RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00655 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6JL
CRL/DO
POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES
02 décembre 2020
RG :19/0892
S.A.S. SMDC LOGISTIQUE
C/
CPAM DU GARD DEPARTEMENT DES AFFAIRES JURIDIQUES
Grosse délivrée le 08 JUIN 2023 à :
- Me FAVARO
- CPAM GARD
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5e chambre Pole social
ARRÊT DU 08 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 02 Décembre 2020, N°19/0892
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Juin 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. SMDC LOGISTIQUE
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Alexandre FAVARO de la SELARL FAVARO AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
CPAM DU GARD DEPARTEMENT DES AFFAIRES JURIDIQUES
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par M. [V] en vertu d'un pouvoir spécial
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 08 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 12 avril 2019, la SAS SMDC Logistique a adressé à la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard une déclaration d'accident du travail concernant son préposé, M. [X] [Y] salarié en qualité de magasinier polyvalent depuis le 22 juillet 2016, accident survenu le 10 avril 2019 à 17h30 et ainsi décrit ' en défilmant une palette, lors d'une opération de réappro, l'intéressé aurait fait tomber une planche de protection sur son pied - pas de douleur immédiate après la chute de l'objet, le salarié a repris la conduite de son chariot, après quelques dizaines de minutes une douleur violente est survenue lui faisant perdre connaissance'. Le certificat médical initial, établi le 15 avril 2019 mentionne ' traumatisme du pied gauche' et indique une date d'accident le 10 avril 2019.
La SAS SMDC Logistique a envoyé la déclaration d'accident de travail en faisant part de ses réserves ' le salarié a décrit son accident, pas de témoin direct de la chute d'objet'.
Par courrier du 26 avril 2019, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard a rejeté les réserves de la société et a notifié la prise en charge de l'accident de travail au titre de la législation professionnelle .
Sur saisine de la SAS SMDC Logistique du 17 juin 2019, la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard, dans sa séance du 25 juillet 2019, a rejeté la demande de la SAS SMDC Logistique.
La SAS SMDC Logistique a contesté cette décision en saisissant le tribunal de grande instance de Nîmes - Contentieux de la protection sociale par requête déposée le 7 octobre 2019.
Par jugement en date du 2 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes - Contentieux de la protection sociale, désormais compétent pour connaître de ce litige, a :
- débouté la SAS SMDC Logistique de l'intégralité de ses demandes,
- confirmé la décision rendue par la commission de recours amiable le 25 juillet 2019,
- dit que l'accident du travail dont été victime M. [X] [Y] le 10 avril 2019 est opposable à la SAS SMDC Logistique,
- rejeté les autres demandes plus amples ou contraires,
- condamné la SAS SMDC Logistique aux entiers dépens.
Par déclaration par voie électronique adressée le 15 février 2021, la SAS SMDC Logistique a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 21 00655, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 28 mars 2013.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la SAS SMDC Logistique demande à la cour de :
- considérer qu'à défaut de qualité légitime et démontrée de l'auteur de la décision querellée, au demeurant non signée, il convient de déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge intervenue,
- considérer que la procédure de reconnaissance n'a pas été menée dans des conditions garantissant les droits de l'employeur,
- considérer qu'en l'état du dossier, il n'existe pas d'éléments suffisants pour reconnaître l'imputabilité de la lésion à un accident du travail, ni initialement au moment de la prise en charge, ni à ce jour pour confirmer ou rétablir cette imputabilité,
Par conséquent,
- réformer le jugement dont appel,
Et statuant à nouveau,
- déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge litigieuse,
- condamner la Caisse à payer à l'employeur la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre d'avoir à supporter les éventuels dépens.
Au soutien de ses demandes, la SAS SMDC Logistique fait valoir que:
- la notification de prise en charge est établie au nom d'une personne désignée comme 'correspondant risques professionnels' dont la Caisse Primaire d'assurance maladie devra justifier de la qualité à agir à ce titre, étant observé que la notification n'est pas stricto sensu signée,
- compte-tenu de ses réserves, la Caisse Primaire d'assurance maladie était tenue de mettre en oeuvre la procédure d'instruction, sans pouvoir se retrancher derrière la notion de réserves non motivées,
- la présomption d'imputabilité ne pouvait jouer puisqu'il n'y a eu aucun témoin des faits, et aucun élément matériel n'est venu confirmer les affirmations de M. [X] [Y],
- la cohérence entre les lésions constatées et les faits décrits par la victime est insuffisante à justifier la prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard demande à la cour de :
- lui décerner acte de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur,
- confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes rendu le 2 décembre 2020,
- rejeter l'ensemble des demandes de la Société SMDC Logistique.
Au soutien de ses demandes, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard fait valoir que:
- en matière de risque professionnel, les articles R 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale précisent que c'est 'la caisse' qui instruit le dossier et notifie la décision, et non son directeur ,
- l'acte est régulier dès que son destinataire est en mesure de connaître l'organisme qui rend la décision et qu'il dispose de la faculté de la contester, ce qui est le cas en l'espèce,
- au surplus, un éventuel défaut de pouvoir n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision concernée,
- aucun texte n'exige qu'une signature soit apposée sur la décision de notification en matière de risque professionnel, au surplus, l'absence de signature est une irrégularité formelle qui ne fait pas grief à l'employeur,
- les réserves visées à l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale ne peuvent porter que sur les éléments de fait se rapportant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause étrangère,
- la seule mention de l'absence de témoin est sans incidence puisque l'employeur n'indique pas que cela est anormal en raison du contexte de travail, qu'il ne remet pas en cause le fait que l'accident soit survenu au temps et au lieu du travail et qu'il n'invoque pas une cause étrangère au travail,
- elle a justement pu en déduire que les réserves de l'employeur n'étaient pas motivées, et par suite, en raison de la compatibilité entre la description des faits et les lésions, elle a pu prendre une décision de prise en charge d'emblée,
- la SAS SMDC Logistique n'apporte aucun élément qui vienne remettre en cause la présomption d'imputabilité.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
- sur la régularité de la décision de la Caisse Primaire d'assurance maladie
Par application des dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable jusqu'au 1er décembre 2019, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.
En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.
Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.
La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.
Le médecin traitant est informé de cette décision.
Il est de jurisprudence constante au visa de cet article que le défaut de pouvoir d'un agent d'une caisse primaire, signataire d'une décision de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident du travail ou le défaut de signature apposé sur une telle décision, ne rendent pas cette décision inopposable à l'employeur, qui conserve la possibilité de contester tant le bien-fondé de la décision que ses modalités de mise en oeuvre au regard des obligations d'information et de motivation incombant à l'organisme social.
La décision du 26 avril 2019 par laquelle la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard a rejeté les réserves de la société et a notifié la prise en charge de l'accident subi le 10 avril 2019 par M. [X] [Y] au titre de la législation professionnelle mentionne les références de l'accident, l'identité de l'organisme social, l'identité du 'correspondant risque professionnel' en charge du suivi du dossier, et les voies de recours.
En conséquence, cette décision n'est entachée d'aucune irrégularité formelle.
- sur la nécessité de procéder à une enquête administrative
L'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que :
I. - La déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur.
Lorsque la déclaration de l'accident en application du deuxième alinéa de l'article L. 441-2 n'émane pas de l'employeur, la victime adresse à la caisse la déclaration de l'accident. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.
En cas de rechute d'un accident du travail, le double de la demande de reconnaissance de la rechute de l'accident du travail déposé par la victime est envoyé par la caisse primaire à l'employeur qui a déclaré l'accident dont la rechute est la conséquence par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut alors émettre des réserves motivées.
II. - La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.
III. - En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.
Constituent des réserves motivées de la part de l'employeur, au sens des dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail
En cas de réserves motivées émises par l'employeur, la caisse est tenue d'adresser à l'employeur et à la victime un questionnaire ou de procéder à une enquête auprès des intéressés. La caisse doit ensuite, préalablement à sa décision, assurer l'information de l'employeur, à peine d'inopposabilité de la prise en charge.
L'appréciation de l'existence de réserves motivées relève du pouvoir d'appréciation des juges du fond.
En l'espèce, la déclaration d'accident du travail, établie par l'employeur le 12 avril 2019 mentionne que :
- l'accident est survenu le 10 avril 2019 à 17h30 et a été connu de ses préposés le même jour à 17h40,
- la première personne avisée est M. [S] [O],
- en défilmant une palette, lors d'une opération de réappro, l'intéressé aurait fait tomber une planche de protection sur son pied,
- éventuelles réserves motivées : le salarié a décrit son accident, par de témoin direct de la chute d'objet.
Le certificat médical initial, établi le 15 avril 2019 mentionne un 'traumatisme pied gauche' pour un accident du travail survenu le 10 avril 2019.
De fait, l'employeur a formulé des réserves sur les circonstances de l'accident puisqu'il précise dans la déclaration d'accident du travail que l'accident est décrit par le salarié, qu'il n'existe pas de témoin de la chute d'objet sur le pied et les circonstances de l'accident sont rédigées au conditionnel. Par ailleurs, le certificat médical initial a été établi 5 jours après la date de l'accident décrit par le salarié.
Si le salarié invoque un fait lésionnel intervenu au temps et au lieu du travail, l'employeur a formulé des réserves sur les circonstances de l'accident, qu'il convient d'apprécier en tant que telles mais également au regard de la date du certificat médical initial.
Ainsi, les réserves formulées par l'employeur auraient dues être considérées par l'organisme social comme étant des réserves motivées et une enquête administrative aurait dû être diligentée avant que soit rendue la décision sur le refus ou la prise en charge de l'accident au titre de la législation relative aux risques professionnels.
En conséquence, la décision de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de l'accident du 10 avril 2019 subi par M. [X] [Y] est inopposable à son employeur, la SAS SMDC Logistique .
La décision déférée sera infirmée en ce sens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale, par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 2 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes - Contentieux de la protection sociale,
et statuant à nouveau,
Déclare inopposable à l'égard de la SAS SMDC Logistique la décision de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de l'accident survenu à M. [X] [Y] le 10 avril 2019,
Juge n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,