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15/06/2023 | FRANCE | N°21/01173

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 15 juin 2023, 21/01173


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/01173 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7TC



EM/DO



POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

06 janvier 2021



RG :19/00437





[U]



C/



CIPAV



















Grosse délivrée le 15 JUIN 2023 à :



- Me PINCENT

- Me RIPERT











COUR D'APPEL DE NÎM

ES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 15 JUIN 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 06 Janvier 2021, N°19/00437



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'artic...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01173 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7TC

EM/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

06 janvier 2021

RG :19/00437

[U]

C/

CIPAV

Grosse délivrée le 15 JUIN 2023 à :

- Me PINCENT

- Me RIPERT

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 06 Janvier 2021, N°19/00437

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [P] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

CIPAV

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [P] [U] est affiliée à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance-vieillesse (CIPAV) depuis le 1er juillet 2009, sous le statut d'auto-entrepreneur.

Le 04 mai 2018, elle s'est procurée un relevé de situation individuelle en ligne via le site internet 'Info-retrait', lequel mentionnait qu'elle avait acquis au total 132 points de retraite complémentaire de 2009 à 2015, sans autre décompte pour les années ultérieures.

Par courrier du 23 juin 2018, la CIPAV lui indiquait qu'elle totalisait 179 points de retraite complémentaire au 31 décembre 2017.

Le 29 juin 2018, Mme [P] [U] a demandé le détail de ses points de retraite de base et de retraite complémentaire pour la période comprise entre 2009 et 2017 et a contesté les calculs opérés par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse puis a saisi la commission de recours amiable de la caisse le 06 décembre 2018 en contestation du nombre de points calculés par la caisse et en demande de rectification.

Le 07 mai 2019, Mme [P] [U] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Nîmes d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Suivant jugement du 06 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale a :

- déclaré Mme [U] recevable en son recours,

- constaté que Mme [U] bénéficie de 258 points de retraite complémentaire aux termes des calculs réalisés par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance-vieillesse

En conséquence,

- confirmé la décision implicite de rejet rendue à son égard par la Commission de recours amiable de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance-vieillesse, saisie par l'assurée le 10 décembre 2018,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné Mme [U] aux dépens,

- dit que la décision est exécutoire par provision.

Par acte du 23 mars 2021, Mme [P] [U] a régulièrement interjeté appel de cette décision dont il n'est pas justifié dans le dossier de première instance de la date de notification.

Suivant acte en date du 29 décembre 2022, l'affaire a été fixée à l'audience du 04 avril 2023 à laquelle elle a été retenue.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, Mme [P] [U] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 6

janvier 2021 sauf en ce qu'il l'a déclaré recevable en son recours,

statuant à nouveau,

- condamner la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance-vieillesse à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par elle sur la période 2009-2018 selon le détail suivant:

' 40 points en 2009,

' 40 points en 2010,

' 40 points en 2011,

' 40 points en 2012,

' 36 points en 2013,

' 72 points en 2014,

' 72 points en 2015,

' 72 points en 2016,

' 72 points en 2017,

' 72 points en 2018.

- condamner la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance-vieillesse à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

- condamner la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance-vieillesse à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

- condamner la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance-vieillesse aux dépens,

Y ajoutant, en cas de décision d'irrecevabilité sur les exercices 2016-2018,

- condamner la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance-vieillesse à verser une indemnité supplémentaire de 3 000 euros par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l'obligation légale d'information de la caisse, soit 9 000 euros pour les années 2016 à 2018,

