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27/06/2023 | FRANCE | N°21/01443

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 27 juin 2023, 21/01443


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/01443 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IAHQ



CRL/JLB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ALES

12 mars 2021



RG :F 20/00039







Association [6]



C/



[L]





















Grosse délivrée le 27 juin 2023 à :



- Me LEVET

- Me GARCIA



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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 27 JUIN 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALES en date du 12 Mars 2021, N°F 20/00039



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REYTER...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01443 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IAHQ

CRL/JLB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ALES

12 mars 2021

RG :F 20/00039

Association [6]

C/

[L]

Grosse délivrée le 27 juin 2023 à :

- Me LEVET

- Me GARCIA

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 27 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALES en date du 12 Mars 2021, N°F 20/00039

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2023 puis prorogée au 27 juin 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Association [6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Emmanuelle LEVET, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [Y] [L]

née le 27 Septembre 1965 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Pauline GARCIA de la SELARL PG AVOCAT, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 27 juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [Y] [L] a été engagée à compter du 1er novembre 2015, suivant contrat à durée indéterminée à temps plein, avec reprise d'ancienneté depuis le 1er mai 2013, en qualité d'infirmière par l'association [6].

La convention collective applicable est celle des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif.

Le 13 juin 2019, Mme [Y] [L] a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 26 juin 2019, par l'association [6].

Le 2 juillet 2019, Mme [Y] [L] a reçu un avertissement de l'association [6].

Par courrier du 2 août 2019, Mme [Y] [L] a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 29 août 2019, par l'association [6], puis déplacé au 6 septembre 2019.

Le 7 octobre 2019, Mme [Y] [L] a été licenciée pour faute grave, par l'association [6].

Par requête du 12 mai 2020, Mme [Y] [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'Alès aux fins de constater qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral ; considérer comme nul le licenciement pour faute grave prononcé à son encontre en raison du harcèlement moral subi par cette dernière ; constater que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où les motifs invoqués ne constituent pas une faute grave ; et condamner l'association [6] au paiement de diverses sommes indemnitaires.

Par jugement du 12 mars 2021, le conseil de prud'hommes d'Alès a :

- dit et jugé que les faits de harcèlement à l'encontre de Mme [Y] [L] sont reconnus,

- dit et jugé que le licenciement de Mme [Y] [L] est nul,

- condamné l'association [6], prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [Y] [L] les sommes suivantes :

- 28 886.90 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul, soit dix mois de salaire,

- 5 536.64 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 5 777,38 euros brut au titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 577,73 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

- 10.000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 1.560 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'association [6], prise en la personne de son représentant légal, à payer aux entiers dépens, y compris ceux éventuellement nécessaires à l'exécution de la présente décision par huissier de justice,

- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente

décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret du 08 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par l'association [6], prise en la personne de son représentant légal, en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes, fins et prétentions.

Par acte du 9 avril 2021, l'association [6] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 30 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 28 février 2023 à 16 heures et fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 15 mars 2023. Par avis de déplacement d'audience du 8 décembre 2022, l'examen de l'affaire a été fixé à l'audience du 14 mars 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 25 juin 2021, l'association [6] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- déclarer mal fondées les accusations de harcèlement moral proférées par Mme [Y] [L],

En conséquence,

- débouter Mme [Y] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- débouter Mme [Y] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, manquement à l'obligation de sécurité,

- déclarer que le licenciement de Mme [Y] [L] repose sur une faute grave,

En conséquence,

- débouter Mme [Y] [L] de sa demande d'indemnité de préavis et congés payés afférents,

- débouter Mme [Y] [L] de sa demande d'indemnité de licenciement,

- débouter Mme [Y] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- débouter Mme [Y] [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] [L] à lui régler la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] [L] aux dépens.

L'association [6] soutient que :

- la réalité des faits reprochés à Mme [Y] [L] pour caractériser la faute grave est établie,

- pour les faits du 3 août 2019, la remise de morphine au fils d'une résidente étant interdit par le code de la santé publique et constitutif d'une faute professionnelle mettant en danger la sécurité de la résidente et faisant peser sur l'association une lourde responsabilité,

- il n'a jamais été reproché à Mme [Y] [L] le décès de la résidente, celui-ci ne faisant que confirmer la dégradation de l'état de santé et la nécessité de recourir à l'hospitalisation,

- pour les faits du 11 juillet 2019, elle n'a pas signé le registre de traçabilité des toxiques concernant 4 doses d'Actiskénan, produit à base de morphine, qu'elle a ensuite demandé à une aide-soignante d'administrer alors que seule une infirmière DE peut le faire,

