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27/06/2023 | FRANCE | N°21/01157

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 27 juin 2023, 21/01157


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/01157 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7R7



EB/LR



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY

25 février 2021



RG :F 20/00025







[T]





C/



Association ENTRAIDE ET ABRI





















Grosse délivrée le 27 JUIN 2023 à :



- Me AUTRIC

-

Me BOULARAND













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 27 JUIN 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNONAY en date du 25 Février 2021, N°F 20/00025



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01157 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7R7

EB/LR

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY

25 février 2021

RG :F 20/00025

[T]

C/

Association ENTRAIDE ET ABRI

Grosse délivrée le 27 JUIN 2023 à :

- Me AUTRIC

- Me BOULARAND

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 27 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNONAY en date du 25 Février 2021, N°F 20/00025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,

Madame Leila REMILI, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier lors des débats et Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière lors du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Juin 2023 prorogé au 27 juin 2023

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [P] [T]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Zerrin BATARAY de la SAS BATARAY AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE

Représenté par Me Thomas AUTRIC, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Association ENTRAIDE ET ABRI

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Marine BOULARAND, avocat au barreau de VALENCE

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 27 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [P] [T] a été embauché initialement par l'association Collectif 31 en qualité de moniteur éducateur non diplômé, suivant contrat de travail à durée indéterminée le 1er septembre 2008 à temps plein.

À compter du 1er janvier 2017, le contrat de travail de M. [T] a été transféré à l'association Entraide et Abri [Localité 2] Tain, avec reprise de son ancienneté au 1er septembre 2008.

Soutenant que ses heures d'équivalence sont en réalité des heures de travail effectif, que ses amplitudes de travail ont régulièrement dépassé les 16 heures quotidiennes, que ses temps de pauses ne lui ont pas été rémunérés intégralement, et qu'il n'a pas bénéficié du régime juridique idoine, le 27 mai 2020, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annonay afin d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes.

Par jugement contradictoire du 25 février 2021, le conseil de prud'hommes d'Annonay a :

- débouté M. [T] au titre de ses demandes de paiement de rappel de salaire au titre du dépassement d'horaire, des temps de repos au titre du travail d'équivalence,

- dit et jugé que les temps de repos au titre de travailleur de nuit ne peuvent se cumuler avec le temps de repos au titre des équivalences nocturnes,

- dit et jugé que les temps de pauses de M. [T] ont été parfaitement rémunérés,

- dit et jugé que les plannings étaient donc réguliers au constat que M. [T] n'apporte pas la preuve de leurs irrégularités ni des fréquences d'irrégularités ainsi que des préjudices sollicités,

- débouté donc M. [T] de la totalité de ses demandes,

- débouté M. [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'association Entraide et Abri de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- mis les dépens à la charge de M. [T].

Par acte du 23 mars 2021, M. [P] [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 24 novembre 2022, M. [P] [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Annonay du 25 février 2021 en ce qu'il n'a pas fait droit à ses prétentions ;

Juger à nouveau :

- que le décompte de la durée du travail est illicite et lui est inopposable ;

- qu'il a travaillé selon une amplitude supérieure à 12 heures quotidiennes en contravention aux dispositions du code des affaires sociales et familiales ;

- que les pauses n'ont pas été rémunérées ;

- qu'il est travailleur de nuit ;

- que les plannings ne lui ont pas été remis dans un délai raisonnable ;

Par conséquent :

- condamner l'association Entraide et Abri à lui verser les sommes suivantes :

* 14.350,38 euros bruts au titre des rappels de salaires ;

* 1.211,76 euros bruts au titre du paiement des temps de pause ;

* 6.105,36 euros au titre du paiement des temps de repos liés aux équivalences ;

* 4.532,88 euros au titre du paiement des temps de repos travailleur de nuit ;

* 3.000,00 euros de dommages et intérêts au titre des plannings irréguliers ;

* 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner l'association Entraide et Abri aux entiers dépens de l'instance.

