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08/06/2023 | FRANCE | N°21/01098

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 08 juin 2023, 21/01098


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/01098 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7ND



CRL/DO



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON

30 janvier 2020



RG :15/01230





CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT RHIN



C/



Société [9]

Société [9]



















Grosse délivrée le 30 MAI 2023 à :



- CPAM HAUT RH

IN

- Me LOYSEAU DE GRANDMAISON











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 08 JUIN 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 30 Janvier 2020, N°15/01230



COMPOSITION DE LA COUR LO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01098 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7ND

CRL/DO

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON

30 janvier 2020

RG :15/01230

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT RHIN

C/

Société [9]

Société [9]

Grosse délivrée le 30 MAI 2023 à :

- CPAM HAUT RHIN

- Me LOYSEAU DE GRANDMAISON

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 30 Janvier 2020, N°15/01230

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Madame Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2023 et prorogé ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT RHIN

[Adresse 1]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par M. [C] en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉES :

Société [9]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Florent LOYSEAU DE GRANDMAISON de la SELEURL LDG AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

Société [9]

[Adresse 2]

[Adresse 10]

[Localité 5]

Représentée par Me Florent LOYSEAU DE GRANDMAISON de la SELEURL LDG AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 08 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 19 février 2015, la SA [9] a établi une déclaration d'accident du travail concernant son préposé, M. [B] [Y], salarié en qualité d'opérateur four à plâtre, accident survenu le 18 février 2015 ainsi décrit : ' activité de la victime lors de l'accident : conducteur chariot élévateur hall rebut. Nature des lésions : sueurs fugaces, respiration accélérée, pas de perte de connaissance avec récupération quasi immédiate. La victime a été transportée aux urgences de [Localité 8]'. Le certificat médical initial établi le 18 février par le Dr [I] mentionne 'attaque de panique'.

Par courrier du 19 février 2015, l'employeur a émis des réserves sur le caractère professionnel de l'accident en raison de l'absence de lésion corporelle et de l'absence de lien de causalité entre la lésion et l'activité professionnelle, outre l'existence d'un état pathologique préexistant.

La Caisse Primaire d'assurance maladie a procédé à une enquête administrative et a notifié un délai complémentaire d'instruction par courrier du 23 mars 2015. Par courrier en date du 28 avril 2015, elle a invité l'employeur a prendre connaissance du dossier avant la prise de décision quant au caractère professionnel de l'accident, fixée au 18 mai 2015.

Le 20 mai 2015, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin a notifié à la SA [9] la prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de l'accident de M. [B] [Y] en date du 18 février 2015.

Saisie d'une contestation de la SA [9] le 26 juin 2015, la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin n'a pas statué.

Par requête adressée le 16 octobre 2015, la SA [9] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse d'un recours contre la décision implicite de rejet.

Par jugement en date du 30 janvier 2020, le tribunal judiciaire d'Avignon, désormais compétent pour connaître de ce litige, a :

- infirmé la décision implicite de rejet de la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin,

- dit que les conséquences de l'accident survenu le 18 février 2015 pris en charge au titre de la législation professionnelle par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin ne sont pas opposables à la société [9],

- débouté la société [9] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin au paiement des entiers dépens de l'instance.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de réception adressée le 25 février 2020 la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Initialement enregistrée sous le numéro RG 20 00745, cette affaire a fait l'objet d'une ordonnance de radiation pour défaut de diligence des parties par ordonnance en date du 5 mars 2021. Par requête adressée le 10 mars 2021, la société [9] a sollicité la réinscription de cette affaire qui a été enregistrée sous le numéro RG 21 01098 et appelée à l'audience du 29 novembre 2022, puis renvoyée à la demande des parties à celle du 14 mars 2023 à laquelle elle a été retenue.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué,

et statuant à nouveau,

- dire et juger que la décision de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l'accident survenu le 18 février 2015 à M. [B] [Y] est opposable à la société [9],

