RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01093 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H7MV
MS/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE D'ANNONAY
24 février 2021
RG :19/00040
[I]
C/
Société TRANSDEV [Localité 3] NSIONS S.T.A.D.E.
Grosse délivrée le 06 JUIN 2023 à :
- Me
- Me
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 06 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ANNONAY en date du 24 Février 2021, N°19/00040
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Juin 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [K] [I]
né le 04 Juin 1974 à [Localité 2] (ALGERIE)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Nathalie DE ROECK, avocat au barreau d'ARDECHE
INTIMÉE :
Société TRANSDEV [Localité 3]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Alexandre DE PLATER de la SELASU PDPAVOCAT, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Février 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [K] [I] a été engagé par la SAS Transports d'[Localité 3] Davezieux et Extensions (STADE) à compter du 30 août 2004 suivant contrat de travail à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté au 13 janvier 2003, en qualité de conducteur receveur.
Après convocation par lettre recommandée du 20 juin 2018 à un entretien préalable prévu le 29 juin 2018 et reporté par lettre recommandée du même jour au 6 juillet 2018, M. [I] était licencié pour faute grave par lettre recommandée du 1er août 2018, aux motifs suivants :
' (...) Nous vous avons rappelé au cours de l'entretien les faits qui vous sont reprochés:
- Le 6 juillet 2017, vous avez remis à l'entreprise un chèque n°3365224 sur le Crédit Agricole Centre-Est, d'un montant de 300 euros, en règlement des recettes de vente de billets que vous aviez encaissées dans le cadre de l'exercice de votre emploi de conducteur-receveur.
- Lorsque ce chèque a été présenté à l'encaissement par l'entreprise, la banque l'a rejeté pour 'défaut ou insuffisance de provision'
- Vous avez été informé de cette situation par votre hiérarchie et vous nous avez demandé de le représenter.
- Le 15 septembre 2017, une nouvelle attestation de rejet nous était remise pour le même motif par la banque.
- Votre situation ne se régularisant pas, nous vous avons adressé le 9 novembre 2017 un courrier recommandé avec accusé de réception, en vous demandant de régulariser votre situation sous 10 jours.
- Vous n'avez pas retiré ce courrier, et nous vous avons donc adressé une copie par lettre simple en date du 28 novembre 2017 afin que vous en preniez connaissance.
- Malgré cela, vous n'avez tenu aucun compte de nos demandes répétées de régularisation de votre situation.
- Lors d'une nouvelle présentation du chèque, la banque nous a adressé une attestation de rejet portant la mention 'chèque émis au mépris d'une injonction adressée en application de l'article L131-73 du code monétaire et financier'
- Par courrier recommandé du 18 janvier 2018, nous vous mettions en demeure de procéder au règlement de la somme de 300 euros due à l'entreprise. Vous avez réceptionné ce courrier et n'avez à nouveau pas régularisé votre situation.
- De notre côté, et compte-tenu de votre absence pour congé de formation de début octobre 2017 à fin janvier 2018, nous n'avions pas d'autre moyen que de vous relancer par courrier.
- Malgré les nombreux rappels effectués ensuite par votre hiérarchie à votre retour de congé de formation cette situation n'a pas évolué.
- D'autre part, vous n'avez pas versé l'intégralité des recettes encaissées pour le compte de l'entreprise dans le cadre de l'exercice de votre emploi de conducteur-receveur
- Vous restez nous devoir, en complément du chèque impayé de 300 euros, les sommes suivantes :
* 24,90 euros au titre des recettes du 19 juin au 27 septembre 2017
* 23,40 euros au titre des recettes de février 2018
* 36,40 euros au titre des recettes de mars 2018
* 46,80 euros au titre des recettes de avril 2018
* 271,70 euros au titre des recettes de mai 2018
* 115,70 euros au titre des recettes de juin 2018
Soit une somme de 518,70 euros en complément des 300 euros impayés.
- Enfin, aux termes d'une réclamation reçue de la communauté d'agglomération d'[Localité 3], vous avez été de nouveau surpris en train de téléphoner au volant le 14 juin 2018 à deux reprises entre 10h30 et 10h40 sur la commune de [Localité 4], par une personne du service des transports de la collectivité.