- condamner la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance-vieillesse à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- sa contestation du contenu du relevé de situation individuelle à une date antérieure à la liquidation des droits est reconnue par la Cour de cassation, ce document recelant une comptabilisation de droits à la retraite, par définition provisoire, et susceptible de faire grief ; les demandes - une injonction de faire soumise à l'examen préalable de la commission de recours amiable (CRA) et une indemnisation non soumise au préalable de la commission de recours amiable - sont donc recevables ; l'argument de la CIPAV selon lequel elle n'aurait pris aucune décision est dénué de sérieux puisqu'il présuppose qu'elle n'interviendrait en rien dans la comptabilisation des droits à la retraite d'un auto-entrepreneur et dans leur renseignement, alors qu'il s'agit de sa mission exclusive, le recouvrement des cotisations ressortissant de la compétence de l'Urssaf ; la CIPAV fait preuve d'une particulière mauvaise foi lorsqu'elle reproche à ses adhérents d'avoir contesté devant la CRA le relevé de situation individuelle téléchargé sur le site Info retraite puisqu'elle les invite à le faire elle-même et refuse de transmettre les informations lorsqu'une demande expresse est formulée ; elle a obtenu la confirmation, au moyen de son relevé de situation tel qu'il a été établi par l'organisme, que celle-ci refusait de lui faire bénéficier de l'article 2 du décret 79-262 du 21 mars 1979 en procédant jusqu'en 2015 à un abattement sur le forfait de points prévu par cet article et en ne renseignant aucun droit acquis en violation de l'obligation légale d'information ; la CIPAV est tenue de mettre à jour le relevé de situation individuelle de ses adhérents ; en téléchargeant le document, l'adhérent obtient la décision individuelle prise par la CIPAV de minoration de points jusqu'en 2015 ; cette décision lui fait grief de sorte qu'elle pouvait être contestée directement devant la CRA puis devant le tribunal ; elle considère qu'elle dispose d'un intérêt à agir sur la comptabilisation de ses droits à retraite sur la période de cotisations réglées ; elle rapporte cette preuve ; la cour ne peut pas la priver d'un accès au juge sur cette comptabilisation pour la période 2016/2018 alors qu'il est constant qu'elle a respecté l'unique obligation pesant sur elle pour se voir créditer des droits à retraite, à savoir procéder à ses déclarations à l'Urssaf et régler son forfait social,

- la Cour de cassation a posé pour principe que l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement à l'auto-entrepreneur inscrit à la CIPAV, lequel prévoit que 'ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié déterminée en fonction de son revenu d'activité' ; la pratique de la CIPAV qui consiste à allouer des points de retraite complémentaire d'un montant inférieur à ceux de la première classe doit être censurée ; les relations financières entre l'Etat et la CIPAV sont étrangères à la question de comptabilisation des droits à la retraite ; l'invocation d'une règle de proportionnalité sans fondement textuel ou jurisprudentiel avéré apparaît incompatible avec la règle du dit décret qui vise un octroi de points forfaitaire et non proportionnel ; si ce principe était issu des statuts de la CIPAV, il y aurait lieu de rappeler que le décret prime sur les statuts qui ont la valeur d'un arrêté ministériel et ne doivent intéresser que le fonctionnement interne de l'organisme,

- la CIPAV se réfère au bénéfice pour calculer les points de retraite complémentaire sur la période 2009/2015 et au chiffre d'affaires à compter de 2016, sans s'expliquer toutefois sur ce changement ; or de manière constante, l'assiette à retenir pour déterminer la classe de revenu applicable de l'auto-entrepreneur est celle du chiffre d'affaires qui constitue l'assiette spécifique de cotisations ; si l'auto-entrepreneur est autorisé à régler un impôt sur le revenu calculé sur la base de son chiffre d'affaires grâce au prélèvement libératoire, l'abattement fiscal de 34% qui s'applique hors prélèvement libératoire ne peut pas être transposé, sans fondement textuel, pour la détermination de la classe de revenu, le BNC 'théorique' auquel a eu recours la CIPAV entre 2009 et 2015 est donc à proscrire pour les auto-entrepreneurs,

- elle souffre d'un stress lié à un sentiment d'impossibilité d'obtenir la rectification de ses droits et s'acharne sur une activité indépendante pour subvenir à ses besoins ; elle constate cependant l'indifférence et le mépris de la caisse de retraite à son égard qui ose rogner ses droits avec des explications fantaisistes et qui va jusqu'à nier avoir pris une quelconque décision à son égard,

-la CIPAV ne démontre pas avoir rempli son obligation déclarative et a commis une faute ; son préjudice moral est réel puisque la caisse lui signifie que son activité professionnelle et son paiement de cotisations la laissent indifférente et ne justifieraient pas de traiter son dossier retraite.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance-vieillesse (CIPAV) demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer le recours formé par Mme [P] [U] irrecevable,

A titre subsidiaire,

- juger du bon calcul des points de retraite complémentaire de Mme [P] [U],

- attribuer à Mme [P] [U] les points de retraite complémentaire suivants:

