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27/06/2023 | FRANCE | N°21/01440

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 27 juin 2023, 21/01440


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/01440 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IAHG



CRL/DO



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

09 mars 2021



RG :16/00723







[J]



C/



[I]

S.A. [9]

Organisme CGEA ILE DE FRANCE EST





















Grosse délivrée le 27 juin 2023 à :



- M

e RILOV

- Me MARTIN DE FREMONT

- Me JOURDE

- Me DIVISIA













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 27 JUIN 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 09 Mars 2021, N°16/...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01440 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IAHG

CRL/DO

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

09 mars 2021

RG :16/00723

[J]

C/

[I]

S.A. [9]

Organisme CGEA ILE DE FRANCE EST

Grosse délivrée le 27 juin 2023 à :

- Me RILOV

- Me MARTIN DE FREMONT

- Me JOURDE

- Me DIVISIA

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 27 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 09 Mars 2021, N°16/00723

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2023 puis prorogée au 27 juin 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [Y] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Fiodor RILOV de la SCP SCP RILOV, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Maître [V] [I] es qualité de mandataire liquidateur de la Société [11],

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Hubert MARTIN DE FREMONT, avocat au barreau de PARIS

S.A. [9]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Marie-alice JOURDE de l'AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Organisme CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Céline VIEU DEL-BOVE de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 27 juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [Y] [J] a été engagée à compter du 19 août 2002 par la société [11], laquelle par jugement du 27 juin 2011,a été placée en redressement judiciaire et reprise par la société [9] pour créer la société [12].

Le 31 décembre 2012, les sociétés [12] et [10] ont fusionné pour former la SAS [11].

Par acte du 25 novembre 2013, la SAS [11] s'est déclarée en cessation des paiements près le tribunal de commerce de Pontoise lequel par jugement du 26 novembre 2013, l'a placée en redressement judiciaire et a nommé Me [I] es qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier du 13 mars 2014, Mme [Y] [J] a été licenciée par Me [I], es qualité de mandataire judiciaire.

Par requête du 19 décembre 2016, Mme [Y] [J] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon aux fins de dire et juger que suite à l'annulation de la décision d'homologation du 3 mars 2014, le conseil lui accordera, sur le fondement de l'article L1235-16 du code du travail les indemnités suivantes : 3 années de salaire soit 105.890, 82 euros ; fixer ces mêmes créances au passif de la société [11] ; dire le jugement opposable au CGEA d'Iles de France et dire et juger que les sociétés [11] et [9] ont la qualité de co-employeur.

Par jugement du 9 mars 2021, conseil de prud'hommes d'Avignon a :

- dit que suite à l'annulation de la décision d'homologation du 3 mars 2014 par le tribunal administratif de Cergy Pontoise et le Conseil d'Etat une indemnité équivalente à six mois de salaire est accordée à Mme [Y] [J] ,

- fixé la rémunération moyenne mensuelle brute de la salariée à la somme de 2524,24

euros,

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [11] les sommes suivantes:

- 15145.44 euros d'indemnités équivalent à 6 mois de salaire,

- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que Me [I] devra inscrire lesdites sommes sur le relevé de créances,

- constaté l'absence de co-emploi entre les Sociétés [11] et [9] et mis hors de cause la société [9],

- dit que le liquidateur a satisfait à son obligation de reclassement,

- débouté Mme [Y] [J] du surplus de ses demandes

- déclaré le présent jugement opposable au CGEA d'IDF dans les limites définies au articles L 3253-6 et L3253-8 du code du travail et des plafonds prévus aux articles L3253-17 et D3253-5 du même code,

- dit que les éventuels dépens d'instance seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la société [11].

Par acte du 8 avril 2021, Mme [Y] [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 30 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 28 février 2023 à 16 heures et fixé examen de l'affaire à l'audience du 15 mars 2023. Par avis de déplacement d'audience du 8 décembre 2022, l'examen de l'affaire a été fixé à l'audience du 14 mars 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 27 février 2023, Mme [Y] [J] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il a :

' dit que suite à l'annulation de la décision d'homologation du 3 mars 2014 par le tribunal administratif de Cergy Pontoise et le Conseil d'Etat une indemnité équivalente à six mois de salaire est accordée à Mme [Y] [J] ,

- fixé la rémunération moyenne mensuelle brute de la salariée à la somme de 2524,24 euros,

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [11] les sommes suivantes:

- 15145.44 euros d'indemnités équivalent à 6 mois de salaire,

- constaté l'absence de co-emploi entre les Sociétés [11] et [9] et mis hors de cause la société [9],