- dire et juger que la décision de prendre en charge au titre de la législation professionnelle les soins et arrêts de travail consécutif à l'accident du travail survenu le 18 février 2015 à M. [B] [Y] est opposable à la société [9], jusqu'à la date de consolidation de l'état de santé de l'assuré fixée au 5 décembre 2016,

- débouter la société [9] de l'ensemble de ses prétentions,

- condamner la société [9] aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses demandes, la Caisse Primaire d'assurance maladie du haut-Rhin fait valoir que :

- les éléments versés aux débats démontrent que la décision de prise en charge de l'accident du travail a été prise après instruction de la demande, la mention erronée d'une 'prise en charge d'emblée' sur la notification du 20 mai 2015 est une erreur de plume qui ne saurait entraîner l'inopposabilité de la prise en charge,

- l'employeur a d'ailleurs été régulièrement informé de la fin de la procédure d'instruction et a été invité à prendre connaissance des pièces du dossier, ce qu'il a fait par requête à laquelle il a été répondu le 4 mai 2015,

- contrairement à ce qui a été mentionné dans le courrier en réponse, elle n'était pas en attente de l'avis du médecin conseil qui n'a pas été sollicité dans ce dossier, par suite, le caractère contradictoire de la mesure d'instruction a été respecté,

- sur le fond, la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer puisque le salarié a été pris d'une 'crise de panique' au temps et au lieu du travail,

- l'absence de témoin n'est pas un motif pour refuser la prise en charge, et à l'inverse si les auditions de la victime et de l'employeur sont suffisantes pour établir les circonstances de l'accident, elle n'a aucune obligation de procéder à l'audition des témoins éventuels,

- la lésion consécutive à l'accident du travail peut être physique ou comme en l'espèce psychologique,

- les éléments du dossier établissent que le jour des faits, M. [B] [Y] a eu des échanges très vifs avec sa hiérarchie, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si les propos ont été blessants ou humiliants, ou s'ils interviennent dans le cadre d'un climat de travail dégradé,

- la preuve d'un état pathologique préexistant n'est pas rapportée,

- en conséquence, la présomption couvre l'accident du travail et les soins et arrêts de travail consécutifs, soit pour la période du 18 février 2015 au 5 décembre 2016, avec une continuité des symptômes et des soins,

- la disproportion invoquée par l'employeur entre la durée de la prise en charge et les lésions initiales n'est corroborée par aucun élément suffisant qui justifierait de faire droit à la demande d'expertise,

- l'employeur n'a jamais fait usage de son pouvoir de contrôle pendant la durée de l'arrêt de travail qu'il vient contester aujourd'hui.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la société [9] demande à la cour de :

- prononcer la péremption de l'instance eu égard à l'absence de diligence de procédure de la caisse dans un délai de deux ans à compter de son acte d'appel,

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avignon le 30 janvier 2020 en ce qu'il infirmé la décision implicite de rejet de la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin et dit que les conséquences de l'accident survenu le 18 février 2015 pris en charge au titre de la législation professionnelle par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin ne lui sont pas opposables,

A titre subsidiaire,

- constater que la caisse ne rapporte pas la preuve de la matérialité et du caractère professionnel de l'accident déclaré le 18 février 2015,

- rejeter les demandes, défenses et tous autres moyens de la Caisse Primaire d'assurance maladie,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avignon le 30 janvier 2020 en ce qu'il infirmé la décision implicite de rejet de la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin et dit que les conséquences de l'accident survenu le 18 février 2015 pris en charge au titre de la législation professionnelle par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin ne lui sont pas opposables,

Et y ajoutant,

A titre subsidiaire,

- constater que la Caisse a mis en oeuvre une procédure d'instruction et qu'elle ne saurait ainsi se prévaloir d'une décision de prise en charge d'emblée de l'accident,

- constater que la Caisse a clôturé l'instruction du dossier avant d'avoir eu connaissance de l'avis du médecin conseil,

- constater qu'elle-même n'a pas eu à sa disposition l'ensemble des pièces constitutives du dossier susceptibles de lui faire grief,

