RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01509 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IANG
LR/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
18 mars 2021
RG :19/00401
S.A.S. ARC EN CIEL SUD EST
C/
[K]
Grosse délivrée le 20 JUIN 2023 à :
- Me
- Me
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 20 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 18 Mars 2021, N°19/00401
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 30 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Juin 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. ARC EN CIEL SUD EST
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Anne-sophie TURMEL, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [H] [K]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER-JEROME PRIVAT-THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 14 Mars 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 20 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Le 1er août 2018, Mme [H] [K] a été embauchée par la société Arc En Ciel Sud-Est, avec reprise d'ancienneté au 3 janvier 2011, en qualité d'agent de service qualification AS2A.
Son précédent employeur était la société Derichebourg et le contrat a été transféré à la SAS Arc En Ciel conformément à l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté.
Constatant que son employeur ne lui versait pas de prime de rentrée scolaire, ne lui payait pas son 13ème mois ni les frais d'entretiens de sa tenue de travail, le 12 juillet 2019, Mme [K] saisissait le conseil de prud'hommes de Nîmes afin de solliciter la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes.
Par jugement contradictoire du 18 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :
- condamné la société Arc En Ciel au paiement des sommes suivantes:
* 416,25 euros à titre de rappel de salaire année 2018 outre 41,62 euros de congés payés y afférents,
* 971,25 euros à titre de rappel de salaire au titre de l'année 2019 outre 97,12 euros de congés payés y afférents
* 88,94 euros au titre de la prime de rentrée scolaire,
* 42,50 euros au titre des frais d'entretien des tenues,
* 426,30 euros correspondant à l'absence de congés sans soldes outre 42,63 euros au titre des congés payés y afférents,
* 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [K] au titre de la prime de fin d'année,
- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile
- condamné la SAS Arc En Ciel aux entiers dépens.
Par acte du 16 avril 2021, la société Arc En Ciel Sud-Est a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 3 juillet 2021, la SAS Arc En Ciel Sud-Est demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes.
En l'état de ses dernières écritures du 2 septembre 2021, Mme [H] [K] demande à la cour de :
- recevoir l'appel de la société Arc En Ciel,
- le dire mal fondé,
En conséquence,
- condamner la SARL Arc En Ciel au paiement des sommes suivantes :
' 416.25 euros à titre de rappel de salaire 2018 outre 41.62 euros
' 971.25 euros à titre de rappel de salaires année 2019 outre 97.12 euros de congés payés y afférents
' 104.60 euros au titre de la prime de rentrée scolaire
' 298.88 euros à titre de prime de fin d'année
' 540 euros au titre des frais d'entretien des tenues
' 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
' 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 1er décembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 14 mars 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 29 mars 2023 puis déplacée à celle du 30 mars 2023.
MOTIFS
Il convient liminairement de rappeler qu'il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, que l'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet, que les conclusions de l'appelant, qu'il soit principal ou incident, doivent déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel, que l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du code de procédure civile, le respect de la diligence impartie par l'article 909 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de cet article 954.
En l'espèce, les conclusions de l'intimée ne comportant aucune prétention tendant à l'infirmation ou à la réformation du jugement attaqué, ne constituent pas un appel incident valable.
Dès lors, il n'y a pas lieu de tenir compte des conclusions d'intimée qui, sans solliciter la réformation du jugement déféré, demandent la condamnation de l'employeur au paiement de sommes différentes de celles allouées par le premier juge.
Sur la prime de rentrée scolaire
La SAS Arc En Ciel fait valoir que la prime de rentrée scolaire a été versée conformément à l'engagement qui a été pris dans le courrier adressé par Mme [K] le 5 décembre 2018.
Mme [H] [K] fait valoir que la prime de rentrée scolaire, déconnectée du temps de travail et contractuellement prévue, devait lui être versée à hauteur du prorata temporis, soit 5/12ème puisque la SAS Arc En Ciel a repris son contrat de travail dès le 1er août 2018.
Selon l'article 7-2 , II de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 applicable en l'espèce :
« B. Modalités de maintien de la rémunération
Le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute correspondant au nombre d'heures habituellement effectuées sur le marché repris.
À cette rémunération s'ajouteront les éléments de salaire à périodicité fixe de manière à garantir le montant global annuel du salaire antérieurement perçu correspondant au temps passé sur le marché repris.
Ces éléments seront détaillés selon les indications figurant sur la liste fournie par l'entreprise sortante mentionnée à l'article 7.3.I.
Le nouvel employeur ne sera pas tenu de maintenir les différents libellés et composantes de la rémunération, ni d'en conserver les mêmes modalités de versement, compte tenu de la variété des situations rencontrées dans les entreprises.»
La société Arc En Ciel ne conteste pas l'attribution de cette prime en son principe comme cela ressort d'ailleurs de la note de service du 28 septembre 2018.
Toutefois, en mentionnant « pour la prime de rentrée, vous percevrez donc un montant de 2/12ème, la différence à savoir 10/12ème vous a été versée par la société Derichebourg lors de votre solde de tout compte », le nouvel employeur procédait manifestement à un calcul erroné puisque le contrat a été repris le 1er août 2018, ce qui correspond à 5/12ème.
Par ailleurs, le montant de la prime est forfaitaire et n'est pas lié au nombre d'heures effectuées mais au temps de présence de la salariée dans l'entreprise.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les frais d'entretien et de tenue de travail
En application de la règle selon laquelle les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur, les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire.
Le conseil de prud'hommes a accordé à ce titre la somme de 42,50 euros.
La SAS Arc En Ciel fait valoir qu'aucune disposition ne prévoit l'obligation de verser des frais d'entretien et que Mme [H] [K] bénéficie de l'abattement de 8 % pour frais professionnels.