M. [P] [T] soutient que :

-il a été soumis à une durée de travail spécifique comportant une part d'heures d'équivalence, le système de décompte de la durée du travail distinguant les heures de travail effectif et les heures d'activité de moindre intensité mais pendant lesquelles il est sur son lieu de travail en surveillance passive des résidents, à la disposition de son employeur et du public

-durant les années 2017, 2018 et 2019, régulièrement, il était planifié de 17 heures à 9 heures, soit plus de 16 heures consécutives de présence active

-il a sollicité l'inspection du travail qui lui a indiqué que plusieurs manquements salariaux structurels pouvaient exister dans l'association mais l'employeur a indiqué qu'aucune irrégularité relative au décompte de la durée du travail et de la rémunération afférente n'était retenue

-il démontre donc que les heures d'équivalence sont en réalité des heures de travail effectif et que les rappels d'heures supplémentaires sont légitimes

-les amplitudes de travail ont régulièrement dépassé les 16 heures quotidiennes lui causant ainsi un important préjudice

-les temps de pause n'ont pas été intégralement rémunérés en violation des stipulations conventionnelles

-il était travailleur de nuit et n'a pas bénéficié du régime juridique idoine

-les plannings ont été modifiés régulièrement et lui ont été remis tardivement.

En l'état de ses dernières écritures du 17 septembre 2021, l'association Entraide et Abri [Localité 2] Tain demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formées en cause d'appel.

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'Annonay du 25

février 2021

- dire et juger que M. [P] [T] n'a pas effectué d'heures supplémentaires

- dire et juger que les temps de pause de M. [P] [T] ont parfaitement été rémunérés

- dire et juger que les plannings étaient réguliers

- constater que M. [P] [T] n'apporte pas la preuve des préjudices sollicités

Par conséquent,

- débouter M. [P] [T] de l'intégralité de ses demandes.

Reconventionnellement,

- condamner le même au versement d'une somme de 1 500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

-à titre principal, sur l'irrecevabilité des demandes formées par l'appelant :

-en l'état de ses dernières conclusions de première instance, M. [T] demandait au conseil de prud'hommes de condamner l'association: au paiement pour le dépassement des maxima légaux quotidien, au temps de repos dus au titre des équivalences, au temps de repos pour travail de nuit, à des dommages-intérêts pour planning irrégulier et santé dégradée

-aux termes de ses conclusions d'appelant, il sollicite désormais l'illicéité du régime des heures d'équivalence, conteste son activité, revendique la qualification de travailleur de nuit, sollicite des dommages-intérêts pour exécution déloyale

-à titre subsidiaire,

-le régime des heures d'équivalence constitue un mode spécifique de détermination du temps de travail effectif et de sa rémunération pour des professions et des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction

-le régime des heures supplémentaires s'applique mais uniquement au-delà de la durée d'équivalence

-or, M. [P] [T] comptabilise l'ensemble de ses heures de présence pour calculer ses prétendues heures supplémentaires

-il n'a en réalité pas effectué d'heures supplémentaires et par suite, ses demandes relatives aux temps de repos dus au titre des équivalences et des temps de repos dus au titre du travail de nuit sont sans objet

-M. [P] [T] n'a pas le statut de travailleur de nuit, il est en chambre de veille

-l'association inclut dans la rémunération des salariés les temps de pause

-les plannings respectent la réglementation relative au temps de travail et le salarié ne justifie d'aucun préjudice.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 7 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 2 mars 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 16 mars 2023.

MOTIFS

Sur les « demandes nouvelles »

Aux termes de l'article 563 du code de procédure civile :

« Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L'article 564 du même code dispose que :

« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

L'article 565 précise que « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent».

Enfin, selon l'article 566 : « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. »

L'association Entraide et Abri [Localité 2] Tain fait valoir qu'en l'état de ses dernières conclusions de première instance, M. [T] demandait au conseil de prud'hommes de condamner l'association :

- au paiement pour le dépassement des maxima légaux quotidien

- au temps de repos dus au titre des équivalences

- au temps de repos pour travail de nuit

- à des dommages-intérêts pour planning irrégulier et santé dégradée.

Or, aux termes de ses conclusions d'appelant, M. [T] :

- sollicite désormais l'illicéité du régime des heures d' équivalence

- conteste son activité

- revendique la qualification de travailleur de nuit

- sollicite des dommages-intérêts pour exécution déloyale.

Ainsi, selon l'intimée, les prétentions de M. [T], formulées pour la première fois en cause d'appel, doivent être regardées comme nouvelles et, par conséquent, irrecevables.

La cour relève que figurent au dispositif des conclusions de l'appelant, les mêmes demandes qu'en première instance, ainsi, au titre des rappels de salaire, du paiement des temps de pause, des temps de repos liés aux équivalences, des temps de repos de travail de nuit et de dommages et intérêts pour plannings irréguliers.

Le statut de travailleur de nuit était bien en débat en première instance comme cela ressort du jugement.

Pour le reste, il s'agit non pas de nouvelles prétentions mais de nouveaux moyens qui, développés au soutien de prétentions identiques à celles de première instance, sont parfaitement recevables.

Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir soulevée.

Sur la demande de rappel de salaires

- Sur l'illicéité du régime des heures d'équivalence

M. [P] [T] fait valoir que le régime des heures d'équivalence a été déclaré inconventionnel par la CJUE et que le Conseil d'Etat, pour les éducateurs précisément, a écarté le régime d'équivalence. Il indique que le droit européen distingue deux situations pour le salarié : soit il peut vaquer librement à ses obligations et n'est pas rémunéré, soit il est à la disposition de son employeur, peu important qu'il ait une activité ou non; le seul point important étant qu'il est sur le lieu de travail à la demande de son employeur, donc dans le cadre d'une sujétion professionnelle, prêt à intervenir si besoin. Il demande à la cour d'écarter les dispositions réglementaires et légales contraires au droit européen, supranational, qui estiment qu'il est nécessaire de rémunérer le salarié présent, à la demande de son employeur, sur le lieu de travail pour effectuer une surveillance passive des résidents. Il ajoute que pour sa part, il demeure au sein de la résidence durant 16 heures consécutives sur ordre de son employeur, qu'il respecte une sujétion imposée par son employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, qu'il ne peut librement vaquer à ses obligations personnelles.

Selon l'article L. 3121-13 du code du travail, le régime d'équivalence constitue un mode spécifique de détermination du temps de travail effectif et de sa rémunération pour des professions et des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction.

En application des articles L. 3121-14 et L. 3121-15 du même code, un mécanisme d'équivalence ne peut être institué que par convention ou accord de branche étendu et à défaut, par décret en Conseil d'État.

Le décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001 a instauré dans le secteur social et médico-social un régime d'équivalence.

Ces dispositions ont été intégrées, par le décret n° 2004-1136 du 21 octobre 2004, dans l'article R. 314-202 du code de l'action sociale et des familles.

L'annulation partielle, le 28 avril 2006, par le Conseil d'Etat du décret du 31 décembre 2001 n'a pas affecté les dispositions relatives à la rémunération du travail effectif dans le cadre du régime d'équivalence dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif. Le texte n'a été annulé qu'en tant qu'il ne fixait pas les limites dans lesquelles devait être mis en oeuvre le régime d'équivalence qu'il définissait pour garantir le respect de seuils et plafonds communautaires prévus par la directive du 23 novembre 1993.

M. [P] [T] conteste le régime d'équivalence en se fondant notamment sur les directives 93/104 et 2003/88 et l'appréciation par la CJCE au regard de ces textes du régime d'équivalence, laquelle considère que tous les temps de présence, temps d'inaction compris, doivent être comptabilisés.

Cependant, ainsi que l'a énoncé la CJCE dans un arrêt du 1er décembre 2015, il ressort, tant de la finalité que du libellé même de ses dispositions, que la directive 93/104/CE du Conseil du 23/11/1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs. Cette directive temps de travail n'a édicté que des prescriptions minimales nécessaires pour assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés.

Par ailleurs, un décret n°2007-106 du 29 janvier 2007 relatif à la durée d'équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif et complétant le code de l'action sociale et des familles, a établi les limites du régime d'équivalence au regard de la durée du travail, créant les deux articles R. 314-203-1 et R. 314-203-2.

Le régime des équivalences dans le secteur social et médico-social pour le temps passé par des éducateurs en chambre de veille est donc licite.

- Sur l'application du régime en l'espèce

Aux termes de l'article R. 314-201 du code de l'action sociale et des familles :

« Les dispositions du présent paragraphe sont applicables :

1° Aux établissements gérés par des personnes privées à but non lucratif comportant un hébergement qui sont mentionnés aux 1°, 2°, 4°, 6°, 7° et 8° du I de l'article L. 312-1 ;

2° Aux emplois à temps plein de personnels éducatifs, d'infirmiers ou d'aides-soignants ou de personnels de même niveau de qualification appelés à les remplacer dont les titulaires assurent en chambre de veille au sein de l'établissement la responsabilité d'une surveillance nocturne. »

Il n'est pas contesté que l'association Entraide et Abri [Localité 2] Tain fait partie des établissements visés par cet article.

M. [P] [T] étant engagé en tant qu'animateur moniteur éducateur même non diplômé est bien concerné en tant que personnel éducatif.

Le salarié, pour la première fois en appel, fait état de l'absence de démonstration par l'employeur de l'activité exacte réalisée par lui et prétend avoir effectué des interventions auprès des résidents durant la nuit pour régler certaines difficultés ou litiges.

