RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01771 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IBCN
DO/YRD
POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES
28 janvier 2021
RG :21/163
S.A.S. [4]
C/
CPAM DU GARD DEPARTEMENT DES AFFAIRES JURIDIQUES
Grosse délivrée le 15 Juin 2023 à :
- Me PUTANIER
- LA CPAM
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5e chambre Pole social
ARRÊT DU 15 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 28 Janvier 2021, N°21/163
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier lors des débats et Madame Delphine OLLMANN, Greffière lors du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2023 et prorogé ce jour.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. [4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, dispensé de comparaître à l'audience
INTIMÉE :
CPAM DU GARD DEPARTEMENT DES AFFAIRES JURIDIQUES
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Mme [D] [U] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 16 février 2019, M. [E] [P], salarié de la SAS [4], a indiqué avoir été victime d'un accident pour lequel son employeur a établi une déclaration d'accident du travail le 8 mars 2019 qui mentionnait ' M. [E] [P] déclare que la vitre de porte arrière du bus a été impactée par un projectile ayant entrainé chez lui un choc psychologique'.
Le certificat médical initial établi le 5 mars 2019 par le docteur [B] faisait état d'un 'état de stress post-traumatique suite à une agression sur les lieux de son travail (il conduisait un bus): constatations faites par l'entreprise le jour même : dépôt de plainte auprès de la police aujourd'hui 5 mars 2019. Insomnie avec cauchemars mettant en scène l'agression, tristesse, réaction d'évitement, labilité émotionnelle, irritabilité, flash-back, à minima anhédonie troubles cognitifs'.
Par décision du 2 mai 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont M. [E] [P] a été victime le 16 février 2019.
Contestant l'opposabilité de cette décision, la société [4] a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard laquelle, par décision du 29 août 2019, a rejeté son recours.
Par requête du 4 novembre 2019, la société [4] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Nîmes d'un recours contre la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard du 29 août 2019.
Par jugement du 28 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes a :
- déclaré recevable la requête de la société [4],
- dit que la décision de prise en charge de l'accident du travail dont M. [E] [P] a été victime le 16 février 2019 est opposable à la société [4],
- dit que les soins et arrêts de travail consécutifs à cet accident du travail sont opposables à la société [4],
En conséquence,
- confirmé la décision rendue par la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard lors de sa séance du 29 août 2019,
- débouté la société [4] de ses demandes,
- condamné la société [4] au dépens de l'instance.
Par acte du 29 avril 2021, la société [4] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 31 mars 2021.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la société [4] demande à la cour de :
- déclarer que les conditions d'application de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ne sont pas réunies,
- déclarer que la procédure suivie par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard est irrégulière,
En conséquence,
- prononcer dans les rapports entre elle et la caisse primaire d'assurance maladie du Gard l'inopposabilité de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des faits déclarés par M. [E] [P],
A titre subsidiaire,
- déclarer que la caisse primaire d'assurance maladie du Gard ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien entre les faits déclarés et les lésions constatées,
- déclarer qu'elle rapporte la preuve, ou tout du moins un commencement de preuve, de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail à l'origine des arrêts de travail prescrits,
En conséquence,
- ordonner une expertise médicale judiciaire sur pièces, et commettre à cet effet tel expert qu'il plaira à la cour de désigner, avec pour mission de :
* prendre connaissance des documents détenus par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard concernant le dossier accident du travail de M. [E] [P],
- dire si les lésions sont imputables aux faits déclarés le 16 février 2019 ou si elles relèvent d'un état pathologique antérieur,
- dire si tous les soins et arrêts de travail sont en lien direct et exclusif imputables à la pathologie initiale ou s'ils trouvent leur origine dans une cause totalement étrangère au travail de la salariée, ou encore dans un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.
Elle soutient que :
- les certificats médicaux détenus par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard ne figuraient pas dans le dossier constitué suite à la procédure d'instruction,
- M. [E] [P] a simplement déclaré avoir entendu un bruit alors qu'il conduisait son bus sans qu'il ne décrive la survenue d'un fait accidentel brutal et soudain,
- aucun témoin n'atteste du fait que M. [E] [P] a été victime d'un accident,
- M. [E] [P] a continué à exécuter son travail normalement pendant plusieurs jours sans faire état de difficulté,
- M. [E] [P] a consulté un médecin le 5 mars 2019, soit 17 jours après la survenance des faits déclarés,
- il n'existe aucun lien entre les lésions médicalement constatées et les faits déclarés par M. [E] [P].
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement du 28 janvier 2021 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société [4].
Elle fait valoir que :
- elle a transmis à la société [4] l'ensemble des éléments qu'elle avait en sa possession,
- l'incident dont a été victime M. [E] [P] caractérise un événement brutal et soudain au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale,
- cet accident constitue le fait générateur du trouble psychologique médicalement constaté le 5 mars 2019.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS
Sur la régularité de la procédure d'instruction :
Selon l'article R. 441-13, dans sa version applicable issue du décret n°2016-756 du 7 juin 2016, 'le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :
1°) la déclaration d'accident ;
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale.
Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.
Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire'.
Aux termes de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, 'dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13".
En l'espèce, il est établi que par courrier du 15 avril 2019 la caisse primaire d'assurance maladie du Gard a transmis à la société [4]:
- la déclaration d'accident du travail souscrite par la société [4] le 8 mars 2019,
- le certificat médical initial établi par le docteur [B] le 5 mars 2019,
- les informations parvenues à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard de chacune des parties,
- l'avis du service médical.
Il ressort toutefois des pièces versées au débat par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard que celle-ci disposait à cette date d'un certificat médical de prolongation prescrit le 2 avril 2019 qui mentionnait : 'état de stress post-traumatique suite à une agression sur les lieux de son travail (il conduisait un bus): constatations faites par l'entreprise le jour même : dépôt de plainte auprès de la police aujourd'hui 5 mars 2019. Insomnie avec cauchemars mettant en scène l'agression, tristesse, réaction d'évitement, labilité émotionnelle, irritabilité, flash-back, à minima anhédonie troubles cognitifs'.
Il s'en déduit qu'en ne transmettant pas ce document à la société [4], alors qu'il a été démontré que la caisse primaire d'assurance maladie du Gard l'avait en sa possession à la date de communication du dossier, cette dernière a méconnu les dispositions des articles R.441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.
Il apparaît donc, compte tenu de ce qui précède, que la caisse primaire d'assurance maladie du Gard n'a pas respecté son obligation d'information ainsi que le principe du contradictoire dans l'instruction de la demande de reconnaissance de l'accident du travail dont M. [E] [P] soutient avoir été victime le 16 février 2019.
Il convient, par conséquent, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de déclarer inopposable à l'égard de la société [4] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard du 2 mai 2019 reconnaissant le caractère professionnel de l'accident du travail revendiqué par M. [E] [P].
Sur les dépens :
La caisse primaire d'assurance maladie du Gard, partie perdante, supportera les dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes le 28 janvier 2021,
Statuant à nouveau,
Déclare inopposable à l'égard de la société [4] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard du 2 mai 2019 reconnaissant le caractère professionnel de l'accident du travail dont M. [E] [P] indique avoir été victime le 16 février 2019,
Déboute la caisse primaire d'assurance maladie du Gard de l'intégralité de ses demandes,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Gard aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT