Ordonnance n° 23/574
N° RG 23/00613 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I3DC
J.L.D. NIMES
12 juin 2023
[F]
C/
LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 13 JUIN 2023
Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire national en date du 6 février 2023 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 12 mai 2023, notifiée le même jour à 18h35 concernant :
M. [I] [F]
né le 13 Mars 1986 à [Localité 2]
de nationalité Algérienne
Vu l'ordonnance en date du 15 mai 2023 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 10 juin 2023 à 15h16, enregistrée sous le N°RG 2/2926 présentée par M. le Préfet des Bouches du Rhone ;
Vu l'ordonnance rendue le 12 Juin 2023 à 11h42 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES sur seconde prolongation, qui a :
* Ordonné pour une durée maximale de 30 jours commençant à l'expiration du précédent délai de 28 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [I] [F];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du 11 juin 2023 à 18h35,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [I] [F] le 12 Juin 2023 à 15h02 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu l'absence du préfet des Bouches du Rhone, régulièrement convoqué ;
Vu l'assistance de Monsieur [Y] [P] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [I] [F], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Farouk CHELLY, avocat de Monsieur [I] [F] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [I] [F] a fait l'objet d'un arrêté de Monsieur le Préfet des Bouches du Rhône en date du 6 février 2023 emportant obligation de quitter le territoire national français avec interdiction de retour pendant deux ans, arrêté qui lui a été notifié le même jour.
Le 12 mai 2023, il a été placé en rétention administrative par arrêté de la Préfecture des Bouches du Rhône qui lui a été notifié le jour même à 18h35.
Sur requête du Préfet, le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes a, par ordonnance prononcée en présence de Monsieur [I] [F] le 15 mai 2023 et confirmée en appel le 17 mai 2023, ordonné la prolongation de cette mesure de rétention pour vingt-huit jours.
Par requête en date du 10 juin 2023, le Préfet des Bouches du Rhône a sollicité que la mesure de rétention administrative de Monsieur [I] [F] soit de nouveau prolongée pour trente jours et le 12 juin 2023, à 11h27, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a fait droit à cette demande.
Monsieur [I] [F] a interjeté appel de cette ordonnance le 12 juin 2023 à 15h02.
Sur l'audience, Monsieur [I] [F] indique que :
- il a respecté les décisions prises à son encontre car il a quitté la France puis il est revenu en raison d'une audience pénale le concernant le 26 mai dernier à laquelle il n'a pas finalement pu se rendre en raison de son placement en rétention administrative et il ne s'est pas fait représenté,
- son père est marocain et sa mère algérienne, sa mère l'a élevé car son père est décédé,
- s'il était libéré, il réglerait son problème judiciaire à Marseille, il irait chez son épouse qui se trouve dans cette ville, puis il retournerait en Espagne, et à défaut il retournerait dans son pays,
- au centre de rétention, cela se passe bien, mais il est stressé, il est malade, il a des fractures au bras et à la jambe,
- on lui a donné des médicaments au centre de rétention,
- il acceptera la décision rendue.
Son avocat soutient que :
- les moyens de la déclaration d'appel,
- sur le fond, il fait valoir que le retenu pensait bien faire en revenant pour comparaître devant le tribunal correctionnel de Marseille,
- il convient de vérifier l'existence des diligences,
- il y a une difficulté sur la nationalité entre le Maroc et l'Algérie, donc la Préfecture doit entreprendre des diligences notamment envers un autre consulat que celui d'Algérie lequel n'a aps encore répondu à ses sollicitation ; cette difficulté n'a pas été anticipée.
Monsieur le Préfet des Bouches du Rhône n'est pas représenté.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté par Monsieur [I] [F] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article L.743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure »
L'article 563 du Code de Procédure Civile ajoute encore que « pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
En l'espèce, ne restent recevables que le moyen d'irrecevabilité de la requête en prolongation sur laquelle l'ordonnance dont appel a statué et les moyens de fond, même nouveaux en appel. Monsieur [I] [F] soutient que la requête en prolongation est irrecevable, que l'administration n'a fait diligence dans ses démarches pour faire exécuter la mesure d'éloignement.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :
- en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :
Monsieur [I] [F] soutient qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.
C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet des Bouches du Rhône le 10 juin 2023 par Madame [Z] [N], responsable de la section éloignement, alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 13 avril 2023 lui portant délégation de signature.
L'apposition de sa signature sur ladite requête présuppose l'empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne démontrant pas le contraire alors qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile c'est bien à lui qu'il incombe d'apporter la preuve du bienfondé de ses prétentions.
Le moyen d'irrecevabilité doit donc être écarté.
SUR LE FOND :
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [I] [F] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ, et que par voie de conséquence sa rétention ne se justifie plus.
Selon l'article L.742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la première période de prolongation de 28 jours depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L.742-1, le juge peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants:
« 1° en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,
2° lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement,
3° lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement,
b) de l'absence de moyens de transport. »
La prolongation de la rétention court alors « à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».
Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
En l'espèce, l'administration a procédé à la relance des autorités algériennes le 8 juin 2023, ce dont elle justifie au dossier. L'administration a saisi les autorités algériennes en raison des éléments dont elle disposait sur les différentes identités utilisées par Monsieur [I] [F]. Il ne saurait donc lui être reproché, comme le note pertinemment le juge de première instance, un défaut de saisine des autorités marocaines dont le retenu se prévaut sans apporter le moindre élément en ce sens.
Manifestement, des diligences utiles ont été accomplies et il ne peut être reproché non plus à l'administration le retard pris par les autorités algériennes à lui répondre. A ce stade de la procédure, il y a lieu de constater que les conditions d'une seconde prolongation sont donc remplies puisque force est de constater que malgré les diligences démontrées par l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé. Le moyen soulevé sera donc rejeté.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [I] [F] :
Monsieur [I] [F], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il ne justifie de plus d'aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.
Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
Sur le plan médical, le retenu déclare qu'un suivi est en cours au centre de rétention avec l'administration d'un traitement.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9, R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [I] [F] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 13 Juin 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à [I] [F], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
Monsieur [I] [F], pour notification au CRA
Me Farouk CHELLY, avocat
M. Le Préfet des Bouches du Rhone
M.Le Directeur du CRA de NIMES
Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
M. / Mme Le Juge des libertés et de la détention