Lors de l'entretien, vous avez minimisé les faits indiquant seulement 'je vais pas disparaître', sans montrer aucun regret sur la détérioration de cette situation et le non versement de recettes appartenant à l'entreprise, dont vous connaissez l'obligation de les reverser régulièrement.
Sur le sujet des recettes dues, vous avez simplement reconnu avoir 'laissé la situation se dégrader'. Vous avez également reconnu avoir fermé le compte bancaire sur lequel le chèque de 300 euros avait été émis.
Vous ne vous êtes donc pas soucié que cette dette à l'égard de l'entreprise ne soit pas soldée et n'avez entrepris aucune action afin de régulariser votre situation malgré les nombreux rappels verbaux et écrits qui vous ont été faits durant cette période.
Ces faits sont constitutifs d'un manquement grave de détournement de recettes dans le cadre de votre emploi de conducteur-receveur.
Concernant l'usage du téléphone au volant, vous nous avez notamment indiqué pour votre défense : 'j'utilise mon téléphone pour appeler mon cousin ou l'exploitation, si j'ai répondu c'est que je devais répondre'.
Nous vous avons rappelé que selon l'article R412-6-1 du code de la route, l'usage d'un téléphone tenu en main par le conducteur d'un véhicule en circulation est interdit, et constitue une infraction sanctionnée par une amende de 135 euros et un retrait de 3 points sur le permis de conduire.
Vous avez finalement admis que vous n'auriez pas dû utiliser votre téléphone en conduisant.
Votre défenseur a par ailleurs convenu que vous aviez assez de temps d'arrêt en bout de ligne ou à la gare routière pour passer vos appels personnels à ce moment-là.
Ces faits sont également constitutifs de manquements graves et répétés à vos obligations.
Il ne s'agit en effet malheureusement pas de faits isolés.
Par courrier recommandé du 23 avril 2018, vous avez déjà été sanctionné de quinze jours de suspension sans solde suite à un préjudice très important pour l'entreprise quant à la vente de titres de transport à bord de votre autobus, sans que nous ayons pu déterminer exactement s'il s'agissait de détournement de recettes ou de délivrance frauduleuse de tickets.
Concernant l'usage du téléphone au volant, vous avez déjà été sanctionné à trois reprises par un avertissement notifié par courrier recommandé du 1er décembre 2015, par une mise en garde notifiée par courrier recommandé du 18 janvier 2016 ainsi que par un blâme notifié par courrier du 10 janvier 2017.
Vous avez en outre fait l'objet de nombreux rappels verbaux à ce sujet de la part de votre hiérarchie. Malgré cela, vous continuez à utiliser votre téléphone en conduisant, pour des conversations personnelles, alors même que votre véhicule dispose d'un système d'appel mains libres si vous avez besoin de joindre l'exploitation.
Les explications que vous avez fournies lors de l'entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation sur le caractère fautif des faits qui vous sont reprochés.
Depuis le déroulement de l'entretien préalable, vous êtes en arrêt de travail pour maladie.
Vous vous étiez engagé lors de l'entretien à procéder au règlement de l'ensemble des sommes dues à l'entreprise avant le 31 juillet 2018.
Vous n'avez pas respecté cet engagement démontrant ainsi une nouvelle fois votre désinvolture.
Aux sommes précédemment indiquées, il convient donc de rajouter un montant de 74,10 euros correspondant aux recettes que vous avez encaissées entre le 2 et le 13 juillet 2018, avant votre arrêt maladie.
Votre dette à l'égard de l'entreprise se monte donc à 892,80 euros.
Ainsi que cela vous a déjà été notifié lors d'une procédure précédente par courrier recommandé du 11 avril 2018, les dispositions de la convention collective des transports urbains relatives au conseil de discipline ne peuvent pas être mises en place au sein de l'entreprise en raison de nos effectifs.
Par conséquent, et conformément à l'article 51, alinéa I-4 de la CCN, la décision de sanction appartient directement au directeur du réseau.
