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15/06/2023 | FRANCE | N°21/01219

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 15 juin 2023, 21/01219


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/01219 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7WI



EM/DO



JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE NIMES

06 janvier 2021



RG :19/00672





[B]



C/



S.A.R.L. SARL [11]

CPAM DU GARD

S.A.S. [13]















Grosse délivrée le 15 JUIN 2023 à :



- Me DUBOURD

- Me GARCIA

- CPA

M GARD

- Me GUILLET











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 15 JUIN 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de NIMES en date du 06 Janvier 2021, N°19/00672



COMPOSITION DE LA COUR LORS D...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01219 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7WI

EM/DO

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE NIMES

06 janvier 2021

RG :19/00672

[B]

C/

S.A.R.L. SARL [11]

CPAM DU GARD

S.A.S. [13]

Grosse délivrée le 15 JUIN 2023 à :

- Me DUBOURD

- Me GARCIA

- CPAM GARD

- Me GUILLET

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de NIMES en date du 06 Janvier 2021, N°19/00672

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [V] [B]

né le 07 Juillet 1968 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par Me Christophe DUBOURD, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

S.A.R.L. SARL [11]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Patricia GARCIA, avocat au barreau de NIMES

CPAM DU GARD

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par M. [N] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

S.A.S. [13]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Paul GUILLET de la SELARL PROVANSAL-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Le 05 février 2015, M. [V] [B] a été victime d'un accident du travail alors qu'il était mis à disposition de la Sas [13] par son employeur, la Sarl [11], en qualité de coffreur niveau N3P2, dans le cadre d'un contrat de mission du 30 janvier 2015.

Le 11 février 2015, l'employeur a établi une déclaration d'accident de travail qui mentionnait : 'Activité de la victime lors de l'accident : réalisation de coffrage. Nature de l'accident : le salarié était sur un escabeau lorsqu'il est tombé à cause du vent'.

Un certificat médical initial a été établi le 05 février 2015 par le Docteur [Z] [L] [K], qui mentionnait :'traumatisme membre supérieur gauche. Traumatisme dorso-lombaire'.

À compter du 16 septembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie a attribué à M. [V] [B] une rente calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente fixé à 15%.

Le 04 septembre 2015, M. [V] [B] a saisi la caisse primaire d'assurance maladie du Gard d'une demande de reconnaissance faute inexcusable.

Après échec de cette procédure, consacrée par la signature d'un procès-verbal de non-conciliation le 22 février 2016, M. [V] [B] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard pour qu'il soit jugé que l'accident a pour origine la faute inexcusable de la société [11] et pour solliciter la majoration de la rente et l'indemnisation complémentaire de ses préjudices.

Le 24 août 2016, M. [V] [B] a été reconnu travailleur handicapé par la [Adresse 10].

Par acte du 21 janvier 2019, la Sarl [11] a fait citer à comparaître par-devant le pôle social du tribunal de grande instance de Nîmes, la Sas [13], en sa qualité d'entreprise utilisatrice.

Par jugement en date du 06 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes a :

- déclaré irrecevable la demande en reconnaissance de faute inexcusable présentée par M. [V] [B] à l'encontre de la société [13] pour l'accident survenu le 5 février 2015,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] [B] aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 25 mars 2021, M. [V] [B] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 16 mars 2021.

Suivant acte en date du 29 décembre 2022, l'affaire a été fixée à l'audience du 04 avril 202 à laquelle elle a été retenue.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, M. [V] [B] demande à la cour de :

- le recevant en son appel,

- le dire régulier en la forme et justifié au fond,

- rejeter comme injuste et mal fondé l'ensemble des prétentions de la SARL [12],

- infirmer le jugement rendu le 6 janvier 2021 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de reconnaissance en faute inexcusable à l'encontre de la société [13],

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la Sarl [11] a commis une faute inexcusable,

En conséquence,

- majorer sa rente,

- fixer le taux de majoration à son maximum,

Avant dire droit,

Sur l'indemnisation et la réparation des autres postes de préjudice,

- ordonner une expertise médicale,

- désigner à cet effet tel expert qu'il plaira à la présente juridiction avec pour mission de :

