sont prévus et les moyens de prévention listés.

En conséquence, les consorts [R] [C] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de ce que la S.A.R.L. [6] aurait eu connaissance d'un danger auquel leur mari et père aurait été exposé et n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour l'en prémunir.

Par suite, aucune faute inexcusable de la S.A.R.L. [6] n'est à l'origine de l'accident mortel du travail dont a été victime [U] [R] [C] le 8 décembre 2014.

La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 septembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne Mme [A] [R] [C], M. [G] [R] [C] et Mme [M] [R] [C] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 20/02545
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;20.02545 ?
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