Cependant, dès lors qu'existe un mécanisme d'équivalence légalement institué, l'employeur n'a pas à faire la démonstration de périodes d'inaction. M. [P] [T] n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'il intervenait auprès des résidents durant la nuit. Il n'expose pas plus quels auraient été les travaux accessoires et distincts non couverts par le régime d'équivalence auxquels il aurait été occupé. L'analyse précise des pièces versées au débat, de même que les différents échanges avec l'employeur montrent au contraire qu'il n'a jamais été question d'interventions auprès des résidents lors des périodes en chambre de veille.

Par ailleurs, M. [P] [T] ne peut se prévaloir d'une durée de travail normale de 35 heures en invoquant l'absence de mention au contrat de travail de l'application des heures d'équivalence, dès lors que l'article R. 314-202 du code de l'action sociale et des familles dispose que « pour le calcul de la durée légale du travail dans les établissements et pour les emplois mentionnés à l'article R. 314-201, chacune des périodes de surveillance nocturne en chambre de veille est décomptée comme trois heures de travail effectif pour les neuf premières heures et comme une demi-heure pour chaque heure au-delà des neuf heures ».

En outre, conformément à l'article 4.12 des accords collectifs de travail applicables dans les CHRS, auxquels se réfère expressément le contrat de travail « indépendamment du gardien de nuit (sécurité, incendie des immeubles) ou du surveillant de nuit, lorsque la continuité du service ou la sécurité l'exige, le personnel éducatif, d'animation, paramédical peut être appelé à effectuer des périodes de permanence nocturne, sur le lieu de travail, couché en chambre de veille. »

Le régime d'équivalence s'applique donc bien en l'espèce.

- Sur les heures supplémentaires

En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.

M. [P] [T] produit aux débats les plannings de travail ainsi que des décomptes des heures supplémentaires qu'il indique avoir effectuées.

Il s'agit en réalité uniquement des heures effectuées au délai de l'horaire maximum quotidien de 12 heures prévu par l'article R. 314-203 du code de l'action sociale et des familles, soit 4 heures supplémentaires par jour.

Toutefois, en application de l'article R. 314-202 du code de l'action sociale et des familles et étant rappelé que la plage horaire de travail de nuit est définie par l'article 1er des accords CHRS comme la plage nocturne de 9 heures continues au sein de la période comprise dans l'amplitude de 21 heures à 7 heures, lorsque M. [P] [T] effectue un horaire de 17 heures à 9 heures le lendemain, cela correspond à 7 heures de travail effectif et 9 heures en chambre de veille qui représentent 3 heures d'équivalence, soit 10 heures de travail effectif qui ont bien été rémunérées en l'espèce par l'employeur.

Conformément à l'article L. 3121-28 du code du travail, seules les heures se situant au-delà de la durée d'équivalence sont décomptées et rémunérées au titre des heures supplémentaires.

M. [P] [T] ne peut prétendre à une rémunération « heure pour heure » augmentée des majorations pour heures supplémentaires, le non respect de l'amplitude journalière de 12 heures dont il se prévaut également (en l'espèce 16 heures entre la prise et la fin de poste) ouvrant seulement droit à des dommages et intérêts, ce qui n'est pas sollicité en l'espèce.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] [T] de sa demande de rappel de salaires au titre d'heures supplémentaires.

Sur la demande de paiement des temps de repos au titre des équivalences et au titre du travail de nuit

Article R.314-203-1.- Le recours au régime d'équivalence prévu à l'article R. 314-202 ne peut avoir pour effet de porter :

1° A plus de quarante-huit heures la durée hebdomadaire moyenne de travail des salariés, décomptée heure pour heure, sur une période quelconque de quatre mois consécutifs ;

2° A plus de douze heures la durée de travail des travailleurs de nuit, décomptée heure pour heure, sur une période quelconque de vingt-quatre heures ; ces salariés bénéficient de périodes de repos d'une durée au moins équivalente au nombre d'heures qui sont effectuées au-delà de la huitième heure.

Pour l'appréciation de la qualité de travailleur de nuit selon les dispositions de l'article L. 3122-5 du code du travail, le temps de travail des salariés soumis au régime d'équivalence de l'article R. 314-202 est décompté heure pour heure.