Devant la gravité des faits qui vous sont reprochés, et leur caractère répétitif compte-tenu des sanctions déjà prononcées à votre égard, je suis au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave (ou révocation prévue par l'article 49 de la CCNTU). (...)'.
Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 3 juillet 2019, M. [I] saisissait le conseil de prud'hommes d'Annonay aux fins de solliciter sa réintégration au sein de la société Transports d'[Localité 3] Davezieux et Extensions et la condamnation de cette dernière à lui verser diverses sommes indemnitaires.
Par jugement de départage du 24 février 2021, le conseil de prud'hommes d'Annonay a :
- débouté M. [K] [I] de toutes ses prétentions,
- débouté la SAS Transdev d'[Localité 3] de ses réclamations reconventionnelles y compris l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les entiers dépens de l'instance à la charge de M. [K] [I].
Par acte du 17 mars 2021, M. [K] [I] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 01 juillet 2021, M. [K] [I] demande à la cour de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
Et ce faisant,
- le recevoir en ses demandes et les déclarer bien fondées.
- enjoindre à la société Transports d'[Localité 3] Davezieux et Extensions de produire les pièces correspondantes aux ventes de billets et au remboursement des recettes par lui au cours des cinq dernières années.
- dire son licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse
- condamner la société Transports d'[Localité 3] Davezieux et Extensions à lui payer la somme de 946,55 euros au titre de la suspension abusive du contrat de travail du 9 au 20 avril 2018
- condamner la société Transports d'[Localité 3] Davezieux et Extensions à lui payer les sommes suivantes :
* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 26.029 euros nets
* indemnité de licenciement : 6.443 euros nets
* indemnité compensatrice de préavis : 3.682 euros euros bruts, outre 368,20 euros bruts au titre des congés payés afférents
* remboursement période de suspension abusive du contrat de travail du 9 au 23 avril 2018 : 946,55 euros bruts, outre 94,65 euros bruts au titre des congés payés afférents
* indemnité de dommages et intérêts pour préjudice moral et harcèlement moral : 10.000 euros
- la condamner à lui payer la somme de 2.400,00 euros nets sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel,
- prononcer l'exécution provisoire.
Il soutient que :
- sur le licenciement
- il lui est reproché :
Un détournement de recettes dans le cadre de l'emploi de conducteur-receveur,
L'usage d'un téléphone tenu en main par le conducteur
- le 2 août 2018, il remettra au responsable d'exploitation la somme de 761,50 euros, comprenant la somme de 461,50 euros pour la période du 1er mai au 14 juillet 2018, remise par l'employeur.
Il ne s'agit donc nullement de faits de détournement de recettes puisqu'il n'a jamais eu l'intention de conserver le produit des ventes de billets,
- il appartenait à l'employeur de prévoir des dispositions relatives à l'origine des fonds de caisse et leur utilisation, ainsi que les modalités de paiement de la recette provenant de la vente des billets, notamment la date et le moyen de règlement,
- le défaut d'organisation interne quant à l'utilisation des fonds de caisse constitue un manquement de l'employeur,
- le 14 juin 2018, il n'a pas utilisé son téléphone portable, tel qu'il est possible de le constater par la lecture du relevé de ses communications,
- un kit main libre est installé dans le bus qui permet de téléphoner à l'exploitation,
- il conteste avoir tenu le téléphone en main.
En l'état de ses dernières écritures en date du 06 août 2021, contenant appel incident, la SAS Trandev d'[Localité 3] demande à la cour de :
- recevoir M. [K] [I] en son appel,
- l'y déclarant mal fondé,
- débouter M. [K] [I] de ses prétentions formées dans le cadre de l'appel qu'il a interjeté à l'encontre du jugement de départage rendu le 24 février 2021 par le conseil de prud'hommes d'Annonay ;
- confirmer le jugement de départage rendu le 24 février 2021 par le conseil de prud'hommes d'Annonay en ce qu'il a débouté M. [K] [I] de l'intégralité de ses prétentions et a laissé à la charge de ce dernier les entiers dépens de l'instance ;
- dire et juger recevable et bien fondé son appel incident à l'encontre du jugement de départage rendu le 24 février 2021 par le conseil de prud'hommes d'Annonay ;
En conséquence,
- infirmer le jugement de départage rendu le 24 février 2021 par le conseil de prud'hommes d'Annonay en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle ;
Et, statuant à nouveau,
- condamner M. [K] [I] à lui verser la somme de 81,30 euros au titre des recettes restant à être restituées ;
En tout état de cause,
- condamner M. [K] [I] à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [K] [I] à prendre à sa charge les entiers dépens de la présente instance jusqu'en cause d'appel.