10 points de retraite complémentaire pour 2009

10 points de retraite complémentaire pour 2010

20 points de retraite complémentaire pour 2011

20 points de retraite complémentaire pour 2012

18 points de retraite complémentaire pour 2013

27 points de retraite complémentaire pour 2014

27 points de retraite complémentaire pour 2015

44 points de retraite complémentaire pour 2016

42 points de retraite complémentaire pour 2017

45 points de retraite complémentaire pour 2018,

- débouter Mme [P] [U] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [P] [U] à lui verser la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, le recours de Mme [P] [U] est irrecevable; le relevé de situation individuelle qu'elle s'est procurée via le site internet GIP info retraite ne constitue par une décision de la caisse, élément nécessaire à la saisine de la CRA ; Mme [P] [U] qui n'a pas formé de demande préalable auprès de la caisse ne pouvait pas saisir directement la CRA puis le tribunal ; ce document qui est simplement indicatif et provisoire sur lequel se fonde Mme [P] [U] n'est pas une décision ni un document émanant de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse ; de nombreuses juridictions ont considéré que ce document ne constituait pas une décision de la caisse susceptible de contestation devant la CRA ; le relevé de situation individuelle ne renseigne aucun trimestre ni aucun point à compter de 2016 inclus ; l'absence totale de ces mentions ne saurait caractériser une décision de la caisse,

- à titre subsidiaire, le statut auto-entrepreneur est un régime dérogatoire au régime 'normal 'ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique ; pour chaque période d'affiliation, ce statut permet aux professions libérales en fonction du chiffre d'affaires déclaré et donc du montant cotisé, de valider des trimestres de retraite et d'acquérir des points de retraite de base et de retraite complémentaire ; le montant des cotisations et contributions sociales dû par l'auto entrepreneur est calculé en appliquant à son chiffre d'affaires mensuel ou trimestriel un taux qui est fixé par décret et qui varie en fonction du secteur d'activité ; concernant l'assiette, les revenus à prendre en compte dans le calcul des points de retraite, pour la période antérieure à 2016 est le bénéfice non commercial ; s'agissant des auto-entrepreneurs, pour obtenir une assiette de cotisations équivalentes au régime de droit commun, les cotisations sont calculées sur le CA après abattement de 34% reconstituant un revenu correspondant au [5], ce revenu correspondant au bénéfice imposable dans le cadre du régime fiscal de la micro-entreprise ; pour la période antérieure à 2016, ce n'est pas le CA qui est pris en compte mais bien le [5] déclaré ; Mme [P] [U] commet ainsi une erreur en se fondant sur son chiffre d'affaires dans le calcul de ses points de base et complémentaire pour la période antérieure à 2016,

- le régime complémentaire de la caisse étant un régime obligatoire, les statuts de la caisse s'appliquent à tous ses assurés quel que soit leur régime ; approuvés par arrêté ministériel, ils ont vocation à définir les modalités d'application du régime complémentaire aux assurés de la caisse ; ils définissent ainsi conformément à l'article 2 du décret du 21 mars 1979 les conditions dans lesquelles la cotisation due par chaque assujetti est déterminée en fonction de son revenu d'activité ; les auto-entrepreneurs étant soumis à un seuil de chiffre d'affaires ne peuvent en tout état de cause prétendre à 40 points sur la période de 2009 à 2012 ni à 36 points au-delà de 2013,

- pour la période comprise entre 2009 et 2015, la caisse s'assure de la réalité des sommes versées tant par l'adhérent que par l'Etat au titre de la compensation pour déterminer le nombre de points dû au titre du régime complémentaire ; à compter du 1er janvier 2016, la compensation de l'Etat étant compensée, la caisse vérifie pour chaque année le montant de la cotisation versée par l'adhérent au titre de la retraite complémentaire pour lui attribuer les droits correspondant à la cotisation payée ; elle fait donc une stricte application du principe de proportionnalité,

- le mode de calcul qu'elle a appliqué a été validé expressément par le Ministère de l'économie et des finances, le ministère des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d'Etat chargé du budget,

- la détermination des points acquis par Mme [P] [U] ne résulte que de l'application des dispositions réglementaires applicables au régime de l'auto-entrepreneur,

- Mme [P] [U] ne justifie pas de la réalité d'un préjudice ; sauf à invoquer une divergence d'interprétation des textes applicables à sa situation, Mme [P] [U] ne justifie pas le caractère fautif de la position de la caisse ; investie d'une mission de service public, elle estime faire une juste application des textes.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

L'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale et l'article 3 du décret modifié n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l'information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale, prévoient deux documents destinés à l'information des assurés : le relevé de situation individuelle et l'estimation indicative globale.