* convoquer les parties

* se faire communiquer l'ensemble des pièces médicales

* déterminer l'ensemble des postes de préjudices non-exhaustifs suivants :

° déterminer le DFP

° déterminer l'ITT

° déterminer le préjudice d'agrément

° déterminer le pretium doloris

° déterminer le préjudice esthétique

En tout état de cause,

- condamner à titre provisionnel la société [13] à lui payer la somme de 2000 euros à valoir sur son préjudice physique, moral et économique,

- condamner solidairement la SARL [12] et la société [13] à lui payer la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que :

- il était fondé en son action contre la Sarl [12] dès lors qu'il ignorait le jour de l'introduction de son action le nom de l'entreprise utilisatrice; l'employeur a appelé en cours de procédure l'entreprise utilisatrice qui sera dés lors tenue d'indemniser les conséquences de sa faute inexcusable,

- le jour de son accident, la station [14] a constaté de fortes rafales de vent ; l'employeur, tenu de connaître les normes relatives à la santé et à la sécurité des travailleurs, a commis une faute inexcusable révélée par le contrôleur du travail,

- les mesures nécessaires à la prévention n'ont pas été prises ; au constat du fort vent, les travaux sur toiture auraient dû être stoppés ; suite à sa chute, ni les pompiers ni le Samu ne sont intervenus, il a été reconduit chez lui par le chef de chantier, de sorte qu'en ne prenant pas le soin de le confier au corps médical, l'employeur a omis de prendre les mesures nécessaires à la prévention de l'aggravation de son dommage ; les deux conditions cumulatives de la faute inexcusable sont réunies,

- suite à son accident, il se trouvait dans un état de choc et semi-conscient ; durant plusieurs jours il s'est retrouvé seul à son domicile sans soin; c'est à la demande de son médecin généraliste intervenu le 10 février qu'il sera évacué à l'hôpital tenant l'aggravation de son état,

- il travaillait sur le coffrage du plancher, ce travail a été réalisé en hauteur au niveau du plafond d'où l'utilité d'un escabeau ; les pièces métalliques utilisées d'une longueur de 1,5 à 2m offraient une résistance au vent,

- l'employeur étant l'auteur d'une faute inexcusable, il peut prétendre à une majoration de la rente qu'il perçoit à compter de la date de la consolidation de son état, soit le 15 septembre 2015,

- il est fondé avant dire droit à solliciter que soit ordonnée une expertise médicale aux fins d'évaluation de ses préjudices.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la Sarl [11] exerçant sous l'enseigne [12] demande à la cour de :

- débouter M. [B] des fins de son appel et le dire injuste et mal fondé, se faisant,

- juger que M. [B] ne démontre pas les circonstances précises de la survenance de l'accident,

- juger que M. [B] ne démontre pas la preuve des circonstances et critères permettant de retenir la conscience du danger par l'employeur et l'absence de mesures prises par ce dernier pour y remédier,

En tout état de cause,

- juger que M. [B] ne démontre pas sa faute inexcusable,

- juger qu'aucune faute inexcusable ne peut être retenue à son encontre,

- retenir la faute inexcusable de la société [13] qui devra la relever et garantir en cas de succès des prétentions de M. [B],

- déclarer M. [B] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes dirigées contre elle et l'en débouter,

- statuer ce que de droit sur la demande d'expertise de M. [B] qu'il conviendra de limiter aux postes de préjudices tels que prévus par l'article L452-3 du code de la sécurité sociale,

- juger que la société [13] en tant qu'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail,

- juger en conséquence que la société [13] a commis une faute inexcusable,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour estimait devoir entrer en voie de condamnation à son encontre et retenir sa faute inexcusable, elle ne manquera pas de condamner la société [13] à la relever et garantir de toute condamnation mise à sa charge,

- juger que la société [13] doit la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

- condamner M. [B] à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que :

- M. [V] [B] se plaît à faire l'amalgame systématique entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire par l'emploi du terme 'utilisateur' ; il s'est abstenu de mettre en cause la société utilisatrice l'obligeant ainsi à l'assigner en intervention forcée à l'effet notamment de voir les opérations d'expertise lui être déclarées opposables,

- les circonstances précises de l'accident ne sont toujours pas expliquées par M. [V] [B] qui se borne à faire état du bulletion météo ; les déclarations d'un témoin, M. [W], sont insuffisantes pour apprécier les circonstances précises de l'accident ; rien n'est précisé sur l'équipement porté par M. [V] [B] ni sur son positionnement et sa corpulence ; il ne démontre pas qu'il a chuté à cause du vent alors qu'il est un ouvrier qualifié, habitué et formé aux tâches difficiles ; M. [V] [B] ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait commis une faute inexcusable ; il ne rapporte pas davantage la preuve de ses allégations relatives au déroulement des circonstances postérieures à son accident du travail et n'explique pas davantage pour quelle raison la déclaration d'accident de travail date du 12 février alors que l'accident est survenu le 05 février,

- par contre, le déroulement des débats permet d'établir la responsabilité de la société utilisatrice ; la société utilisatrice ne l'a pas renseignée sur le fait que le poste confié à M. [V] [B] était ou non un poste à risque ; cette information préalable n'a pas été donnée et certaines obligations n'ont donc pas été respectées ; selon la lettre du contrôleur du travail, la société utilisatrice doit être regardée comme responsable de l'accident du travail s'il existe ; non seulement cette dernière n'a pas pris les précautions nécessaires, alors qu'elle connaissait les dangers de la mission, mais elle n'a pas donné l'information renforcée à laquelle elle était tenue.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la Sas [13] demande à la cour de :

A titre principal,

- dire et juger que M. [V] [B] ne rapporte pas la preuve des circonstances de l'accident permettant de démontrer qu'elle aurait dû avoir conscience du danger auquel elle l'exposait et qu'elle n'a pris les mesures pour l'en préserver,

- débouter M. [V] [B] de son action en reconnaissance de la faute inexcusable,

- condamner M. [V] [B] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- limiter les opérations d'expertise aux postes de préjudice prévus à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale,

- débouter M. [V] [B] de sa demande de condamnation provisionnelle à son encontre,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie à faire l'avance de toutes sommes qui seront allouées à M. [V] [B] en réparation de son préjudice à charge pour elle d'en obtenir le remboursement auprès de l'employeur la société [11].

Elle fait valoir que :

- ce n'est que cinq jours après sa chute que M. [V] [B] s'est rendu au centre hospitalier pour se faire examiner suite à sa chute et qu'il sera constaté une fracture sous capitale de la cupule radiale ; aucun élément produit par M. [V] [B] ne permet de confirmer la thèse qu'il a avancée pour tenter de justifier la déclaration tardive ; en réalité, M. [V] [B] a pu se fracturer le coude non pas le jour de l'accident mais les jours qui ont suivi,

- il existe par ailleurs une incohérence dans les versions avancées par M. [V] [B] dans la déclaration d'accident de travail et un témoin dont il produit l'attestation tant sur la tâche que le salarié réalisait au moment de son accident que sur le lieu de l'accident ; si le salarié justifie qu'à 12h12 le vent soufflait à près de 97kms/h, il a chuté néanmoins à 09h où la vitesse moyenne du vent était de 35kms/h avec des rafales de 70kms/h ; il n'est pas démontré que M. [V] [B] a chuté à cause du vent ; contrairement à ce que soutient M. [V] [B], le courrier de l'inspection du travail du 25 août 2015 qui ne fait que rappeler les règles applicables ne peut pas servir de fondement à l'action de M. [V] [B] permettant d'engager la faute inexcusable de l'employeur,

- subsidiairement, la demande de M. [V] [B] relatif au déficit fonctionnel permanent sera rejetée dès lors qu'il est déjà indemnisé au titre de la rente accident du travail,

- M. [V] [B] sera débouté de sa demande de provision dès lors qu'il appartient à la caisse de faire l'avance des sommes allouées au salarié victime d'un accident du travail.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice sur le point de savoir si l'accident du travail en cause est dû à une faute inexcusable de l'employeur,

- si la cour retient la faute inexcusable :

- fixer l'évaluation du montant de la majoration de la rente,

- limiter l'éventuelle mission de l'expert à celle habituellement confiée en matière de faute inexcusable et mettre les frais d'expertise à la charge de l'employeur,

- lui donner acte de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice sur la demande de provision,

- condamner l'employeur à lui rembourser dans le délai de quinzaine les sommes dont elle aura fait l'avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard.

Elle soutient que :

- elle intervient dans la présente instance en tant que partie liée puisqu'il lui appartiendra lorsque la cour se sera prononcée sur la reconnaissance de la faute inexcusable, de récupérer le cas échéant auprès de l'employeur, les sommes qu'elle sera amenée à verser à M. [V] [B],

- les préjudices déjà couverts totalement ou partiellement, forfaitairement ou avec limitation par le livre IV du code de la sécurité sociale ne peuvent donner lieu à une indemnisation complémentaire,

- elle s'en remet à justice sur la demande de provision de 2 000 euros sollicitée par M. [V] [B].

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il résulte de l'application combinée des articles L452-1 du code de la sécurité sociale, L4121-1 et L4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur et le fait qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, sont constitutifs d'une faute inexcusable.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ou de la maladie l'affectant; il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, étant précisé que la faute de la victime, dès lors qu'elle ne revêt pas le caractère d'une faute intentionnelle, n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.

Il incombe, néanmoins, au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l'employeur dont il se prévaut'; il lui appartient en conséquence de prouver, d'une part, que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires concernant ce risque, d'autre part, que ce manquement tenant au risque connu ou ayant dû être connu de l'employeur est une cause certaine et non simplement possible de l'accident ou de la maladie.

En l'espèce, les circonstances de l'accident du travail dont a été victime M. [V] [B] peuvent être déterminées à partir :

- du formulaire ' information préalable à la déclaration d'accident de travail' renseigné par la Sas [13] le 12 février 2015 qui mentionne un accident survenu le 05 février 2015 à 09h, sur le chantier [Adresse 17] à [Localité 15] selon les circonstances suivantes 'chute depuis une plateforme individuelle roulante ; il a été déséquilibré par une rafale de vent'; au titre de la nature et du siège des lésions 'douleur effort lumbago', 'localisations multiples, bras + dos côté gauche' et la présence d'un témoin M [M] [W],

- la déclaration d'accident de travail établie par l'employeur, la Sarl [11] le 11 février 2015 qui mentionne l'activité du salarié au moment de l'accident 'réalisation de coffrages', les circonstances de l'accident 'le salarié était sur un escabeau lorsqu'il est tombé à cause du vent', le lieu de l'accident est situé à [Adresse 16],

- une attestation rédigée par M. [M] [W] qui a travaillé en qualité de maçon pour le compte de la société [13], selon laquelle il a assisté à l'accident de travail de M. [V] [B] le 05/02/2015 au chantier '[Adresse 17]' à [Localité 15] ; il explique que ce jour là ils montaient le 'coffrage du plancher', qu'il y avait du vent et que suite à une rafale de vent, M. [V] [B] a été déséquilibré puis est tombé de l'escabeau,

- un bulletin édité par [14] le 12 novembre 2017 selon lequel le 05 février 2015 à [Localité 15] la vitesse du vent s'élevait à 97kms/h à 12h12 et 'compte tenu de la situation météorologique et des valeurs enregistrées par les capteurs de [14], il est probable que la vitesse maximale du vent ait pu atteindre ou dépasser les 100 kms/h sur certains secteurs de la commune de [Localité 15]', que les jours précédents, le vent était déjà très fort notamment le 04 février 2015 où une vitesse supérieure à 91kms/h avait été enregistrée,

- des relevés météo du 05 février 2015 de [Localité 15] [Localité 9] qui mentionnent notamment une vitesse du vent à 35kms/h à 9h avec des rafales avec une vitesse de 75,9 kms/h,

