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04/07/2023 | FRANCE | N°21/02619

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 04 juillet 2023, 21/02619


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/02619 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IDMY



GLG/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

17 juin 2021



RG :F19/00114







[O]





C/



S.A.S. VALDIS





















Grosse délivrée le 04 JUILLET 2023 à :



- Me

- Me













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 04 JUILLET 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 17 Juin 2021, N°F19/00114



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Monsieur Guénaël LE GALLO,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02619 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IDMY

GLG/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

17 juin 2021

RG :F19/00114

[O]

C/

S.A.S. VALDIS

Grosse délivrée le 04 JUILLET 2023 à :

- Me

- Me

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 17 Juin 2021, N°F19/00114

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel

Madame Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [M] [O]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Didier ADJEDJ de la SELASU AD CONSEIL AVOCAT, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMÉE :

S.A.S. VALDIS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile DEFAYE, avocat au barreau de MARSEILLE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 21 Mars 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 04 Juillet 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [M] [O] a été embauchée par la société Valdis, exploitant un magasin à l'enseigne Intermarché à [Localité 4], suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9 septembre 1991, régi par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Titulaire du mandat de déléguée du personnel depuis le 3 juin 2014, elle occupait en dernier lieu l'emploi de responsable informatique, statut agent de maîtrise, niveau 5.

Placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 5 mars 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 22 mai 2019.

Par requête reçue le11 juillet 2019, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Orange afin de voir dire que sa prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer plusieurs sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Déboutée de l'ensemble de ses demandes par jugement du 17 juin 2021, la condamnant au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, Mme [O] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 8 juillet 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions du 19 juillet 2022, l'appelante demande à la cour de :

'' INFIRMER le Jugement rendu le 17 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes d'ORANGE en toutes ses dispositions,

' DEBOUTER la Société VALDIS de son appel incident tendant à voir obtenir condamnation de Madame [M] [O] à verser la somme de 3.382,60 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

En conséquence, et statuant à nouveau

' DIRE ET JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 22 mai 2019 aux torts exclusifs de l'employeur à raison des manquements de ce dernier à ses obligations contractuelles, légales et conventionnelles s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

' DIRE ET JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 22 mai 2019 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

' CONDAMNER la Société VALDIS à verser à Madame [M] [O] la somme de 20.295,60 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel, financier et moral subi de par la rupture de son contrat de travail

' CONDAMNER la Société VALDIS à verser à Madame [M] [O] la somme de 3.382,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' CONDAMNER la Société VALDIS à verser à Madame [M] [O] la somme de 338,26 € à titre de congés payés sur préavis

' CONDAMNER la Société VALDIS à verser à Madame [M] [O] la somme de 14.188,12 € à titre d'indemnité légale de licenciement

' CONDAMNER la Société VALDIS à verser à Madame [M] [O] la somme de 3.310,72 € à titre de rappel d'heures supplémentaires du 1er août 2016 au 22 mai 2019

' CONDAMNER la Société VALDIS à verser à Madame [M] [O] la somme de 10.147,80 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

' CONDAMNER la Société VALDIS à remettre à la salariée les documents sociaux (attestation pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte) et les bulletins de salaire du 1er août 2016 au 28 février 2019 mentionnant les heures supplémentaires accomplies, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document

' DEBOUTER la Société VALDIS de ses demandes reconventionnelles

' CONDAMNER la Société VALDIS aux dépens, ainsi qu'à la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.'

Elle expose que :

' ses heures supplémentaires accomplies pendant la période non prescrite du 1er août 2016 au 22 mai 2019 ne lui ont pas été rémunérées et l'omission intentionnelle de l'employeur de les mentionner sur les bulletins de paie caractérise le travail dissimulé ;

' le non-paiement systématique desdites heures, les pressions exercées afin de la rétrograder du poste de responsable informatique à celui de responsable de caisse, constitutives d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention du harcèlement moral, son remplacement définitif par une autre salariée, et l'impossibilité d'exercer convenablement son mandat de déléguée du personnel sont des manquements d'une gravité suffisante pour justifier sa prise d'acte.

L'intimée présente les demandes suivantes au dispositif de ses dernières conclusions du 2 juin 2022, contenant appel incident :

'CONFIRMER partiellement le jugement du Conseil de prud'hommes d'Orange en ce qu'il a :

« DEBOUTÉ Madame [M] [O] de l'ensemble de ses demandes

CONDAMNÉ Madame [M] [O] à payer à la SAS VALDIS la somme de 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

CONDAMNÉ Madame [M] [O] aux entiers dépens de l'instance »

'INFIRMER partiellement le jugement du Conseil de prud'hommes d'Orange en ce qu'il a débouté la SAS VALDIS de sa demande de condamner Madame [O] à verser la somme de 3.382,60 euros bruts au titre l'indemnité compensatrice de préavis de démission non effectuée au profit de la société VALDIS.

Par conséquent, statuer de nouveau :

JUGER que la société VALDIS n'as pas imposé à Madame [O] une modification de son contrat de travail mais lui a fait une simple proposition de changement de poste ;

JUGER que la société VALDIS n'a pas contrevenu à son obligation de sécurité à l'égard de Madame [O] ;

JUGER que Madame [O] n'a pas réalisé d'heures supplémentaires ;

JUGER que la société VALDIS n'a pas commis de travail dissimulé concernant Madame [O] ;

JUGER que la société VALDIS n'a pas entravé l'exécution du mandat d'élu de Madame [O] ;

JUGER que Madame [O] n'apporte aucune preuve sur les manquements graves rendant impossible son maintien au sein de la société VALDIS ;

Ainsi,

JUGER que la société VALDIS n'a pas commis de manquements graves rendant impossible le maintien de Madame [O] au sein de sa structure ;

JUGER que la prise d'acte du contrat de travail du 22 mai 2019 à l'initiative de Madame [O] produit les effets d'une démission ;

REJETER Madame [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre reconventionnel,

CONDAMNER Madame [O] à verser la somme de 3.382,60 euros bruts au titre l'indemnité compensatrice de préavis de démission non effectuée au profit de la société VALDIS.

CONDAMNER Madame [O] à 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER Madame [O] aux entiers dépens.

Elle réplique que :

' la salariée n'a pas accompli d'heures supplémentaires et toutes ses heures de travail réellement effectuées ont été mentionnées sur ses bulletins de paie ;

' Mme [O] commettant de nombreuses erreurs dans l'exercice de ses fonctions de responsable informatique et la situation financière de l'entreprise ne permettant pas de donner suite à sa demande de rupture conventionnelle, il lui a simplement été proposé de changer de poste ; cette proposition ayant été aussitôt suivie d'un arrêt de travail, il a été nécessaire d'assurer son remplacement, d'abord à titre temporaire pendant son absence, puis de manière définitive consécutivement à sa prise d'acte ; l'intéressée ne s'était jamais plainte d'aucune difficulté dans l'exercice de son mandat et ne produit aucun élément au soutien de ce grief ;

' la prise d'acte de la rupture du contrat produisant les effets d'une démission, la salariée est redevable de l'indemnité compensatrice de préavis ; subsidiairement, elle ne justifie d'aucun préjudice, étant précisé qu'elle avait créé sa propre société de culture de plantes à épices, aromatiques, médicinales et pharmaceutiques depuis le 1er janvier 2014.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 février 2023, à effet au 21 mars 2023.

MOTIFS DE L'ARRÊT

' sur les heures supplémentaires

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, Mme [O] expose que son horaire réel de travail était habituellement de 36,75 heures alors qu'elle était rémunérée pour la durée légale.

Chiffrant précisément sa demande à la somme totale de 3 310,72 euros à raison de 96,67 euros par mois pendant la période d'août 2016 à novembre 2017 et 97,58 euros par mois de décembre 2017 mai 2018, ainsi que pour les mois de juillet 2018, janvier et février 2019, sur la base de 7 heures supplémentaires accomplies mensuellement et non rémunérées, elle dit avoir accompli 8h45 supplémentaires en juin 2018, 13h50 en août 2018 et 9h75 pendant les mois de septembre à décembre 2018, représentant respectivement les sommes de 119,05 euros, 203,53 euros et 140,80 euros.

Outre les témoignages d'anciennes collègues de travail, portant pour la plupart sur une période antérieure à celle visée dans la demande, l'appelante communique :

'des plannings hebdomadaires mentionnant des horaires de travail supérieurs à la durée légale du travail pour laquelle elle était rémunérée au vu de ses bulletins de paie ;

' le courrier adressé par l'inspection du travail à l'employeur, le 27 mai 2019, suite aux visites des 29 mars et 19 avril 2019, citant nommément Mme [O] parmi d'autres salariés ayant accompli à de nombreuses reprises, en 2018 et 2019, des heures complémentaires ou supplémentaires non mentionnées sur les bulletins de paie alors qu'elles étaient inscrites sur les documents portant enregistrement du temps de travail, ainsi que le procès-verbal établi le 15 juillet 2019, relevant notamment que l'intéressée avait accompli 39h30 de travail pendant les semaines 36 à 42 et 44 à 52 de l'année 2018, ainsi que pendant les semaines 1, 3, 5 et 6 de l'année 2019, et 39 heures pendant la semaine civile 43 de l'année 2018.

Ces éléments étant suffisamment précis pour lui permettre de répondre, l'employeur réplique pour l'essentiel que les plannings de travail du personnel étaient seulement prévisionnels et ne coïncidaient pas avec les horaires réels, raison pour laquelle, dans les suites de la visite de l'inspection du travail, dont il souligne que le procès-verbal a été classé sans suite, il a fait régulièrement signer par chaque salarié un relevé des heures de travail effectivement réalisées, comme le confirment les pièces et attestations versées aux débats.

Cependant, les éléments ainsi fournis n'étant pas de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés par la salariée pendant la période litigieuse, la demande sera accueillie à hauteur de la somme réclamée.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

' sur le travail dissimulé

Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

L'article L. 8223-1 du même code prévoit qu'en cas de rupture, le salarié auquel l'employeur a eu recours dans ces conditions a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, la seule absence de justification par l'employeur des heures de travail effectivement réalisées par la salariée ne suffisant pas à établir son intention de se soustraire à ses obligations, le travail dissimulé n'apparaît pas caractérisé.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

' sur la prise d'acte

La prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements qu'il invoque sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail. À défaut, elle s'analyse en une démission.

En l'espèce, Mme [O] a pris acte de la rupture aux torts de l'employeur par lettre du 22 mai 2019, ainsi rédigée :

'Comme vous le savez, j'ai initialement commencé à travailler au sein du magasin Intermarché situé à [Localité 4] le 9 septembre 1991.

À ce jour, et depuis de nombreuses années, j'occupe les fonctions de Responsable Informatique - Statut Agent de Maîtrise - Niveau 5.

Cependant, depuis le début de l'année 2019, je suis contrainte de subir des pressions de la part de la Direction, pressions qui ont conduit à un arrêt de travail initial en date du 5 mars 2019.

En effet, la situation devenait très compliquée à gérer pour moi dans la mesure où l'on avait de cesse que d'exercer des pressions, notamment afin que j'accepte une modification de mon contrat de travail.

Vous avez sollicité, le 28 février 2019, de ma part mon accord pour que j'accepte d'être affectée sur un autre poste que celui sur lequel je suis affectée depuis des années. Vous m'avez indiqué ne pas être satisfait de la qualité de mes prestations au poste de Responsable Informatique et vouloir me remplacer dès le mois d'avril 2019 par une autre personne. Dans ces conditions, vous avez souhaité que j'occupe à compter de cette date le poste de Responsable de Caisse, et à défaut d'accord de ma part, que je quitte l'entreprise.

Par courrier en date du 11 mars 2019, je vous ai fait savoir mon refus quant à la modification de mon contrat de travail considérant votre position comme étant injustifiée, étant précisé que cette modification consistait en réalité en un déclassement. Je n'ai jamais obtenu la moindre réponse écrite de votre part. En revanche, vous continuez, et alors même que je suis en arrêt de travail, à tenter de me joindre sur mon téléphone portable et d'exercer des pressions pour que je quitte l'entreprise.

Cette situation est préjudiciable pour moi car les conséquences psychologiques en sont importantes.

Par un tel agissement, vous méconnaissez les dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du Code du Travail mettant à la charge de l'employeur une obligation de santé et de sécurité de ses salariés.

Par ailleurs, et comme vous le savez parfaitement, je n'ai jamais été rémunéré intégralement des heures que j'effectuais de manière effective. En effet, systématiquement, j'accomplissais 36,50 heures par semaine mais je n'étais réglée que sur la base de 35 heures par semaine. Ainsi, vous ne m'avez jamais réglé la moindre heure supplémentaire depuis le début et alors même que vous saviez pertinemment que ces heures supplémentaires étaient accomplies par mes soins.

De la même manière, vous n'avez jamais respecté mon statut de délégué du personnel ne me permettant pas d'exercer mon mandat de manière effective, ce qui est préjudiciable là encore.

L'un de ces manquements contractuels qui vous sont imputables constitue également le délit de travail dissimulé dont vous êtes fautif à mon encontre.

En conséquence, ces faits fautifs dont la responsabilité vous incombe entièrement me contraignent aujourd'hui à vous notifier la présente prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.

Cette rupture est entièrement imputable à votre société puisque les faits précités constituent un grave manquement à vos obligations légales et conventionnelles, le dit manquement rendant impossible mon maintien dans votre société.

Cette rupture prendra effet immédiatement à la date de première présentation du présent recommandé avec accusé de réception.

Je vous laisse le soin de m'adresser, par retour, mes documents sociaux, à savoir mon certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi ainsi que mon solde de tout compte.

Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l'assurance de mes salutations distinguées.'

La salariée reproche ainsi à l'employeur de lui avoir fait subir des pressions afin qu'elle accepte le changement de poste proposé, lequel impliquait la modification de son contrat de travail et entraînait selon elle un déclassement, ou à défaut qu'elle quitte volontairement l'entreprise, et d'avoir ainsi manqué à ses obligations prévues par les articles L. 4121-1 et L. 1152-1 du code du travail.

Placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 5 mars 2019, Mme [O] produit les certificats médicaux afférents mentionnant 'état anxio dépressif réactionnel', ainsi que sa lettre du 11 mars 2019 demandant à l'employeur de se positionner suite à leur entretien du 28 février 2019, au cours duquel, disant ne pas être pleinement satisfait de son travail, il lui avait proposé d'occuper le poste de responsable de caisse, ce qu'elle avait refusé verbalement le 4 mars 2019.

L'appelante se prévaut en outre d'un SMS du 29 mars 2019, également communiqué par l'intimée entendant démontrer que le courrier qui lui a été adressé le 11 mars 2019 n'est pas resté sans réponse, dans lequel l'employeur lui proposait une rencontre dans les termes suivants : '[...] tu m'as demandé un licenciement avec une rupture conventionnelle je t'ai dis que l'entreprise était en grande difficulté... chose que tu sais... mais bon compte tenu de la tournure des événements tu ne me laisses pas le choix donc mal grès le fait que j'ai beaucoup d'estime pour toi et de respect il faudrait que l'on se voit pour procéder à ton licenciement... appelles moi au plus vite afin d'avancer...'

Ne contestant pas avoir proposé à la salariée un changement de poste lors de leur entretien du 28 février 2019, ce qu'il explique par les nombreuses erreurs commises par l'intéressée dans l'exercice de ses fonctions de responsable informatique, corroborées par les témoignages qu'il verse aux débats, l'employeur observe qu'il n'a nullement imposé à Mme [O] une modification de son contrat de travail, ce que du reste celle-ci ne prétend pas.

Si Mme [O] justifie que cet entretien a été suivi d'un arrêt de travail pour état anxio-dépressif réactionnel à compter du 5 mars 2019, il n'en demeure pas moins que cette simple proposition formulée oralement, avant tout écrit éventuel, n'apparaît pas en soi fautive.

Il en est de même en ce qui concerne le SMS qui lui a été adressé le 29 mars 2019, lequel, évoquant successivement et de manière imprécise et contradictoire sa demande de 'licenciement avec une rupture conventionnelle', puis la nécessité de la rencontrer au sujet de son 'licenciement', ne caractérise pas à lui seul un manquement de l'employeur à son obligation générale de sécurité ni à son obligation particulière de prévention du harcèlement moral.

Outre qu'elle convient que l'employeur disposait du pouvoir de la licencier, quand bien même elle conteste les erreurs qui lui étaient imputées, la salariée ne justifie pas ni même ne prétend avoir reçu un autre message de l'employeur pendant son arrêt de travail prolongé sans interruption jusqu'à sa prise d'acte intervenue le 22 mai 2019.

Elle ne saurait par ailleurs faire grief à l'employeur d'avoir pourvu à son remplacement temporairement pendant son absence, puis de manière définitive postérieurement à sa prise d'acte.

Enfin, elle ne produit aucun élément au soutien du grief selon lequel son emploi du temps ne lui permettait pas d'exercer convenablement son mandat de déléguée du personnel.

Ainsi, le non-paiement des heures supplémentaires à hauteur de la somme de 3 310, 72 euros pendant la période non prescrite, fait qui, comme le souligne l'employeur, n'apparaît pas avoir fait l'objet de la moindre remarque ou contestation avant la lettre de prise d'acte, ne constitue pas à lui seul un manquement d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, la prise d'acte litigieuse produisant les effets d'une démission, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes afférentes, mais infirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 3 382,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à laquelle il est en droit de prétendre nonobstant la suspension du contrat de travail pour maladie.

L'employeur devra remettre à la salariée un bulletin rectificatif et une attestation Pôle emploi conforme dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré, sauf :

' en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de remise des documents sociaux conformes et en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'employeur une indemnité de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

' en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la société Valdis à payer à Mme [O] la somme de 3 310,72 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

Condamne Mme [O] à payer à la société Valdis la somme de 3 382,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

Dit que l'employeur devra remettre à la salariée un bulletin rectificatif et une attestation Pôle emploi conforme dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt,

Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel,

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 21/02619
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;21.02619 ?
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