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20/06/2023 | FRANCE | N°21/01879

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 20 juin 2023, 21/01879


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/01879 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IBM6



YRD/JL



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

23 avril 2021



RG :F 19/00230







[C]





C/



SA [B]





















Grosse délivrée le 20 JUIN 2023 à :



- Me SERGENT

- Me POMIES RICHAUD
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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 20 JUIN 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 23 Avril 2021, N°F 19/00230



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Monsieur Yve...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01879 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IBM6

YRD/JL

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

23 avril 2021

RG :F 19/00230

[C]

C/

SA [B]

Grosse délivrée le 20 JUIN 2023 à :

- Me SERGENT

- Me POMIES RICHAUD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 20 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 23 Avril 2021, N°F 19/00230

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Leila REMILI, Conseillère,

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [Y] [C]

né le 25 Avril 1958 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Sylvie SERGENT de la SELARL DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Ruth CARDOSO EZVAN de la SELEURL RCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SA [B]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Anne-laure REVEILHAC DE MAULMONT, avocat au barreau de PARIS

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 20 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [Y] [C] a été engagé par la société [B] à compter du 3 août 1992 suivant contrat de travail à durée indéterminée, au poste de directeur de production des unités d'[B] [Localité 6] (Yvelines) et de N-XERAM (filiale) à [Localité 4] (Vaucluse).

Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de directeur d'achats groupe.

La société [B] a mené une réorganisation structurelle à compter du premier semestre 2019, et a obtenu un avis favorable du comité d'entreprise le 7 juin 2019.

Par courrier du 27 juin 2019, la société [B] qui envisageait la fermeture du site de [Localité 6] a proposé une mutation professionnelle à M. [C] sur le site [Localité 4], qu'il a refusée par lettre recommandée du 22 juillet 2019.

Par courrier du 31 juillet 2019, M. [C] était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 28 août 2019.

Le 3 septembre 2019, M. [C] acceptait le contrat de sécurisation professionnelle et son contrat de travail était rompu le 18 septembre 2019.

Le 24 septembre 2019, la société [B] notifiait à M. [C] un courrier de « rupture d'un commun accord pour motif économique après acceptation du CSP ».

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 18 décembre 2019, M. [C] saisissait le conseil de prud'hommes d'Orange en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 23 avril 2021, a :

- déclaré les demandes à l'encontre de la SA [B] recevables,

- débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes,

- dit que le licenciement pour motif économique est fondé et que la rupture du contrat de travail ne produit pas les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la SA [B] est libérée de l'application de la clause de non-concurrence,

- dit que, malgré le fait d'avoir débouté M. [C] de ses demandes, il ne le condamne pas à verser de somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SA [B],

- condamné M. [C] aux entiers dépens.

Par acte du 12 mai 2021, M. [Y] [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 avril 2023, M. [Y] [C] demande à la cour de :

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture,

- accueillir les présentes écritures,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau :

- statuer que la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- En conséquence, condamner la société [B] à lui verser :

* 30.805,02 euros bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 3.080,50 euros bruts au titre des congés payés afférents :

* 200.403,53 euros nette de CSG et CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- statuer que la société [B] ne l'a pas valablement libéré de son obligation contractuelle de non-concurrence et qu'elle est en conséquence redevable de la contrepartie financière prévue à ce titre à l'article 28 de la convention collective ces ingénieurs et cadres de la métallurgie ;

- En conséquence, la condamner à lui verser :

* 75.942,36 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de non-concurrence ;

* 7.594,24 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de ses obligations ;

- condamner la société [B] à lui verser la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [B] aux dépens, tant de première instance que d'appel ;

- ordonner que les condamnations prononcées produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

Il soutient que :

- le motif économique de son licenciement n'a été précisé, dans le cadre de la procédure de rupture, que dans un courrier en date du 16 septembre 2019 alors qu'il a adressé son bulletin d'acceptation du CSP le 3 septembre 2019 soit 13 jours tôt, si le motif économique est exposé postérieurement à l'acceptation du CSP, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- la société [B] ne s'est pas conformée à son obligation de rechercher une solution de reclassement alors qu'il comptait une ancienneté de plus de 27 ans et alors que son poste était également rattaché aux deux sites américains du groupe,

- les difficultés économiques énoncées tardivement par la société ne sont pas réelles et les changements qui ont été opérés n'étaient pas susceptibles de générer une baisse drastique des coûts comme elle l'a affirmé,

- la société ne l'a libéré de la clause de non concurrence que tardivement.

En l'état de ses dernières écritures en date du 24 avril 2023, la SA [B] demande à la cour d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture, d'accueillir les présentes écritures, de confirmer la décision des premiers juges et de débouter M. [Y] [C] de l'ensemble de ses demandes.

Elle fait valoir que :

- elle a adressé un courrier le 27 juin 2019 lors de la proposition de modification de son contrat de travail à M. [C] lui expliquant les raisons précises des mesures décidées pour procéder à la réorganisation de ses activités et notamment à la fermeture de son établissement de [Localité 6] où il travaillait pour regrouper ses activités au sein de son siège situé à [Localité 4] (84),

- elle a strictement respecté son obligation de reclassement comme le prouve le courrier qu'elle a adressé à M. [C] par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2019 lui proposant une mutation à [Localité 4], et le courrier du 14 octobre 2019 rappelant les recherches effectuées en vue de son reclassement,

- les difficultés économiques auxquelles elle se trouvait confrontée justifiaient une réorganisation de la société passant par la suppression du site de [Localité 6],

- elle a prononcé la levée de la clause de non concurrence de M. [Y] [C] dans un courrier du 24 septembre 2019 dont l'objet est précisément « la rupture d'un commun accord pour motif économique après acceptation du CSP ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 23 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 06 avril 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 4 mai 2023 puis déplacée à celle du 24 mai 2023.

A la demande conjointe des parties, la révocation de l' ordonnance de clôture à effet le 6 avril 2023 a été ordonnée permettant d'accueillir les conclusions de M. [C] notifiées le 17 avril 2023 et celles de la SA [B] notifiées le 24 avril 2023.

La clôture a été prononcée avant la clôture des débats.

MOTIFS

Sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement

- 1) Sur la notification des motifs de licenciement avant l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle :

Il résulte de l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015 agréée par arrêté du 16 avril 2015 et des articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. A défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

M. [C] soutient que le courrier de précision des motifs ne lui a été adressé que le 16 septembre 2019 soit postérieurement à son acceptation du bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle.

La société [B] réplique qu'elle a adressé à M. [C] par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2019 une proposition de modification de son contrat de travail expliquant

dans ce courrier les raisons précises des mesures décidées pour procéder à la réorganisation de ses activités et notamment la fermeture de son établissement de [Localité 6] où il travaillait pour regrouper ses activités au sein de son siège situé à [Localité 4] (84), que c'est dans ces conditions que M. [C] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement par une lettre remise en main propre le 31 juillet 2019 pour le 28 août 2019 où un CSP lui a été remis et aussitôt accepté le 3 septembre 2019, qu'un courrier de précision des motifs économiques lui a, par ailleurs, été adressé par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 septembre 2019, que la rupture d'un commun accord pour motif économique après acceptation du CSP lui a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 septembre 2019, le CSP ayant été signé le 20 septembre 2019. La société intimée rappelle que par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2019, elle a bien communiqué par écrit une proposition de modification du contrat de travail à M. [C] lui indiquant qu'en cas de refus de la modification de son contrat de travail, il s'exposerait à une mesure de licenciement pour motif économique.

Elle se prévaut de l'identité des motifs économiques mentionnés tant dans le courrier du 5 août 2019 que dans le courrier de précision du motif économique du 16 septembre 2019 et du courrier de rupture d'un commun accord pour motif économique après acceptation du CSP (20 septembre

2019) du 24 septembre 2019.

Elle estime donc que M. [C] a eu connaissance du motif économique de licenciement bien avant l'acceptation par ses soins du contrat de sécurisation professionnelle le 20 septembre 2019.

S'il est admis que lorsque la société remet au salarié, dans le cadre des possibilités de reclassement devant être recherchées à compter du moment où le licenciement est envisagé, une lettre lui proposant un poste à ce titre et énonçant que la suppression de son poste est fondée sur une réorganisation de la société liée à des motifs économiques tenant à la fermeture d'établissements, l'employeur a satisfait à son obligation légale d'informer le salarié, avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, du motif économique de la rupture ( Soc.16 novembre 2016 n° 15-12.293), il en va autrement lorsque l'exposé de ces motifs est intervenu dans le cadre de la procédure spécifique de modification de son contrat de travail comme en l'espèce (Soc., 27 mai 2020, pourvoi n° 18-24.531).