Elle fait valoir que :
- la réalité des détournements est démontrée par le rapport d'enquête établi par les agents assermentés de la société Service Contrôle Analyse du Transport,
- l'appelant ne prouve aucunement que les salariés de la société seraient contraints d'avancer la monnaie destinée aux usagers,
- M. [I] a reconnu dans son courrier du 17 août 2018, qu'il restait à restituer à la société la somme de 1061,50 euros d'argent de caisse,
- l'appelant n'a procédé à un versement partiel qu'après la notification de son licenciement,
- elle produit le courriel reçu le 20 juin 2018 de M.[J] [C], Directeur Transports et Mobilité [Localité 3] Rhône Agglomération, attestant bien avoir « constaté à deux reprises à l'arrêt [Localité 4] Mairie entre 10h30 et 10h40 en montée et en descente jeudi 14 juin 2018 que le conducteur de la ligne 3 téléphonait ou manipulait son smartphone »,
- M. [I] a déjà été sanctionné à trois reprises pour usage de téléphone au volant.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 29 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 23 février 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 09 mars 2023.
MOTIFS
Sur le licenciement
La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.
La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté.
La prise en compte d'un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir pour fonder la lettre de licenciement si le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.
M. [I] a été licencié pour deux motifs qu'il convient d'examiner :
Un détournement de recettes dans le cadre de l'emploi de conducteur-receveur
M. [I] a été embauché en qualité de conducteur receveur, fonction définie
à l'annexe III à la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 comme celui d'un « Agent des lignes ou services réguliers assurant, seul à bord du véhicule autobus ou trolleybus, à la fois la conduite et la recette (quel que soit le mode de perception utilisé) ou la vérification de certains titres de transport.»
Ce faisant, il appartient à l'agent de restituer à l'employeur la recette du jour.
Il résulte du courrier de contestation du licenciement de M. [I] du 17 août 2018 que ce dernier ne conteste aucunement ne pas avoir remis les recettes litigieuses à son employeur dans la mesure où il indique être passé au bureau les 17, 23 et 31 juillet 2018, où il n'aurait trouvé personne, puis le 2 août 2018, date à laquelle il a posé un chèque de 761,50 euros et 300 euros en espèces à M. [O] [R], responsable d'exploitation.
Cependant, l'impayé date du mois de juillet 2017, le chèque remis par le salarié à son employeur le 6 du mois ayant été rejeté pour défaut ou insuffisance de provision, l'employeur demandant ainsi à M. [I] de régulariser dans un délai de 10 jours à réception du courrier du 9 novembre 2017 à lui adressé par la voie recommandée avec accusé de réception, lequel ne sera pas retiré par le salarié.
Un nouveau courrier sera adressé au salarié en recommandé avec accusé de réception le 18 janvier 2018 par lequel l'employeur le met en demeure de régulariser dès réception, en vain.
La seule réponse de M. [I] interviendra le 13 mars 2018 pour faire part d'un changement de coordonnées bancaires, sans pour autant procéder au paiement litigieux.
En outre, le paiement réalisé par le salarié le 2 août 2018, soit postérieurement à l'entretien préalable et à l'envoi de la lettre de rupture, est incomplet ainsi qu'il résulte de l'attestation du responsable comptabilité client de l'entreprise, puisqu'il reste un solde dû de 81,30 euros.
