RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/01741 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HYBY
CRL/DO
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
26 mai 2020
RG :F 18/00476
Association CENTRE SOCIAL ET CULTUREL ESPELIDO
C/
[T]
Grosse délivrée le 04 JUILLET 2023 à :
- Me
- Me
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 04 JUILLET 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 26 Mai 2020, N°F 18/00476
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Juin 2023 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Association CENTRE SOCIAL ET CULTUREL ESPELIDO
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Hélène BOUT, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉE :
Madame [F] [T] épouse [C]
née le 21 Avril 1965 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe MOURET, avocat au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Novembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 04 juillet2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [F] [T] a été engagée à compter du 1er juillet 1989, suivant contrat à durée déterminée de 24 mois, suivi d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1991, en qualité de secrétaire d'accueil par l'association centre social et culturel Espelido.
La convention collective applicable est celle des acteurs du lien social et familial, centres sociaux, association accueil jeunes enfants, association en développement social local.
Du 3 février 2016 au 19 août 2016, Mme [F] [T] a été placée en arrêt de travail au titre de l'assurance maladie. Elle sera de nouveau en arrêt de travail du 10 octobre au 23 novembre 2016 puis en mi-temps thérapeutique du 24 novembre 2016 au 21 mai 2017.
A compter du 8 juin 2017, Mme [F] [T] a été placée en arrêt de travail et a sollicité en septembre 2017 la qualification en accident du travail de l'entretien qu'elle a eu le 8 juin 2017 avec le Président de l'Association centre social et culturel Espelido.
Le 7 septembre 2017, dans le cadre de la visite de reprise, le Dr [Y], médecin du travail la déclarera inapte à son poste dans les termes suivants : 'inapte en un seul examen, inapte à la reprise de son poste, inapte à reprendre et à poursuivre le travail de secrétaire dans l'Association, Avis inaptitude émis lors de la visite de reprise; l'état de santé de l'intéressée ne permet pas de proposer un autre poste ou d'autres tâches dans cette association. La salariée pourrait tenir un poste similaire dans un environnement professionnel significativement différent. Le reclassement professionnel devra se faire en dehors de l'association. Inapte à tout poste dans l'association'.
Par courrier du 4 octobre 2017, Mme [F] [T] a été licenciée pour inaptitude.
Par requête du 2 octobre 2018, Mme [F] [T] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon aux fins de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; condamner l'association Centre social et culturel Espelido au paiement de diverses sommes indemnitaires.
Par jugement du 26 mai 2020, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- dit et jugé que le licenciement dont à fait objet Mme [F] [T] est requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- constaté que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2.350 euros bruts,
- débouté Mme [F] [T] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- condamné l'Association centre social et culturel Espelido à verser à Mme [F] [T] les sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 28.200 euros,
- indemnité de préavis : 4700 euros brut,
- congés payés : 470 euros brut,
- indemnité spéciale de licenciement : 19.893,50 euros,
- dommages et intérêts pour préjudice moral : 8000 euros,
- condamné l'Association centre social et culturel Espelido à payer à Mme [F] [T] la somme de 1.000 euros au titre de 700 code de procédure civile,
- condamné l'Association centre social et culturel Espelido à remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard par document, soit un certificat de travail, et une attestation
Pôle Emploi rectifiés à compter du 30ème jour de la notification de la présente décision et jusqu'à délivrance de la totalité de ces documents,
- condamné l'Association centre social et culturel Espelido à remettre sous astreinte de 10 euros par jour de retard et à compter du 30ème jour de la notification de la présente décision et jusqu'à délivrance de l'original de l'intégralité du registre spécial des délégués du personnel,
- ordonné l'exécution provisoire sur les dommages et intérêts visés à l'article 515 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire sur les sommes et obligations visées à l'article R 1454-28 du code du travail,
- condamné l'Association centre social et culturel Espelido sur les intérêts au taux légal, à compter du 2 octobre 2018, sur les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé du jugement sur les sommes à caractère indemnitaire,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- débouté l'Association centre social et culturel Espelido de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- mis les éventuels dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge de l'Association centre social et culturel Espelido.
Par acte du 17 juillet 2020, l'association centre social et culturel Espelido a interjeté appel de cette décision ( RG 20 01730), sans préciser les chefs de jugement critiqués.
Par acte du 18 juillet 2020, l'association centre social et culturel Espelido a régulièrement interjeté appel de cette décision ( RG 20 01741), en précisant les chefs de jugement critiqué ' la requalification du licenciement en un licenciement sans motif réel, ni sérieux - la condamnation de l'Association Espelido au paiement des sommes suivantes : 28.200 euros à titre de dommages et intérêts, 4700 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 470 euros au titre des CP sur préavis, 19.893,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement , 8000 euros à titre de dommages et intérêts, 1.000 euros au titre de 700 code de procédure civile, 50 euros et 10 euros d'astreinte pour la délivrance des documents : certificat de travail, attestation Pôle emploi, original de l'intégralité du registre spécial des DP, contestation également de l'exécution provisoire sur l'ensemble des dommages et intérêts'.