- ces deux manquements graves sur une courte période ont été précédés d'un avertissement le 2 juillet 2019 pour avoir délégué à un agent soignant une pose de perfusion également de sa seule compétence,

- Mme [Y] [L] n'a jamais évoqué de situation de harcèlement moral avant l'engagement de la procédure de licenciement , et n'apporte aucun élément concret pour en établir l'existence,

- le licenciement est sans lien avec un quelconque harcèlement moral et est motivé par les manquements graves de Mme [Y] [L],

- l'arrêt de travail de Mme [Y] [L] est intervenu postérieurement à l'engagement de la procédure disciplinaire à son encontre et elle ne justifie pas du lien entre sa prise en charge médicale et le harcèlement moral qu'elle dénonce,

- le licenciement n'est donc entaché d'aucune nullité et repose sur une cause réelle et sérieuse, et Mme [Y] [L] doit être déboutée de ses demandes indemnitaires, et ce d'autant qu'elle ne justifie ni de la réalité du préjudice qu'elle allègue, ni de sa situation professionnelle actuelle.

En l'état de ses dernières écritures en date du 30 septembre 2021, Mme [Y] [L] a demandé de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 12 mars 2021 en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du licenciement de Mme [Y] [L],

- condamné l'association [6] à lui payer la somme de 10 000,00

euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamné l'association [6] à lui payer 5 536,64 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement ,

- condamné l'association [6] à lui payer la somme de 5 777,38

euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 577,73 euros bruts de congés payés y afférents,

- condamné l'association [6] à lui payer la somme de 1560 euros

au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès en ce qu'il a condamné l'association [6] à lui payer la somme de 28 886,90 euros nets (10 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul pour retenir la somme de 34 664,28 euros nets (12 mois),

- rejeter, dans leur intégralité, les prétentions de l'association [6],

Ainsi,

A titre principal : Sur le harcèlement moral subi et la nullité de son licenciement,

- constater qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral,

- considérer comme nul le licenciement pour faute grave prononcé à son encontre en raison du harcèlement moral subi par elle,

En conséquence,

- condamner l'association [6] au paiement des sommes suivantes :

- à titre principal, 34 664,28 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul (12 mois), à titre subsidiaire, 28 886,90 euros netsà titre de dommages-intérêts pour licenciement nul (10 mois),

- 5 536,64 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 5 777,38 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois) outre la somme de 577,73 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

A titre subsidiaire : Sur le caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement pour faute grave,

- constater qu'elle a été licenciée pour faute grave,

- constater que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où les motifs invoqués ne constituent pas une faute grave,

En conséquence,

- condamner l'association [6] au paiement des sommes suivantes :

- 34 664,28 euros nets à titre d'indemnité sans cause réelle et sérieuse à titre principal (12 mois) et 23 109,52 euros nets à titre subsidiaire (8 mois),

- 5 536,64 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 5 777,38 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois) outre la somme de 577,73 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

En tout état de cause,

- condamner l'association [6] au paiement de la somme 10 000,00 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier, manquement à l'obligation de sécurité,

- ordonner à l'association [6] la rectification des documents de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les 8 jours de l'arrêt à intervenir,

- faire produire à la décision à intervenir les intérêts légaux,

- condamner l'association [6] au paiement de la somme de 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [Y] [L] fait valoir que :

- elle a été victime de harcèlement moral de la part de Mme [B], qui était plus agressive et méchante envers elle qu'envers les autres salariés, et ce à partir du 4 juin 2019 lorsqu'elle a dénoncé un abandon de poste de Mme [F] que Mme [B] couvrira,

- elle-même et Mme [E] vont procéder à des signalements d'événements indésirables à l'encontre de Mme [B], pour des faits de menaces graves,

- le personnel de l'EHPAD excédé du comportement de Mme [B] à son encontre va adresser à la direction de l'établissement une lettre le 19 juin 2019 dénonçant le harcèlement moral dont elle faisait l'objet, l'absence d'intervention de l'employeur et l'abandon de poste de Mme [F], les moqueries et menaces de Mme [F] envers plusieurs salariés via les réseaux sociaux, le faux accident du travail de Mme [F] rédigée par Mme [B],

- elle a dénoncé en vain, à plusieurs reprises, ces agissements d'abord oralement puis par deux écrits, le 9 avril 2019 puis le 2 septembre 2019,

- aucune sanction ne sera prise par l'établissement et c'est elle qui sera licenciée pour faute grave en lieu et place des auteures de son harcèlement,

- elle a fini par craquer et a été placée en arrêt de travail du 11 juin au 10 juillet 2019 puis à compter du 30 août 2019, et est toujours suivie médicalement et psychologiquement pour l'anxiété résultant des faits de harcèlement moral,