En conséquence,

- prononcer que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident en date du 18 février 2015 allégué par M. [B] [Y] lui est inopposable,

A titre très subsidiaire,

- constater que les prestations servies à l'assuré, M. [B] [Y], lui font grief au travers de l'augmentation de son taux de cotisation accidents du travail ;

- constater que l'employeur conteste que l'ensemble des prestations, soins et arrêts pris en charge par la Caisse au titre de l'accident du 18 février 2015 soit la conséquence du sinistre initialement pris en charge ;

- constater qu'il existe un litige d'ordre médical portant sur la réelle immutabilité des prestations, soins et arrêts de travail indemnisés au titre des lésions déclarées par M. [B] [Y] au titre de l'accident en date du 18 février 2015.

En conséquence,

- ordonner avant dire droit une expertise médicale judiciaire, confiée à tel expert qu'il plaira à la Cour de nommer, le litige intéressant les seuls rapports Caisse/employeur, afin de vérifier la justification des prestations, soins et arrêts de travail pris en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, au titre de l'accident du 18 février 2015 en lui confiant la mission de :

1° Prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [B] [Y] établi par la caisse;

2 ° Fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec l'accident du 18 février 2015 ;

3° Dire notamment, si pour certains arrêts de travail et soins, il s'agit d'une pathologie indépendante de l'accident du 18 février 2015 ;

4° - Fixer la date de consolidation de l'accident du 18 février 2015 de M. [B] [Y] à l'exclusion de tout état pathologique indépendant évoluant pour son propre compte.

- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du caractère professionnel des soins et arrêts en cause, après dépôt du rapport de l'expert.

En tout état de cause,

- condamner la Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin au paiement de la somme de 5.000 euros à son profit au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Au soutien de ses demandes, la SA [9] fait valoir que :

- la Caisse Primaire d'assurance maladie n'a effectué aucune diligence procédurale suite à son acte d'appel du 25 février 2020, ne lui ayant communiqué ses écritures qu'à l'occasion de l'audience du 24 octobre 2022,

- sur le fond, aucun élément ne vient corroborer les déclarations du salarié tant sur la réalité du fait accidentel, que sur la qualité de témoin de M. [R] qui n'a pas été interrogé par la Caisse Primaire d'assurance maladie,

- le malaise est survenu dans un contexte de travail normal et on peut s'interroger sur l'état de fatigue de M. [B] [Y] qui exerce également les fonctions de pompier volontaire,

- les constatations médicales : burn-out sans lésion traumatique caractérisent plus une maladie professionnelle éventuelle qu'un accident du travail,

- la Caisse Primaire d'assurance maladie ne rapporte pas la preuve d'un lien entre le malaise allégué et l'activité professionnelle,

- la Caisse Primaire d'assurance maladie de manière contradictoire lui a notifié successivement une prise en charge d'emblée de l'accident, laquelle était impossible en raison des réserves émises, et le recours à un délai complémentaire d'instruction de la demande,

- dans le courrier du 4 mai 2015 lui transmettant les pièces du dossier, la Caisse Primaire d'assurance maladie indiquait être dans l'attente de l'avis du médecin conseil, et a donc clôturé son dossier sans avis du médecin conseil quant au lien entre l'accident et le travail,

- subsidiairement, une expertise médicale est nécessaire afin de déterminer, en raison des déclarations de M. [B] [Y] lui-même qui indique avoir eu une attaque de panique en février 2015, et de la durée de l'arrêt de travail de près de deux ans, s'il existait un état pathologique indépendant.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

* sur l'éventuelle péremption de l'instance

Selon l'article R142-10-10 du code de la sécurité sociale, applicable depuis le 1er janvier 2020, l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. La péremption peut être demandée par l'une quelconque des parties.

Il résulte des dispositions du décret n°2018- 928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l'article R. 142-22 du Code de la sécurité sociale, que l'article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d'appel initiées à partir du 1er janvier 2019 qu'à celles en cours à cette date.