- dit que le liquidateur a satisfait à son obligation de reclassement,

- débouté Mme [Y] [J] du surplus de ses demandes',

Et statuant à nouveau de,

1) Condamner du fait de l'annulation de la décision d'homologation du 3 mars 2014 la société [11] sur le fondement de l'article L1233-58 du code du travail et lui allouer les indemnités suivantes :

Nom

Prénom

Ancienneté

Montant des indemnités

[J]

[Y]

11 ans et 7 mois

3 années de salaire soit 105.890,82 euros

- fixer ces mêmes créances au passif de la société [11],

- dire le jugement à intervenir opposable au CGEA d'Ile de France Est,

2) condamner in solidum du fait de la situation de co-emploi les sociétés [11] et [9] à lui verser l'indemnité suivante pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

Nom

Prénom

Ancienneté

Montant des indemnités

[J]

[Y]

11 ans et 7 mois

3 années de salaire soit 105.890,82 euros

3) condamner la société [11], Me [I], du fait de la violation de l'obligation individuelle de reclassement individuel à lui payer l'indemnité suivante pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Nom

Prénom

Ancienneté

Montant des indemnités

[J]

[Y]

11 ans et 7 mois

3 années de salaire soit 105.890,82 euros

- fixer ces mêmes créances au passif de la société [11],

- dire le jugement à intervenir opposable au CGEA d'Ile de France Est,

- condamner la société [11] et la société [9] à lui payer une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir les condamnations à intervenir d'intérêts au taux légal,

- condamner les sociétés [11] et [9] aux entiers dépens.

Mme [Y] [J] soutient que :

- la décision du Conseil d'état en date du 7 décembre 2015 a définitivement annulé la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi de la société [11] en date du 3 mars 2014, par suite et conformément aux articles L 1233-16 et L 1233-258 du code du travail, elle est fondée en sa demande indemnitaire qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire,

- le licenciement économique étant dénué de cause réelle et sérieuse, elle peut également prétendre à l'indemnité de l'article L 1235-3 du code du travail qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire et qui doit tenir compte de la réalité de son préjudice en raison de son ancienneté, et de la situation de précarité dans laquelle elle se trouve désormais,

- s'agissant de la situation de co-emploi entre les sociétés [11] et [9], elle ne requiert pas de lien de subordination entre les salariés et le co-employeur, elle dépend non de la volonté des sociétés d'un groupe mais de la réalité des relations entre une société-mère et une société-fille, elle ne requiert pas la preuve de la fictivité de la société employeur, elle suppose que la société mère exerce une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de la société filiale conduisant à une perte d'autonomie d'action de cette dernière, enfin, elle s'apprécie selon la méthode du faisceau d'indices,

- en l'espèce la situation de co-emploi est parfaitement établie puisque M. [U] directeur général d'[9] et son équipe ont été amené à diriger la société [11] moyennant rémunération, notamment ce dernier a été signataire de la lettre de sollicitation de postes de reclassement adressée à toutes les sociétés du groupe,

- la société [9] doit donc être considérée comme employeur de Mme [Y] [J], mais n'a participé ni à l'élaboration du plan de sauvegarde, ni à l'obligation de reclassement individuelle, ni à la confection de la lettre de licenciement, par suite, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- l'obligation de reclassement pesant sur l'employeur est indépendante du plan de sauvegarde, elle suppose que soit formulées au salarié des propositions de reclassement personnalisées, l'envoi de lettres circulaires ne comportant aucun élément individualisé relatif aux salariés concernés par le licenciement ne respecte pas cette obligation et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'état de ses dernières écritures en date du 29 septembre 2021, contenant appel incident, Me [I] es qualités de liquidateur de la SAS [11] demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris,

- dire et juger irrecevables toutes demandes de condamnation à l'égard de la société [11] ou des organes de la procédure collective,

- débouter Mme [Y] [J] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- limiter les fixations à 6 mois de salaires soit la somme de 15.145,44 euros,

- débouter Mme [Y] [J] de sa demande au titre d'une indemnité pour violation de l'obligation individuelle de reclassement,

En tout état de cause,

- débouter Mme [Y] [J] de tout cumul entre l'indemnité prévue à l'article L 1233-58 II et toute autre indemnité notamment au titre d'une violation de l'obligation individuelle de reclassement,

- débouter Mme [Y] [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens,

- déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS-CGEA.