- il en résulte une nullité de son licenciement qui doit être justement indemnisée,

- subsidiairement son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués sont 'faux et orientés',

- la tardiveté de son licenciement après l'entretien préalable est incompatible avec la gravité des faits qui lui sont reprochés et l'absence de mise à pied,

- ses compétences professionnelles sont reconnues de tous et reprises dans ses entretiens annuels,

- l'employeur va malgré cela considérer 'comme par hasard' au moment où elle dénonce des faits de harcèlement moral que son maintien dans l'établissement n'est plus possible suite à sa dénonciation de faits de harcèlement moral,

- son expérience lui permet d'évaluer une situation de danger et elle ne peut pas assumer seule les conséquences d'une organisation du travail défaillante,

- elle a toujours agi dans l'intérêt du patient et a délégué la pose de perfusion à une personne théoriquement non qualifiée pour le faire en raison de sa surcharge de travail, mais a pris soin de tout préparer et de vérifier la pose avant de partir, elle a été sanctionnée par un avertissement pour ces faits qui ne peuvent donc motiver son licenciement,

- elle n'a pas signé la fiche de suivi toxique le 11 juillet 2019 en raison de sa surcharge de travail, et a délégué la prise de la gélule de nuit à une aide soignante car elle terminait son poste à 19h30,

- la morphine n'est pas un produit dangereux et vise seulement à soulager les patients,

- on lui reproche grossièrement le décès d'une patiente, alors qu'aucune plainte pénale n'a été déposée en ce sens,

- cette patiente a toujours refusé son transfert à l'hôpital, ainsi qu'en atteste son fils, et le traitement de morphine avait été prescrit ' si besoin', et les gouttes de morphine lui ont été administrées par son fils, infirmier retraité qui avait insisté pour le faire, et le médecin du SAMU avait donné son accord,

- sa demande de dommages et intérêts est fondée sur le harcèlement moral dont elle a fait l'objet tout au long de sa relation contractuelle, et qui n'a amené aucune réaction de son employeur qui a fini par se servir du décès d'une résidente pour la licencier pour faute grave.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

* harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande, Mme [Y] [L] invoque le fait qu'elle était le bouc-émissaire de Mme [B] depuis qu'elle a dénoncé à celle-ci l'abandon de poste par Mme [F] le 4 juin 2019 à 19h45, qu'elle a été menacée de violences graves, que Mme [B] utilisait le moindre prétexte pour lui crier dessus, qu'elle travaillait 'la boule au ventre' par crainte de se faire agresser ou se voir reprocher son travail.

Elle verse aux débats les éléments suivants :

- le signalement d'événement indésirable qu'elle a rédigé le 9 avril 2014 dans lequel elle indique : ' Madame [B] est intervenue dans le local en hurlant « qu'est ce tu fais là !' ». Je lui ai répondu que je finissais de compter le stock pour passer commande car c'était urgent.

Elle m'a ordonné en hurlant et en faisant de grands gestes « tu montes tout de suite, l'élève n'est pas surveille ». Je lui ai dit qu'elle était bien surveille. Madame [B] ni a contesté, ne me laisser pas parler sans savoir de la délégation d'AS. Puis je suis montée distribuer des médicaments au 2ème service. J'ai voulu lui parler « s'il te plait » mais elle m'a répondu qu'elle en avait pas envie.Je me suis senti très menacé et rabaissé. J'ai eu peur qu'elle en vienne aux mains. J'en ai parlé aux filles. Je suis partie en pause, en sachant pas si je revenais car j'étais dans une angoisse dans une peur de me retrouver face à elle. Ce n'est plus possible et acceptable pour moi. »,

- le signalement d'événement indésirable établi par Mme [O] [E], aide-soignante, le 14 avril 2019 qui indique ' Je tiens à vous informer que le 9 avril 2019, il y a eu une altercation entre Madame [B] et Mme [L]. Madame [B] a fait un scandale en salle à manger devant les résidents. Elle a eu des propos très menaçant et très vulgaire envers Madame [L] ' je vais la bomber' / elle va finir dans le mur'/ je vais lui mettre un coup de boule'/ 'vous pourrez appeler les pompiers'. Je trouve cela inadmissible. Ce n'est pas la première fois que Madame [B] parle de la sorte',

- une attestation de Mme [A] [R], qui se présente comme agent de service et indique ' Suite à la demande de Mme [L] [Y] je vous signale qu'elle n'était pas dans mon équipe mais mes collègues de travail en parlé souvent en bien ou en mal. Je n'ai pour moi jamais constaté de problème suite aux interventions de Mme [L] [Y] Malgré les agressions des supérieurs, Mme [L] [Y] à toujours était une infirmière humaine et professionnelle',

