RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/02290 - N° Portalis DBVH-V-B7F-ICQD
YRD/JL
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE
19 mai 2021
RG:F 18/00232
S.A.S. NESPOLI FRANCE
C/
[Z]
Grosse délivrée le 13 JUIN 2023 à :
- Me VAJOU
- Me BREUILLOT
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 13 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 19 Mai 2021, N°F 18/00232
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Juin 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. NESPOLI FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Stéphanie GIRAUD de la SELAS CABINET JURIDIQUE SAONE RHONE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Madame [Y] [Z]
née le 12 Février 1969 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Anne-france BREUILLOT de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS, avocat au barreau de CARPENTRAS
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 13 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [Y] [Z] a été engagée par la société Monitor, aux droits de laquelle vient la société Nespoli France, initialement suivant contrat de travail à durée déterminée du 4 octobre 1999 au 31 mars 2000, en qualité d'agent de production et manutentionnaire.
Le 3 avril 2000, elle était embauchée suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, puis à temps complet le 25 janvier 2001, en qualité de préparatrice de commandes sur le site d'[Localité 6].
Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions de réceptionniste cariste de niveau 2, échelon 3, coefficient 195 de la convention collective nationale du travail mécanique du bois et scieries.
Du 12 janvier 2017 au 28 août 2017, Mme [Z] était placée en arrêt de travail.
Suite à la dégradation de sa situation économique, par courrier en date du 10 novembre 2017, la société Nespoli France informait Mme [Z] de la suppression de son poste et lui adressait une offre de reclassement comportant 3 propositions, qu'elle refusait par courrier du 15 novembre 2017.
N'ayant donné de suite favorable aux propositions de reclassement, par courrier du 29 novembre 2017, Mme [Z] était convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 13 décembre 2017.
Par lettre du 22 décembre 2017, Mme [Z] était licenciée pour motif économique, et par acte du 22 décembre 2017, elle adhérait au contrat de sécurisation professionnelle.
Contestant les critères d'ordre des licenciements établis par la société, ainsi que la réalité des difficultés économiques, le 13 décembre 2018, Mme [Z] saisissait le conseil de prud'hommes d'Orange aux fins de solliciter la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la condamnation de la société Nespoli France à lui verser diverses sommes indemnitaires.
Par jugement contradictoire du 19 mai 2021, le conseil de prud'hommes d'Orange a :
- dit et jugé que le licenciement pour motif économique est infondé, qu'il est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixé le salaire moyen brut de Mme [Z] à 1725 euros,
- condamné la SAS Nespoli France à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :
* 25 018 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes,
- débouté la SAS Nespoli France de sa demande reconventionnelle basée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la SAS Nespoli France le remboursement à Pôle-Emploi des indemnités de chômage perçues par Mme [Z] du jour de son licenciement au jour de la mise à disposition du jugement dans la limite de six mois d'indemnités édictées par l'article L.1235-4 du code du travail,
- condamné la SAS Nespoli France aux dépens.
Par acte du 15 juin 2021, la société Nespoli France a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 7 mars 2022, la SAS Nespoli France demande à la cour de :
Déclarant son appel recevable et bien fondé,
Y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
* dit et jugé que le licenciement pour motif économique est infondé, qu'il est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse.
* fixé le salaire moyen brut de Mme [Z] à 1725 euros.
* l'a condamnée à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :
° 25 018,00 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
° 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
* l'a déboutée de sa demande reconventionnelle basée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
* lui a ordonné le remboursement à Pôle-Emploi des indemnités de chômage perçues par Mme [Z] du jour de son licenciement au jour de la mise à disposition du présent jugement dans la limite de six mois d'indemnités édictées par l'article L. 1235-4 du code du travail
* l'a condamnée aux dépens.
Statuant à nouveau,
- constater qu'elle connaît des difficultés économiques.
- constater qu'elle a respecté son obligation de reclassement.
- constater qu'elle a fait une exacte application des critères d'ordre du licenciement.
- constater qu'elle a respecté l'obligation de réembauchage.
- constater qu'elle a respecté son obligation de formation.
En conséquence,
- dire et juger que le licenciement pour motif économique est parfaitement justifié,
- débouter Mme [Z] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident.
- débouter Mme [Z] de sa demande :
* principale de 40 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
* subsidiaire de 40 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre du licenciement.