Si M. [P] [T] ne peut pas solliciter à la fois un repos compensateur au titre des heures d'équivalence et au titre du travail de nuit, il est manifeste en l'espèce que le recours par l'association Entraide et Abri [Localité 2] Tain au régime d'équivalence a pour effet de porter à plus de 12 heures la durée de travail, décomptée heure pour heure, en l'espèce 16 heures, sur une période quelconque de 24 heures.

M. [P] [T] devait donc bénéficier de périodes de repos d'une durée au moins équivalente au nombre d'heures effectuées au-delà de la huitième heure. Or, manifestement cela n'a pas été le cas puisqu'à de nombreuses reprises le salarié a effectué, sur plusieurs périodes consécutives de 24 heures, une durée de travail, décomptée heure pour heure, de 16 heures.

Les tableaux produits par l'intimée, qui inclut bien dans son calcul les heures d'équivalence pour évaluer le non dépassement, montrent seulement le respect du seuil des 48 heures par semaine en moyenne sur une période de quatre mois.

Il convient donc de faire droit, au titre des temps de repos de travailleur de nuit, à la demande de paiement de la somme de 4532,88 euros, laquelle devant cependant s'entendre en brut.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

Sur le non règlement des temps de pause

Conformément à l'article L. 3121-16 du code du travail « Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives ».

L'article R. 314-203-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit également que « aucun salarié auquel est appliqué le régime d'équivalence prévu par l'article R 314-202 ne peut accomplir un temps de travail, décompté heure pour heure, excédant six heures consécutives, sans bénéficier d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes ».

Aux termes de l'article 4.6 des accords collectifs CHRS :

« Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes.

La pause consacrée au repas ne peut être inférieure à une demi-heure.

Lorsque le salarié ne peut s'éloigner de son poste de travail durant la pause, celle-ci est néanmoins rémunérée. Cette disposition vise les salariés responsables de la sécurité et de la continuité de la prise en charge des usagers.

M. [P] [T] fait valoir que dans la mesure où il travaille 16 heures consécutives, il doit bénéficier de 40 minutes de pause. Or, seules 20 minutes sont rémunérées par l'employeur.

L'association Entraide et Abri [Localité 2] Tain fait valoir qu'elle inclut déjà dans la rémunération des salariés les temps de pause. Ainsi, explique -telle, les horaires de journée du week-end sont les suivantes : début d'activité à 8 heures 45, fin d'activité et départ du salarié à 20 h 45 soit 12 heures de présence (pause comprise). Elle ajoute que M. [P] [T] est donc rémunéré sur la base de 12 heures de travail effectif au total (20 minutes de pause comprise) et que si la pause était effectivement prise, il devrait quitter son poste à 21h05; si la pause n'était pas rémunérée, il serait rémunéré sur la base de 11 heures 40.

Toutefois, il résulte des dispositions précitées qu'après six heures de travail effectif, le salarié doit bénéficier d'une pause d'au moins 20 minutes. Or, les permanences nocturnes constituant du temps de travail effectif au sens de l'évaluation de la durée du temps de travail, peu important qu'il englobe des périodes d'inaction prises en compte au titre du système d'équivalence, le salarié qui les assure peut demander le respect d'un temps de pause de 20 minutes par 6 heures de surveillance nocturne.

Il convient donc de faire droit à la demande de M. [P] [T] à hauteur de 1211,76 euros au titre du paiement des temps de pause.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

Sur l'exécution déloyale liée à la transmission tardive des plannings

M. [P] [T] fait valoir qu'il était soumis à une modification de ses horaires de travail de manière fréquente et que l'employeur ne transmettait que tardivement les plannings afférents.

Toutefois, il ne démontre pas l'existence d'un préjudice au titre de la modification des plannings par l'employeur.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens seront mis à la charge de l'association Entraide et Abri [Localité 2] Tain et l'équité justifie d'accorder à M. [P] [T] la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

-Rejette la fin de non-recevoir tirée des demandes nouvelles en appel,

-Confirme le jugement rendu le 25 février 2021 par le conseil de prud'hommes d'Annonay sauf en ce qu'il a rejeté les demandes au titre du paiement des temps de pause et du paiement des temps de repos de travail de nuit et en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

-Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

-Condamne l'association Entraide et Abri [Localité 2] Tain à payer à M. [P] [T] :

-1211,76 euros brut au titre du paiement des temps de pause

-4532,88 euros brut au titre du paiement des temps de repos de travailleur de nuit

-Condamne l'association Entraide et Abri [Localité 2] Tain à payer à M. [P] [T] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-Rejette le surplus des demandes,

-Condamne l'association Entraide et Abri [Localité 2] Tain aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 21/01157
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;21.01157 ?
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