- un courrier d'un contrôleur du travail de la DIRECCTE du Languedoc Roussillon du 25 août 2015 qui fait état d'un entretien avec M. [V] [B] le 18 août 2015, de l'absence d'information sur l'accident du travail dont il a été victime ce qui explique l'absence d'enquête diligentée par le service, de la station de météorologie de [Localité 15] qui a confirmé que le 05 février 2015 des pointes de vent ont été enregistrées à plus de 97kms/h ; il ajoute que cette situation climatique imposait à l'entreprise utilisatrice à laquelle M. [V] [B] était employé de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer sa santé et sa sécurité au regard des articles R4323-68 et R4323-82 du code du travail.

Les éléments ainsi produits mettent en évidence des contradictions significatives sur les circonstances de l'accident, notamment sur le positionnement de M. [V] [B] au moment de sa chute, la société utilisatrice faisant état d'une chute du salarié d'une plateforme individuelle roulante tandis que la déclaration d'accident de travail et l'attestation produite par l'appelant évoquent une chute d'un escabeau.

Force est de constater que M. [V] [B] n'apporte pas d'explication convaincante sur ces divergences.

S'il est constant que le jour de l'accident du travail dont a été victime M. [V] [B], le vent soufflait à une vitesse importante et qu'il y avait des rafales avec des pointes de plus de 75 kms/h au cours de la matinée, il n'en demeure pas moins que les circonstances de la chute de M. [V] [B] ne sont pas déterminées avec précision.

La seule attestation de M. [M] [W] est insuffisamment circonstanciée pour connaître le positionnement de M. [V] [B] au moment où il aurait été déséquilibré par une rafale de vent, la position de l'escabeau par rapport au bâtiment sur lequel ils travaillaient et les raisons de son éventuelle emprise au vent, la hauteur à laquelle se trouvait le salarié lorsqu'il a chuté, la présence ou l'absence de tout équipement de protection individuelle ou collective dont ils bénéficiaient.

M. [V] [B] soutient que 'les pièces métalliques utilisées d'une longueur de 1,5 à 2m offraient une résistance au vent', sans pour autant produire des éléments objectifs de nature à corroborer ces affirmations.

Il en résulte que les circonstances exactes de l'accident, et plus particulièrement les causes de sa chute, sont indéterminées, à défaut pour M. [V] [B] de rapporter la preuve, qui lui incombe, autrement que par ses seules affirmations et une attestation d'un témoin insuffisamment circonstanciée, et par des éléments objectifs, qu'il a chuté d'un escabeau après avoir été déséquilibré par une rafale de vent, peu importe que l'accident n'ait pas été porté à la connaissance de l'Inspection du travail.

Sur ce point, le seul courrier du contrôleur de travail ne permet en aucun cas d'engager la responsabilité de la société utilisatrice dans la réalisation de cet accident du travail, dès lors qu'il ne fait que rappeler les règles que tout employeur se devait d'appliquer dans une situation climatique semblable à celle rencontrée par M. [V] [B] le 05 février 2015 sur le chantier.

Il s'en déduit que M. [V] [B] ne démontre pas que l'employeur et la société utilisatrice avaient ou auraient dû avoir conscience du risque de chute auquel il a été exposé et qu'elles n'ont pas pris toutes les mesures de sécurité qui s'imposaient, le salarié n'indiquant pas d'ailleurs quelles sont les mesures que les sociétés intimées auraient dû prendre pour préserver sa santé et sa sécurité.

M. [V] [B] sera donc débouté de ses prétentions et le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort;

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale, le 06 janvier 2021 en ce qu'il a dit que l'action en reconnaissance de faute inexcusable engagée par M. [V] [B] est irrecevable,

Le confirme pour le surplus,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Juge que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée par M. [V] [B] est recevable,

Déboute M. [V] [B] de l'ensemble de ses prétentions,

Dit n'y avoir lieu à application au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Déclare le présent arrêt opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard,

Condamne M. [V] [B] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 21/01219
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.01219 ?
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