Le salarié ne conteste pas les éléments repris ci-dessus mais tente d'engager la responsabilité de l'employeur en invoquant une absence de disposition en matière de recettes, ajoutant que les conducteurs sont obligés de prévoir la monnaie avec leurs propres deniers, allégations non démontrées.
Les premiers juges ont ainsi justement relevé que ce manquement de plus de 12 mois de nature financière entraîne une altération du lien de confiance au regard de la fonction exercée et constitue une faute justifiant la rupture du contrat de travail.
Il s'agit en effet d'un comportement inadmissible, alors que M. [I] avait déjà fait l'objet de sanctions disciplinaires non contestées judiciairement pour 'délivrance frauduleuse de tickets' après un rapport d'enquête du 5 avril 2018, justifiant à lui seul la rupture immédiate du contrat de travail.
L'usage d'un téléphone tenu en main par le conducteur
L'employeur produit le courriel reçu le 20 juin 2018 de M. [J] [C], Directeur Transports et Mobilité [Localité 3] Rhône Agglo, ainsi libellé :
« Bonsoir [Y],
J'ai constaté à deux reprises à l'arrêt [Localité 4] Mairie entre 10h30 et 10h40 en montée et en descente jeudi 14 juin 2018 que le conducteur de la ligne 3 téléphonait ou manipulait son smartphone.
On ne peut tolérer ce type de comportement sur le réseau. L'image du réseau Babus est écornée par ce type d'incivilité.
Bien cordialement ».
M. [I] conteste avoir téléphoné le 14 juin 2018 et produit pour en justifier le relevé de ses appels téléphoniques sur la journée concernée, aucun appel apparaissant.
Pour autant, M. [C] indique que M. [I] téléphonait ou manipulait son téléphone, la simple manipulation ne laissant aucune trace.
De plus, aucun élément du dossier de l'appelant permet de mettre en doute la véracité des déclarations de M. [C], partie tiers au contrat de travail.
Ce grief est dès lors établi.
La réitération d'un comportement inadapté et la multiplication des fautes commises par le salarié dans l'exécution de ses missions justifient la rupture immédiate de son contrat de travail, privative des indemnités de rupture.
Il résulte de l'ensemble des explications développées supra que le licenciement pour faute grave de M. [I] est justifié, entraînant la confirmation du jugement déféré.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et harcèlement moral
M. [I] sollicite la somme de 10.000 euros à ce titre mais sans apporter la moindre argumentation dans les motifs de ses écritures de sorte qu'il ne pourra qu'en être débouté par confirmation du jugement entrepris.
Sur la responsabilité pécuniaire de M. [I]
En application de l'article L 1222-1 du code du travail: 'Le contrat de travail est exécuté de bonne foi'.
Le contrat de travail devant être exécuté de bonne foi, le salarié est tenu à une obligation de loyauté qui lui interdit de se livrer à des agissements préjudiciables aux intérêts de l'entreprise.
En effet, la preuve est rapportée que le salarié a manqué, à plusieurs reprises, à son obligation inhérente à son activité de conducteur receveur de restituer à son employeur l'intégralité des sommes remises par les clients de l'entreprise.
L'employeur démontre ainsi qu'il lui reste dû une somme de81,30 euros au titre des recettes restant à être restituées, par la production d'un relevé de billétique des recettes restant dues, avec un décompte final, et une attestation de Mme [M] [Z], responsable comptabilité clients, la somme réclamée n'étant, au demeurant, pas contestée par le salarié.
Il convient dans ces circonstances de réformer le jugement entrepris de ce chef et de condamner M. [I] au paiement de la somme de 81,30 euros.
Sur les demandes accessoires
Il sera inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens, lesquels seront supportés par M. [I].
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 24 février 2021 par le conseil de prud'hommes d'Annonay sauf en ce qu'il a débouté la SAS Transdev [Localité 3] de sa demande reconventionnelle au titre des recettes restant dues,
ET statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne M. [K] [I] à payer à la SAS Transdev [Localité 3] la somme de 81,30 euros au titre du solde de recettes restant dues par le salarié,
Condamne M. [K] [I] à payer à la SAS Transdev [Localité 3] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [K] [I] aux dépens d'appel,
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,