RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/02549 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IDHF
DO/YRD
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
05 juin 2019
RG :19/00332
S.A.S. [5]
C/
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Grosse délivrée le 15 Juin 2023 à :
- Me RIGAL
- LA CPAM
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5e chambre Pole social
ARRÊT DU 15 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 05 Juin 2019, N°19/00332
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier lors des débats et Madame Delphine OLLMANN, Greffière lors du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2023 et prorogé ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. [5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON, dispensé de comparaître à l'audience
INTIMÉE :
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Mme [B] [M] en vertu d'un pouvoir général
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 30 septembre 2013, M. [C] [I], salarié de la SAS [5] en qualité de préparateur de commande, a été victime d'un accident pour lequel son employeur a établi une déclaration d'accident du travail le 2 octobre 2013 qui mentionnait : 'le salarié déclare : alors qu'il venait de déposer un colis sur la palette et effectuait un filmage intermédiaire de celle-ci, en remontant sur son chariot il a ressenti une douleur au dos'.
Le certificat médical initial établi le 30 septembre 2013 par le centre hospitalier de [Localité 6] faisait état d'un 'lumbago droit'.
Suivant notification du 9 octobre 2013, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a informé la société [5] de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont a été victime M. [C] [I] le 30 septembre 2013.
M. [C] [I] a été indemnisé au titre de cet accident du travail du 30 septembre 2013 au 22 juin 2015, date de consolidation de son état.
Contestant la durée des soins et arrêts de travail prescrits à M. [C] [I], la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône laquelle, par décision du 28 juillet 2015, a rejeté ce recours.
Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 17 juin 2015, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse d'un recours contre la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône du 28 juillet 2015.
Par jugement avant dire droit du 5 juillet 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse a ordonné la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire.
Le docteur [S] [T] a été désigné pour procéder à cette expertise et a accompli sa mission le 4 septembre 2018.
Par jugement du 5 juin 2019, le pôle social du tribunal de grande instance d'Avignon a :
- reçu le recours de la société [5] et l'a déclaré mal fondé,
- dit que les arrêts de travail et soins prescrits à M. [C] [I] du 30 septembre 2013 au 21 juin 2015, sont en relation directe et unique avec l'accident du travail dont il a été victime le 30 septembre 2013,
- déclaré en conséquence opposable à la société [5] la prise en charge des arrêts de travail, soins et les conséquences financières prescrits du 30 septembre 2013 au 21 juin 2015,
- condamné la société [5] aux entiers dépens de l'instance.
Par acte du 4 juillet 2019, la société [5] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
L'affaire était radiée pour défaut de diligence des parties le 18 décembre 2020 pour être réinscrite à la demande de la société [5] le 5 juillet 2021.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la société [5] demande à la cour de :
- déclarer recevables ses demandes, fins et prétentions,
Y faisant droit,
- dire et juger que le rapport d'expertise médicale du docteur [S] [T] n'a pas tiré les conséquences de l'accident du travail de M. [C] [I] du 30 septembre 2013, de ce qu'il résultait uniquement d'un état pathologique antérieur présenté par le salarié,
- dire et juger que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ne démontre pas que les soins et arrêts de travail présentés par M. [C] [I] postérieurement au 15 octobre 2013 seraient liés à l'accident survenu le 30 septembre 2013,
En conséquence,
- infirmer le jugement rendu le 5 juin 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance d'Avignon en ce qu'il a déclaré imputable à l'accident du travail du 30 septembre 2013 et opposable à l'employeur l'ensemble des soins et arrêts de travail jusqu'à la consolidation du 22 juin 2015,
- ordonner une nouvelle expertise sur pièces du dossier médical de M. [C] [I] et nommer tel expert à la cour avec pour mission, sauf à l'étendre par ses soins, de :
1. Se faire communiquer tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment médicaux encore en la possession de la caisse primaire d'assurance maladie et/ou par le service du contrôle médical afférent aux lésions et prestations prises en charge par la caisse du chef de l'accident de M. [C] [I] survenu le 30 septembre 2013,
2. Entendre les parties (employeur et caisse) éventuellement représentées par un médecin de leur choix ou celles-ci dument appelées en leurs dires et observations,
3. Déterminer si tout ou partie des lésions, soins et arrêts retenus par la caisse en lien avec l'accident survenu le 30 septembre 2013 résulte avec certitude d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs ; dans l'affirmative, préciser les soins et arrêts résultant d'un état pathologique préexistant ou d'une cause postérieure totalement étrangère,
4. Apprécier la date à laquelle les lésions résultant de l'accident survenu le 30 septembre 2013 étaient consolidées,
5. Soumettre aux parties un pré-rapport en leur impartissant un délai raisonnable pour formuler leurs observations écrites auxquelles il devra être répondu dans le rapport définitif, le tout dans les conditions prévues par l'article 276 du code de procédure civile,
6. Déposer son rapport au greffe de la cour dans un délai de trois mois à compter de la réception de sa mission et en adresser un exemplaire à chacune des parties,
- ordonner par ailleurs que l'expertise soit réalisée aux frais avancés par la caisse,
- enjoindre, si besoin était, à la caisse primaire d'assurance maladie de communiquer à l'expert l'ensemble des éléments utiles à la réalisation de l'expertise, et notamment l'entier dossier médical de M. [C] [I] en sa possession,
En tout état de cause,
- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la caisse primaire d'assurance maladie aux dépens.