- une attestation de Mme [A] [R] qui se présente comme retraitée et indique : ' Mme [L] [Y] est dans son travail comme dans la vie. Totalement dévoué envers les résidents de la maison de retraite où elle travaillait. J'ai pu constater son changement d'humeur cette année, sa joie de vivre a disparu. Elle m'a paru tout à coup nerveuse. Elle a subi de l'humiliation. Son employeur a osé remettre en question son travail qu'elle effectuait, pour moi c'est clairement un licenciement abusif. Lors de ma venue dans cet ehpad, j'ai pu constater en 2015 le travail très intense de Mme [L] pour les résidents, la plupart grabataires. J'ai apprécié son professionnalisme et une fois de plus, son calme, son sang-froid, sa patience. Bien sûr c'était avant les évènements douloureux qu'elle a subi. Elle m'a confié à maintes fois qu'elle subissait des injustices, puis elle est tombée malade, ce que je redoutais vu cet harcèlement répété. Les évènements perturbants occasionnés par sa hiérarchie ont tout bousculé et l'ont définitivement perturbée. Docilement, elle s'est résignée à continuer de travailler. Elle est d'accord avec ce que je dis ( voir témoignage d'une de ses collègues ) C'est une personne honnête, je suis admirative de tout ce qu'elle a pu apporter dans cette maison de retraite. Elle a exécuté son travail consciencieusement, j'en suis certaine. D'après les dires de Mme [L], elle n'a pas hésité non plus de rester en plus tous les jours non rétribuée, elle n'a pas tenu à le signaler car elle trouve ça normal. Moi, je vois qu'elle a tout à fait pris ses responsabilités',

- un document dactylographié, portant la mention manuscrite ' non envoyé par délégué du personnel' et dépourvu de signature, présenté comme étant un courrier adressé par ' le personnel de L'EHPAD [6] Résidence [7] à [Localité 5]' et qui dénonce les faits subis par Mme [Y] [L], et qui déplore que ' malgré toutes ses alertes, nous n'avons pas constaté de changement et aucunes réponses nous ont été apportées', ' Madame [Y] [L] doit être convoquée le 26 juin 2019 pour une sanction pour un acte qu'elle aurait soit-disant délégué à Mme [F] faisant fonction d'aide-soignante. En effet, Madame [F] a abandonné son poste le 04/06/2019 vers 19h30 en sachant que celui-ci se termine à 20h00, Madame [F] avait souvent pour habitude de quitter son poste bien avant l'heure. De cet événement, Madame [L] , infirmière ce soir-là, met tout en oeuvre pour retrouver Mme [F] ( appel à l'astreinte qui ne répond pas, son véhicule n'est plus sur le parking, et son poste de téléphone sur son socle en salle de soins, absence dans l'établissement ...) Et comme par hasard qui nous semble pas en être, elle accuse cette même infirmière d'avoir effectuer un acte infirmière qu'elle n'aurait pas du faire le 04/06/2019. Par ailleurs, elle revient dans l'établissement en sachant qu'elle n'est plus en poste et se vante du futur éventuel licenciement de Madame [L] en incriminant celle-ci qui aurait signaler son absence pour couvrir sa propre faute. Madame [F] se permet aussi de menacer via les réseaux sociaux des collègues. [Z] ce harcèlement est inacceptable.',

- ses arrêts de travail à compter du 11 juin 2019,

- un courrier dactylographié daté du 2 septembre 2019, par lequel elle conteste l'avertissement du 2 juillet 2019, 'le stress psychologique de la part de Mme [B]' depuis février,

- plusieurs prescriptions médicales datées d'août, octobre et novembre 2019, comprenant des anti-dépresseurs,

- une attestation de consultation au centre médico-psychologique auprès d'un infirmier, le 22 octobre 2019,

Les deux signalements d'événement indésirable pour le 9 avril 2019 décrivent des faits totalement différents : celui établi par Mme [Y] [L] vise une altercation verbale avec Mme [B] dans un lieu de stockage, sans présence de témoin et celui établi par Mme [E] une altercation entre les deux premières, en salle à manger devant les résidents.

Les témoignages vantent en termes généraux les mérites professionnels de Mme [Y] [L], ne décrivent aucun événement précis, reprennent les propos de Mme [Y] [L] ou le ressenti de leur autrice.