L'article D161-2-1-4 du même code stipule que sous réserve de l'application des dispositions des 3° et 4° de l'article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l'information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat), le relevé de situation individuelle mentionné au III de l'article L. 161-17 comporte, pour chacun des régimes dont relève ou a relevé le bénéficiaire :

1° Les données mentionnées à l'article R. 161-11 connues par les organismes ou services en charge de la gestion de ces régimes à la date à laquelle le relevé est établi, compte non tenu, s'il y a lieu, des cotisations dont l'assuré est redevable à cette date ;

2° La désignation de chacune des catégories de périodes, situations ou événements non pris en compte dans les données mentionnées au 1° du présent article et susceptibles d'affecter l'âge de liquidation ou le montant des droits à pension dans chacun des régimes.

L'indication de la délivrance du relevé à titre de renseignement, le caractère provisoire des données figurant sur le relevé et l'absence d'engagement de l'organisme ou du service ayant délivré le relevé ou en charge de la gestion du ou des régimes concernés de calculer la pension sur la base de ces données sont mentionnés sur le relevé.

Sur la recevabilité de la demande :

L'article R142-1 du même code dans sa version applicable au litige dispose que les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.

L'article R142-6 du même code dans sa version applicable prévoit que lorsque la décision du conseil d'administration ou de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai d'un mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale prévu à l'article L. 142-2.

Le délai d'un mois prévu à l'alinéa précédent court à compter de la réception de la réclamation par l'organisme de sécurité sociale. Toutefois, si des documents sont produits par le réclamant après le dépôt de la réclamation, le délai ne court qu'à dater de la réception de ces documents. Si le comité des abus de droit a été saisi d'une demande relative au même litige que celui qui a donné lieu à la réclamation, le délai ne court qu'à dater de la réception de l'avis du comité par l'organisme de recouvrement.

Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent périodiquement ou à leur demande, aux assurés comportent notamment pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension ; l'assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général le montant des cotisations ou nombre de points figurant sur ce relevé ( Cour de cassation, 2ème chambre civile, 11 octobre 2018, pourvoi N°17-25956).

Il s'en déduit que le relevé de situation individuelle constitue une décision dans le sens de l'article R142-1 susvisé et que l'assuré est recevable, s'il considère qu'il comporte des informations ou données erronées, à contester devant la commission de recours amiable de la caisse, puis devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, le report des durées d'affiliation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle.

En l'espèce, force est de constater que lors de l'obtention de son relevé individuel de situation édité le 04 mai 2018, Mme [P] [U] a constaté que la CIPAV l'avait créditée de 132 points au titre de sa retraite complémentaire pour la période 2009/2015, qu'elle a contesté le nombre de points qui lui était ainsi attribué, a saisi, à cet effet, la commission de recours amiable de la caisse le 06 décembre 2018 puis, à défaut de décision explicite dans le délai imparti, a saisi le tribunal d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Il résulte des éléments qui précèdent que c'est à bon droit que le premier juge a conclu que 'le relevé de situation individuelle accessible par demande en ligne sur le site dédié du groupement d'intérêt public (GIP) Info retraite retranscrit les droits à la retraite comptabilisé par chaque caisse de retraite dont le professionnel relève', 'que par sa demande en ligne sur ce site dédié et le téléchargement du document y afférent, Mme [P] [U] a notamment obtenu une décision individuelle prise à son égard par la CIPAV', et que ' Mme [P] [U] a considéré que cette décision lui faisait grief et qu'elle pouvait être contestée devant la commission de recours amiable de cet organisme puis devant la présente juridiction'.

Mme [P] [U] était donc recevable à contester les mentions ou omissions objets du relevé dont s'agit au titre des années soumises à l'examen de la commission de recours amiable.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur le fond :

L'article L131-6-2 du code de la sécurité sociale dans ses versions applicables au litige énonce que les cotisations des travailleurs indépendants non agricoles ne relevant pas du régime prévu à l'article L. 133-6-8 sont dues annuellement. Leurs taux respectifs sont fixés par décret.

Elles sont calculées, à titre provisionnel, sur la base du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur la base d'un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés. Lorsque le revenu d'activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l'exception de celles dues au titre de la première année d'activité, sont recalculées sur la base de ce revenu.

Lorsque le revenu d'activité de l'année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation sur la base de ce revenu.