Par ordonnance en date du 3 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 17 novembre 2022 à 16 heures et fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 1er décembre 2022. Par avis de déplacement d'audience du 6 décembre 2022, l'examen de l'affaire a été fixé à l'audience du 11 avril 2023.
Lors de cette audience, l'appelante a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture auquel l'intimée ne s'est pas opposée. La cour a fait droit à cette demande.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 29 mars 2023, l'Association centre social et culturel Espelido demande à la cour de :
- accueillir son appel,
- le dire fondé,
- en conséquence, réformer le jugement prononcé le 26 mai 2020 par le conseil de prud'hommes,
- dire que le directeur avait le pouvoir de procéder au licenciement de Mme [F] [T] en vertu des statuts de l'association, de la CCN, et de son contrat de travail,
- dire que la procédure de licenciement pour impossibilité de reclassement suite à l'inaptitude de Mme [F] [T] est justifiée,
-dire que l'indemnité spéciale de licenciement n'est pas justifiée,
- dire qu'il n'y a lieu à condamnation à des dommages intérêts au titre du préjudice moral,
- dire qu'il n'y a pas lieu à la communication de l'original du registre spécial des délégués du personnel,
- déclarer Mme [F] [T] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter,
- condamner Mme [F] [T] à payer la somme de 3500 euros en application de
l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [F] [T] aux entiers dépens.
L'Association centre social et culturel Espelido soutient que :
- la lettre de licenciement tout comme le courrier de convocation à l'entretien préalable ont été signés par son directeur, lequel détient le pouvoir de gérer les ressources humaine par délégation, ainsi que cela résulte de son contrat de travail,
- le registre spécial des délégués du personnel démontre que la déléguée du personnel a été consultée sur le reclassement, et pour 2018, aucun candidat ne s'est présenté, ce qui a été constaté par PV de carence en date du 6 avril 2018,
- elle n'était pas informée à la date du licenciement de la demande de reconnaissance d'accident de travail formulée par Mme [F] [T] pour des faits du 8 juin 2017, mais n'a été destinataire d'un courrier de la Caisse Primaire d'assurance maladie en ce sens que le 31 octobre 2017,
- au surplus, la Caisse Primaire d'assurance maladie n'a pas reconnu d'accident de travail, selon notification de refus de prise en charge en date du 26 décembre 2017,
- Mme [F] [T] a été justement déboutée en première instance de sa demande au titre d'un harcèlement moral à l'origine de son inaptitude,
- compte-tenu du poste occupé par Mme [F] [T], il a fallu la remplacer à l'accueil de l'association pendant son absence, la lettre de mission de Mme [N] précise bien qu'elle intervenait dans le cadre du remplacement de Mme [F] [T], - de la même manière, Mme [B] a été embauchée pour combler le mi-temps thérapeutique de Mme [F] [T],
- elle n'a jamais remis en cause les qualités professionnelles de Mme [F] [T],
- ses meubles de bureau ont été déplacés en son absence dans le cadre d'une réorganisation et d'un réaménagement de l'ensemble des locaux,
- son entretien annuel ne fait état d'aucun élément qui serait constitutif d'un harcèlement moral,
- suite au courrier d'alerte du médecin du travail en date du 17 décembre 2016, relatif aux risques psycho-sociaux, qui ne vise pas spécifiquement Mme [F] [T], elle a immédiatement réagi et mené différentes actions,
- l'avis d'inaptitude du médecin du travail ne fait nullement référence à un harcèlement moral,
- ses accusations s'expliquent par le refus de lui accorder une augmentation de salaire sollicitée par courrier du 22 juin 2017.
