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04/07/2023 | FRANCE | N°20/03248

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 04 juillet 2023, 20/03248


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/03248 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H36B



CRL/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

30 novembre 2020



RG :19/00544







S.A.R.L. CALVEN



C/



[B]





















Grosse délivrée le 04 Juillet 2023 à :



- Me MANSAT JAFFRE

- Me GARCIA BRE

NGOU













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 04 JUILLET 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 30 Novembre 2020, N°19/00544



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBAT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/03248 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H36B

CRL/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

30 novembre 2020

RG :19/00544

S.A.R.L. CALVEN

C/

[B]

Grosse délivrée le 04 Juillet 2023 à :

- Me MANSAT JAFFRE

- Me GARCIA BRENGOU

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 30 Novembre 2020, N°19/00544

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Juin 2023 et prorogé ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. CALVEN

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Jean françois REYNAUD de la SELARL SELARL REYNAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ :

Monsieur [G] [B]

né le 23 Juin 1984 à [Localité 5] (31)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Coralie GARCIA BRENGOU de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 10 Janvier 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 04 Juillet 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [G] [B] a été engagé à compter du 3 avril 2018, suivant contrat à durée déterminée de 3 mois, en qualité d'employé polyvalent par la S.A.R.L. Calven. Par avenant du 1er juillet 2018, le contrat de travail de M. [G] [B] est devenu un contrat à durée indéterminée.

La convention collective applicable est la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants,

En février 2019, M. [G] [B] a été placé en arrêt maladie.

Par acte du 22 mars 2019, une rupture conventionnelle a été signée entre M. [G] [B] et la S.A.R.L. Calven , homologuée le 1er mai 2019 par la DIRECCTE.

Par requête du 27 septembre 2019, M. [G] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes aux fins de prononcer la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, à défaut d'objet du recours justifié ; dire et juger qu'il rapporte la preuve de l'effectivité d'heures supplémentaires non-rémunérés et voir condamner la S.A.R.L. Calven au paiement de diverses sommes indemnitaires.

Par jugement du 30 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :

- prononcé la nullité de la convention de rupture conventionnelle,

- condamné la S.A.R.L. Calven à payer à M. [G] [B] les sommes suivantes :

- 1901 euros bruts au titre de rappel de salaires,

- 235,10 euros bruts au titre de congés payés y afférents,

- 9.497,10 euros au titre de l'indemnité pour le travail dissimulé,

- 830,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 402,70 euros au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle,

- 1.000 euros au titre de l'article 700,

- débouté M. [G] [B] du reste de ses demandes,

- débouté la S.A.R.L. Calven de toutes ses demandes,

- mis les dépens à la charge du défendeur.

Par acte du 11 décembre 2020, la S.A.R.L. Calven a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 12 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 10 janvier 2023 à 16 heures et fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 25 janvier 2023. Par avis de déplacement d'audience du 6 décembre 2022, l'examen de l'affaire a été déplacé à l'audience du 11 avril 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 22 mars 2021, la S.A.R.L. Calven demande à la cour, réformant, de :

- débouter M. [G] [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [G] [B] à lui verser un montant de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [G] [B] à supporter les entiers dépens de l'instance.

La S.A.R.L. Calven soutient que :

- le contrat de travail à durée déterminée s'étant poursuivi en contrat de travail à durée indéterminée, M. [G] [B] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice et la demande de requalification doit être rejetée,

- le reçu pour solde de tout compte porte mention que le paiement a été effectué en espèces, et ce paiement est libératoire,

- il n'apporte aucune précision sur les heures supplémentaires qu'il soutient avoir effectuées, et n'en a jamais sollicité le paiement pendant l'exécution de son contrat de travail,

- les attestations qu'elle verse aux débats établissent que M. [G] [B] n'a jamais fait d'heures supplémentaires et que les salariés ont toujours été payés pour l'ensemble des heures qu'ils ont effectuées, et que l'établissement fermait tous les jours à 19h30,

- la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ne peut prospérer, M. [G] [B] ayant été désintéressé à ce titre par le solde de tout compte qu'il n'a pas contesté,

- les tickets de caisse versés aux débats par M. [G] [B] sont inexploitables et doivent être écartés,

- M. [G] [B] ne peut pas se voir allouer cumulativement 830,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et 402,70 euros au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle.