Elle soutient que :
- l'expertise judiciaire a mis en évidence la présence d'un état pathologique préexistant,
- les arrêts de travail prescrits le 15 octobre 2013 et le 7 novembre 2013 font état d'une 'lombosciatique chronique' et démontre donc l'existence d'un état pathologique préexistant sans lien avec l'accident du travail dont a été victime M. [C] [I].
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône demande à la cour de :
- débouter la société [5] de son recours,
- dire que les soins et arrêts de travail du 30 septembre 2013 au 21 juin 2015 consécutifs à l'accident du 30 septembre 2013 survenu à M. [C] [I] lui sont imputables et sont donc opposables à la société [5],
- rejeter la demande d'expertise médicale judiciaire.
Elle fait valoir que :
- la 'lombosciatique chronique' mentionnée aux termes des arrêts de travail des 15 octobre 2013 et 7 novembre 2013 sont une aggravation des séquelles imputables à l'accident du travail initial,
- la société [5] ne démontre pas que cet état pathologique préexistant évolue pour son propre compte.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS
Sur l'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts de travail prescrits à M. [C] [I] :
Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, 'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise'.
La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail, instituée par l'article L.411-1 de la sécurité sociale s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime.
Il en résulte que la présomption d'imputabilité au travail s'applique non seulement au fait accidentel ou à la maladie professionnelle, mais également à l'ensemble des évolutions constatées et des prestations délivrées jusqu'à la complète guérison ou la consolidation de l'état du salarié.
L'employeur peut combattre cette présomption simple, et devra, sauf rupture dans la continuité des soins ou de l'arrêt de travail, renverser la présomption d'imputabilité en démontrant que les nouvelles prescriptions ne sont pas rattachables au sinistre initial.
En l'espèce, il ressort des pièces versées au débat que suite à son accident du travail survenu le 30 septembre 2013, M. [C] [I] a bénéficié d'un arrêt de travail du 30 septembre 2013 au 14 octobre 2013 au titre d'un 'lumbago aigu' puis, à compter du 14 octobre 2013, d'arrêts de travail au titre d'une 'lombosciatique chronique'.
Il est par ailleurs établi que l'expert judiciaire désigné en première instance a conclu que : 'On note sur les examens paracliniques l'existence d'un état antérieur notamment un canal lombaire étroit. La première IRM effectuée le 27 novembre 2013 montrait la présence de protrusions discales non herniaires de L2 à S1, une petite hernie foraminale droite L4/L5 étant objectivée sur une 2ème IRM lombaire le 15 juillet 2014.
M. [C] [I] a été mis en arrêt de travail du 30 septembre au 14 octobre 2013 soit 14 jours avec mentions 'lumbago aigu'.
Il a été revu par son médecin traitant et de nouveau mis en arrêt de travail à partir du 15 octobre 2013 pour 'lombosciatique'.
On peut considérer qu'il s'agit d'un traumatisme aggravant un état antérieur en raison du délai court (14 jours) entre les deux certificats concernés. L'apparition d'une radiculalgie dans ce délai nous paraissant acceptable.
Nous reprendrons donc les conclusions du docteur [J] qui avait procédé le 3 septembre 2015 à l'examen de M. [C] [I] et considéré l'arrêt de travail du 30 septembre 2013 au 21 juin 2015 inclus avec une consolidation en date du 22 juin 2015 imputable à l'accident'.
Il y a donc lieu de considérer que ces conclusions sont claires, précises, dénuées de toute ambiguïté et qu'elles reposent sur une discussion médicale argumentée de nature à démontrer que la 'lombosciatique chronique' mentionnée aux termes des arrêts de travail de prolongation établis à compter du 14 octobre 2013 constitue une aggravation des séquelles corporelles initiales imputables à l'accident du travail dont M. [C] [I] a été victime le 30 septembre 2013.
En outre, si la société [5] soutient que les arrêts de travail postérieurs au 14 octobre 2013 sont imputables à un état pathologique préexistant, force est de constater que les avis médicaux qu'elle produit ne reposent sur aucun élément de diagnostic antérieur au premier arrêt de travail de nature à démontrer que M. [C] [I] était bien atteint d'un état pathologique préexistant qui aurait évolué pour son propre compte.
Il apparaît donc, au vu de l'ensemble de ces considérations, que la société [5] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les soins et arrêts de travail prescrits à M. [C] [I] du 30 septembre 2013 au 22 juin 2015 ne sont pas rattachables à l'accident du travail dont ce dernier a été victime le 30 septembre 2013.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que les arrêts de travail et soins prescrits à M. [C] [I] du 30 septembre 2013 au 21 juin 2015, étaient en relation directe et unique avec l'accident du travail dont il a été victime le 30 septembre 2013.
Enfin, et à défaut d'apporter un commencement de preuve de nature à remettre en cause sérieusement cette évaluation, la demande d'expertise médicale présentée par la société [5] n'est pas justifiée et sera donc rejetée, étant rappelé qu'il n'appartient pas à la cour de suppléer la carence d'une des parties dans l'administration de la preuve.
En conséquence, et au vu de l'ensemble de ces considérations, il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Sur les dépens :
La société [5], partie perdante, supportera les dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 juin 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance d'Avignon,
Déboute la SAS [5] de l'intégralité de ses demandes,
Condamne la SAS [5] aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT