Ordonnance N°23/580
N° RG 23/00619 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I3EY
J.L.D. NIMES
12 juin 2023
[H]
C/
LE PREFET DE VAUCLUSE
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 14 JUIN 2023
Nous, Mme Chantal RODIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire national en date du 18 février 2023 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 09 juin 2023, notifiée le même jour à 14h45 concernant :
M. [J] [H]
né le 25 Juillet 1986 à [Localité 4]
de nationalité Algérienne
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 11 juin 2023 à 09h30, enregistrée sous le N°RG 23/2929 présentée par Mme le Préfet de Vaucluse ;
Vu l'ordonnance rendue le 12 Juin 2023 à 16h32 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Déclaré la requête recevable ;
* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [J] [H];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 11 juin 2023 à 14h45,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [J] [H] le 13 Juin 2023 à 10h26 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [L] [P], représentant le Préfet de Vaucluse, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l'assistance de Monsieur [O] [T] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [J] [H], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Farouk CHELLY, avocat de Monsieur [J] [H] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [J] [H], de nationalité algérienne, a reçu notification à [Localité 2] le 18 février 2023 à 11h40 d'un arrêté de la Préfète de Vaucluse du même jour, le premier lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant un an et le second
Il avait été placé au centre de rétention administrative de [Localité 5] le 2 mai 2023 et a été remis en liberté le 1er juin 2023, pour irrecevabilité de la requête en prolongation de la Préfecture, à défaut d'être accompagné des pièces utiles à l'appréciation de la demande de prolongation, n'étant notamment pas justifié que la demande de laissez-passer consulaire avait été utilement accompagnée des pièces demandées par le consulat.
Monsieur [J] [H] a été interpelé par la gendarmerie de [Localité 2] alors qu'il escaladait un bâtiment communal et a été placé en garde à vue le 9 juin 2023 pour maintien en situation irrégulière sur le territoire français et usage de cannabis.
Il a reçu notification le 9 juin 2023 à 14h45 d'un nouvel arrêté de la Préfète de Vaucluse du même jour, portant placement en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.
Par requête du 11 juin 2023, la Préfète de Vaucluse a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 12 juin 2023 à 16h32, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées et les moyens présentés par Monsieur [J] [H] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [J] [H] a interjeté appel de cette ordonnance le 13 juin 2023 à 10h26.
Sur l'audience,
Monsieur [J] [H] déclare que lorsqu'il a quitté le centre de rétention de [Localité 5], il retourné à [Localité 2] pour chercher ses affaires et son argent auprès d'un employeur qui ne l'avait pas payé. Une semaine après, il a été à nouveau interpelé. Il voulait aller en Espagne. Il précise qu'il parle le français mais ne le comprend pas.
Son avocat soutient que le moyen de nullité de première instance sur le fait qu'il n'a pas été assisté d'un interprète pendant la procédure, ni pour ses auditions, ni pour les notifications, alors même que précédemment, il avait toujours été assisté d'un interprète. Il demande de faire droit au moyen de nullité et de le remettre en liberté.
Ne reprend pas le moyen de délégation de signature.
La Préfète de Vaucluse, en la personne de son représentant, demande la confirmation de l'ordonnance dont appel. Il fait valoir que les réponses aux questions posées démontrent qu'il comprend parfaitement le français et s'exprime correctement et n'avait pas besoin d'un interprète.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté le 13 juin 2023 à 10h26 par Monsieur [J] [H] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le 12 juin 2023 à 16h32 a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de l'administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.
En l'espèce, Monsieur [J] [H] soulève dans sa déclaration d'appel l'irrecevabilité de la requête, moyen nouveau recevable. Il est également recevable à reprendre sur l'audience les moyens de nullités soulevés in limine litis en première instance.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :
- sur l'exception d'irrecevabilité en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :
Monsieur [J] [H] soutient dans sa déclaration d'appel qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.
C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour La Préfète de Vaucluse le 11 juin 2023 par Monsieur [S] [N], directeur de cabinet alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 9 décembre 2022 lui portant délégation de signature selon le tour de permanence et une décision du 6 juin 2023 selon laquelle celui-ci est de permanence du 9 au 12 juin 2023.
Il est en définitive renoncé par son conseil à ce moyen d'irrecevabilité qui ne pouvait qu'être rejeté.
SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D'IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L'ARRÊTÉ :
L'article L.743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger »
Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
En l'espèce, le premier juge a parfaitement répondu au moyen de nullité en ce que l'intéressé n'a pas souhaité d'avocat ni d'interprète et que les gendarmes se sont assurés qu'il comprenait et parlait le français, ce qui ressort d'ailleurs par ses réponses précises et circonstanciées aux questions posées. Il répond même en ajoutant des détails qui ne lui sont pas demandés.
Par exemple en répondant à la question depuis combien de temps êtes vous en France par la réponse : je comptais rester 5 ans mais finalement ça fait 13 ans que je suis là. Je ne comptais plus repartir.
Autre exemple : à la question qui vous héberge ' Dans quelles conditions '
Il répond : je suis dans un squat tout seul derrière le magasin Leclerc, le bâtiment ne m'appartient pas mais j'y suis depuis deux ans. Je n'ai pas l'eau, pas d'électricité, j'ai un lit pour dormir.
Il y a lieu de constater qu'aucune irrégularité portant atteinte aux droits de la personne retenue n'est relevée et il convient dès lors de déclarer la procédure régulière.
SUR LE FOND :
L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.
L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»
En l'espèce, Monsieur [J] [H] ne disposait au moment de son interpellation d'aucun justificatif en original de son identité ni d'aucun document de voyage et n'en a pas davantage communiqué depuis aux autorités administratives, de telle sorte qu'il est nécessaire de l'identifier formellement avant que de pouvoir procéder à son éloignement effectif. C'est ainsi à l'origine son propre fait qui retarde donc son départ et conduit l'administration à solliciter que sa rétention soit prolongée.
De plus, de l'examen des pièces de la procédure, il ressort que le consulat d'Algérie à [Localité 3], dont Monsieur [J] [H] s'est affirmé être ressortissant a été saisi d'une demande d'identification en vue d'un laissez-passer le 9 juin 2023 le jour du placement en rétention de l'intéressé.
Il s'en déduit qu'à ce stade l'administration n'a pas failli à ses obligations.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [H] :
Monsieur [J] [H], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Remis en liberté le 1er juin 2023 par le juge des libertés et de la rétention de [Localité 5], il n'a pas su saisir cette chance pour quitter la France par ses propres moyens, mais est au contraire retourné à [Localité 2] où il vivait précédemment en occupant un logement vide avec un branchement d'électricité illicite.
Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [J] [H] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 14 Juin 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [J] [H], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
- Monsieur [J] [H], par le Directeur du centre de rétention de NIMES,
- Me Farouk CHELLY, avocat
(de permanence),
- Mme Le Préfet de Vaucluse
,
- M. Le Directeur du CRA de [Localité 4],
- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,