En l'espèce, la SA [9] soutient que la présente instance est périmée en application de l'article 386 du Code de procédure civile au motif que la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut Rhin n'a réalisé aucune diligence pendant plus de deux ans depuis l'acte d'appel.

En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que :

- le 24 février 2020, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut Rhin interjetait appel du jugement déféré,

- par courrier du 26 février 2020, le Président de la chambre sociale a accordé à la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin appelante un délai de quatre mois au maximum à compter de la déclaration d'appel pour conclure, soit jusqu'au 24 juin 2020

- par ordonnance du 5 mars 2021, l'affaire était radiée pour défaut de diligence des parties et rappelait le délai de péremption de l'article 386 du code de procédure civile,

- le 17 mars 2021 l'affaire a été réinscrite au rôle à la demande de la SA [9],

- le 29 août 2022, les parties ont été convoquées à la diligence du greffe de la chambre sociale de la cour pour l'audience du 29 novembre 2022,

- la Caisse Primaire d'assurance maladie a adressé à la cour ses conclusions datées du 24 octobre 2022, réceptionnée le 24 novembre 2022

La demande de réinscription au rôle intervenue moins de deux ans après l'acte d'appel est venue interrompre le délai de péremption d'instance.

Par suite, l'instance n'est pas périmée et la SA [9] sera déboutée de sa demande en ce sens.

* sur le respect de la procédure d'instruction de la déclaration d'accident du travail par la Caisse Primaire d'assurance maladie

Au terme de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019, la déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur ( .. ) En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

L'article R 441-14du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019, précise que lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.(...)

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Ainsi, la décision de la Caisse Primaire d'assurance maladie de prendre en charge un accident ou une maladie au titre de la législation professionnelle, n'est pas opposable à l'employeur, dès lors que celle-ci n'a pas préalablement à sa décision assuré son information sur la procédure d'instruction, sur les points susceptibles de lui faire grief, sur la possibilité de consulter le dossier et la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.

La Caisse Primaire d'assurance maladie n'est dispensée de son obligation d'information préalable que lorsqu'elle prend sa décision au vu de la seule déclaration d'accident du travail transmise sans réserve par l'employeur et sans procéder à aucune mesure d'instruction ni se fonder sur aucun autre document qui n'ait été connu de l'employeur.

En cas de réserves de l'employeur au sens de l'article R.441-11 du code de la sécurité

sociale, lesquelles s'entendant de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail, la Caisse Primaire d'assurance maladie est tenue d'adresser à l'employeur et à la victime un questionnaire ou de procéder auprès des intéressés à une enquête.

Le seul fait que l'employeur énonce qu'il émet des réserves ne suffit pas à contraindre la caisse primaire d'assurance maladie à procéder à l'envoi d'un questionnaire ou à une enquête, soit à une mesure d'instruction génératrice de l'obligation d'information préalable, dès lors que ces réserves ne portent pas sur le caractère professionnel de l'accident.

Pour autant, l'exigence de réserves motivées n'impose pas à l'employeur de rapporter, à ce stade de la procédure, la preuve des faits de nature à démontrer que l'accident n'a pas pu avoir lieu au temps et au lieu du travail. Par ailleurs, dès lors que l'employeur émet des réserves sur la matérialité même du fait accidentel, la Caisse Primaire d'assurance maladie ne peut pas prendre de décision sans procéder à une instruction préalable.

Enfin, l'absence de réserves, quant au caractère professionnel de l'accident, portées par l'employeur sur la déclaration d'accident du travail qu'il adresse à l'organisme social ne vaut pas reconnaissance tacite de sa part d'un tel caractère et ne le prive pas de la possibilité de le contester par la suite.