Par dérogation au deuxième alinéa, sur demande du cotisant, les cotisations provisionnelles peuvent être calculées sur la base du revenu estimé de l'année en cours. Lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d'un tiers au revenu estimé par le cotisant, une majoration de retard est appliquée sur la différence entre les cotisations provisionnelles calculées dans les conditions de droit commun et les cotisations provisionnelles calculées sur la base des revenus estimés, sauf si les éléments en la possession du cotisant au moment de sa demande justifiaient son estimation. Le montant et les conditions d'application de cette majoration sont fixés par décret.

Lorsque les données nécessaires au calcul des cotisations n'ont pas été transmises, celles-ci sont calculées dans les conditions prévues à l'article L. 242-12-1.

Par renvoi à l'article L131-6 du même code, les revenus des professions indépendantes non soumises au statut d'auto-entrepreneur sont calculés par référence au revenu retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

L'article R133-30-10 du même code, en vigueur entre le 05 avril 2009 et le 01 janvier 2016 énonce que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale reverse aux comptables publics compétents les sommes recouvrées en application du V de l'article 151-0 du code général des impôts aux dates fixées par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale.

Pour l'application des dispositions de l'article L. 131-7 au régime prévu à l'article L. 133-6-8, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale notifie à l'Etat la différence entre :

a) D'une part, le montant des cotisations et contributions sociales dont les travailleurs indépendants auraient été redevables au cours de l'année civile en application des articles L. 131-6, L. 136-3, L. 635-1, L. 635-5, L. 642-1, L. 644-1 et L. 644-2 du code de la sécurité sociale et de l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, et,

b) D'autre part, le montant des cotisations et contributions sociales calculées en application de l'article L. 133-6-8.

Pour l'application des dispositions du présent article aux travailleurs indépendants relevant de l'organisme mentionné au 11° de l'article R. 641-1 du code de la sécurité sociale, est retenue au titre des régimes mentionnés aux articles L. 644-1 et L. 644-2 la plus faible cotisation non nulle dont ils auraient pu être redevables en fonction de leur activité en application des dispositions mentionnées au a du présent article.

L'article L133-6-8 du même code dans sa version applicable, dispose dans ses différentes versions applicables, que les cotisations et contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants mentionnés au II du présent article bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux mêmes articles.

Il résulte de la jurisprudence ( Cour de cassation 2ème chambre sociale, 23 janvier 2020, pourvoi n°18-15542) que les dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 modifié sont les seules à être applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV.

Les modifications apportées à cet article par la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 n'ont pas modifié le principe, la loi substituant à la notion de 'revenus non commerciaux effectivement réalisés', celle de 'recettes effectivement réalisées' . L'article L133-6-8 du code de la sécurité sociale étant dérogatoire n'opère pas de renvoi aux dispositions de l'article L131-6 du même code.

Il résulte de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 que le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la CIPAV et institué par l'article 1er de ce texte, comporte plusieurs classes de cotisations, auxquelles correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite qui procède directement de la classe de cotisation de l'intéressé, déterminée en fonction de son revenu d'activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de cet organisme.

Le nombre de ces classes a été porté de six à huit par le décret n°2012-1522 du 28 décembre 2012 applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2013, auquel correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite fixé à 40 points pour la première de ces classes pour l'année 2012 puis à 36 points à compter de 2013.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [P] [U] s'est acquittée de ses cotisations telles qu'elles ont été déterminées selon les modalités prévues à l'article L133-6-8 du code de la sécurité sociale et que son revenu ne dépassait pas celui fixé par décret lui permettant de relever d'une classe supérieure, de sorte qu'elle relevait bien de la première de ces classes.

L'absence de compensation appropriée par l'Etat au profit de la CIPAV de la différence entre la cotisation versée en application du statut d'auto entreprise et la cotisation dont le professionnel aurait été redevable s'il n'avait pas opté pour ce statut, peut difficilement être opposée à l'auto-entrepreneur qui bénéficie du statut incitatif instauré par les textes et des dispositions réglementaires applicables, de sorte que la caisse n'est pas fondée à s'appuyer sur le mécanisme de la compensation financière de l'Etat pour calculer les droits de l'assurée, l'article 2 du décret susvisé ne prévoyant pas que le calcul des points de retraite s'opère sur la base de 'la cotisation la plus faible non nulle dont l'adhérent aurait pu être redevable'.

La CIPAV ne démontre pas que ses statuts feraient obstacle à l'application des dispositions de l'article 2 du décret du 21 mars 1979 au profit de Mme [P] [U], pour la période antérieure au 1er janvier 2016.

La CIPAV ne peut pas non plus se référer au bénéfice non commercial déclaré par l'auto entrepreneur en lieu et place du chiffre d'affaires pour déterminer à la baisse le revenu d'activité, et en conséquence, la classe de cotisation de l'affilié.

Par ailleurs, l'argument de la caisse selon lequel le nombre de points revendiqué par Mme [P] [U] aurait pour effet de lui attribuer des points pour une valeur d'achat bien inférieure à celle fixée par le conseil d'administration de la caisse est inopérant, dans la mesure où il se heurte au principe du forfait social institué par des dispositions législatives.

Le seul fait pour Mme [P] [U] d'avoir bénéficié du statut des auto-entrepreneurs ne correspond pas à une demande de réduction de la cotisation pour insuffisance de revenus, au sens de l'article 3.12 des statuts de la caisse, entraînant une réduction proportionnelle du nombre de points au titre de la complémentaire retraite.

Dès lors que Mme [P] [U] a opté pour le régime micro-social, l'abattement pratiqué par la CIPAV n'est pas fondé.

En outre, il résulte de l'article L133-6-8 susvisé que les cotisations et contributions sociales des entrepreneurs affiliés à la CIPAV sont calculées sur la base d'un taux de cotisation spécifique et global pour l'ensemble des garanties, y compris celles afférentes au régime d'assurance vieillesse de base, à l'exception de la contribution à la formation professionnelle, l'assiette retenue correspondant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le nombre de points de retraite complémentaire auquel Mme [P] [U] pouvait prétendre est déterminé par application de l'article 2 du décret du 21 mars 1979, au regard de son revenu d'activité et de la classe correspondante, pour les années 2009 à 2015.

A l'appui de ses prétentions, Mme [P] [U] produit un tableau récapitulatif sur lequel figurent le revenu d'activité par année, le montant du forfait social et les points de retraite complémentaire auxquels elle prétend, le montant pour chacune des années de la période concernée, le seuil de la classe 1 , en tenant compte des régimes applicables entre 2009 à 2012, en 2013 puis à compter de 2014, puis un tableau relatif au calcul des points de retraite complémentaire, qui n'est pas sérieusement contesté par la CIPAV.

La CIPAV doit donc être condamnée à rectifier le nombre de points de retraite complémentaire acquis par Mme [P] [U] sous le statut auto-entrepreneur en le portant à 556 points, 40 points pour chaque année entre 2009 et 2012, 36 points en 2013, 72 points pour chaque année entre 2014 et 2018.

La CIPAV sera également condamnée à transmettre à Mme [P] [U] et à rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuel conforme.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts :

L'article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et l'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L'article 9 du code de procédure civile fait obligation à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il incombe donc à celui qui invoque un préjudice de rapporter la preuve.

Si dans son rapport annuel 2017, la Cour des comptes avait dénoncé 'une absence anormale de rétablissement des auto-entrepreneurs dans leurs droits' et a 'réitéré sa recommandation de rétablir dans la plénitude de leurs droits les auto-entrepreneurs concernés entre 2009 et 2015, sur la base d'une cotisation minimale recalculée', il n'en demeure pas moins que le différend opposant la CIPAV à Mme [P] [U] sur les modalités de calcul de ses droits à pension ne suffit pas à caractériser l'existence d'une faute de la part de la caisse.

La résistance de la CIPAV ne peut pas être qualifiée d'abusive ou de fautive.

Mme [P] [U] sera donc déboutée de ce chef de demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale, le 06 janvier 2021 en ce qu'il a déclaré Mme [P] [U] recevable en son recours et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,

L'infirme pour le surplus,

Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Condamne la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [P] [U] sur la période 2009 à 2018 de la façon suivante :

' 40 points en 2009

' 40 points en 2010,

' 40 points en 2011,

' 40 points en 2012,

' 36 points en 2013,

' 72 points en 2014,

' 72 points en 2015,

' 72 points en 2016,

' 72 points en 2017,

' 72 points en 2018.

Condamne la CIPAV à transmettre à Mme [P] [U] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt,

Condamne la CIPAV à payer à Mme [P] [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la CIPAV aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Arrêt signé par le présidente et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 21/01173
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.01173 ?
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