Ordonnance N° 602
N° RG 23/00641 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I3KC
J.L.D. NIMES
16 juin 2023
[G]
C/
LE PREFET DU VAUCLUSE
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 19 JUIN 2023
Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Audrey BACHIMONT, Greffière,
Vu l'interdiction de territoire français pronocée le 28 novembre 2022 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 14 juin 2023, notifiée le même jour à 09h02 concernant :
M. [U] [G]
né le 28 Avril 2004 à [Localité 2]
de nationalité Marocaine
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 15 juin 2023 à 15h15, enregistrée sous le N°RG 23/03027 présentée par Mme le Préfet du VAUCLUSE ;
Vu l'ordonnance rendue le 16 Juin 2023 à 15h36 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Déclaré la requête recevable ;
* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [U] [G];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 16 juin 2023 à 09h02,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [U] [G] le 17 Juin 2023 à 14h23 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu l'absence du Préfet du VAUCLUSE, régulièrement convoqué,
Vu l'assistance de [E] [Z] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [U] [G], régulièrement convoqué;
Vu la présence de Me Julie REBOLLO, avocat de Monsieur [U] [G] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS :
Monsieur [U] [G] a été condamné le 28 novembre 2022 par jugement contradictoire du tribunal correctionnel d'Avignon à la peine complémentaire d'interdiction du territoire national pendant dix ans.
A sa levée d'écrou le 14 juin 2023 , à 9h02, lui a également été notifié son placement en rétention en vertu d'un arrêté pris par la même préfecture de Vaucluse le même jour.
Par requête du 15 juin 2023, le Préfet de Vaucluse a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 16 juin 2023, à 15h36, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [U] [G] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [U] [G] a interjeté appel de cette ordonnance le 17 juin 2023, à 14h23.
Sur l'audience, Monsieur [U] [G] déclare que :
-il a quitté son pays d'origine à l'âge de 13 ans, il n'a de documents ni ici ni au pays,
-il souffre de son placement au centre de rétention,
-il est marocain, il ne va pas être reconnu,
-il a subi des agressions sans réaction du centre, sous les caméras pourtant,
-il a demandé il y a cinq jours à voir le médecin, mais sans succès ; il veut voir un psychologue ( il était suivi par un psychologue en prison),
-il veut aller en Espagne car il y a de la famille là-bas.
Son avocat soutient que :
- les diligences administratives sont insuffisantes, aucune démarche n'a été anticipée avant sa levée d'écrou, ce qui est anormal.
Monsieur le Préfet de Vaucluse n'est pas représenté.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté par Monsieur [U] [G] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.
En l'espèce, Monsieur [U] [G] soulève l'absence de diligences suffisantes de la part de l'administration et le défaut de perspective d'éloignement à bref délai qui en résulte. Ces moyens de fond sont recevables.
SUR LE FOND :
L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.
L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [U] [G] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ et qu'en l'état des diligences accomplies par l'administration, son éloignement à bref délai est compromis.
Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l'objet ne se justifie plus et doit donc être levée.
En l'espèce, Monsieur [U] [G] ne disposait au moment de sa levée d'écrou, d'aucun justificatif en original de son identité ni d'aucun document de voyage et n'en a pas davantage communiqué depuis aux autorités administratives, de telle sorte qu'il est nécessaire de l'identifier formellement avant que de pouvoir procéder à son éloignement effectif. C'est ainsi à l'origine son propre fait qui retarde donc son départ et conduit l'administration à solliciter que sa rétention soit prolongée.
L'administration a saisi les autorités marocaines le 12 juin 2023 en leur transmettant une demande d'identification. Manifestement, les diligences utiles, nécessaires et rapides ont été entreprises par les autorités françaises.
Dès lors, aucun élément du dossier ou du débat à l'audience ne permet d'affirmer que les réponses du Consulat ne puissent intervenir à bref délai en l'état des diligences dont il est ainsi justifié.
Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n' a pas failli à ses obligations. Les moyens soulevés seront donc rejetés.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [U] [G] :
Monsieur [U] [G], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il ne justifie de plus d'aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.
Sur le plan de la santé, le retenu produit des documents médicaux qui ne caractérisent pas d'incompatibilité de la mesure. Toutefois, il indique vouloir bénéficier d'une consultation médicale, sans succès pour l'instant, malgré sa demande ne ce sens. Il convient donc d'engager le service médicale du centre de rétention à voir rapidement le retenu pour faire un point sur sa situation et l'associtation Forum Réfugié à se rapprocher du retenu qui veut faire valoir une situation difficile au centre de rétention.
En tout état de cause, sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [U] [G] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 19 Juin 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. [U] [G], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
- Monsieur [U] [G], par le Directeur du centre de rétention de [Localité 3],
- Me Julie REBOLLO, avocat
(de permanence),
- Mme Le Préfet du VAUCLUSE
,
- M. Le Directeur du CRA de [Localité 3],
- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,