Cependant, d'une part, l'abattement pour frais professionnels auquel semble se référer la société intimée est régi par l'arrêté du 20 décembre 2002 et ne concerne que la déduction opérée sur l'assiette des cotisations sociales dont l'employeur est redevable à l'égard de certains salariés limitativement énumérés dont ne font pas partie les ouvriers de propreté.
D'autre part, cet abattement suppose l'existence de frais professionnels auxquels sont exposés les salariés ce que la société appelante tend à reconnaître en déclarant qu'elle fournit des tenues de travail à ses salariés mais n'indique pas en assurer l'entretien, ce dont la cour en conclut que cet entretien se fait aux frais de ces derniers. En effet, pour appliquer la déduction forfaitaire spécifique, l'employeur doit disposer des justificatifs démontrant que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels.
L'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévue ou lorsque le comité d'entreprise, les délégués du personnel ou le comité social et économique ont donné leur accord.
A défaut, il appartient à chaque salarié d'accepter annuellement ou non cette option. A ce titre, l'entreprise s'assure annuellement, par tout moyen, du consentement de ses salariés pour pouvoir bénéficier chaque année de la déduction forfaitaire spécifique. Dans ce cadre, l'employeur informe les salariés des conséquences que l'application de la déduction forfaitaire spécifique a sur leurs droits, notamment la validation de leurs droits aux indemnités journalières de sécurité sociale et à l'assurance retraite. L'option pourra alors figurer soit dans le contrat de travail ou un avenant au contrat de travail, soit faire l'objet d'une procédure mise en 'uvre par l'employeur consistant à informer par tout moyen donnant date certaine chaque salarié individuellement de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits. Un coupon réponse d'accord ou de refus doit être retourné par le salarié. Si le salarié indique vouloir bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique ou y renoncer, sa décision prendra effet à compter de l'année civile suivante.
En l'espèce, par courrier du 5 décembre 2018, Mme [K] a expressément refusé l'abattement de 8%.
Le jugement mérite également confirmation de chef.
Sur les rappels de salaires
Mme [H] [K] soutient que son contrat de travail prévoyait 70,67 heures et que l'employeur ne peut modifier unilatéralement le montant des heures et doit régler les heures fixées au contrat. Elle sollicite un rappel de salaire au titre de l'année 2018 (octobre à décembre) à hauteur de 416,25 euros outre 41,62 euros de congés payés afférents ainsi qu'au titre de l'année 2019 (janvier à juillet) à hauteur de 971,25 euros outre 97,12 euros de congés payés afférents.
La société appelante fait valoir que Mme [K] n'a effectué que 57 heures de travail et ne peut donc pas prétendre percevoir une rémunération durant une période pendant laquelle elle n'était pas à la disposition de l'employeur.
L' article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté fait obligation à l'entreprise entrante d'établir un avenant au contrat de travail , pour mentionner le changement d'employeur, dans lequel elle reprendra l'ensemble des clauses attachées à celui-ci et le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute correspondant au nombre d'heures habituellement effectuées sur le marché repris.
En application de ces dispositions, le nouvel employeur est lié par les clauses des précédents contrats de travail des salariés des entreprises dont il reprend les marchés et ne peut imposer une modification du contrat de travail portant sur la durée du travail ou la rémunération du salarié, sans l'accord exprès de ce dernier.
L'avenant au contrat de travail « contrat à durée indéterminée temps partiel reprise article 7 » conclu le 1er août 2018 prévoit un temps de travail mensuel de 70,67 heures pour des prestations sur la ville de [Localité 5] et l'école maternelle [4]
Au motif que la ville de [Localité 5] avait décidé de ne plus faire travailler les prestataires le mercredi dans les écoles dans le cadre d'un retour à une semaine de 4 jours, par courrier du 16 août 2018, la société Arc en Ciel a demandé à Mme [K] de ne plus intervenir le mercredi et précisé qu'un avenant modificatif lui serait adressé prochainement afin de formaliser cette organisation de travail.
Or, il n'est justifié de la signature d'aucun avenant modificatif et au contraire, le 5 décembre 2018, la salariée se plaignait du fait que le salaire du mois de septembre 2018 n'avait pas été payé à hauteur de 70h67 mais de 49h75 ainsi que le mois d'octobre 2018 qui n'avait été payé qu'à hauteur de 57 heures.
En l'absence de signature d'un avenant modifiant son horaire contractuel de travail alors qu'il ressort du courrier du 5 décembre 2018 que Mme [H] [K] s'est tenue à disposition de l'employeur, la salariée est donc fondée à solliciter les rappels de salaire au titre des années 2018 et 2019.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé respectivement les sommes de 416,24 euros et 971,25 euros outre les congés payés afférents.
Sur la prime de fin d'année
En l'absence d'appel incident valable, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [H] [K] de sa demande à ce titre.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Mme [H] [K], au visa de l'article L. 1221-1 du code du travail, estime qu'il est flagrant que l'employeur n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi et sollicite à ce titre le paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Or, l'intimée qui a obtenu réparation pour les divers manquements relevés ne justifie d'aucun préjudice distinct du simple retard de paiement.
La demande est en voie de rejet. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens seront mis à la charge de l'appelante et l'équité justifie d'accorder à Mme [H] [K] la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Arc En Ciel au paiement de la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- Statuant à nouveau de ce chef infirmé, déboute Mme [H] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- Confirme le jugement pour le surplus et y ajoutant,
- Condamne la SAS Arc En Ciel Sud-Est à payer à Mme [H] [K] la somme de 600 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejette le surplus des demandes,
- Condamne la SAS Arc En Ciel aux dépens d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,