En l'état de ses dernières écritures en date du 10 janvier 2023, contenant appel incident, M. [G] [B] a demandé à la cour de :

- le recevoir en toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- rejeter toutes prétentions adverses comme injustes et mal fondées,

- confirmer le jugement du 30 novembre 2020 en ce qu'il a :

- condamné la S.A.R.L. Calven à payer à M. [G] [B] la somme de 2.351 euros bruts en rappel de salaires, avant déduction des versements de 450 € nets, ainsi que 235,10 euros de congés payés y afférents,

- constaté la commission de travail dissimulé, et condamné la S.A.R.L. CALVEN à payer à M. [G] [B] la somme de 9.497,10 euros au titre de l'indemnité forfaitaire en résultant,

- condamné la S.A.R.L. Calven au titre des frais irrépétibles de première instance prévue par l'article 700 du code de procédure civile au versement de la somme de 1.000 euros, outre les entiers dépens,

- accueillir l'appel incident formé par M. [G] [B],

Y faisant droit et statuant à nouveau,

- rejeter toutes les demandes de la S.A.R.L. Calven,

- prononcer la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, à défaut d'objet du recours justifié,

- en conséquence, condamner la S.A.R.L. Calven à lui payer la somme de 1.582,85 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- dire et juger que la S.A.R.L. Calven ne rapporte pas la preuve de l'effectivité d'un paiement en espèces pour un montant de 1.011,15 euros auprès de lui, et subsidiairement constater que l'indemnité de rupture conventionnelle est d'un montant inférieur à celui de l'indemnité légale de licenciement,

- en conséquence, prononcer la nullité de la convention de rupture conventionnelle, et condamner dès lors la S.A.R.L. Calven à lui payer :

- 402,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 894,59 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur la période d'emploi,

- 3.165 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.582 euros au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier,

- condamner enfin la S.A.R.L. Calven au paiement d'une juste indemnité complémentaire au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur de cour, en application de l'article 700 du code de procédure civile de 1.500 euros, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [G] [B] fait valoir que :

- le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée était purement fictif, son emploi ne revêtant aucun caractère temporaire et s'étant poursuivi en contrat de travail à durée indéterminée,

- la S.A.R.L. Calven ne peut pas soutenir qu'elle ne savait pas en reprenant cette activité si elle aurait effectivement besoin d'un salarié, alors que l'activité était précédemment exercée par deux salariés,

- par le recours préalable au contrat de travail à durée déterminée, la S.A.R.L. Calven a détourné les règles de droit sur la période d'essai,

- le fait que son contrat de travail à durée déterminée se soit poursuivi en contrat de travail à durée indéterminée ne le prive pas de la possibilité d'en solliciter la requalification, et par suite l'indemnisation subséquente,

- il produit au débat le décompte de ses heures de travail qui établit la réalité des heures supplémentaires dont il sollicite le paiement, et pour lesquelles il a mis en demeure son employeur de le régler, sans succès, sauf sous forme de 3 versements en espèces de 150 euros,

- au soutien de sa demande à laquelle l'employeur n'oppose aucun décompte de temps de travail, il produit également les bons de clôture de caisse qui attestent également de ses horaires de travail et l'attestation de témoins sur le fait qu'il faisait la fermeture de l'établissement seul,

- l'absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de salaire, tout comme le versement d'argent en liquide et sans aucune mention sur les bulletins de salaire, quelqu'en soit l'origine démontrent la réalité du travail dissimulé,

- il n'a pas perçu la somme portée au solde de tout compte, mentionnée comme versée en liquide mais qu'il n'a jamais reçu, le gérant de la S.A.R.L. Calven l'ayant sorti du bureau sans lui remettre cette somme dont il n'est pas justifié qu'il en a sollicité le paiement en liquide et dont l'employeur ne justifie pas du paiement par la production de sa comptabilité,

