Ordonnance N°23/572
N° RG 23/00611 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I3CV
J.L.D. NIMES
10 juin 2023
[X]
C/
LE PREFET DES [Localité 2]
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 13 JUIN 2023
(Au titre des articles L. 742-4 et L 742-5 du CESEDA)
Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté de M. Le Préfet des [Localité 2] portant obligation de quitter le territoire national en date du 11 avril 2023 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 11 avril 2023, notifiée le même jour à 18h00 concernant :
M. [U] [X]
né le 08 Octobre 1972 à [Localité 3]
de nationalité Tunisienne
Vu l'ordonnance en date du 14 avril 2023 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 09 juin 2023 à 15h08, enregistrée sous le N°RG 23/2913 présentée par M. le Préfet des [Localité 2] ;
Vu l'ordonnance rendue le 10 Juin 2023 à 14h37 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES sur troisième prolongation, à titre exceptionnel qui a :
* Rejeté le moyen d'irrecevabilité soulevé quant au signataire de la requête;
* Ordonné pour une durée maximale de 15 jours commençant à l'expiration du précédent délai de 30 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [U] [X];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter du 10 juin 2023 à 18h00 ;
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [U] [X] le 12 Juin 2023 à 11h54 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu l'absence du préfet des [Localité 2] régulièrement convoqué ;
Vu la comparution de Monsieur [U] [X], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Elisabeth MENDY PIETRI, avocat de Monsieur [U] [X] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Par arrêté du 11 avril 2023 notifié le même jour, le préfet du département des [Localité 2], il a été fait obligation à Monsieur [U] [X] de quitter le territoire national avec interdiction de retour pendant deux ans.
Le même jour à 16 heures 50, le préfet a pris un arrêté plaçant Monsieur [U] [X] en rétention administrative.
Par requête du 11 mai 2023 à 14 heures 20, le préfet des [Localité 2] a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande de prolongation de la mesure de rétention pour trente jours supplémentaires.
Par ordonnance prononcée le 12 mai 2023, le juge des libertés et de la détention de Nîmes a ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour trente jours.
Sur requête du Préfet des [Localité 2] du 9 juin 2023, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a ordonné une troisième prolongation de cette rétention pour 15 jours, et ce par ordonnance du 10 juin 2023, à 14h37.
Monsieur [U] [X] a relevé appel de cette ordonnance le 12 juin 2023, à 11h54.
Sur l'audience, il indique que :
- il a déjà passé 60 jours au centre de rétention, cela ferait 75 jours avec la prolongation de la mesure, il se sent fatigué, ce d'autant qu'il a des problèmes lombaires,
- il a vu le médecin qui lui donne des traitements de plus en plus forts,
- il reconnaît le refus d'embarquer : il avait chez lui un chat et un chien, ses affaires qui ont été mis dehors par son propriétaire,
- c'est difficile de rentrer sans autres choses que les vêtements qu'il porte au bled, après vingt ans passés en France, toute sa famille est en France, notamment son père qui est malade comme lui,
- il n'a pas l'intention de partir.
Son avocat soutient la déclaration d'appel.
Le Préfet des [Localité 2] n'est pas représenté à l'audience.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté par Monsieur [U] [X] sur une ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article L.743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que « à peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure ».
L'article 563 du Code de Procédure Civile ajoute encore que « pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
En l'espèce, ne restent recevables que le moyen d'irrecevabilité de la requête en prolongation sur laquelle l'ordonnance dont appel a statué et les moyens de fond, même nouveaux en appel. Monsieur [U] [X] soulève l'irrégularité de la requête en prolongation de la mesure, pour défaut de qualité de son signataire. Ce moyen est recevable.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :
- en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :
Monsieur [U] [X] soutient qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.
C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet des [Localité 2] le 9 juin 2023 par Monsieur [G] [Y], adjoint au chef de bureau, alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 7 février 2023 lui portant délégation de signature.
L'apposition de sa signature sur ladite requête présuppose l'empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne démontrant pas le contraire alors qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile c'est bien à lui qu'il incombe d'apporter la preuve du bienfondé de ses prétentions.
Le moyen d'irrecevabilité doit donc être écarté.
SUR LE FOND :
L'article L742-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en son alinéa 5 dispose que, «à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L.742-4 lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement,
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9° de l'article L.611-3 ou du 5° de l'article L.631-3,
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3 ,
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède pas alors quatre-vingt-dix jours. »
Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient : « « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »
Alors qu'au terme de ses diligences l'administration a obtenu une reconnaissance et une réservation aérienne, Monsieur [U] [X] a refusé d'embarquer sur le vol prévu le 9 juin dernier.
Ce faisant, il savait nécessairement qu'il faisait inévitablement échec à son éloignement. Monsieur [U] [X] se trouve de ce fait précisément dans la situation décrite par l'article L742-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ayant dans les quinze derniers jours fait obstruction à son éloignement. Une nouvelle demande de réservation aérienne a été formée le 9 juin 2023 par l'administration.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [U] [X] :
Monsieur [U] [X], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il ne justifie de plus d'aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays. Il indique ne pas avoir l'intention de partir.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L742-1 à L743-9 ; R741-3 et R.743-1 à L.743-19 et L.743-21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
DECLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [U] [X] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 13 Juin 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [U] [X].
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel à :
Monsieur [U] [X], pour notification au CRA
Me Me Elisabeth MENDY PIETRI, avocat
M. Le Préfet des [Localité 2]
M. Le Directeur du CRA de [Localité 4]
Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
M / Mme Le Juge des libertés et de la détention