En l'espèce, la SA [9] reproche à la Caisse Primaire d'assurance maladie de lui avoir adressé le 20 mai 2015 une décision de prise en charge 'd'emblée' de l'accident en déclarant ses réserves irrecevables pour défaut de motivation, alors que d'une part, elle avait émis des réserves dès la déclaration d'accident du travail et que d'autre part, elle lui avait notifié un délai complémentaire d'instruction dès le 23 mars 2015 et sollicitait des éléments complémentaires par voie de questionnaires.

Il résulte des pièces versées aux débats que :

- le 19 février 2015 l'employeur a établi la déclaration d'accident du travail sur laquelle est mentionnée ' une lettre de réserves sera envoyée', la déclaration d'accident du travail étant accompagnée d'une lettre de réserve de l'employeur dans laquelle il conteste l'existence d'une lésion corporelle et le lien entre la lésion corporelle invoquée et l'activité professionnelle,

- le 9 mars 2015 la Caisse Primaire d'assurance maladie adressé un questionnaire à M. [B] [Y], qui répondait le 17 mars 2015, ainsi qu'à l'employeur qui répondait le 20 mars 2015,

- le 23 mars 2015, la Caisse Primaire d'assurance maladie notifiait à l'employeur un délai complémentaire d'instruction,

- le 28 avril 2015, la Caisse Primaire d'assurance maladie notifiait à l'employeur la fin du délai d'instruction et la possibilité de consulter le dossier,

- le 4 mai 2015, la Caisse Primaire d'assurance maladie transmettait à l'employeur la copie du dossier constitué suite à la déclaration d'accident du travail en indiquant ' en l'état actuel du dossier, nous sommes dans l'attente de l'avis obligatoire du service médical et en l'absence de réponse à échéance nous procéderons à un refus administratif. Si l'avis médical devait nous parvenir avant notification de la décision, nous ne manquerons pas de vous communiquer copie de l'avis médical'

- le 11 mai 2015 l'employeur accusait réception des pièces du dossier d'instruction,

- le 20 mai 2015, la Caisse Primaire d'assurance maladie notifiait à l'employeur la prise en charge 'd'emblée' de l'accident de M. [B] [Y] au titre de la législation relative aux risques professionnels au motif que ses réserves étaient irrecevables.

Il résulte de cette chronologie que la Caisse Primaire d'assurance maladie, à réception de la déclaration d'accident du travail du 19 février 2015, a diligenté une enquête administrative, ce qui signifie qu'elle a tenu compte des réserves de l'employeur.

Par ailleurs, lors de la transmission des pièces du dossier la Caisse Primaire d'assurance maladie a indiqué être dans l'attente de l'avis médical, et à défaut d'un tel avis qu'elle prendrait une décision de refus de prise en charge.

Dès lors la décision de prise en charge du 20 mai 2015 n'est pas conforme aux éléments du dossier d'instruction puisque :

- d'une part, la prise en charge n'a pas été décidée d'emblée puisqu'un délai complémentaire d'instruction de la demande a été notifié à l'employeur et qu'une enquête administrative a été diligentée,

- d'autre part, aucun avis médical n'a été transmis à l'employeur; ce dont il se déduit que soit l'avis médical n'a pas été rendu et la décision de prise en charge est intervenue sans que soit établi par le médecin conseil le lien entre la lésion et l'accident malgré les réserves de l'employeur, soit il n'a pas été communiqué à l'employeur.

Le fait que la Caisse Primaire d'assurance maladie indique que finalement aucun avis médical n'ait été demandé dans le cadre de la procédure est sans incidence dès lors qu'elle a informé l'employeur de cette demande d'avis et qu'elle a pris sa décision sans nouvelle information de l'employeur sur ce point, alors même qu'elle lui avait indiqué qu'en l'absence d'avis, elle refuserait la prise en charge.

Il en résulte que le principe du contradictoire n'a pas été respecté vis-à-vis de l'employeur.

Par suite, la décision de prise en charge doit être déclarée inopposable à l'employeur.

La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Juge que la procédure n'est atteinte d'aucune péremption,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Avignon,

Condamne la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin à verser à la SA [9] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Caisse Primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 21/01098
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.01098 ?
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