* subsidiaire de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage.
* subsidiaire de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi.
* de 1 000,00 euros à titre de rappel de salaires.
* de 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Elle soutient que :
- les difficultés économiques sont avérées, elle justifie d'une baisse significative du chiffre d'affaires sur quatre trimestres par rapport à la même époque précédente, elle a respecté les dispositions de l'article 47 de la convention collective nationale,
- elle a respecté son obligation de procéder à des recherches loyales de reclassement et a proposé à la salariée quatre postes que celle-ci a refusés,
- elle démontre avoir respecté les critères d'ordre des licenciements tels qu'arrêtés après consultation des instances représentatives du personnel,
- la salariée ne démontre pas qu'elle n'aurait pas respecté la priorité de réembauche étant rappelé que celle-ci ne prend effet qu'à compter de la demande formulée par la salariée quelles que soient les dispositions de la convention collective nationale,
- la salariée a bénéficié de formations étant observé qu'elle disposait des compétences requises pour occuper son poste au moment de l'embauche et que son poste n'a connu aucune évolution particulière.
En l'état de ses dernières écritures en date du 21 décembre 2021, contenant appel incident, Mme [Y] [Z] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'Orange le 19 mai 2021 en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement pour motif économique était infondé, et qu'il était par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné la S.A.S Nespoli France à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant, et la recevant en son appel incident
- dire que la société Nespoli n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements, sa priorité de réembauchage et son obligation d'adapter les salariés à l'évolution de leur emploi ;
- condamner la S.A.S Nespoli France à lui payer les sommes suivantes :
* 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* Subsidiairement, 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre du licenciement ;
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage ;
* 10 000 euros pour non-respect de l'obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi ;
* 1000 euros, sauf à parfaire ou diminuer, à titre de rappel de salaire ;
* 100 euros à titre de congés payés y afférents
* remise de bulletins de salaires rectifiés, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conforme sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 15 jours après la notification de la décision à intervenir
* intérêts au taux légal à compter de la saisine
* 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouter la société Nespoli France de ses demandes devant la cour d'appel de Nîmes ;
- condamner la S.A.S Nespoli France à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois en application de l'article L 1235-4 du code du travail ;
- la condamner aux dépens.
Elle fait valoir que :
- la société employeur ne justifie pas des difficultés économiques invoquées alors que le chiffre d'affaires du 4 ème trimestre 2016 du groupe Nespoli en France, de 73.150.831 euros, était en
hausse par rapport à celui du 4 ème trimestre 2015, de 70.088.686 euros, que tout au long de l'année 2016, les résultats du groupe Nespoli France ont considérablement progressé, qu'une volonté d'externaliser les activités a compromis les emplois en France, la société ayant par ailleurs cédé une partie de ses actifs, qu'enfin la rémunération des actionnaires a été augmentée,
- la société n'a pas respecté les dispositions de l'article 47 de la convention collective nationale imposant des mesures pour pallier toute baisse d'activité,
- la société n'a pas respecté son obligation de procéder à des recherches sérieuses et loyales de reclassement,
- l'employeur ne démontre pas avoir fait une application impartiale des critères d'ordre des licenciements,
- elle n'a jamais bénéficié de plan de formation et de mesures en vue d'assurer son employabilité,
- l'employeur ne lui a proposé aucun emploi dans le cadre de son obligation légale et conventionnelle de réembauche.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 9 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 avril 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 10 mai 2023.
A ladite audience, les parties ont accepté que l'ordonnance de clôture soit révoquée pour admettre les pièces communiquées postérieurement à la clôture par l'appelante, l'affaire a été à nouveau clôturée avant les débats.
MOTIFS
Sur le motif économique du licenciement
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
«L'évolution structurelle des marchés sur lesquels nous intervenons est caractérisée par une
concentration et renforcement de la GSB (qui représente dorénavant 77 % du marché), une compétition entre les acteurs pour accroître leur part du marché au détriment des fournisseurs (à qui il est régulièrement demandé des révisions de prix à la baisse et une participation à des opérations promotionnelles toute l'année), l'augmentation toujours plus importante des importations d'Asie réalisées directement par nos clients grâce à leur propre centrale d'achat, la réorganisation par nos clients de leur chaîne logistique en vue de diminuer leur stock et transférer les coûts logistiques sur les fournisseurs ; tous ses facteurs intervenant, depuis 2006, dans le cadre d'une évolution négative du secteur peinture/décoration dans lequel nous évoluons.