- le défaut de paiement du solde de tout compte, comprenant l'indemnité de rupture, rend caduque la rupture conventionnelle, et lui ouvre droit aux indemnisations d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- le jugement mentionne de manière erronée une indemnité légale de licenciement qui correspond en fait à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

* requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée

Par application des dispositions de l'article 12 alinéa 2 du code de procédure civile le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Selon l'article 1221-2 du code du travail le contrat de travail à durée indéterminée est le principe, les contrats à durée déterminée étant l'exception. La règle est énoncée dans les termes suivants : "Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. Toutefois, le contrat de travail peut comporter un terme fixé avec précision dès sa conclusion ou résultant de la réalisation de l'objet pour lequel il est conclu dans les cas et dans les conditions mentionnés au titre IV relatif au contrat de travail à durée déterminée".

L'article L. 1242-2 du code du travail édicte limitativement les cas de recours au contrat travail à durée déterminée. Figure dans cette énumération, au 1°) le contrat de remplacement d'un salarié en cas :

a) D'absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ;

e) D'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer.

Le non-respect du caractère limitatif des cas de recours est légalement sanctionné par l'article L. 1245-1 par la requalification de droit du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Au caractère limitatif des cas de recours énumérés par cet article L. 1242-2, corollaire du caractère dérogatoire du régime, s'ajoute la règle générale posée par l'article L. 1242-1 qui dispose qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Le non-respect de cette condition entraîne également la requalification édictée par l'article L. 1245-1 susvisé.

M. [G] [B] sollicite la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu à effet au 3 avril 2018 en contrat de travail à durée indéterminée aux motifs que :

- son contrat de travail à durée déterminée mentionne un surcroît d'activité dont l'employeur ne justifie pas,

- la S.A.R.L. Calven invoque le fait qu'elle venait de reprendre le bar Le Toril et que son gérant ne pouvait seul en assurer le fonctionnement,

- il n'était affecté à aucune tâche spécifique ce qui démontre qu'il était là pour assurer le fonctionnement normal de l'établissement,

- la poursuite du contrat en contrat de travail à durée indéterminée démontre qu'il occupait un emploi lié à l'activité permanente et normale de l'entreprise,

- le gérant de la S.A.R.L. Calven avait déjà repris ce type d'établissement à [Localité 4], et le précédent gérant avait deux salariés, ce qui démontre que M. [G] [B] était embauché pour le fonctionnement normal de l'établissement.

Pour remettre en cause ces éléments factuels, la S.A.R.L. Calven invoque un surcroît d'activité dont elle ne justifie pas, et l'absence de préjudice pour M. [G] [B] ce qui n'est pas un critère pour faire ou non droit à la demande de requalification.

En conséquence, le contrat de travail à durée déterminée conclu entre M. [G] [B] et la S.A.R.L. Calven sera requalifié en contrat de travail à durée indéterminée et il sera alloué à M. [G] [B] l'indemnité de requalification équivalente à un mois de salaire, soit la somme de 1.582,85 euros.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

* rappel de salaire en raison d'heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la charge de la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties; il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [G] [B] soutient que la S.A.R.L. Calven lui est redevable d'une somme de 2.351 euros correspondant à 176,5 heures supplémentaires effectuées entre avril 2018 et janvier 2019, outre 235,10 euros de congés payés y afférents et produit à l'appui de ses prétentions :

- un décompte quotidien, hebdomadaire et mensuel de ses heures de travail, avec la mention des sommes dues en distinguant les heures rémunérées à 125% et 150%, sur une base de 35 heures par semaine,

- les attestations manuscrites de deux clients du bar selon lesquelles il travaillait seul les après-midi et faisait la fermeture de l'établissement,

- un courrier en date du 26 février 2019, et le justificatif de son envoi par recommandé avec demande d'avis de réception aux termes duquel il sollicite le paiement de 182 heures supplémentaires,

- des rapports journaliers de caisse, datés mais sans horaire, et sans mention du nom de l'établissement concerné,

- la page Google de l'établissement, en date du 8 janvier 2020, qui mentionne un horaire d'ouverture de 7h à 20 h,

- un écrit présenté comme la retranscription du message vocal reçu du gérant de la S.A.R.L. Calven suite au courrier du 26 février 2019 dans lequel ce dernier propose à son salarié de venir s'expliquer, s'engage à le payer s'il lui doit ' des sous' et lui propose s'il ' a peur' de 'venir accompagné' pour avoir une discussion 'entre hommes'.

Ces éléments sont suffisamment précis au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation pour permettre à l'employeur d'y répondre

La S.A.R.L. Calven reproche à M. [G] [B] un manque de précision dans ses écritures, ce qui est contredit par le détail des horaires quotidiens fournis par le salarié dans ses pièces, l'absence de demande de paiement de ces heures avant la rupture conventionnelle, alors que M. [G] [B] justifie de l'envoi du courrier du 26 février 2019, soit quasiment un mois avant la convention de rupture.

Par ailleurs, la S.A.R.L. Calven se borne à contester vainement la pertinence des éléments produits par M. [G] [B] et à porter le discrédit sur les témoignages qu'il joint à son dossier sans verser de pièce destinée à établir la réalité des horaires pratiqués par son salarié sauf à soutenir qu'elle démontre que les salariés n'accomplissaient pas d'heures supplémentaires alors que le présent litige ne concerne que M. [G] [B] et que plusieurs personnes présentées comme clients de l'établissement soutiennent en termes généraux que le bar fermait tous les jours de la semaine à 19h30 et que le serveur devait prendre son bus à 19h45, ces attestations n'établissant pas pour autant la réalité des horaires effectués par l'intimé.

Aussi, compte tenu des éléments fournis par M. [G] [B] et des observations et arguments de l'employeur, le rappel de salaire auquel peut prétendre M. [G] [B] s'établit à 2.351 euros outre 235,10 euros de congés payés afférents.

M. [G] [B] indiquant qu'il a perçu 450 euros en liquide à ce titre pendant l'exécution de son contrat de travail, cette somme sera déduite du rappel de salaire restant dû, et la décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.

* Sur l'existence d'un travail dissimulé

La dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que si l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

L'article L 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Pour allouer au salarié cette indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Mais ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

L'élément moral de l'infraction peut résulter de ce que l'employeur n'a pu ignorer l'amplitude du travail des salariés en raison des moyens de contrôle du temps de travail existant dans l'entreprise.

En l'espèce, il a été statué que M. [G] [B] a effectué des heures supplémentaires pour partie payées en liquide et non mentionnées sur les bulletins de salaire, ce qui démontre le caractère intentionnel de la S.A.R.L. Calven à ne pas les faire apparaître sur les bulletins de paie.

La S.A.R.L. Calven n'apporte aucun élément pertinent de nature à établir que cette somme en liquide aurait été remise dans le cadre d'une tombola effectuée en fin d'année au profit de son salarié.

Il sera en conséquence alloué à M. [G] [B] la somme de 9.497,10 euros d'indemnité pour travail dissimulé.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

L'article L. 1237-11 du code du travail dispose que l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.

Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

Le régime de la rupture conventionnelle, tel qu'il résulte des L.1237-11 et suivants du code du travail et de la jurisprudence de la chambre sociale, repose sur la liberté du consentement des parties. L'existence du délai de rétractation prévue par l'article L.1237-13 du code du travail constitue l'une des garanties de respect de ce consentement.

Ainsi, l'homologation ne peut être demandée à l'autorité administrative avant l'expiration du délai de rétractation de quinze jours prévu par le premier de ces textes, et la mention dans la convention d'une date erronée d'expiration du délai de rétractation est sans incidence si dans les faits, les parties n'ont pas été privées de la possibilité d'exercer le droit à rétractation.