Me [I] es qualités de liquidateur de la SAS [11] fait valoir que :

- les indemnités prononcées sur le fondement des articles L 1233-58 et L 1233-4 du code du travail ne sont pas cumulables,

- le motif économique du licenciement est établi par le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 6 février 2014 et ne peut plus être contesté,

- les recherches de reclassement menées par les Administrateurs judiciaires et non par le liquidateur judiciaire et les dispositifs de reclassement proposés sont respectueux des dispositions du code du travail et étayés par des éléments objectifs, lesquels ont été vérifiés par le juge administratif qui a validé le périmètre de reclassement,

- de nombreuses mesures ont également été mises en 'uvre dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi pour faciliter le retour à l'emploi,

- il appartient à Mme [Y] [J] de démontrer le préjudice dont elle se prévaut,

- Mme [J] se contente d'affirmer l'existence d'une situation de co'emploi sans aucunement

étayer en fait et en droit ses demandes, aucune preuve de triple confusion de direction, d'activité et d'intérêt n'est rapportée.

En l'état de ses dernières écritures en date du 27 février 2023, la SAS [9] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon dont appel en ce qu'il a débouté l'appelante de l'intégralité de ses demandes,

Ce faisant, jugeant à nouveau,

- juger de l'absence de co-emploi entre les sociétés [11] et [9]

- juger de l'absence de lien contractuel entre l'appelante et la société [9],

En conséquence,

- la mettre hors de cause et ne pas lui rendre opposable le jugement qui serait rendu à l'encontre de M. [V] [I], mandataire liquidateur,

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause, à titre reconventionnel,

- condamner l'appelante à lui payer la somme de 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la SA [9] fait valoir que :

- la jurisprudence considère que pour établir une situation de co-emploi il faut caractériser une immixtion anormale permanente entraînant une perte d'autonomie de la société dominée,

- il est établi de manière incontestable qu'elle n'a pas procédé au recrutement de l'appelante, qu'elle n'a jamais exercé de pouvoir disciplinaire à son encontre et que le licenciement a été prononcé par les administrateurs judiciaires de la société [11], sous l'égide du tribunal de commerce, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il n'en résulte aucun partage de l'exercice du lien de subordination,

- Mme [Y] [J] ne rapporte pas la preuve par des éléments de fait de l'existence d'une immixtion ou ingérence abusive de sa part dans la gestion de la société [11], qu'elle soit financière, comptable, commerciale, administrative, industrielle ou juridique, se contentant de rappeler que la société [11] est une de ses filiales,

- les liens capitalistiques sont insuffisants à démontrer une quelconque ingérence, la société [11] ayant sa propre organisation et son équipe dirigeante, étant observé qu'aucun de personnels de direction n'avait et n'a eu ensuite de lien salarial avec la société mère,

- aucun des nombreux conseils de prud'hommes saisis de litiges identiques par d'autres salariés de la société [11] n'a retenu la situation de co-emploi, de même que les cours d'appel de Paris, Versailles, Lyon et Amiens ayant eu à connaître d'appel sur certaines de ces décisions,

- elle doit faire face depuis 6 ans partout en France à des actions identiques d'anciens salariés de la société [11], malgré les décisions déjà intervenues rejetant la situation de co-emploi, ce qui explique la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'UNEDIC délégation AGS CGEA de l'Ile de France Est, reprenant ses conclusions transmises le 4 octobre 2021, demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé que les sociétés [11] et [9] ne sont pas co-employeurs,

- décidé de la mise hors de cause de la société [9],

- dit et jugé que le mandataire liquidateur de la société [11] a respecté l'obligation de reclassement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé les sommes suivantes au passif de la société [11]:

- 15 145 euros soit six mois de salaires à Mme [Y] [J],

- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- débouter la salariée de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie,

- dire et juger qu'en tout état de cause, aux termes des dispositions de l'article L.3253-17 du code du travail, la garantie est nécessairement plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,

En tout état de cause,

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

L'UNEDIC délégation AGS CGEA de l'Ile de France Est fait valoir que :

- la Cour de cassation est revenue sur la définition du co-emploi en abandonnant le critère de la triple confusion d'intérêts, d'activité et de direction pour exiger désormais une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de l'employeur et une perte totale d'autonomie,

- les éléments de fait ne permettent pas de caractériser les deux critères ainsi exigés,

- subsidiairement, si la situation de co-emploi était retenue, les faits décrits ne sont pas de nature à remettre en cause les licenciements prononcés dans le cadre de la liquidation de la société [11] à l'égard de cette société, le fait que le motif économique n'existe pas dans la structure co-employeur ou que ce dernier n'ait pas participé au financement du PSE n'est pas de nature à remettre en cause le motif économique ni les efforts mis en oeuvre par l'employeur, mais ne produit d'effet qu'à l'encontre du co-employeur défaillant,

- si la Cour vient à considérer que la liquidation judiciaire de la société [11] serait

due aux agissements ou à la passivité de la société [9], il y aurait lieu d'en tirer toutes les conséquences et de condamner cette dernière à rembourser à l'AGS le montant total des avances effectuées par l'AGS (salaires, indemnités de rupture') dans le cadre de la

liquidation de la société [11] correspondant à la somme de 64.781.691,12 euros,

- le motif économique du licenciement résulte de l'arrêt définitif du tribunal de commerce et ne peut être contesté dans le cadre de la présente instance,

- les recherches de reclassement ont été effectuées avec sérieux, au sein du groupe, mais également en saisissant la commission nationale paritaire professionnelle de l'emploi et de la formation professionnelle des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, le code du travail n'impose aucune obligation individuelle de reclassement externe, 13.695 courriers ont été envoyés aux entreprises appartenant à la branche du transport par les administrateurs de la société [11] pour le reclassement des salariés,

- Mme [Y] [J] ne peut solliciter sur le fondement des articles L 1235-10 et L 1235-16 du code du travail une indemnité de 12 mois de salaire, ce texte ne s'appliquant pas aux sociétés en liquidation judiciaire.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

* sur les conséquences de l'annulation de la décision d'homologation du 3 mars 2014

Par application des dispositions de l'article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur du 1er juillet 2013 au 1er juillet 2014, en cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. L'article L. 1235-16 ne s'applique pas.

La perte injustifiée de son emploi par le salarié licencié en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation, ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation de l'accord collectif ou à l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue au vu de la situation personnelle et professionnelle du salarié.

Cette indemnité est due quel que soit le motif d'annulation de la décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi établi dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, laquelle ne prive pas les licenciements intervenus à la suite de cette décision de cause réelle et sérieuse.

Cette indemnité qui répare le préjudice pour les salariés du caractère illicite de leur licenciement ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui répare le même préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi.

Ainsi le salarié qui a été privé illégitimement de son emploi subit un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue, peu important les diligences accomplies par l'entreprise dans le cadre de la recherche de reclassement ou des mesures d'accompagnement puisque, finalement, la rupture est intervenue alors que la décision d'homologation, nécessaire pour une telle rupture, a été annulée.

En l'espèce, il est constant que la décision de la DIRECCTE homologuant le document unilatéral de la SAS [11] fixant le plan de sauvegarde de l'emploi a été annulée par jugement du tribunal administratif de Cergy Pontoise le 11 juillet 2014, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 22 octobre 2014, le pourvoi formé contre cet arrêt ayant été rejeté par arrêt du Conseil d'Etat en date du 7 décembre 2015.

Au soutien de sa demande indemnitaire à hauteur de 105.890,82 euros représentant 3 années de salaires, Mme [Y] [J] invoque le fait qu'elle avait à la date de rupture de son contrat de travail une ancienneté de 11 ans et 7 mois. Les bulletins de salaire produits établissent que son salaire mensuel était de 2.568,38 euros bruts sur 13 mois, et le salaire annuel au 31 décembre 2013 de 35.296,94 euros. Elle était âgée de 44 ans à la date de rupture du contrat de travail.

Le mandataire liquidateur de la SAS [11] demande de fixer l'indemnisation à 6 mois de salaires, soit la somme de 15.145,44 euros.

Mme [Y] [J] ne produisant aucun élément d'appréciation sur sa situation personnelle et l'évolution de sa situation professionnelle, il convient de fixer le montant de son indemnité à la somme de 17.648,47 euros, laquelle sera inscrite au passif de la liquidation de l'employeur, la demande de condamnation de l'employeur étant irrecevable en raison de sa liquidation judiciaire.

La décision déférée sera infirmée sur le montant de l'indemnité.

* sur l'existence d'une situation de co-emploi entre la SAS [11] et la SA [9]

Hors l'existence d'un lien de subordination, qui n'est pas invoqué en l'espèce, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

La Cour de cassation retient que c'est la perte d'autonomie d'action de la filiale, qui ne dispose pas du pouvoir réel de conduire ses affaires dans le domaine de la gestion économique et sociale, qui est déterminante dans la caractérisation d'une immixtion permanente anormale de la société-mère, constitutive d'un co-emploi, justifiant alors que le principe d'indépendance juridique des personnes morales soit exceptionnellement neutralisé

Le co-emploi n'a été reconnu que dans une situation de perte totale d'autonomie de la filiale par une immixtion permanente de sociétés du groupe dans sa gestion économique, technique et administrative ainsi que dans la gestion de ses ressources humaines, notamment par la centralisation des recrutements au niveau du groupe.

