Ordonnance N°23/594
N° RG 23/00633 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I3IM
J.L.D. NIMES
15 juin 2023
[W]
C/
LE PREFET DE VAUCLUSE
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 16 JUIN 2023
Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire national en date du 22 novembre 2022 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 13 juin 2023, notifiée le même jour à 09h50 concernant :
M. [E] [W]
né le 29 Août 1998 à [Localité 4]
de nationalité Tunisienne
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 14 juin 2023 à 10h55, enregistrée sous le N°RG 23/2996 présentée par M. le Préfet de Vaucluse ;
Vu l'ordonnance rendue le 15 Juin 2023 à 12h53 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Déclaré la requête recevable ;
* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [E] [W];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 15 juin 2023 à 09h50,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [E] [W] le 15 Juin 2023 à 15h54 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [U] [L], représentant le Préfet de Vaucluse, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l'assistance de M. [B] [C] interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts à la cour d'appel de Nîmes ,
Vu la comparution de Monsieur [E] [W], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Laurence AGUILAR, avocat de Monsieur [E] [W] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [E] [W] a reçu notification le 22 novembre 2022 d'un arrêté de la Préfète de Vaucluse du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant un an.
Monsieur [E] [W] a été interpellé le 11 juin 2023 à 17h45 à [Localité 2].
Par arrêté de la préfecture de Vaucluse en date du 13 juin 2023 et qui lui a été notifié le jour même à 9h50, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.
Par requête du 14 juin 2023, la préfète de Vaucluse a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 15 juin 2023, à 12h53, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [E] [W] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [E] [W] a interjeté appel de cette ordonnance le 15 juin 2023, à 15h54.
Sur l'audience, Monsieur [E] [W] indique que :
- il ne veut pas retourner en Tunisie, car c'est la misère pour lui là-bas,
- il a une femme et deux enfants ici en France qui comptent sur lui, ces deux enfants ne sont pas les siens mais il s'en occupe,
- s'il était libéré, il quitterait la France, puis attendrai la fin de l'interdiction de retour pour les retrouver,
- il se pose des question sur les conditions de son interpellation et explique que le stupéfiant retrouvé sur lui représente sa consommation personnelle.
Son avocate soutient que :
- l'existence d'une nullité de procédure en ce que l'avis parquet est intervenu 50 minutes après interpellation,
- se désiste du surplus.
Madame la Préfète prise en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel. Il explique que les conditions de son interpellation ne sont pas bonnes car le retenu s'est rebellé. Sur le moyen de nullité, il indique que la procédure est régulière puisque l'avis parquet est intervenu 8 min après le placement en garde à vue. L'assignation à domicile est impossible et les perspectives d'éloignement existent.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté par Monsieur [E] [W] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.
En l'espèce, Monsieur [E] [W] soulève un moyen de nullité soulevé in limine litis devant le juge de première instance, ainsi que l'absence de perspective d'éloignement rapide. Ces moyens sont recevables.
SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D'IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L'ARRÊTÉ :
L'article L.743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger »
Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
Sur l'avis à parquet tardif :
Il ressort de la procédure que les conditions d'interpellation du retenu, le 11 juin 2023, à 17h45 ont été rendues difficiles par des actes de rébellion. Après transport au poste de police et prise de connaissance de la procédure par l'officier de police judiciaire, ce dernier a décodé la garde à vue de Monsieur [E] [W], mesure notifiée à 18h32. L'avis parquet est intervenu à 18h40, soit huit minutes après cette notification. Le délai d'avis à parquet ne peut courir qu'à compter de la décision du placement ne garde à vue. Il s'ensuit que le délai de huit minutes pour avertir le procureur de la République de cette mesure ne peut être considéré comme étant tardif.
Il y a donc lieu de constater qu'aucune irrégularité portant atteinte aux droits de la personne retenue n'est relevée et il convient dès lors de déclarer la procédure régulière et de rejeter le moyen soulevé.
SUR LE FOND :
L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.
L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [E] [W] soutient qu'en l'état des diligences accomplies par l'administration, son éloignement à bref délai est compromis.
Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l'objet ne se justifie plus et doit donc être levée.
En l'espèce, Monsieur [E] [W] ne disposait au moment de son interpellation d'aucun justificatif en original de son identité ni d'aucun document de voyage et n'en a pas davantage communiqué depuis aux autorités administratives, de telle sorte qu'il est nécessaire de l'identifier formellement avant que de pouvoir procéder à son éloignement effectif. C'est ainsi à l'origine son propre fait qui retarde donc son départ et conduit l'administration à solliciter que sa rétention soit prolongée.
L'administration a saisi les autorités tunisiennes en vue de la délivrance d'un laissez-passer. Précédemment, ces autorités avaient déjà eu l'occasion de délivrer un document de voyage, le 27 avril 2023, dans le cadre d'un autre placement au centre de rétention. En outre, l'administration a sollicité une réservation aérienne.
Ainsi, aucun élément ne permet d'affirmer qu'il n'existe pas de perspectives raisonnables d'éloignement dès lors que les démarches sont en cours et peuvent trouver leur issue du jour au lendemain.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [E] [W] :
Monsieur [E] [W], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il ne justifie de plus d'aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays. Les documents produits n'attestent pas d'une vie familiale stable et pérenne.
Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [E] [W] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 16 Juin 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. [E] [W], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
- Monsieur [E] [W], par le Directeur du centre de rétention de [Localité 3],
- Me Laurence AGUILAR, avocat
(de permanence),
- M. Le Préfet de Vaucluse
,
- M. Le Directeur du CRA de [Localité 3],
- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,