En l'espèce, le courrier du 27 juin 2019 par lequel était proposé à M. [C] une mutation sur le site de [Localité 4] exposait le motif économique à l'origine de cette proposition de modification de son contrat de travail à savoir :

«...Cette réorganisation consiste à consolider 100% de la production sur le site de [Localité 4] avec la création d'un pole unique usinage/tournage/outillage. Egalement, elle vise à regrouper les

services achats, marketing, finance et l'accueil à [Localité 4].

En effet, une telle réorganisation répond à des difficultés de nature économique constatées à travers les années, illustrées par des pertes nettes et des résultats qui demeurent en-dessous des

budgets et prévisions annuels depuis 2017.

La société présente également un parc d'équipements vieillissant, d'important frais de structures, de maintenance et de fonctionnement et un besoin de modernisation pour être compétitive sur un marché de plus en plus concurrentiel, notamment avec la montée en puissance de concurrents asiatiques.

[B] SA a rencontre de grandes difficultés à obtenir de nouveaux financements du fait de sa

mauvaise performance financière ces dernières années. Le chiffre d'affaires de [B] SA 2018

était en recul de plus de 7% par rapport à 2017 et la mauvaise performance sur le premier semestre 2019 laisse à nouveau présager d'un repli du revenu et des pertes financières.

La société a d'ores et déjà pris des mesures structurelles visant à une amélioration de la situation par un changement de direction sur le site de [Localité 4] et au sein de la Direction des ventes. Encore, elle a procédé à une réorganisation du site de [Localité 4] au deuxième trimestre 2018, une limitation de l'augmentation générale des salaires en 2018, une politique de contrôle serrée des frais et dépenses, une réduction progressive des embauches, ajustées aux besoins de productivité, la mise en place de procédure d'activité partielle sur le quatrième semestre 2018 et le premier semestre 2019.

Malheureusement, ces mesures ne sont pas suffisantes et, en dépit de la levée de capital de juin

2019, la situation actuelle et les perspectives à moyen et long termes demeurent préoccupantes

sans la mise en place immédiate de mesures de fond permettant d'améliorer durablement la santé financière de la Société.

La réorganisation actuelle est donc impérative et poursuit un double objectif : rationaliser les

coûts de fonctionnement et améliorer les résultats à moyen et long terme, en créant des synergies entre les équipes des sites actuellement séparés, permettant un redressement durable de la situation financière et économique, de la manière suivante :

- Optimisation vis à vis des doubles coûts d'infrastructure (grand bâtiment de [Localité 6], assurance, électricité, eau, entretien, etc..).

- Le partage de culture qui aura un levier conséquent sur l'efficacité du travail pour tous les métiers. De même pour les synergies maintenant possibles pour le travail en équipe, ainsi que pour l'impact de la flexibilité augmentée par l'augmentation de la taille critique du groupe du pole usinage/tournage/outillage.

- L'intégration des usineurs dans un pole plus large qui au-dela de l'usinage graphite actuel à [Localité 6] englobera systématiquement dans le futur l'usinage de céramique, d'outils ou aluminium, de prototypes kovar, l'intégration de l'activité tournage, les outilleurs etc. Efficacité en personnel et gain d'efficacité par une nouvelle approche outre un gain d'efficacité due à l'intégration avec le reste de l'usine. Enfin, un gain de temps de cycle pour prendre plus vite des commandes...

- La localisation commune des achats permettra d'accélérer les actions de baisse de coûts fournisseurs, de répondre mieux et plus vite aux nouvelles cotations clients (donc plus de revenu), de mieux interagir avec la logistique, ce qui aidera à continuer l'amélioration du taux de livraison à l'heure, donc la satisfaction client donc le revenu.

- La location commune de tous services (Marketing, Finance, etc ) et le changement de culture de travail d'équipe impactera l'efficacité de par les meilleures collaborations, outre une rationalisation des coûts logistiques et voyages inter sites...»

Pour autant ces motifs n'ont pas été repris par la suite dans le cadre de la procédure de licenciement étant rappelé en outre qu'il appartenait à l'employeur, dans le cadre de ses recherches de reclassement du salarié dont le licenciement est envisagé, de lui proposer à nouveau le poste refusé par ce dernier dans le cadre de la procédure de modification du contrat de travail.

Ainsi, faute pour l'employeur d'avoir fait connaître par écrit au salarié avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle les motifs conduisant à son licenciement, celui-ci est dénué de cause réelle et sérieuse.

- 2) Sur l'indemnisation :

En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées.

M. [C] expose qu'il n'a perçu que trois mois de préavis sur les six mois qui lui étaient dus conformément à l'article 27 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Il lui reste donc dû à titre de complément d'indemnité de préavis : 3 x 10.268,34 euros = 30.805,02 euros bruts augmentés des congés payés afférents : 1/10 x 30.805,02 = 3.080,50 euros bruts

M. [C] indique s'être retrouvé chômeur sans espoir de retrouver un emploi et avoir été soumis pendant 12 mois à une clause de non-concurrence dont il n'a pas été valablement libéré, avoir été contraint de faire valoir sa retraite au 1er mai 2020, ce qui lui occasionne une perte de revenus substantielle puisqu'il jouit désormais d'un revenu de remplacement de 3.200 euros environ et la perte de la portabilité de la mutuelle, l'obligeant à souscrire directement pour son épouse et lui-même et ainsi à exposer une dépense supplémentaire de 250 euros par mois.

En considération de ces éléments et des dispositions de l'article L.1235-3 telles qu'issues de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 tenant compte du montant de la rémunération de M. [C] ( 10.268,34 euros en moyenne) et de son ancienneté en années complètes ( 27 années), dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [C] doit être évaluée à la somme de 123.220 euros correspondant à l'équivalent de 12 mois de salaire brut.

L'entreprise employant habituellement au moins onze salariés et le salarié présentant une ancienneté de plus de deux ans, il sera fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail étant rappelé qu'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser lesdites indemnités de chômage sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail.

Sur la clause de non concurrence

Le contrat de travail de M. [C] contenait une clause de non concurrence à laquelle la société pouvait renoncer à l'occasion de la rupture du contrat sous réserve de notifier sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard dans les huit jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail.

Le 3 septembre 2019, M. [C] acceptait le contrat de sécurisation professionnelle et son contrat de travail était rompu le 18 septembre 2019.

Le 24 septembre 2019, la société [B] notifiait à M. [C] un courrier de « rupture d'un commun accord pour motif économique après acceptation du CSP ».

En cas de rupture du contrat de travail sans exécution d'un préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise.

Lorsqu'un salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité de préavis, intervient à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre parti. Il en résulte qu'en cas de rupture du contrat de travail résultant de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires.

Le contrat de travail de M. [C] étant rompu depuis le 18 septembre 2019, date du dernier jour travaillé et d'expiration du délai de réflexion laissé au salarié, la société [B] l'a informé par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 septembre 2019 : « Nous vous informons par la présente que nous renonçons expressément à l'application de votre clause de non-concurrence, mentionnée à votre contrat de travail et qu'en conséquence, aucune indemnité ni contrepartie financière ne vous sera versée au titre de cette clause dont vous êtes libéré ».

Cette renonciation intervenue après la date de départ du salarié est privée d'effet.

M. [C] est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité calculée comme suit :

- moyenne des 12 derniers mois de salaire : 10.547,55 euros

- durée d'application de la clause au 18 janvier 2020 : 12 mois

Soit une indemnité compensatrice due au 18 janvier 2020 : 10.547,55 euros x 6/10 x 12 = 75.942,36 euros bruts augmentée des congés payés afférents : 1/10 x 75.942,36 = 7.594,24 euros bruts.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par l'employeur de ses obligations.

M. [C] n'articule aucune argumentation au soutien de cette demande, se fondant sur des manquements de l'employeur pour lesquels il a déjà obtenu réparation.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société [B] à payer à M. [C] la somme de 2.000,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- Dit que la rupture du contrat de travail de M. [C] produit les effets d'un licenciement

sans cause réelle et sérieuse ;

- condamne la SA [B] à verser à M. [C] les sommes suivantes :

- 30.805,02 euros bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 3.080,50 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- 123.220 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- dit que la SA [B] n'a pas valablement libéré M. [C] de son obligation contractuelle de non-concurrence et qu'elle est en conséquence redevable de la contrepartie financière prévue à ce titre à l'article 28 de la convention collective ces ingénieurs et cadres de la métallurgie ;

- condamne la SA [B] à verser à M. [C] :

- 75.942,36 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de non-concurrence ;

- 7.594,24 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- Déboute M. [C] pour le surplus de ses prétentions,

- Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail déjà versée,

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

- Condamne la SA [B] à payer à M. [C] la somme de 2.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la SA [B] aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 21/01879
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;21.01879 ?
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