Le document présenté comme étant un courrier établi par le personnel de l'EHPAD pour dénoncer le harcèlement subi par Mme [Y] [L] porte la mention qu'il n' a pas été adressé à la direction, n'est authentifié par aucune signature et reprend les faits dénoncés par Mme [Y] [L] et son ressenti sans qu'il soit possible d'en identifier le ou les auteurs.

Les éléments médicaux produits, s'ils démontrent la réalité de problèmes de santé subis par Mme [Y] [L], ne sont pas des éléments permettant de démontrer des faits de harcèlement moral, tout au plus pourraient ils en être la conséquence. Ils ne mentionnent aucun lien entre la dégradation de l'état de santé de l'appelante et son travail.

En conséquence, les éléments invoqués par Mme [Y] [L] n'établissent pas une présomption de harcèlement moral.

Mme [Y] [L] sera en conséquence déboutée de sa demande présentée de ce chef. La décision déférée sera infirmée.

* manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité

Selon l'article L4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.»

L'article L.4121-2 précise que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.»

En l'espèce, Mme [Y] [L] invoque au soutien de sa demande de 10.000 euros de dommages et intérêts le fait qu'elle a subi tout au long de la relation contractuelle le harcèlement moral de deux collaboratrices, faits qui ont été dénoncés à plusieurs reprises sans réaction de l'employeur qui l'a laissée ' seule face à ses bourreaux', et qui l'a ensuite désignée comme responsable d'un décès qui n'était nullement de son fait. Elle en déduit que son préjudice moral est évident, ainsi que son préjudice financier en raison de la perte de revenus.

Il a été jugé que les faits de harcèlement moral n'étaient pas caractérisés.

Par ailleurs, le courrier du personnel de l'EHPAD daté du 19 juin 2019 porte en mention manuscrite qu'il n'a pas été adressé à la direction et Mme [Y] [L] ne démontre pas qu'il aurait été malgré tout envoyé, et le courrier du 2 septembre 2019 est postérieur à son arrêt de travail et n'a pas permis à la direction d'être informée d'une quelconque difficulté à laquelle elle aurait pu le cas échéant remédier.

Les éléments médicaux produits par Mme [Y] [L] n'établissent pas de lien entre la dégradation de son état de santé et son travail.

Enfin, le lettre de licenciement rappelée infra n'impute pas à Mme [Y] [L] le décès d'une résidente.

En conséquence, Mme [Y] [L] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.

Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

Si l'article L1332-4 du code du travail prévoit en principe qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance, en revanche ce texte ne s'oppose à pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

Enfin, selon le principe « non bis in idem », une même faute ne peut faire l'objet de deux sanctions successives. Le prononcé de la première sanction « épuise » le pouvoir disciplinaire de l'employeur. Ainsi, dès lors que le salarié a déjà été sanctionné pour des faits considérés comme fautifs par l'employeur, les mêmes faits ne peuvent fonder un licenciement. U n licenciement motivé par les seuls griefs déjà sanctionnés sur le plan disciplinaire serait sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 7 octobre 2019 qui fixe les limites du litige, a été rédigée dans les termes suivants :

« Madame,

Par courrier du 22 août 2019, nous vous avons convoquée le 6 septembre 2019 à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement.

Vous avez été reçue par Madame [H] [J], directrice des relations humaines, et Madame [P] [M], directrice de l'EHPAD [7].

Vous étiez assistée de M. [W], délégué du personnel.

A la suite de cet entretien, et après mûre réflexion, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave, les explications recueillies aurpès de vous ne nous ayant malheureusement pas permis de modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés.

Pour rappel, vous avez été embauchée par l'association [6] le 1er février 2012 suivant contrat de travail à durée indéterminée et exercez vos fonctions d'infirmière diplômée d'état au sein de l'établissement de [Localité 5].

Nous avons constaté que certains de vos agissements mettent en danger la prise en charge de nos résidents et engagent la responsabilité de l'association, alors même que vous avez déjà été alertée à plusieurs reprises quant à vos pratiques professionnelles.

Ainsi, le samedi 3 août 2019, vous notez dans les transmissions le souhait de Madame [K], résidente, d'être hospitalisée.

Pourtant, vous n'engagez aucune démarche en ce sens.

Le dimanche 4 août, vous appelez Madame [B], cadre de santé, afin de signaler l'absence d'une de vos collègues.

À l'occasion de cet appel, vous lui précisez que Madame [K], une de résidente de l'EHPAD, a souffert tout le week-end, et que vous avez pris l'initiative, en présence de son fils, d'appeler le 15 pour savoir s'il était possible de donner un traitement morphinique à la résidente.

Vous avez préparé le traitement morphinique dans des contenants et mentionné dessus le nom de la résidente et les horaires d'administration : 20h, minuit et 4 heures.