En l'état de ses dernières écritures en date du 5 avril 2023, contenant appel incident, Mme [F] [T] a demandé de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon en date du 26 mai 2020 qui :
- condamne l'association centre social et culturel Espelido à verser à Mme [F] [T] les sommes suivantes:
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 28.200 euros,
- indemnité de préavis : 4700 euros brut,
- congés payés : 470 euros brut,
- indemnité spéciale de licenciement : 19.893,50 euros,
- dommages et intérêts pour préjudice moral : 8000 euros,
- condamne l'association centre social et culturel Espelido à payer à Mme [F] [T] la somme de 1.000 euros au titre de 700 code de procédure civile,
- condamne l'association centre social et culturel Espelido à remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard par document, soit un certificat de travail, et une attestation Pôle Emploi rectifiés à compter du 30ème jour de la notification de la présente décision et jusqu'à délivrance de la totalité de ces documents,
- condamne l'association centre social et culturel Espelido à remettre sous astreinte de 10 euros par jour de retard et à compter du 30ème jour de la notification de la présente décision et jusqu'à délivrance de l'original de l'intégralité du registre spécial des délégués du personnel,
- condamne l'association centre social et culturel Espelido sur les intérêts au taux légal, à compter du 2 octobre 2018, sur les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé du jugement sur les sommes à caractère indemnitaire,
- déboute l'association centre social et culturel Espelido de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- met les éventuels dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge de l'association centre social et culturel Espelido,
- infirmer pour le surplus,
- condamner l'association centre social et culturel Espelido , prise en la personne de son représentant légal en exercice d'avoir à lui payer à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral : 15.000 euros,
Y ajoutant,
- condamner l'association centre social et culturel Espelido , association loi 1901, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à lui régler au titre des frais irrépétibles en cause d'appel une somme de 3.000 euros,
- la condamner en tous les dépens.
Mme [F] [T] fait valoir que :
- le défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement rend le licenciement nul, ce qui est le cas en l'espèce, le directeur de l'association n'ayant pas ce pouvoir puisqu'il ressort des statuts de l'Association centre social et culturel Espelido que c'est son conseil d'administration qui a ce pouvoir de licencier,
- subsidiairement, l'Association centre social et culturel Espelido ne justifie pas d'une consultation régulière des délégués du personnel,
- l'employeur n'a pas tenu compte de l'origine professionnelle de son inaptitude, alors qu'elle a adressé à l'employeur sa déclaration d'accident du travail le 27 septembre 2017, lequel a formalisé la déclaration d'accident du travail le 2 octobre 2017, alors que son licenciement interviendra le 4 octobre 2017,
- son préjudice moral résulte du fait qu'elle était investie dans l'association qui l'employait depuis 28 ans, était appréciée de ses collègues et a été brisée par le comportement inadmissible et violent de son employeur.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS :
Il est d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux procédures enregistrées sous les numéros RG 20 01730 et RG 20 01741, s'agissant de deux appels relatifs au même jugement rendu le 26 mai 2020 par le conseil de prud'hommes d'Avignon .
Compte tenu de l'accord des parties, il y a lieu de prononcer le rabat de l'ordonnance de clôture pour que soient prises en comptes leurs dernières conclusions et pièces produits aux débats.
Enfin, il sera rappelé que l'appel principal de l'Association centre social et culturel Espelido ne vise pas le débouté de Mme [F] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et que l'appel incident de Mme [F] [T] ne vise que le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués pour préjudice moral. Par suite, la cour n'est saisie d'aucune demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Demandes relatives à la rupture du contrat de travail
Mme [F] [T] a été licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement par courrier en date du 4 octobre 2017 ainsi rédigé :
'Madame,
Nous vous avons convoquée le 26/09/2017 à l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre auquel vous ne vous êtes présentée;
Nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour inaptitude.
A la suite de la visite médicale du 05/09/2017, le médecin du travail vous a déclaré inapte à l'emploi de secrétaire accueil que vous occupiez.
Il estime que vous ne pouvez plus poursuivre le travail dans l'association, que vous êtes inapte à tout poste de l'association et déclare une impossibilité de reclassement dans l'association.
Compte tenu des conclusions écrites par le médecin du travail, nous considérons que votre inaptitude constatée par le médecin du travail constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La rupture de votre contrat prend immédiatement effet à compter de la date d'envoi de cette lettre, soit le 04/10/2017.
Votre inaptitude étant d'origine non professionnelle, nous ne sommes pas tenus de vous verser une indemnité de préavis.
Nous tenons à votre disposition votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi.
Veuillez agréer, Madame, l'expression de nos salutations distinguées.'
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, il ressort des termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que le licenciement de Mme [F] [T] a été prononcé pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.
* sur la régularité de la procédure de licenciement
L'article L.1232-6 du code du travail dispose, en son premier alinéa, que "Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception".
Il en résulte que la notification du licenciement doit émaner de l'employeur. Le licenciement prononcé par une personne dépourvue de qualité à agir est sans cause réelle et sérieuse.
Quand l'employeur est une association, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que dans le silence des statuts, le pouvoir de licencier appartient au président de l'association, celui-ci étant le représentant légal auprès des tiers pour tous les actes de la vie sociale.
Toutefois, les statuts de l'association peuvent donner compétence à un autre organe que le président pour mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié. Il n'entre donc dans les attributions du président d'une association de mettre en oeuvre la procédure de licenciement que si aucune disposition statutaire n'attribue cette compétence à un autre organe.