En l'espèce, Mme [Y] [J] soutient qu'il existait une situation de co-emploi entre les sociétés [11] et [9] au motif d'une 'immixtion de la société [9] dans la gestion économique et sociale de [11] et pour cause. Il apparaît de manière patente que Monsieur [E] [U], directeur général et son équipe, à savoir 5 salariés au total assistante comprise ont été amenés à diriger la société [11] moyennant rémunération. Cette relation dépasse toute relation normale entre une société mère et sa fille et dénote de manière patente que la société [9] était la seule décisionnaire. Par ailleurs, la société [9] a également été amenée à s'immiscer dans la gestion sociale de la société [11]. En effet Monsieur [E] [U] directeur générale de la société [9] a lui-même été signataire de la lettre de sollicitation de poste de reclassement adressée à toutes les sociétés du groupe. La cour de céans ne manquera pas de constater que ce courrier à destination des sociétés du groupe est adressé par l'employeur dans le cadre de l'exécution de son obligation de reclassement. Il s'agit bien d'un aveu par [9] de sa qualité d'employeur de l'appelant'.

La SA [9] conteste toute situation de co-emploi au motif qu'elle n'a jamais pris de décision permettant de caractériser son immixtion anormale dans la gestion de sa filiale, et observe que les courriels visés par l'appelante ont été signés par M. [E] [U] en sa qualité de directeur général de la SAS [11].

La lecture des courriers produits par Mme [Y] [J] au soutien de ses affirmations ( pièce 40 de son bordereau de communication de pièces ) confirme les affirmations de la SA [9], M. [E] [U] intervenant aux côtés de l'administrateur judiciaire en qualité de directeur général de la SAS [11].

Le fait que M. [U] exerce des fonctions de direction tant au sein de la SA [9] que de la SAS [11] ne suffit pas à caractériser la situation de co-emploi.

Le fait que la société mère ait pu intervenir ponctuellement au soutien de la société fille, laquelle comporte un comité de direction composé de neufs directeurs, ne permet pas plus de caractériser la situation de co-emploi dénoncée par Mme [Y] [J].

En conséquence, Mme [Y] [J] ne rapporte pas la preuve autrement que par ses propres allégations, de la situation de co-emploi qu'elle invoque par rapport à la SA [9].

L'ensemble des demandes dirigées contre la SA [9] ont par suite été justement rejetées par les premiers juges et leur décision sera confirmée sur ce point.

* sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement

Comme développé supra, selon l'alinéa 5 de l'article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur du 1er juillet 2013 au 1er juillet 2014, en cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation de l'accord collectif ou à l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Cette indemnité, qui répare le préjudice résultant pour les salariés du caractère illicite de leur licenciement, ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui répare le même préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi.

En conséquence, la demande présentée par Mme [Y] [J] pour manquement de l'employeur à son obligation de reclassement ne saurait prospérer et c'est à juste titre que les premiers juges l'en ont déboutée.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu 9 mars 2021 par le conseil de prud'hommes d'Avignon sauf en ce qu'il a :

- dit que suite à l'annulation de la décision d'homologation du 3 mars 2014 par le tribunal administratif de Cergy Pontoise et le Conseil d'Etat une indemnité équivalente à six mois de salaire est accordée à Mme [Y] [J] ,

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [11] la somme suivante: 15145.44 euros d'indemnités équivalent à 6 mois de salaire,

- dit que le liquidateur a satisfait à son obligation de reclassement,

Et statuant à nouveau sur les éléments infirmés,

Juge que suite à l'annulation de la décision d'homologation du 3 mars 2014 par le tribunal administratif de Cergy Pontoise et le Conseil d'Etat une indemnité au moins équivalente à six mois de salaire est accordée à Mme [Y] [J] ,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [11] les sommes suivantes: - 17.648,47 euros d'indemnités équivalent à 6 mois de salaire,

- 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme étant hors garantie des AGS,

Déboute Mme [Y] [J] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Donne acte à l'AGS - CGEA de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Juge que les dépens de la procédure d'appel seront inscrits comme frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [11].

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 21/01440
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;21.01440 ?
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