Ce traitement avait été prescrit par le Docteur [S], mais sans indication pour administrer le traitement la nuit, notamment car il ne pouvait être administré que par une infirmière.

C'est Monsieur [K], le fils de la résidente qui a administré le traitement à sa mère, aux heures fixées par vous.

Celui-ci a reconnu ultérieurement auprès de la cadre de santé avoir enfreint la loi en administrant ce traitement à sa mère.

Dès le lendemain, la cadre de santé a pris attache avec le Docteur [S] pour envisager une modification du traitement, celui-ci a établi une nouvelle prescription et la cadre de santé a retiré les stupéfiants prescrits auprès de la pharmacie.

La résidente a été hospitalisée le 5 août, et est ensuite décédée à l'hôpital.

De par vos fonctions d'infirmière diplômée d'État et votre expérience, vous savez que la conduite à tenir dans de tels cas est, tout d'abord, d'engager les démarches pour l'hospitalisation, et ensuite, d'appeler astreinte pour qu'une décision soit prise.

L'initiative que vous avez pris est grave, contraire aux instructions et met en danger la sécurité des résidents.

Malheureusement, ce manquement à vos obligations professionnelles n'est pas isolé.

Vous avez également été convoquée en entretien sur site le 29 août, par courrier du 2 août, afin d'évoquer les faits survenus le 11 juillet 2019. Compte-tenu de la survenance des faits du 4 août, l'entretien a été annulé et remplacé par celui l'entretien du 6 septembre, au siège, lors duquel les événements du 11 juillet ont également été évoqués.

Le 11 juillet 2019, vous avez sorti du coffre des produits toxiques 4 doses d'Actiskenan, sans signer la fiche de traçabilité des toxiques, ce qui est encore une fois particulièrement grave et contraire à toutes les procédures.

Au-delà de l'absence de signature dans les fiches de traçabilité des toxiques, vous avez préparé une dose pour distribution par l'aide-soignante à 23h. Or, vous savez que s'agissant d'un traitement dangereux, cette distribution ne peut pas être délégué à un aide-soignant.

Cela vous avait déjà été rappelé et avait donné lieu à un avertissement quelques jours auparavant, soit le 2 juillet dernier, pour non-respect des règles de bonnes pratiques professionnelles concernant la distribution des traitements, et rappel des dispensations qui peuvent être déléguées ou non et leurs modalités. Vous aviez alors délégué un acte infirmier à un agent de soins.

Par courrier du 2 septembre, vous avez contesté cette sanction.

Nous avons pris connaissance des motifs que vous avez fait valoir au soutien de cette demande d'annulation, et vous avez également échangé à ce sujet avec Mesdames [M] et [J] lors de l'entretien.

Vous avez notamment mis en cause votre supérieure hiérarchique, Madame [B], affirmant que son comportement serait source de harcèlement et de stress.

Madame [M] vous a rappelé que des échanges avaient déjà eu lieu à ce sujet, et vous reconnu qu'une collaboration en bonne intelligence permettrait de faire avancer le projet de soins au sein de la structure. Par ailleurs, ces éventuelles difficultés relationnelles ne peuvent être liées aux faits qui vous sont reprochés.

En l'absence d'éléments nouveaux ou de faits précis concernant le management de Madame [B], et compte-tenu des faits survenus depuis, nous vous confirmons que nous entendons confirmer la sanction qui vous a été notifiée le 2 juillet.

A l'issue de l'entretien nous avons pris un temps de réflexion.

Ces manquements répétés démontrent que vous n'avez pas pris la mesure de l'avertissement qui vous a été notifié, et n'avez pas remis en question votre pratique professionnelle.

Vous comportement est dangereux au regard de la dispensation des traitements et fait courir un risque certain pour les résidents et engage la responsabilité de l'association.

Nos échanges lors de l'entretien n'ont pas permis de remettre en cause la réalité ou la gravité des faits reprochés.

Compte-tenu de ce qui précède, votre maintien dans les effectifs de l'association est rendu impossible et nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.

Cette mesure prendra effet, sans indemnité, à la date de première présentation de ce courrier à votre domicile.

Nous vous remercions de nous restituer les clés qui avaient été mises à votre disposition dans le cadre de l'exercice de vos fonctions.

Vous disposez d'un délai de 15 jours à compter de la notification de votre licenciement pour demander, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, des précisions sur les motifs énoncés dans la présente lettre.

Votre solde de tout compte, attestation Pôle Emploi et certificat de travail vous seront envoyés à votre domicile.

Nous vous informons que vous avez acquis des points au titre de votre DIF (...)

Veuillez agréer, Madame, l'expression de nos salutations distinguées'.

* sur la nullité du licenciement en raison de faits de harcèlement moral

Si par application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail toute rupture du contrat de travail qui résulte d'un harcèlement moral est nulle de plein droit, Mme [Y] [L] sera déboutée de la demande aux fins de nullité de son licenciement présentée au visa de ce texte, dès lors que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis, et de sa demande pécuniaire subséquente d'indemnité pour licenciement nul .

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

* sur l'existence d'une faute grave

Il résulte de cette lettre de licenciement que l'association [6] reproche à Mme [Y] [L] d'avoir le 3 août 2019 remis des doses de morphine au fils d'une résidente pour qu'il les administre à sa mère le 4 août 2019, et de ne pas avoir engagé des démarches pour l'hospitaliser et de ne pas avoir le 11 juillet 2019 signé le registre de traçabilité et d'avoir demandé à une aide-soignante d'administrer, à sa place, de la morphine à une résidente, et ce alors qu'elle avait fait l'objet le 2 juillet 2019 d'un avertissement pour des faits de même nature, soit d'avoir demandé à un agent de soins de poser une perfusion sur une résidente.

* s'agissant des faits du 4 août 2019

Pour démontrer la réalité de ce grief dont la matérialité n'est pas contestée par Mme [Y] [L], l'association [6] justifie de son statut non contesté d'infirmière diplômée d'état, renvoie aux dispositions de l'article R 4311-1 et suivants du code de la santé publique, et verse aux débats :

- la fiche de suivi de Mme [K] [X] qui mentionne des douleurs et pour la journée du 3 août 2019 ' Me [K] ainsi son fils souhaitent un transfert au CH [Localité 4] car ' elle serai mieux soigné là bas' et en caractère plus gros ' les pots sont préparés pour le fils, [N] vient de me dire qu'il passera vers 22h' et pour la journée du 4 août 2019 ' allo le 15 pour avis médical : nous avons la confirmation par le médecin de passer l'oramorph quatre gouttes jusqu'à 5 fois par jour avec l'autorisation du passage de son fils ( ancien infirmier ) deux fois la nuit, à 22h et 3h pour assurer l'administration de quatre gouttes oramorph ( pot rouge fermé / préparé par IDE la veille, bien précisé le nom de la résidente, la date, l'heure et le nom du médicament, posologie',

- la désignation par Mme [K] [X] de son fils M. [D] [K] en qualité de personne de confiance,

- le témoignage de Mme [U] [B], infirmière, qui indique que le 4 août 2019, elle a été en contact avec Mme [Y] [L] qui ne lui a jamais fait part du souhait de Mme [K] d'être hospitalisée et qui lui a indiqué que le médecin contacté par le 15 a donné son accord pour un traitement morphinique administré par le fils de la patiente, qu'elle a informé Mme [Y] [L] ' que cela était illégal, que les administrations de traitements stupéfiants doivent être donnés par l'infirmière et non par un membre de la famille. Le 5 août 2019 aux environs de 9h je reçois le fils de madame [K],il me dit qu'il est conscient de l'illégalité de la procédure'.

Pour remettre en cause ce grief, Mme [Y] [L] rappelle que ses compétences professionnelles sont reconnues de tous et qu'il lui est reproché de manière grossière le décès de la patiente alors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale. Elle soutient que le fils de Mme [K] était un ancien infirmier, qu'il a insisté pour administrer les gouttes à sa mère et qu'elle a agi avec l'aval du centre 15.

Contrairement à ce qu'affirme Mme [Y] [L], la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige lui reproche uniquement d'avoir fait administrer par le fils de la résidente le traitement morphinique prescrit par le médecin du centre 15.

La matérialité de cette administration par le fils de Mme [K] n'est pas contestée et est contraire aux dispositions réglementaires des articles R 4311-1 et suivants du code de la santé publique qui définissent les actes et soins qui relèvent du propre rôle de l'infirmier ou l'infirmière et qui engagent sa responsabilité, parmi lesquels ' 4°Aide à la prise des médicaments présentés sous forme non injectable ; 5° Vérification de leur prise ; 6° Surveillance de leurs effets' ( article R 4311-5 ). Les conditions de délégation de ces actes sont définies par l'article R 4311-4 qui ne vise aucunement les membres de la famille mais uniquement les personnels soignants que l'infirmier encadre et dans la limite de la qualification reconnue à ces derniers.

Les attestations produites par Mme [Y] [L] ne remettent pas en cause ces éléments réglementaires auxquelles elle était soumise par son statut d'infirmière.