Sur le plan conjoncturel nous devons, depuis le second semestre 2016, faire face à un recul des ventes notamment chez les grossistes en peinture et, parallèlement, hausse des matières premières.
La situation économique et financiére de notre société, et du secteur d'activité commun au sien et celui des autres sociétés du groupe NESPOLI en France, s'est donc à nouveau fortement dégradée depuis septembre 2016. A fin décembre 2016 l'activité était en baisse de -10.55% (-
438k€) par rapport au budget et -11.75% (-495k€) par rapport à l'année 2015.
Au cours des trois premiers trimestres 2017 nous avons continué d'enregistrer une baisse significative et continue des commandes et du chiffre d'affaires par rapport à la même période
de 2016, tant au niveau de la société NESPOLI que des autres sociétés du groupe NESPOLI en
France.
1er Trimestre :
- Nespoli France :-1,29% réel 2017/bgt 2017 - 8,73% (réel 2017/réel 2016)
- Groupe France : -2,22% réel 2017/bgt 2017 - 9,19% (réel 2017/réel 2016)
2ème Trimestre:
- Nespoli France :-5,16% réel 2017/bgt 2017 - 5,51% (réel 2017/réel 2016)
- Groupe France :-5,29% réel 2017/bgt 2017 - 3,91% (réel 2017/réel 2016)
3ème Trimestre:
- Nespoli France : -6,36% réel 2017/bgt 2017 - 6,34% (réel 2017/réel 2016)
- Groupe France : -6,46% réel 2017/bgt 2017 - 6,05% (réel 2017/réel 2016)
En cumulé, à fin novembre, la situation est la suivante :
- Nespoli France : -4,40% réel 2017/bgt 2017 - 6,20% (réel 2017/réel 2016)
- Groupe France : -4,48% réel 2017/bgt 2017 - 5,62% (réel 2017/réel 2016)
Compte tenu de la pression constante à la baisse sur nos prix exercée par les clients, notre marge commerciale s'est également largement dégradée :- 8,9 %, soit une perte de 1.486.000
par rapport au budget et -10,1 %, soit une perte de 1.699.000 € par rapport à la même période
de 2016.
En l'absence de toute amélioration prévisible sur le dernier trimestre 2017 le résultat d'exploitation net prévisionnel 2017 du secteur d'activité commun à la société NESPOLI et des
autres sociétés du groupe NESPOLI en France est à nouveau négatif après deux années de retour à l'équilibre.
Pour faire face à la situation, la société est donc contrainte de mettre en place un plan de restructuration qui comprend, sur le plan social, la rationalisation et l'adaptation de l'activité
et des effectifs logistique du site d'[Localité 6], confronté à une absence récurrente de charge de travail suffisante.
Dans ce cadre, conformément au projet soumis aux représentants du personnel, nous sommes
contraints d'envisager la suppression de 5 postes de la catégorie «Préparateur de commandes» pour motif économique et par conséquent, en application des critères d'ordre de licenciement, la suppression de votre emploi.
Nous avons recherché au sein de la société et des sociétés des groupes NESPOLI situées en
France, toute solution de reclassement susceptible de vous être proposée sur des emplois disponibles. A ce titre, nous vous avons remis en main propre contre décharge le courrier en
date du 10 novembre2017 reprenant l'ensemble de ces propositions.
Par courrier du 15 novembre.2017, vous nous avez indiqué ne pas souhaiter donner une suite
favorable à ces propositions. Nous sommes donc contraints d'envisager de rompre nos relations
contractuelles...»
L'article L1233-3 du Code du travail dispose que :
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur
pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression
ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel
du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la
durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de
cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins
de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.
Pour l'application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l'article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord
dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants ».
En l'espèce, la société Nespoli fait valoir que son chiffre d'affaires a baissé sur quatre trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l'année précédente :
CA Réalisé
CA Réalisé
Ecart
2017/2016
%
2017/2016
4 ème Trimestre
2016
13 039 764
4 ème Trimestre
2015
13 219 815
- 180 051
- 1,36%
1 er Trimestre
2017
14 494 003
1 er Trimestre
2016
15 879 523
-1 385 520
- 8,73 %
2 ème Trimestre
2017
16 672 696
2 ème Trimestre
2016
17 644 191
- 971 495
- 5,51 %
3 ème Trimestre
2017
15 943 245
3 ème Trimestre
2016
17 023 087
-1 079 842
- 6,34 %
Il en résulte effectivement une baisse significative du chiffre d'affaires sur quatre trimestres par rapport à la même époque précédente.
La société Nespoli ajoute qu'au mois de septembre 2017, le chiffre d'affaires cumulé de la société affichait ainsi un retard de 4,42 % par rapport au budget et de 6,8 % par rapport à la même période de l'année précédente, qu'au niveau marge, ce retard était encore plus fort : 6,5 % par rapport au budget et 10,6 % par rapport à 2016, soit une baisse de la marge respectivement de 1 127 000 euros et 1 413 000 euros, que malgré tous les efforts pour contenir les frais de la structure, le résultat net fin août 2017 présente un delta négatif de 585 000,00 euros sur le budget et 647 000,00 euros par rapport à la même période 2016.
Concernant le groupe Nespoli, les résultats étaient les suivants :
CA Réalisé
CA Réalisé
Ecart
2017/2016
%
2017/2016
4 ème Trimestre
2016
15 079 729
4 ème Trimestre
2015
15 353 832
- 274 103
- 1,79%
1 er Trimestre
2017
16 567 351
1 er Trimestre
2016
18 243 402
-1 676 051
- 9,19 %
2 ème Trimestre
2017
19 479 840
2 ème Trimestre
2016
20 271 951
- 792 111
- 3,91 %
3 ème Trimestre
2017
18 373 451
3 ème Trimestre
2016
19 555 749
-1 182 298
- 6,05 %
La baisse significative du chiffre d'affaires sur quatre trimestres par rapport à la même époque précédente est également constatée.
Il résulte de l'article précité que les difficultés économiques s'apprécient au niveau du secteur d'activité commun à la société Nespoli et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.
Aussi, la référence par l'intimée à des comptes consolidés qui englobent des sociétés dont le siège n'est pas situé sur le territoire français comme Franpin Benelux, Franpin Canadas, Franpin UK, ou dont le secteur d'activité est différent de celui de la société Nespoli France, comme la SCI ORANGE et MATEPRO, ne peut être retenue.
Par ailleurs, en application du texte susvisé, il n'y a pas lieu de tenir compte des résultats des trois premiers trimestres de l'année 2015.
Le premier juge ne pouvait par ailleurs apprécier les comptes pour l'année 2018 qui n'est pas celle au cours de laquelle a été notifié le licenciement de l'intimée. Pas davantage le premier juge ne pouvait se déterminer au regard de l'état des actifs immobilisés lequel ne figure pas au nombre des indicateurs utiles pour caractériser un motif économique de licenciement.
Enfin, se livrant à une appréciation partiale et hors de propos, la rémunération des actionnaires n'entre nullement dans la détermination du chiffre d'affaires, indicateur retenu pour apprécier les difficultés économiques de l'entreprise pas plus que la consultation du registre du personnel ne saurait conduire à juger de la réalité du motif économique invoqué.
Il résulte de ce qui précède que la société Nespoli France établit la réalité du motif économique allégué.
Sur le respect de l'article 47 de la convention collective du travail mécanique du bois et scieries
L'article 47 de la convention collective nationale du travail mécanique du bois et scieries dispose que :
« Dans le cas où les circonstances imposeraient à l'employeur d'envisager un ralentissement d'activité, la direction en informera le comité d'entreprise ou les délégués du personnel et fera connaître les mesures qu'elle compte prendre en présence de cette situation.
Le comité (ou à défaut les délégués) pourra présenter toutes suggestions ayant trait à cette situation et formuler ses remarques sur les mesures envisagées en vue d'assurer au maximum la stabilité d'emploi.
Les mesures envisagées pourront comprendre entre autres :
- 1° Réduction, autant que possible uniforme pour l'ensemble du personnel, de l'horaire hebdomadaire de travail, celui-ci pouvant devenir inférieur à quarante heures ;
- 2° Modifications dans la répartition du travail ;
- 3° Repos par roulement organisé de manière à permettre au personnel intéressé de bénéficier de l'application la plus favorable des dispositions réglementaires relatives au chômage partiel.
Ces mesures peuvent s'appliquer à l'ensemble de l'entreprise ou seulement à certaines sections
ou services.
Dans le cas où les mesures qui précèdent s'avéreraient insuffisantes ou inapplicables, des licenciements collectifs pourront être envisagés.
Ils ne pourront toutefois intervenir tant que l'horaire de travail de l'entreprise, de la section ou
du service, dépassera quarante heures.
Au cas où les licenciements seraient effectués, le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel seront consultés en vue de donner leur avis sur les principes selon lesquels s'établira la liste.
Le personnel ainsi licencié bénéficiera pendant un an d'une priorité de réembauchage.
Dans le cas où les circonstances permettraient de prévoir une reprise d'activité et sous réserve des dispositions particulières qui pourraient être prévues par avenant en ce qui concerne les activités saisonnières, avant de revenir à un horaire permanent comportant des heures supplémentaires pour l'ensemble de l'entreprise, de la section ou du service où sont intervenus
des licenciements à la suite de ralentissement d'activité, la direction, après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, devra, au fur et à mesure de la reprise d'activité, réintégrer progressivement le personnel précédemment licencié.
Au cas où le personnel licencié et rappelé ferait défaut, l'entreprise s'emploiera au rétablissement de l'effectif antérieur, compte tenu des possibilités réelles d'emploi dans l'entreprise qui devront être examinées en présence des représentants des organisations signataires qui le demanderaient ».
L'intimée soutient qu'à aucun moment, n'ont été simplement envisagées et étudiées des solutions de réduction uniforme de la durée du travail pour l'ensemble du personnel, ou de modification de la répartition du travail, ou de repos par roulement.
Elle en conclut que les dispositions conventionnelles n'ayant pas été respectées, les suppressions d'emploi litigieuses n'ont pu valablement intervenir et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La société Nespoli France indique qu'après information du Comité d'entreprise d'[Localité 6] et du CCE, elle a mis en 'uvre les mesures suivantes lesquelles ne se sont toutefois pas avérées suffisantes :
- concernant le personnel : elle n'a pas cessé d'optimiser ses ressources humaines et techniques au travers des échanges de compétences et d'expertises entre sites sans remplacer les départs à la retraite quel que soit le département concerné, elle rappelle sans être contredite qu'un accord avait été signé avec les syndicats pour une année blanche en termes d'augmentation de salaires en 2017, que des entretiens ont été réalisés en 2017 avec les salariés en âge de partir à la retraite
pour un appel au volontariat et qu'aucune suite n'a été donnée par les salariés concernés.
Elle ajoute également sans être contredite qu'il a également été proposé :
- une réduction du temps de travail pour les salariés qui seraient intéressés pour passer de temps complet à temps partiel, mais qu'aucun salarié n'a formulé une telle demande,
- un appel au volontariat avec veto de la direction mais qu'il n'y a eu aucun candidat au départ.
Elle précise que, si en 2015 un fort taux d'absentéisme avait permis d'avoir une charge de travail en corrélation avec les temps de travail des salariés présents, il n'en a pas été de même en 2016
suite au retour des salariés absents, qu'ainsi, 33 salariés de la logistique ont travaillé moins de 1607 h en partie du fait de la charge de travail réduite en 2016.
- concernant la réduction des coûts : elle invoque la revente du bâtiment « [Localité 4] » à [Localité 2] qui a permis de liquider un actif non productif et ainsi d'éliminer les coûts liés à ce même bâtiment (taxe foncière, contrats d'électricité, chauffage, téléphone, assurance). Elle rappelle qu'il a également été décidé d'une dématérialisation de l'émission et l'envoi des factures de vente afin de réduire de deux tiers les frais postaux.
- concernant le stock : elle précise que celui-ci a été diminué.
- concernant la production : elle fait valoir que durant ces dernières années, l'activité de production française a vu des nouveaux projets se réaliser tels que la reprise de la production de rouleaux cage précédemment fabriqués en Allemagne ou encore la production d'un nouveau rouleau pour le client du Groupe Karcher ce que ne conteste pas l'intimée.
Elle ajoute qu'il a été envisagé une réduction de la durée du travail des salariés en dessous de 35 heures mais celle-ci n'a pas été acceptée pas ces derniers.
Ces éléments sont confirmés par les procès-verbaux des réunions du CE et dans la notice présentée le 13 octobre 2017 au CCE et CE d'Orange.
Il ne peut donc être reproché à l'employeur le non respect de ces dispositions conventionnelles étant observé que le seul obstacle à un licenciement collectif serait un horaire de travail dans l'entreprise dépassant les quarante heures.
Sur les recherches de reclassement
Selon l'article L.1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige
«Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.»
L'intimée soutient qu'elle n'a reçu aucune offre individualisée de reclassement, que lui a été adressée une vague liste de postes disponibles sur [Localité 3], totalement incompatibles pour la plupart avec ses restrictions d'aptitude ou sa formation.
Concernant le reclassement, la société appelante justifie de ses recherches par la production de sa pièce n°22 s'agissant des courriers adressés aux entités du groupe situées en France comportant le profil des salariés dont le licenciement était envisagé.
Par courrier du 10 novembre 2017, la société Nespoli France a présenté à Mme [Z] deux propositions de postes en CDD sur le site Rouleaux - [Localité 3] comme opérateur/régleur sur
machine thermo fusion, une proposition de poste en CDI sur le site Logistique - [Localité 3] comme magasinier cariste et une proposition de poste en CDI au sein de la Société BCBG - Grenoble comme délégué commercial. Contrairement à ce que soutient la salariée, ces propositions étaient précises pour comporter toutes les informations nécessaires pour se déterminer ( salaire, accessoires de salaire, horaires, lieu d'exercice etc...).
Mme [Z] n'a pas donné suite à ces propositions.
La société Nespoli France justifie avoir fait des propositions de reclassement adaptées aux compétences et aptitudes de la salariée.
Elle précise que les postes d'opérateurs régleur étaient parfaitement en adéquation avec son état de santé et ses qualifications, que le poste de magasinier cariste était celui qu'elle occupait sur le site d'[Localité 6] préalablement à son licenciement et pour lequel elle était apte sous réserve d'un aménagement du poste étant observé que dans son courrier du 20 novembre 2018 par lequel elle sollicitait la mise en 'uvre de sa priorité de réembauche, Mme [Z] sollicitait notamment un poste de cariste.
La société appelante ajoute que s'agissant du poste de délégué commercial sous contrat VRP, il était indiqué dans l'offre que la salariée bénéficierait d'une formation préalablement à son reclassement.
Il en résulte que la société Nespoli France a respecté son obligation de procéder à des recherches sérieuse et loyales de reclassement.
Sur le respect des critères d'ordre des licenciements
Aux termes de l'article L1233-5 du code du travail :
« Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique.
Ces critères prennent notamment en compte :
1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article.
Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif.
En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emplois.
Les conditions d'application de l'avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret.».
En l'espèce, les critères adoptés après consultations des instances représentatives du personnel étaient les suivants :
- Charges de famille : 7 points
- Ancienneté : 3 points
- Salarié qui présente des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile : 4 points
- Qualités professionnelles : 6 points
Sur interrogation de la salariée, l'employeur lui a précisé qu'elle s'était vue attribuer les points suivants :
- trois points sur sept concernant les charges de famille ;
- deux points sur trois concernant l'ancienneté ;
- deux points sur quatre concernant les caractéristiques sociales rendant la réinsertion
professionnelle du salarié particulièrement difficile ;
- et trois points sur six concernant les qualités professionnelles ( 3 pour la compétence et 0 points sur 5 pour la polyvalence).
Mme [Z] conteste l'absence de reconnaissance de sa polyvalence alors qu'elle a occupé plusieurs postes : manutentionnaire, préparatrice de commande, magasinier-cariste, et même agent de réception, poste qu'elle occupait depuis 2006.
Si le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir.
L'employeur rappelle que les salariés ont tous beaucoup d'ancienneté et sont d'un certain âge : par les 14 points ils ont été particulièrement protégés, la direction n'ayant pas fait le choix de critères professionnels en priorité mais bien de critères sociaux.
Il indique que seulement 3 salariés sur 26 ont eu les points s'agissant de la polyvalence, et pour les salariés de même poste que Mme [Z] seulement 1.