Dans les associations, le défaut de pouvoir de l'auteur du licenciement est insusceptible de régularisation en sorte que le licenciement prononcé par une personne qui n'en avait pas le pouvoir est sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, le président ou un autre organe auquel les statuts ont donné compétence pour licencier les salariés, peut déléguer ses pouvoirs en matière de licenciement à une autre personne.
La délégation du pouvoir de licencier ne peut être tacite. Elle doit par ailleurs, le cas échéant, avoir été donnée conformément aux conditions fixées par le statut ou le règlement intérieur.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 4 octobre 2017 a été signée par M. [G], directeur de L'Association centre social et culturel Espelido.
Il résulte de l'article 11 des statuts de l'Association centre social et culturel Espelido que ' Le Président représente l'association en justice et dans les actes de la vie civile. Il préside les réunions de l'Assemblée Générale et du Conseil d'administration. Il peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à un autre membre du bureau exécutif.'
L'article 12 des statuts précise que le conseil d'administration nomme le personnel qu'il rétribue directement et gère les ressources.
Si la convention collective prévoit que le directeur est responsable ou co-responsable de la gestion des ressources humaines, le contrat de travail conclut entre M. [G] et L'Association centre social et culturel Espelido le nomme aux fonctions de directeur, et indique en son article 3 'emploi et qualification' qu'il 'gérera techniquement par délégation les ressources humaines ( recrutement, formation, évaluation, coordination ), à l'exception de son propre poste, en fonction des orientations ou des décisions du CA.'
Cette description des fonctions de directeur est reprise à l'identique dans la fiche de poste signée du président et de M. [G] le 7 mars 2013.
Ainsi, la délégation de pouvoir ainsi consentie au directeur de l'association énumère ses compétences en matière de ressources humaines, lesquelles ne comprennent pas le pouvoir disciplinaire.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l'Association centre social et culturel Espelido, son directeur n'avait pas qualité pour procéder au licenciement de Mme [F] [T], en l'absence de délégation de pouvoir à cette fin.
Par suite, le licenciement doit être qualifié comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.
* sur les conséquences indemnitaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse
A titre subsidiaire, l'Association centre social et culturel Espelido ne conteste pas les sommes qui ont été allouées à Mme [F] [T] en conséquence de la requalification du licenciement en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse s'agissant des sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 28.200 euros,
- indemnité de préavis : 4700 euros brut,
- congés payés : 470 euros brut,
lesquelles seront confirmées.
L'Association centre social et culturel Espelido conteste en revanche l'indemnité spéciale de licenciement de 19.893,50 euros, en raison du refus de prise en charge par la Caisse Primaire d'assurance maladie en date du 26 décembre 2017 de l'accident du travail du 8 juin 2017.
De fait, Mme [F] [T] étant indemnisée en raison d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle ne peut prétendre en plus à une indemnisation pour licenciement pour inaptitude.
Elle sera en conséquence déboutée de cette demande et la décision déférée sera infirmée en ce sens.
* sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Mme [F] [T] sollicite la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral au motif qu'elle était investie dans l'association qui l'employait depuis 28 ans, était appréciée de ses collègues et a été brisée par le comportement inadmissible et violent de son employeur. Elle produit en ce sens de multiples attestations de ses anciens collègues de travail et des documents médicaux pour justifier de la dégradation de son état de santé.
De fait, Mme [F] [T] n'apporte aucun élément nouveau qui justifierait de remettre en cause le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués en première instance, soit la somme de 8.000 euros qui sera confirmée.
* sur la demande de communication de l'original du registre du personnel
Cette demande présentée par Mme [F] [T] est sans objet à ce stade de la procédure.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Ordonne la jonction des deux procédures enregistrées sous les numéros RG 20 01730 et RG 20 01741 et dit que l'instance se poursuivra sous le numéro RG 20 01741,
Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture à la date de l'audience,
Confirme le jugement rendu le 26 mai 2020 par le conseil de prud'hommes d'Avignon sauf en ce qu'il a :
- condamné l'Association centre social et culturel Espelido à verser à Mme [F] [T] la somme de 19.893,50 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,
- condamné l'Association centre social et culturel Espelido à remettre sous astreinte de 10 euros par jour de retard et à compter du 30ème jour de la notification de la présente décision et jusqu'à délivrance de l'original de l'intégralité du registre spécial des délégués du personnel.
Et statuant à nouveau sur ces éléments,
Déboute Mme [F] [T] de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement,
Déboute Mme [F] [T] de sa demande de communication de l'original de l'intégralité du registre spécial des délégués du personnel,
Condamne l'Association centre social et culturel Espelido à verser à Mme [F] [T] la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt partiellement infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire,
Condamne l'Association centre social et culturel Espelido aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,