Compte-tenu de cette importance majeure laissée au libre consentement des parties, en dehors des cas d'inobservation des formalités substantielles, seule l'existence d'un vice du consentement, ou bien d'une fraude établie, permet de faire annuler la convention de rupture :

- l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture, même si le salarié vient de faire l'objet de sanctions disciplinaires et même si le litige porte sur une modification du contrat de travail qui aurait été imposée au salarié ,

- des faits de harcèlement moral concomitant à la signature de la rupture conventionnelle ne suffisent pas, en soit, à justifier la nullité de la convention ,

- l'inaptitude du salarié qui convient avec l'employeur de la rupture conventionnelle de son contrat n'est pas, à elle seule, un élément démontrant la fraude de l'employeur pour contourner le régime protecteur de la rupture du contrat d'un salarié inapte ,

- il est également possible pour un salarié en arrêt de travail pour accident du travail de signer une convention de rupture malgré le régime protecteur prévu par l'article L.1226-9 du code du travail, cette circonstance n'établit pas à elle seule une fraude de l'employeur ,

- même solution à l'égard de la femme enceinte pendant la période de protection absolue prévue par l'article L.1225-4 du code du travail.

Le vice du consentement peut résulter de violences morales, de pressions et de menaces par l'employeur pour conduire le salarié à signer une rupture, de manoeuvres dolosives ou d'une altération des facultés mentales du salarié.

En application de l'article 1137 du code civil, la dissimulation intentionnelle d'une information constitue un dol lorsque cette information présente un caractère déterminant du consentement de celui qui l'ignorait.

La preuve d'un vice du consentement incombe à celui qui l'allègue.

En l'espèce, M. [G] [B] soutient que la S.A.R.L. Calven lui a extorqué sa signature sur le reçu pour solde de tout compte avant de 'l'expulser' de son bureau et qu'il n'a jamais perçu les sommes qui y étaient portées, soit 894,59 euros de rappel de congés payés et 353 euros d'indemnité de rupture conventionnelle. Il demande par suite l'annulation de la convention de rupture et la qualification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Force est de constater que dans ses écritures, la S.A.R.L. Calven n'apporte aucun élément pour remettre en cause ces affirmations de M. [G] [B] ou pour justifier par sa comptabilité du paiement du solde de tout compte, la seule observation concernant le cumul impossible entre indemnité légale licenciement et indemnité de rupture conventionnelle avant de demander l'annulation de toutes les condamnations.

Au surplus, comme l'a justement rappelé le conseil de prud'hommes, l'indemnité de rupture conventionnelle ne peut être inférieure à l'indemnité légale de licenciement égale à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté, soit en l'espèce la somme de 395,50 euros.

En conséquence, il sera fait droit à la demande d'annulation de la convention de rupture en date du 22 mars 2019, la rupture du contrat de travail étant par suite requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La S.A.R.L. Calven ne conteste pas à titre subsidiaire les demandes indemnitaires présentées par M. [G] [B] qui correspondent à la somme portée sur le solde de tout compte, soit 894,59 euros au titre des congés payés sur la période d'emploi, outre les sommes dues au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, prononcé sans respect de la procédure de licenciement, soit les sommes de :

- 402,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3.165 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à deux mois de salaire

- 1.582 euros au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier, correspondant à un mois de salaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 30 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a :

- prononcé la nullité de la convention de rupture conventionnelle,

- condamné la S.A.R.L. Calven à payer à M. [G] [B] les sommes suivantes :

- 1901 euros bruts au titre de rappel de salaires,

- 235,10 euros bruts au titre de congés payés y afférents,

- 9.497,10 euros au titre de l'indemnité pour le travail dissimulé,

- 1.000 euros au titre de l'article 700,

- débouté la S.A.R.L. Calven de toutes ses demandes,

- mis les dépens à la charge du défendeur.

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau sur les éléments infirmés,

Requalifie le contrat de travail à durée déterminée conclu entre la S.A.R.L. Calven et M. [G] [B] à effet au 3 avril 2018 en contrat de travail à durée indéterminée,

Condamne la S.A.R.L. Calven à verser à M. [G] [B] les sommes de :

- 1.582,85 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 894,59 euros au titre des congés payés restant dûs sur la période d'emploi,

- 402,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3.165 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à deux mois de salaire

- 1.582 euros au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier, correspondant à un mois de salaire,

- 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la S.A.R.L. Calven aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 20/03248
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;20.03248 ?
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