Par suite, Mme [Y] [L] ne pouvait déléguer au fils d'une résidente, fut-il ancien infirmier et demandeur pour le faire, l'administration d'un médicament, acte infirmier relevant de sa responsabilité.

Ce manquement à lui seul suffit à caractériser le grief.

Par ailleurs, le souhait de Mme [K] d'être hospitalisée est mentionné dès le 3 août 2019 dans le relevé d'administration des soins, même si l'attestation établie par le fils de cette dernière et produite par Mme [Y] [L] donne une autre explication sur la demande d'hospitalisation, mais la procédure d'admission n'a pas été mise en oeuvre à ce moment là, Mme [Y] [L] faisant le choix d'appeler le centre 15 pour valider un traitement morphinique qu'elle a ensuite partiellement permis au fils de la résidente d'administrer.

Ce second manquement vient compléter le grief déjà caractérisé.

* s'agissant des faits du 11 juillet 2019

Pour démontrer la réalité de ce grief dont la matérialité n'est pas contestée par Mme [Y] [L], l'association [6] justifie de son statut non contesté d'infirmière diplômée d'état, renvoie aux dispositions de l'article R 4311-1 et suivants du code de la santé publique, et verse aux débats :

- le plan de soins infirmiers pour la journée du 11 juillet 2019 qui mentionne pour Mme [K] que les différents soins techniques ont été effectués par 'MUBR' à l'exception de la prise de constante ' FECH',

- le relevé d'administration de stupéfiants concernant Mme [K] qui mentionne 4 administrations le 11/07/2019 à 7h, 12h, 18h et 23 h sans mention de la dose, ni du nom et de la signature de l'infirmière,

- le témoignage de Mme [B] qui indique avoir remis la copie du relevé d'administration de stupéfiants de Mme [K] à la directrice de l'EHPAD le 23 juillet 2019.

Contrairement à ce que soutient Mme [Y] [L], ce n'est pas seulement l'administration de 23 heures effectuée par l'aide-soignante qui n'est pas renseignée, mais bien les 4 administrations de la journée, dont le plan de soins infirmier établit qu'elles étaient de la compétence de Mme [Y] [L].

La matérialité de la 4ème administration par une aide-soignante n'est pas contestée et est contraire aux dispositions réglementaires des articles R 4311-1 et suivants du code de la santé publique qui définissent les actes et soins qui relèvent du propre rôle de l'infirmier ou l'infirmière et qui engagent sa responsabilité, parmi lesquels ' 4°Aide à la prise des médicaments présentés sous forme non injectable ; 5° Vérification de leur prise ; 6° Surveillance de leurs effets' ( article R 4311-5 ). Les conditions de délégation de ces actes sont définies par l'article R 4311-4 qui permet la délégation aux aides-soignants que l'infirmier encadre et dans la limite de la qualification reconnue à ces derniers, ce qui suppose un contrôle effectué par l'infirmier qui n'est pas établi en l'espèce.

Le grief est donc caractérisé.

Il résulte de ces développements que Mme [Y] [L] a le 3 août 2019 remis des doses de morphine au fils d'une résidente pour qu'il les administre à sa mère le 4 août 2019, et n'a pas engagé des démarches pour l'hospitaliser et qu'elle n'a pas le 11 juillet 2019 signé le registre de traçabilité et a demandé à une aide-soignante d'administrer, à sa place, de la morphine à une résidente. Tous ces faits constituent autant de violations des obligations réglementaires et résultant du contrat de travail d'une importance telle, eu égard aux fonctions exercées et au niveau de responsabilité de la salariée qui avait fait l'objet le 2 juillet 2019 d'un avertissement pour le même type de manquement, qu'elles rendent impossible le maintien de celle-ci dans l'entreprise et la poursuite du contrat.

L'absence de mise à pied à titre conservatoire n'empêche pas la caractérisation de la faute grave.

Par suite, la faute grave reprochée à Mme [Y] [L] est caractérisée et le licenciement fondé sur cette faute grave régulier. Mme [Y] [L] ne peut prétendre en conséquence à aucune indemnisation et sera déboutée des demandes présentées en ce sens.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 12 mars 2021 par le conseil de prud'hommes d'Alès,

Et statuant à nouveau,

Déboute Mme [Y] [L] de ses demandes indemnitaires pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

Juge que le licenciement notifié à Mme [Y] [L] par l'association [6] selon courrier du 7 octobre 2019 est fondé sur une faute grave,

Déboute Mme [Y] [L] de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture de son contrat de travail,

Condamne Mme [Y] [L] à verser à l'association [6] la somme de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire,

Condamne Mme [Y] [L] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 21/01443
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;21.01443 ?
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