Il précise que la polyvalence s'entend par la capacité d'un salarié à exercer pleinement les tâches de deux postes, qu'il peut être donné pour exemple celui d'un salarié qui est capable pendant l'absence de son responsable de le remplacer pleinement (Mme [W] qui au niveau des ateliers remplace son encadrante tout en chapotant la réception (réelle polyvalence) et que Mme [Z] confond être capable de réaliser plusieurs tâches dans un poste et occuper des postes différents ce qui n'est pas la même chose. Il ajoute que Mme [Z] faisait partie des rares salariés à avoir obtenu les 3 points du critère « savoir-faire et faire savoir ».
Mme [D] épouse [K] soutient qu'elle a occupé de nombreux autres postes que celui de préparatrice de commande alors que l'historique de ses emplois communiqué en pièce n°28 par l'employeur établit qu'elle a toujours été chargée que des mêmes tâches de préparation de commandes ( ouvrier, magasinier, réception cariste), le fait qu'elle conduise des chariots élévateurs n'est pas suffisant pour caractérises une polyvalence.
Les critiques portant sur le non respect des critères d'ordre des licenciements ne peuvent être acceptées.
Sur le préjudice résultant de l'absence de respect par l'employeur de son obligation de maintien des compétences professionnelles du salarié et de suivi professionnel
Aux termes de l'article L. 6321-1 du code du travail :
« L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en 'uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences ».
Mme [Z] expose qu'en plus de 18 ans d'activité, elle n'a passé que de très rares entretiens, nonobstant les dispositions de l'article 4.2 de l'accord de branche du 15 juin 2009 relatif à la formation professionnelle, qui impose l'organisation tous les deux ans d'un entretien professionnel qui doit déboucher sur des propositions d'actions de formation de l'employeur, elle ajoute qu'alors que l'article 3 de l'Accord précité prévoit que les salariés qui ont plus de 45 ans ou après 20 ans d'activité et disposent d'une ancienneté minimum de 1 an de présence dans l'entreprise qui les emploie, ou les femmes qui reprennent leur activité professionnelle après un congé maternité ou un congé parental, ou encore les travailleurs handicapés et assimilés doivent bénéficier prioritairement d'une période de professionnalisation, rien de tel ne lui a été proposé, qu'elle n'a jamais eu les choix de ses formations, qui se sont limitées aux formations de sécurité obligatoires, et ses qualifications ne sont malheureusement plus adaptées au marché du travail, que le non-respect de ces dispositions explique qu'elle a eu beaucoup de difficultés
à retrouver un travail.
La société Nespoli France rétorque que Mme [Z] a bénéficié d'une formation CACES, qu'elle disposait des compétences requises pour occuper son poste au moment de l'embauche, que son poste n'a connu aucune évolution particulière, que la formation à la préparation embarquée des commandes a eu lieu en mars et juin 2018, après le départ de Mme [Z], que celle-ci n'a jamais sollicité auprès de son employeur une quelconque formation et n'a jamais fait état d'une difficulté d'adaptation à son poste.
Or les pièces n°33 et 34 produites par l'employeur ne révèlent qu'une formation suivie par l'intéressée.
Ce manquement a occasionné un préjudice à la salariée d'une part en raison du fait que son manque de formation a amoindri ses compétences professionnelles la désignant défavorablement dans la prise en compte des critères liés aux qualifications professionnelles et d'autre part dans ses recherche d'emploi postérieurement à son licenciement.
Il lui sera alloué la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre.
Sur le non-respect de la priorité de réembauche
L'article L. 1233-45 du code du Travail dispose : « Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.
Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible
avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes
disponibles. »
En cas de litige, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation, soit en établissant qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant l'absence de tels postes.
Mme [Z] fait valoir qu'elle a expressément demandé à bénéficier de la priorité de réembauche, que la société Nespoli a eu recours à l'intérim, notamment sur son site d'[Localité 6], au cours de l'année 2018, qu'elle a ainsi violé non seulement son obligation légale mais celles de l'article 47 de la convention collective, qui dispose « Le personnel ainsi licencié bénéficiera pendant un an d'une priorité de réembauchage. Dans le cas où les circonstances permettraient de prévoir une reprise d'activité et sous réserve des dispositions particulières qui pourraient être prévues par avenant en ce qui concerne les activités saisonnières, avant de revenir à un horaire permanent comportant des heures supplémentaires pour l'ensemble de l'entreprise, de la section ou du service où sont intervenus des licenciements par suite de ralentissement d'activité, la direction, après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, devra, au fur et à mesure de la reprise d'activité, réintégrer progressivement le personnel précédemment licencié ».
La priorité de réembauche ne s'impose à l'employeur qu'à partir du jour où le salarié, conformément à l'article L.1233-45 du Code du travail, a demandé à en bénéficier même en présence d'une disposition conventionnelle prévoyant un tel droit.
La société Nespoli indique qu'elle a eu recours à des intérimaires uniquement à partir d'août 2018 :
- 08/2018 : 0.4 ETP pour 63h
- 09/2018 : 0.8 ETP pour 116h
- 10/2018 : 2.1 ETP pour 322h
- 11/2018 : 1.7 ETP pour 252h
pour des raisons liées à une urgence imprévisible liée à des difficultés d'étiquetage de la gamme
PPG et pour remplacer une salariée en arrêt maladie.
Elle précise que les derniers contrats ont été signés les 12 et 15 novembre 2018, soit antérieurement à la demande de Mme [Z] formulée par courrier en date du 19 novembre 2018 reçu le 23 novembre 2018 étant précisé que le courrier notifiant les motifs du licenciement précisait « en qualité de salarié licencié pour motif économique ou d'adhérent au contrat de sécurisation professionnelle, vous pouvez bénéficier d'une priorité de réembauchage au sein de la société pendant un an à compter de la date de rupture effective de votre contrat.
Si vous désirez user de cette priorité, il vous appartient de nous le faire savoir au cours des 12 mois suivants la rupture effective de votre contrat ».
La société Nespoli France produit en pièces n° 27les contrats de mise à disposition conclus pour la période postérieure au licenciement de Mme [Z] et l'état des contrats conclus avec la société d'intérim, elle produit en pièce n°36 le registre du personnel du site de [Localité 3] pour les années 2016- 2017 -2018 et en pièce n°37 le registre du personnel du site d'Orange pour les années 2016- 2017 -2018 démontrant qu'aucune embauche n'est intervenue postérieurement à la demande de réembauche de Mme [Z] .
La demande est en voie de rejet.
Sur l'application de l'accord collectif relatif à la durée et l'aménagement du temps de travail du 14 décembre 2010
Mme [Z] expose qu'en 2016, la durée annuelle de travail de 1607 heures n'a pas été effectuée par les salariées, en raison d'un ralentissement de la production, qu'en fin d'année, le compteur de modulation étant négatif, la société Nespoli a décidé de compenser ce solde négatif avec les sommes accumulées par les salariés sur leur compte épargne temps, voire par déduction sur le salaire de janvier, en application de l'article III.1.7° dernier alinéa de l'accord du 14 décembre 2010 précité, que de telles dispositions conventionnelles heurtent directement la règle d'ordre public au terme de laquelle l'employeur a l'obligation de fournir à son salarié à temps complet un travail à temps complet, qu'il en résulte qu'il a l'obligation de payer au salarié les heures de travail prévues pour un temps complet, sans pouvoir faire supporter à celui-ci le non-respect de ses obligations. Elle sollicite le paiement de la somme de 1000 euros à ce titre, majorée des congés payés correspondants.
Or, Mme [Z] ne produit aucun élément à l'appui de sa demande, celle-ci est en voie de rejet.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SAS Nespoli France à payer à Mme [Z] la somme de 1.500,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Réforme le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit et juge que le licenciement pour motif économique est infondé, qu'il est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamne la SAS Nespoli France à payer à Mme [Z] la somme de 25 018 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- ordonne à la SAS Nespoli France le remboursement à Pôle-Emploi des indemnités de chômage perçues par Mme [Z] du jour de son licenciement au jour de la mise à disposition du jugement dans la limite de six mois d'indemnités édictées par l'article L.1235-4 du code du travail,
- Statuant à nouveau de ces chefs réformés et y ajoutant,
- Condamne la SAS Nespoli France à payer à Mme [Z] la somme de 5000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect par l'employeur de son obligation de formation et d'adaptation du salarié,
- Déboute Mme [Z] du surplus de ses prétentions,
- Condamne la SAS Nespoli France à payer à Mme [Z] la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne SAS Nespoli France aux dépens d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT